𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝐎
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𝐂 𝐇 𝐀 𝐏 𝐈 𝐓 𝐑 𝐄 1 O
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— VOUS NE comprenez pas ! Vous ne pouvez pas vous présenter à la table du duc, habillée de la sorte !
— Ah oui ? Regardez-moi faire.
Furieuse, je marche à toute vitesse dans les couloirs, mes mains tenant rageusement la robe de lin tâchée afin de m’empêcher de me prendre les pieds dedans. Dans mon dos, trois femmes affublées chacune respectivement de bijoux, maquillages et robes me courent après.
Cela ne fait que quelques minutes qu’une femme habillée élégamment et se présentant comme le lieutenant de l’autre raclure m’a sortie de ma cellule. Cependant je suis déjà prise de l’irrémédiable envie d’administrer quelques monumentales gifles.
— La table du duc n’accueille que des bourgeois ou des nobles, vous ne pouvez pas manger avec lui en étant aussi s…
Brutalement, je cesse de marcher. Aussitôt, elles tentent de s’arrêter mais trébuchent, s’étalant sur le sol. Je repars à nouveau, profitant qu’elles se relèvent péniblement pour prendre de l’avance.
Autour de moi se succèdent des murs habillés de portraits austères, escaliers aux rampes de vois vernis, plafonds moulés et percés de lustre de cristal. Tout en ces lieux respirent la richesse mais aussi l’obscurité.
Ouvrant une porte au hasard, je m’enfonce dans une salle et referme derrière moi. Je crois que je serais prête à atterrir n’importe où, pourvu que ces abruties me laissent en paix.
Ce duc est tout de même particulièrement culotté. Je peine encore à réaliser qu’après m’avoir jetée, telle de la bouse, au fond d’une cellule, il ait envoyé quelqu’un me chercher pour diner. Enfin, ce qui me rend furieuse est le fait qu’il se soit attardé sur l’importance de me pomponner.
Histoire que je ne jure pas trop avec les assiettes de porcelaines et verres de cristal…
— Quel sale…
— Je ne finirais pas cette phrase, si j’étais vous. Je ne suis pas bien réputé pour ma tolérance à l’égard d’autrui.
Haussant un sourcil, je jette un regard au propriétaire de la voix s’étant élevée, non loin. Je ne l’ai entendue qu’une seule fois auparavant mais il me semble que je suis déjà capable de la reconnaitre entre mille autres semblables.
Le duc me montre le dos, debout devant une étagère garnie de livres aux épaisses reliures de cuirs. De différentes teintes, ceux-là remplissent les étagères. Elles montent jusqu’au plafond, couvrent l’intégralité de deux des quatre murs de cette pièce. Celui derrière moi, contenant une porte, n’accueille qu’un tableau et l’autre est percé d’une haute fenêtre laissant voir un jardin gigantesque.
Un instant, j’imagine être dans une bibliothèque. Mais le large bureau de bois posé devant quelques canapés me permet de réaliser qu’il s’agit du lieu où le duc reçoit ses invités les plus prestigieux.
Autant dire qu’il ne s’attendait pas à me voir franchir cette porte.
— Quel sale con, je termine tout de même.
Simplement par refus de me soumettre à sa pathétique menace. Qui croit-t-il être pour s’adresser à moi de la sorte ?
Sa réaction n’est pas immédiate. Il finit de lire son paragraphe et, refermant le livre, se tourne vers moi. Ses yeux smaragdins se plantent dans les miens.
Etrangement, je ne discerne que de l’amusement dans ses prunelles.
— Vous n’avez pas du tout peur de moi, n’est-ce pas ?
— Mes dieux me protègent et même un seul d’entre eux serait capable de réduire un empire à néant. Pensez-vous réellement que je vais craindre l’impact d’un petit homme dans son manoir de pacotille quand l’Olympe peut vous faire payer n’importe lequel de vos affronts ?
Il se tourne entièrement vers moi. Le livre noir toujours figé dans sa main, il laisse filer un faible rire, amusé. Légèrement désarçonnée, je garde cependant la tête haute et me contente de le regarder s’approcher.
Finalement, il se plante devant moi. Le menton levé, je plante mon regard dans les émeraudes brûlantes de son regard et m’efforce d’ignorer les frissons parcourant mon échine en voyant ses pupilles se dilater brutalement.
— Vos dieux ?
Son pouce et son index se referment sur mon menton tandis qu’un rictus amusé tire ses lèvres. Le contact me brûle.
— Parce que vous pensez réellement que les dieux s’intéressent, ne serait-ce qu’un peu, à un petit être de pacotille tel que vous ? rit-t-il.
Ma main se referme brutalement sur son poignet, mais il ne lâche pas mon visage. Au contraire, son sourire s’accentue.
— Espérez que ce soit mes dieux et non moi qui vous rappellent à l’ordre.
— Etes-vous en train de dire que vous êtes plus puissantes que les dieux ? Vos créatures adorées risquent d’en être fort déboussolées. Ne brisez pas leur égo si fragile en usant de vaines paroles, ma douce.
Son index caresse doucement ma joue et je frissonne. Il recule de plusieurs pas, me montrant le dos.
Ce n’est que lorsqu’il ouvre la porte, prêt à sortir, que je reviens à moi.
— Plus puissante ? je l’interpelle. Bien sûre que non.
Il cesse de marcher mais ne se retourne pas.
— Plus instable et furieuse ? Plus apte à accomplir de terribles choses sans une pensée pour ses conséquences ? Plus désireuse de détruire une vie qu’elle aurait pu sauver ?
Un rire franchit mes lèvres. Il me lance un regard par-dessus mon épaule.
— Oh que oui.
Un instant, il m’observe. Un silence bref prend place avant qu’il ne le rompe.
— Nous allons diner, maintenant. Je me dois de m’entretenir avec vous de la femme que vous avez rapportée ici. Je vous déconseille de me provoquer davantage.
— Ne me menacez pas. Je vous rappelle que les druides ne dépendent pas des ducs mais des dieux. Je ne vous dois aucune forme d’obéissance. Et si vous pensez le contraire, vous n’aurez qu’à affronter l’Olympe… Pourquoi croyez-vous que je me permette de vous parler ainsi alors que vous êtes duc ? Je n’ai aucun compte à vous rendre et si vous me punissiez, je sais que mes dieux s’en prendront à vous. Et vous le savez aussi.
Je suis intouchable.
Là, un rire secoue sa poitrine. Non pas un faible gloussement mais un véritable rire. Grave, qu’il lâche en basculant la tête en arrière, visiblement sincèrement amusé.
— Le fait que vous n’ayez pas peur des dieux ne changera rien au fait qu’ils peuvent vous punir et le feront, j’insiste face à sa réaction inattendue.
— Cela n’a rien à voir avec ce que je ressens vis-à-vis des dieux, répond-t-il.
L’un de mes sourcils se hausse.
— Vraiment ? je lâche, outrée. Alors vous devriez savoir qu’ils vous puniront si vous me faites le moindre mal.
Ses yeux se plantent dans les miens. La puissance de son regard me désarçonne mais je ne laisse rien voir.
— Mais vous semblez oublier quelque chose, ma chère druide, susurre-t-il.
— Et de quoi s’agit-t-il ?
Son visage se fait plus sombre quand il répond simplement :
— Les dieux ne protègent pas les sephtis.
Puis, il tourne les talons.
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voici le dixième chapitre
de cette nouvelle fanfiction !
houleux...
j'espère que ça vous aura
plu !
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