ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟖
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UNE PUISSANTE ODEUR de crottins de cheval règne dans les écuries et le bas de ma toilette onéreuse traine dans le foin. Autour de nous, la tête allongée de quelques chevaux jaillit des box. Ils sont une multitude, alignés par rangées. Je me tiens au centre de l’une d’entre elles.
Derrière moi, la silhouette d’Eren projette son ombre. Le soleil brille intensément en cette chaude après-midi. Tant et si bien que, en contrejour, la femme qui apparait soudain ressemble d’abord à une ombre.
Puis je distingue ses doux traits encadrés de longs cheveux d’or et ses yeux d’un bleu profond m’observant. Elle ne porte qu’une tunique en lin blanche et un long manteau de laine brune. Ses pieds sont nus et couverts de saleté.
Un faible rire moqueur secoue ma poitrine.
— La véritable dame du Lac pleurerait sans doute en voyant celle qui la secondera, je remarque.
— Surveillez votre langue, démon.
Jamais je n’avais vu Historia Reiss avant aujourd’hui. Mais les murmures sont récurrents, en prison.
Et je ne suis pas sans savoir que cette femme, future dame du Lac selon des prophéties, est aussi celle qui a lancé un sort sur les portes du château. Un sort qui m’empêche d’en sortir. Elle est la raison de ma captivité.
— Sinon, quoi ? Vous allez m’enfermer une éternité de plus ici ? je grogne.
Derrière moi, le brun se tend. La blonde ne l’a, de toute évidence, pas averti de son rapport dans mon emprisonnement.
— Votre propre peuple m’a demandé de vous enfermer. Après vous avoir vu massacrer ces soldats sans qu’ils n’en donnent l’ordre, sans doute se sont-ils dit que vous humilier en vous faisant prisonnière de l’ennemi était une juste réparation.
— Je n’ai aucun compte à vous rendre, tas de boue.
— Et pourtant, Eren est venu me poser des questions sur vos ordres, souligne-t-elle en haussant un sourcil. Que se passe-t-il ? Vous êtes éperdument amoureuse d’un chevalier et voulez le faire grimper sur le trône ? Histoire d’être l’amante du roi ?
Ma mâchoire se contracte. Il est hors de question qui quiconque devine mes véritables intentions. Et surtout pas Historia Reiss qui détient la clé pour permettre à Eren de grimper sur le trône.
— Peut-être bien.
Jetant un regard par-dessus mon épaule, je croise les yeux émeraudes de l’homme. Dans ceux-ci brille une haine viscérale. Il m’exècre.
— Lorsque j’entends les propos abjects que cingle sa langue, je me demande quelles autres merveilles il pourrait accomplir avec.
Sa mâchoire se contracte et je lui adresse un clin d’œil avant de me tourner vers la blonde.
— Que ce soit clair, Ak Ram Ka’han, lance-t-elle, ce n’est pas pour le démon que tu es que je vais parler mais pour Camelot. Les dieux veulent Eren sur le trône. Je ne sais pour quelle raison ils ont choisi de la désigner par le biais de ton épée mais cela est fait.
— Parle, je la presse.
Baissant les yeux vers ses mains jointes sur son ventre, elle soupire. Ses traits lui donnent l’air d’avoir vingt ans. Mais quelque chose dans sa façon de se tenir, de réfléchir et de parler trahit son âge bien plus avancé.
Sans doute a-t-elle déjà plusieurs siècles. Elle doit être un mage puissant.
— Erwin Ier ne fait pas l’unanimité parmi les légions étrangères. Et vous le savez mieux que quiconque, le pouvoir réside dans les foules. Si les rois et reines des autres nations acceptent de vous reconnaitre comme roi, leur population fera de même.
— Et si les rois et reines ne traitent qu’avec Jäger lors des sommets politiques, Camelot sera forcé de le considérer en monarque, je termine.
Pour toutes réponses, elle sourit légèrement.
— Vous avez de la chance d’être en plein sommet politique. Le bal réunissant les différents princes de chaque nation a eu lieu il y a peu. Et il vous reste encore peu de temps avant que tous les émirs ne repartent.
Historia dit vrai. Le bal a été l’occasion de réunir les différents chefs et, au lieu de perdre un temps infini à nous déplacer de royaumes en royaumes, le mieux est de nous entretenir avec les différents stratèges maintenant qu’ils sont au château.
Me tournant vers le brun, je surprends une lueur animale dans ses yeux.
