14.
— Mika... Est-ce qu'on va mourir ?
Une semaine s'est écoulée depuis le soir où Rachel est arrivée. Une semaine... Je n'ai rien tenté durant tout ce temps. J'aurai espéré que les parents de Ray auraient prévenu la police et qu'on nous aurait retrouvés et fait sortir de là.
Je me sens faible. Nos repas sont toujours composés d'un pauvre morceau de pain et d'un bol de soupe. On ne nous laisse sortir que pour nous rendre aux sanitaires, toujours séparément, et nous passons nos journées dans le noir et la poussière. Je crois être devenu fou. Ray de son côté ne pleure plus. Le peu de parole qu'elle prononce est pour demander si nous allons vraiment nous en sortir. Je ne sais quoi lui répondre dans ces cas. Je pense avoir perdu espoir moi-même.
« On ne viendra jamais nous chercher... »
De plus, le fait d'être ainsi enfermé et si peu nourri me vide de toutes mes forces. Je suis fatigué... Épuisé... Je pense que dans un tel état, même si je le veux sincèrement je ne pourrai pas m'enfuir bien loin avec Ray. S'ajoute à cela le fait qu'elle ne soit jamais très présente dans sa cave, puisqu'elle est souvent amenée à sortir pour répondre à des questions dont elle ne me parle que très brièvement.
Les rayons du soleil déclinent. Dans quelques heures il fera nuit. J'attends le seul moment de joie dans la journée où je peux manger et réduire les terribles maux d'estomac qui me tenaillent. C'est alors que j'entends la petite voix de Ray :
— Merci pour tout, Mika.
— Ray ?
— Je suis désolée pour tous ces problèmes.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ?
— Je vais dormir un peu...
Bon... D'accord.
C'est alors que je prends la décision de partir. Je prépare mon plan. Il faut attendre qu'on nous apporte à manger, je ferais en sorte de l'enfermer dans la cave et Ray et moi on pourra sortir.
Une sournoise pensée me fait me souvenir de la dernière fois que j'ai tenté quelque chose. Secouant énergiquement la tête, je la chasse aussi vite qu'elle est venue. Cette fois, ça marchera ! Il le faut !
Au moment où je m'apprête à tout expliquer à Rachel, j'entends des bruits de pas. Je suis prêt à agir sur un coup de tête, je sais que c'est notre dernière chance. Si j'attends plus longtemps, je ne serai plus en mesure de faire quoi que ce soit.
La porte s'ouvre dans un grincement. Mais ce n'est pas la mienne. C'est celle de Rachel. J'entends l'homme s'avancer pour emmener comme à l'accoutumée la fillette.
— Mika... Je...
— Ne t'en fais pas, Ray, je t'attends. Tout va bien.
Les minutes passent, puis les heures. Je ne dors pas, j'attends le retour de Ray. Elle n'est toujours pas là... Même quand on vient m'apporter à manger...
〤
Bientôt, les rayons rosés du matin viennent me réveiller. J'ai dû m'assoupir un instant. Je me précipite contre le mur.
— Ray ?
Je colle une oreille contre la surface rêche.
— Tu es là ?
Pas de réponse.
Mon cœur commence à s'emballer. Puis je me dis qu'elle doit simplement dormir. Je ne sais pas à quelle heure elle a pu revenir. Je décide d'attendre un moment avant de l'appeler de nouveau. Toujours pas de réponse. Elle doit dormir.
Je m'allonge. Je dois économiser un maximum de mes forces pour ce qui va suivre. Je décide de me reposer encore un peu.
〤
Quand je me réveille, la journée semble déjà être bien avancée. Un bruit de moteur se fait entendre, comme la dernière fois, mais je n'y prête pas plus d'attention. Ray doit sûrement avoir été réveillée par ce bruit, elle aussi. Je l'appelle plusieurs fois, mais la seule réponse que je reçois est ce silence, glaçant.
— C'est pas normal...
