ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟔
































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           LES DERNIERES SEMAINES n’ont été qu’une succession de ballets incessants.

           Tout d’abord, des marchands originaires de contrées lointaines ont fait étalage d’étoffes en tout genre, nous proposant le satin le plus lisse pour les draps de notre nuit de noce, le tissu le plus fluide pour constituer ma robe de mariée ou même de résistantes chutes dont ils comptaient faire des nappes.

           Ensuite, les doigts les plus agiles de la cour, accompagnés de quelques apothicaires, sont venus nous vanter les mérites des poudres de plantes censées conférer une beauté sublime. Chacun jurait appliquer mieux que son voisin le maquillage et les soins.

           Le tour est venu pour les artisans de nous proposer divers chefs d’œuvre. Passant par d’élégantes commodes à de somptueux bijoux… L’intégralité de notre décoration aurait été refaite, si nous les avions écoutés.

           Sont apparus, plus tard, les cuisiniers aux goûts les plus raffinés. Composant le menu du mariage, ils ont bien failli se battre, faisant de cette journée le succès de leur vie.

           Le reste des artisans ayant contribué à l’élaboration du mariage se perd dans mon esprit. Tout n’est devenu plus que murmures et combats afin d’obtenir une place de choix dans l’organisation des noces.

— Je ne vais jamais m’en sortir, je grommelle en me laissant tomber sur le matelas.

— Tout va bien, Votre Majesté ?

           Profitant du fait que ma tête est enfouie dans les coussins, je ne la tourne pas et serre les dents. Techniquement, je ne pourrais être couronnée que lorsque le mariage aura eu lieu. Cependant, Mikasa ayant déjà pris l’apparence de ma personne et s’étant faite reine, je n’aurais pas le privilège de connaitre une telle cérémonie.

           Je crois que j’aurais aimé me tenir debout, sur une estrade, regarder mes sujets puis laisser la couronne se déposer sur ma tête. La foule aurait alors posé genou à terre, me désignant, moi, la femme qui a passé sa vie a courbé l’échine face aux ordres, comme la souveraine.

           Les doigts d’Eren se seraient entrelacés aux miens. Tout le monde aurait assisté à cette union si belle…

— Tout va bien, je grogne contre le matelas.

           Eren a eu la brillante idée de m’assigner des servantes ainsi que des suivantes. Je ne comprends pas l’utilité de me cantonner deux équipes de cinq femmes ayant à peu près le même rôle.

           Je suppose qu’il espérait alléger la charge pesant sur mes épaules.

— Nous devons vous préparer pour votre bain. Souhaitez-vous le peignoir bleu ou le rose ?

           Me redressant brutalement, je jette un regard noir à la tête blonde coiffé d’un tissu blanc qui ouvre le placard de ma chambre et se met à sortir des cintres qu’elle jette sur le lit où je me trouve.

           Je vais tuer Eren.

           Un jour, il m’a demandé de venir dans son bureau. L’une de ses réunions avec Levi, le chef des armées, c’était soldée par un déjeuner et, sachant que je raffole d’un dessert à la crème de rugihkj — un fruit aussi bon qu’imprononçable — il m’en a proposé une part. Touchée qu’il ne me fasse venir seulement car il savait que j’appréciais ce gâteau, je lui ai souris tendrement.

           Il a choisi ce moment précis pour m’annoncer que, selon Levi, une reine digne de ce nom devait avoir des servantes ainsi que des suivantes.

— Putain, mais ça servait à quoi de me les coller dans les pattes ? Vous avez vu le boulet ? je grommelle.

           Pomme n’a pas été instruite de la façon la plus rigoureuse qu’il soit. Elle me tourne le dos en sortant d’une pièce, ne me demande pas mon avis avant d’entrer dans une salle que j’occupe — même lorsque celle-ci s’avère être celle où je me lave. Et, surtout, quand elle apporte un plat dans ma chambre, elle pique allègrement dedans.

           Cela ne me dérange pas forcément, d’ordinaire. D’ailleurs, lorsque j’ai refusé la proposition de me donner des servantes, j’ai argumenté que je serais mal à l’aise d’être suivie toute la journée par des personnes qui seraient anxieuses de ma simple présence.

           Je n’aimais pas l’idée que tous ne soient pas naturels avec moi, ne voient pas ma personne mais ma couronne.

