𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟏










𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄  1 1























            SI JE N’ETAIS pas aussi inquiète, la flame de ma fureur brûlerait sans aucun doute les tapisseries couvrant les murs. Celles-ci préservent la chaleur, nous empêchant de craindre le froid de la nuit naissante.

            Le salon du duc est vaste, garni de décorations plutôt élégantes. Au fond d’une haute cheminée en obsidienne s’élève un feu encadré de quelques fauteuils. Mais les servantes m’invitent à prendre place à la longue table de marbre noir sous mes yeux. Celle-ci, régulièrement ponctué de chandeliers, pourrait sans nul doute accueillir une quinzaine de personnes. Or seuls deux couverts sont posés sur la table.

            Je déglutis péniblement. Je vais de toute évidence devoir manger seule en compagnie de cet homme. Un homme qui sait que je suis une sephtis.

— Le maitre arrivera d’un instant à l’autre, déclare une servante en posant quelques pichets de vin sur la table.

— Un maitre ? je répète en fronçant les sourcils.

            Elle ne répond pas. Je commence à m’y habituer.

            Après ma conversation plutôt… préoccupante avec le duc, je me suis laissée faire. Sans doute par crainte, j’ai passé la toilette verte qu’elle m’a présentée avant de la laisser me maquiller. Pendant ce temps, j’ai tout de même tenté de lui tirer les vers du nez en la questionnant sur l’endroit où se trouvait Ménélas.

            Mais elle s’est contentée de rester silencieuse.

— Je vois que vous avez enfin accepté de vous faire décente.

            L’envie de l’insulter me prend. Mais je n’oublie pas qu’il peut tenter de me renvoyer sur Pagsy, là où se trouvent les sephtis, parqués ensemble. Je ne tiens pas particulièrement à vivre à nouveau sur cette île de malheur.

            Je me contente donc de ne pas le regarder, frissonnant lorsqu’il passe dans mon dos avant de s’assoir à ma droite, en bout de table.

— Vous êtes bien silencieuse, soudainement… J’espère que notre discussion dans la bibliothèque ne vous a pas ravie cette répartie dont vous avez le secret.

— Loin de là, je mens, ne voulant non plus avouer ma faiblesse.

            Je le regarde enfin et remarque le sourcil qu’il hausse en ma direction. Un léger sourire incurve ses lèvres barrées d’une cicatrice.

— Quelque chose me dit que vous n’êtes pas tout à fait honnête, insiste-t-il. Je m’en voudrais que vous vous taisiez par simple peur.

— La plupart des gens se taisent pourtant à cause de cela. Surtout face à vous.

— Je préfère me dire qu’ils le font par respect.

            Qu’il est bon de rêver…, je n’ose dire à voix haute.

            Une femme dépose un large plat sur la table avant de s’incliner. Là, un homme vient soulever le couvercle de la marmite et commence à nous servir.

            Les sourcils froncés, je l’observe.

— Vous semblez surprise par la vision de Nestor, fait remarquer le duc. Mon majordome est pourtant quelqu’un de tout à fait respectable.

— Je n’en doute pas ! je me défends aussitôt tandis que l’homme d’une soixantaine d’années m’offre un sourire sympathique. Je ne pensais juste pas… Enfin, les nobles ont tendance à…

— A employer des elfes, des gnomes, des trolls et autres créatures ? Qui vous dit que cet homme n’est pas un sephtis, comme vous ?

            Je me fige. Mon cœur se serre quand, dès que le dénommé Nestor entend les mots « comme vous », son sourire retombe et il pince les lèvres.

            Sous mes yeux, il saisit mon assiette qu’il revide dans la marmite. Hébétée, je le vois disparaitre derrière une porte et revenir avec une gamelle de métal pour canidé qu’il dépose à côté de moi, sur le sol.

— Navré, monsieur, lance-t-il en se courbant en avant. J’avais placé un couvert pour la da… Pour ceci mais je ne savais pas de quoi il s’agissait. Mais plus plates excuses, mon erreur est impardonnable. J’aurais dû savoir. Milles excuses, monsieur le duc.

            Là-dessus, il se redresse. Puis, marchant jusqu’à moi, se plante à mes côtés. Je le regarde faire, hébétée. Ne me voyant pas réagir, il s’impatiente.

— Allons, sephtis. Descends de la chaise. Tu ne peux pas manger à la table d…

— Je ne vous ai pas autorisé à me tutoyer, je gronde.

            Il éclate d’un rire sec. Sa mine pincée me donne envie d’asséner une gifle magistrale sur sa joue flasque.

— Une sephtis souhaite m’autoriser à la tutoyer ? Crois-tu que j’attende l’autorisation des chiens de monsieur avant de les nettoyer ?

            Ma mâchoire se contracte. Mon regard est dur.

— Tu ne peux pas manger la même nourriture que monsieur et encore moins à la même table q…

            Sa phrase meurt dans sa gorge quand, saisissant la louche de cristal avec laquelle il a servi le duc, je la plonge dans la marmite et la porte directement à ma bouche, avalant une énorme bouchée. Celle-ci est si conséquente que je peine d’abord à macher, luttant pour ne pas ouvrir la bouche.

            Je finis par déglutir péniblement et essuyer ma bouche à l’aide de la serviette posée sur la table. Puis me tournant vers le majordome qui me fixe, les yeux écarquillés, je crache :

— Je me passe de vos considérations.