— Monseigneur, il me semble que vous n’allez pas tarder à monter sur le trône.
— C’est tout ? Je demande aux différents rois et reines de me reconnaitre en qualité de souverain de Camelot et je serais roi ?
Historia incline la tête sur le côté.
— Disons que le plus gros sera fait et c’est le moyen le plus sûr d’affirmer votre pouvoir compte tenu du fait qu’Erwin Ier n’est pas apprécié parmi les étrangers. Ensuite, le Coup d’Etat sera bien mieux accepté. Peut-être même certains souverains étrangers accepteront-ils de vous prodiguer quelques conseils.
Un faible rire secoue ma poitrine.
— Nous nous en passerons, je cingle. Un Coup d’Etat réussi se doit d’être discret. Il faut que le peuple soit convaincu de la justesse du procédé, que changer de monarque était la meilleure chose à faire. Ce n’est pas dans leurs habitudes.
La blonde hausse légèrement les épaules avant de tourner les talons. Sans un mot de plus, elle s’enfonce dans le soleil éblouissant brillant au travers des arcades menant aux écuries. Puis, bientôt, Eren et moi nous retrouvons seuls.
Je me tourne vers le brun. Il ne semble pas enchanté par notre conversation.
— Que vous prend-t-il encore ? je soupire en levant les yeux au ciel.
— Qu’ils soient « convaincu de la justesse du procédé » ? Vous ne m’avez pas encore placé sur le trône que vous songez déjà à duper votre monde ? Je ne compte pas mentir à ma population !
Un rire moqueur franchit mes lèvres quand, m’approchant de lui, je pose une main sur sa joue avant de froncer le nez et adopter une voix niaise :
— Oh le joli petit bébé qui pense pouvoir gouverner sans mentir ! Qu’il est mignon, le gros bébé geignard ! Gouzi gouz…
Ma voix meurt dans ma gorge quand sa main se referme brutalement sur elle tandis que l’autre s’empare de mon poignet levé en direction de son visage. Sa poigne est tenace, presque douloureuse tandis qu’il me foudroie du regard. Mais, bien qu’il fasse mine de m’étrangler, il n’exerce aucun pression.
Il n’est qu’à quelques centimètres à peine de moi, ses pupilles dilatées me fixant avec hargne tandis que nos nez se frôlent :
— Vous qui ne cessez de me rabâcher que je suis le futur roi feriez bien de cesser de me manquer de respect.
— Dis-donc, pour un homme réticent à s’emparer de la couronne, il me semble que monseigneur sait déjà comment assoir son autorité.
— Je vous exècre, rien de plus. Et si je dois vous enchainer aux pieds de mon trône pour vous inculquer quelques bases de respect, je n’hésiterai pas à le faire, crache-t-il.
Un rictus étire le coin de ma lèvre.
— Ecoute-moi bien, trou du cul. Tu n’avais pas encore pissé dans ta première armure sur le champ de bataille que j’armais déjà les miens et me battais à leurs côtés. Alors avant de te la jouer grand seigneur exigeant le respect, rends-toi compte que celle qui te place sur ce putain de trône te sera toujours supérieure que tu le veuilles ou non. Et qu’importe le nombre de connards sous tes ordres que tu voudras respecter pour te donner l’illusion d’être quelqu’un de bien, à la fin, tu resteras le commandant qui les mène à la famine ou au purgatoire. Tu peux chialer en te disant ta tête sera trop lourde pour porter la couronne ou fantasmer sur ce monde que tu tiendras dans le creux de ta paume, petit, mais sache une chose…
Malgré sa main sur ma gorge et l’autre tenant mon poignet, je passe celle de libre dans ses longs cheveux bruns, replaçant une mèche derrière son oreille d’un geste tendre :
— …trône ou pas, tu ne seras jamais bon qu’à me baiser les doigts.
Hébété, il ne répond pas. De longs instants durant, nous gardons cette position, silencieux. Je sourie tandis qu’il me fusille du regard, caresse doucement ses cheveux pendant qu’il m’étrangle presque, presse délicatement sa joue de ma paume lorsqu’il me broie le poignet.
L’air s’épaissit entre nous et la chaleur devient bientôt presque insupportable.
— Eren, je savais bien que… J’interrompt quelque chose, peut-être ?
Le brun recule brutalement de moi, mettant un maximum de distance entre nos deux corps avant de se tourner vers la nouvelle venue. Je l’imite, respirant avec force et découvre une femme habillée à la manière d’un homme. Ses courts cheveux ébènes encadrent son visage dont la forme des yeux trahit des origines lylian.