Ma respiration devient saccadée. Pourquoi ne me répond-elle pas ? Est-elle seulement revenue depuis son départ ? Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai le sentiment qu'il lui est arrivé quelque chose. Quelque chose, de grave...
Je me redresse rapidement et me rue vers la porte. Je lui donne des coups de coudes et de pieds mais rien n'y fait. Elle reste toujours obstinément close. Je prends mon élan et m'écrase violemment contre elle. Une fois, deux fois, trois fois. Toujours rien.
Mon épaule endolorie, je pousse un cri de frustration et de rage en m'ébouriffant nerveusement les cheveux des deux mains. Je m'acharne alors sur la porte à coups de poings, de pieds, de coudes, d'épaules. Je crie, je hurle comme un dément. Je tente d'arracher les gonds mais rien n'y fait. Fermée. Rien. Jusqu'à ce que j'entende, à mon grand étonnement, des bruits de pas précipités. Ils proviennent de ma droite. Ils se dirigent vers moi. Je me saisis du bol resté vide, en guise d'arme. Cette fois, je suis prêt à frapper et ce, peu importe qui passera le pas de cette porte.
Je vois la lumière du couloir s'insinuer en-dessous de cette dernière. Une ombre s'arrête devant, et le battant commence à s'ouvrir. Je fonce tout droit vers lui avant même qu'il ne soit complètement ouvert. L'homme qui se trouvait derrière est brutalement projeté contre le mur. Je le reconnais, c'est l'homme qui tapait sur son clavier la première fois que je suis monté à l'étage.
Je sors de la cave en trombe et me précipite vers celle d'à côté. Devant, je constate tout de suite une chose qui cloche. La porte est grande ouverte.
— Rachel ! je crie.
Mais c'est inutile, je n'ai pas besoin de m'enfoncer plus loin pour me rendre compte qu'elle n'est pas là. Je reste un moment, le regard vide.
« Où est-elle ? »
L'homme se redresse avec difficulté et j'ai juste le temps de le voir se ruer vers moi, bras en avant. Je lève le bol et, dans un geste rapide, le fracasse sur son crâne. Le choc est si violent que le bol se brise et le front de l'homme, profondément entaillé, dégouline de sang. Il louche un instant sur la plaie pronfonde en haut de son crâne. Ses lunettes ont volé pour venir se casser en touchant le sol. Je relève la tête, il a les yeux injectés de sang quand il tente une seconde fois de se jeter sur moi. Je parviens à esquiver son assaut et il trébuche dans la cave de Ray. D'un geste violent, je referme la porte avant qu'il ne puisse se relever à nouveau.
Je jette un regard vers la cave fermée et cours vers l'escalier. Je grimpe les marches quatre à quatre et j'arrive enfin devant la trappe. Je la pousse. Rien. Je frappe dessus avec mes poings. Bloquée. Mon souffle est entrecoupé et mon sang pulse dans mes veines. Je tente de la soulever de mes deux mains. Je pousse, pousse de toutes mes forces, mais rien n'y fait. Elle est fermée.
« Je ne peux pas rester ici ! Je dois trouver un autre moyen ! »
Je décide de revenir sur mes pas. Je dévale les marches et cours le long du couloir. Je repasse devant la cave fermée et j'entends l'homme jurer et taper contre le battant. C'est alors que je vois une porte ouverte juste devant moi. Je ne réfléchis pas plus et je m'engouffre à travers l'ouverture.
〤
Je débouche alors dans une salle mal éclairée. À première vue, on dirait un bureau. Plusieurs ordinateurs se trouvent posés sur une étagère. Ils sont éteints. Le mobilier est pauvre, seul un meuble trône juste devant moi.
Mon regard est attiré par la petite lampe de bureau qui diffuse ce faible éclairage bleuté. À son côté, se trouve l'ordinateur portable sur lequel l'homme tapait à notre première rencontre. J'ai peur, mais la curiosité l'emporte sur la panique. Quand aurais-je une occasion pareille ? Je m'approche et me penche légèrement au-dessus de l'ordinateur.
Il est en veille.
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