            Là-dessus, l’homme ouvre la bouche, prêt à rétorquer. Mais son regard se pose sur le duc, derrière moi, et ce dernier doit lui faire signe car il s’incline et quitte la pièce. Je me retrouve seule avec Fushiguro.

            Ses yeux émeraudes sont figés sur moi, tétanisants. Aussitôt, il me semble que la terreur qui s’est dissipée en moi face aux propos du majordome revient.

— Etrange… Vous étiez terrifiée en vous asseyant à cette table et il a suffi de quelques paroles pour vous plonger dans une colère redoutable.

— Je suis consciente que si mes clients apprennent que je suis une sephtis, ils me lyncheront. Et je sais aussi qu’à la moindre frustration, vous me renverrez à Pagsy, bien que la reine soit censée être la seule capable de faire cela. Mais cela ne veut pas dire que…

            Ma voix meurt dans ma gorge. J’évite son regard déstabilisant, fixant la place vide ou devrait se trouver l’assiette, devant moi.

— J’ai déjà renié les miens en omettant de dire que je suis une sephtis. Je ne vais pas en plus les laisser se faire insulter. Je… Je ne suis plus digne d’eux mais je me dois de conserver un certain respect à leur égard.

— Même si vous savez que je pourrais prendre la mouche face à ce que vous venez de faire à ma nourriture et vous renvoyez directement sur Pagsy ? demande-t-il.

            J’acquiesce, la gorge soudain sèche. Le pire est sans nul doute que ce n’était pas impulsif. Je savais ce que j’encourais en agissant de la sorte et si c’était à refaire, je le referais.

            Défendre leur nom, même si je nie qu’il soit aussi le mien, est le minimum que je puisse faire. Surtout lorsque j’ose prier Héra. Elle n’est pas seulement la reine du mariage, mais aussi de la fidélité.

            Et je ne lui ai pas fait honneur, ces dernières années.

— Alors…, je demande au bout d’un moment, voyant qu’il a recommencé à manger. Que comptez-vous faire ?

            Il hausse un sourcil en ma direction, machant avant d’avaler. Puis, levant les yeux au ciel, il pousse un soupir.

— Je vous en prie, cela fait des années que l’argent des impôts financent toute sorte d’infrastructures sauf les rénovations des temples. Je ne suis pas ce qu’on appelle un bon croyant.

— Cela n’empêche pas certains de nous haïr…, je fais remarquer.

            Il secoue la tête de droite à gauche.

— Les gens qui croient réellement que les sephtis sont maudits par les dieux les fuient car ils ont peur. Ceux qui vous haïssent se cachent derrière leur culte.

            Je ne suis pas sûre de saisir où il veut en venir. Il doit le comprendre car il finit par déclarer :

— Je ne pense pas que vous soyez maudite parce que vos pouvoirs ne se sont pas manifestés.

            Mes yeux s’écarquillent. De toure mon existence, jamais je n’avais entendu de telles paroles.

— Vous m’avez pourtant dit tout à l’heure que les dieux ne protégeaient pas les sephtis.

— Parce que les dieux ne protègent personne à part eux-mêmes.

            Je comprends mieux ce qu’il entendait par « je ne suis pas ce qu’on appelle un bon croyant ». Je ne songe même pas à m’indigner du fait que blasphémer en présence d’une druide est de la pure provocation et qu’il cherche simplement à me mettre en colère.

            A vrai dire, je suis encore hébétée par ses paroles. Jamais je n’aurais cru quiconque — et encore moins un seigneur — capable d’affirmer que les sephtis valaient autant que les autres.

— Non, reprend-t-il, vous n’êtes pas maudite. Vous êtes décérébrée, de toute évidence, mais pas maudite.

            Ma mâchoire se serre. Tout cela était trop beau pour être vrai. Il ne me laisse pas le temps de m’indigner.

— Puis-je vous poser une question ?

— Allez-y.

— Pourquoi ?

            Mes sourcils se haussent.

— Essayez d’être encore moins clair, j’ai presque compris ce que vous vouliez dire, je raille.

            Il ne réagit même pas à mon sarcasme.

— Votre dévotion aux dieux, explique-t-il. Ne savez-vous pas ce qu’il s’est passé, il y a dix ans ? Ce que la prêtresse Lycus a fait à votre peuple ? Croyez-moi, c’était un véritable carn…

— Je n’ai pas besoin d’y croire. J’y étais.

            Ma réponse est brutale. Un silence tombe dans la salle. Je vois les quelques soldats en armure gardant les portes échanger un regard lourd de sens.

            Alors, m’éclaircissant la gorge, je tâche de changer de sujet :

— Maintenant, pourriez-vous me dire, je vous prie, la raison pour laquelle nous dinons ensemble ? Ou plutôt, pourquoi je vous regarde diner ?

            Il ne répond pas tout de suite, m’observant quelques instants. Ses yeux se perdent dans ses propres pensées mais il finit par lever la main.

            Aussitôt, une femme dépose une assiette devant moi et ramasse la gamelle à mes pieds. Une autre s’avance et me sers avant d’emmener la marmite.

— Je voulais diner avec vous car je m’entretiens souvent autour d’un repas avec mes futurs collaborateurs.

— Collaborateurs ? je répète.

            Il acquiesce.

— Une bête attaque et tue mes sujets. Alors je compte sur vous pour m’aider à la traquer et la tuer.

















voici le onzième chapitre
de cette fanfiction !

t/p ne sait pas si elle veut
être badass ou avoir
peur mdrrr

j'espère que ça vous aura
plu !










Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top