Mikasa Ackerman. Le meilleur chevalier de la cour. Et accessoirement, le béguin de notre futur souverain.
— Mik… Mikasa ! s’exclame le chevalier en approchant de la femme.
Celle-ci observe ma robe dans un haussement de sourcil révélateur. Elle désapprouve manifestement la coupe du décolleté dévoilant mes épaules et mes clavicules ainsi que la jupe fluide suivant la moindre de mes mouvements dans un geste sensuel.
Un rictus me prend.
— Je vous en prie, ma chère, dites-moi que vous me regardez ainsi par possessivité envers le seigneur Jäger et non parce que vous êtes l’une de ces femmes qui s’imaginent que le meilleur moyen de s’imposer dans un monde masculin est de haïr encore plus les femmes que les hommes, je susurre.
— Je ne hais pas les femmes. Seulement celles comme vous, crache-t-elle.
— Comme moi ? je répète.
Les yeux semblent réduits à l’état de fentes.
— Celles qui s’imaginent que le seul moyen de s’imposer est d’ouvrir les jambes. Vous ne valez rien, ne savez pas ce que c’est que de se battre réellement, n’avez aucune idée de…
— Oh, je vous en prie, monseigneur, mettez fin à cette séance de sabotage parce que dame Ackerman est en train de s’humilier.
Levant les yeux vers Eren, je remarque les joues rouges de ce dernier. La pensée qu’il est plutôt attrayant, sous cet angle, me traverse. Il se tient à un pas de son amie mais fuit le regard qu’elle pose sur lui, mal à l’aise.
— De quoi parle-t-elle, Eren ?
Il met quelques instants avant de se racler la gorge et répondre :
— Elle est prisonnière de guerre. Elle était commandante des armées, dans son pays.
Je vois la noiraude se raidir. Faisant un pas dans sa direction, je lui souris facticement :
— Ce qui veut dire, dame Ackerman, que je sais non seulement… Comment c’était, déjà ? Ah oui ! « m’imposer sans ouvrir les jambes, valoir réellement quelque chose ou me battre réellement », mais aussi et surtout…
M’arrêtant juste devant elle, je saisie son menton entre mon index et mon pouce pour lui forcer à lever la tête vers moi. Elle se laisse faire, les oreilles rouges de honte.
— Mais cela signifie aussi que moi, commandante des armées, suis plus haute gradée que vous, chevalier.
Elle fuit mon regard, visiblement embrassée. Alors, lâchant son visage, je le dépasse, la tête haute.
— Mais ne vous en faites pas, dame Ackerman. Il y les femmes « inutiles » comme moi qui savent se battre, administrer des armées d’une main de fer tout en portant des toilettes distinguées.
Avant de les quitter définitivement, j’assène :
— Et il y a les femmes… comme vous.
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Nous n’avons pipés mot depuis que le Forgeron est parti. Mes poings sont serrés. Je ne pensais pas être capable de haïr davantage cette femme mais, depuis que la honte cuit les oreilles de Mikasa, ma colère a décuplé.
Pour qui se prend-t-elle ? Elle n’est qu’une vulgaire prisonnière, une manipulatrice sordide et elle ose s’en prendre à quelqu’un d’aussi vertueux que Mikasa ? Je lui ferais ravaler ses paroles.
Et puis sa main remettant une mèche derrière mon oreille… Cette femme n’est que péché et provocation, le genre de vermine que je me dois d’éliminer. Un poison dans les veines d’une nation. Rien à voir avec la pureté de la noiraude.
Mon amie est douce, chaleureuse, bonne combattante tandis que cette femme… je ne saurais la décrire. Mais la colère que j’éprouve envers elle me consume. Mon corps s’embrase dès que nous nous croisons.
— Elle n’est pas bien pour toi, Eren.
La voix de la noiraude me tire de mes pensées. Mes yeux s’écarquillent en se posent sur elle. Elle fuit mon regard, les joues rouges. Et je ne peux m’empêcher de constater combien elle est belle, à la lueur du soleil.
— Elle est une sorcière, une tentatrice. Ne te laisse pas avoir par elle, s’il-te-plaît, murmure-t-elle.
Je n’ai le temps d’être surpris que Mikasa s’en va.
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un peu d'enemies
avant le to lovers
ça chauffe hehe
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