           De toute évidence, en choisissant Pomme, il a écarté le problème.

— Pomme, vous n’êtes pas censée entrer dans ma chambre sans vous présenter ni ouvrir mon armoire sans mon autorisation et encore moins fouiller dedans, je soupire en me redressant, m’asseyant sur le bord du lit et la regardant lancer des peignoirs sur le matelas.

— Je ne fouille pas, je cherche. Nuance.

           J’ouvre la bouche, prête à riposter qu’il s’agit de l’exacte même chose quand une étoffe couleur lune qu’elle lance m’atterrit en plein sur le visage. Je sursaute, fermant les yeux, et contracte chaque muscle de mon corps.

           Je me dois de prendre sur moi. Cette petite n’a qu’une vingtaine d’années, sans doute moins. Elle est en apprentissage.

           Ouvrant les yeux, je la regarde continuer à lancer les tissus.

— Oh ! s’exclame-t-elle. La voilà !

           Saisissant un long peignoir de satin d’un bleu clair et garni de dentelles, elle le pose à côté de moi. Je soupire en la voyant faire.

— Pomme…

— Oui ?

— Pourquoi vouloir me faire enfiler cela ? je demande.

           Elle fronce les sourcils, commençant à ranger le bazar qu’elle a mis.

— Pour aller dans la baignoire ? demande-t-elle.

— Les coutumes de Camelot veulent que, jusqu’au mariage, je ne dorme pas dans la chambre royale. Vous le savez ?

           Elle acquiesce.

— Le bain que je dois prendre — et dont vous n’étiez pas censée être au courant car je vous rappelle que les servantes n’ont pas à lire ma correspondance privée — m’a été demandé par le roi.

           Elle acquiesce.

— Et donc ce bain… Se tiendra dans sa suite… A l’autre bout du palais.

           Elle acquiesce.

— Pomme, je tonne face à son manque de réaction.

           Levant la tête, elle sourit, m’accordant son attention.

— Ôtez-moi d’un doute. Vous vous attendez à ce que je traverse le palais en peignoir ?

— Oui.

           Mes sourcils se haussent.

           Atterrée, je l’observe reprendre son rangement comme si de rien n’était. Les yeux encore écarquillés, je la fixe quelques secondes, pantoise. Puis, dépassée par les évènements, je prends la décision de m’en aller.

           Cette fille manque décidément cruellement d’instructions sur son propre métier. Les quelques faux-pas comme le fait de me tourner le dos ne me dérange pas… Mais elle risque de me ralentir, plus qu’autre chose, dans l’élaboration du mariage.

           Ce qui serait un comble car Eren m’a tout de même forcée à m’encombrer de sa personne afin de me « soulager ».

— Pomme, je m’en vais voir le roi.

— Attendez… Vous ne vous êtes pas changée ! s’exclame la servante.

           Je ferme la porte sans lui répondre.

           Bon sang, il est déjà très embarrassant qu’une de mes servantes ait lu la missive érotique que m’a laissé Eren. Mais il fallait en plus que ce soit celle-là.

           Dévalant les marches menant à une autre aile du château, je soupire. Quelques gardes et gens s’inclinent sur mon passage. Je leur souris bêtement en retour, ayant hâte d’arriver à ma destination.

           Eren me manque.

           Je croyais qu’une fois la paix retrouvée, nous aurions du temps pour nous. Cependant nous n’avons de cesse d’organiser le mariage ainsi que les armées et mener des négociations auprès de différents pages des royaumes alentours.

           Notre tâche est si grande que nous ne la menons pas ensemble. Aujourd’hui, par exemple, pendant que je discutais avec des agriculteurs de ma décision d’interdire une potion tuant les insectes fragilisant les récoltes — mais occasionnant de graves problèmes cardiaques aux humains mangeant ces mêmes récoltes — je n’avais de cesse de recevoir des bouts de parchemin d’Eren me demandant quelles entrées je voudrais au mariage.

           Nous sommes constamment l’un et l’autre à chaque bout du château, parlant par messages donnés par des gardes, des suivantes ou des pigeons voyageurs. Puis, le soir, retournant chacun dans notre chambre respective, nous ne pouvons même pas nous retrouver.

           Cela fait quatre jours que je n’ai même pas vu Eren et il me manque trop.

           Atteignant la porte de l’immense salle de bain du dernier étage du château, je regarde autour de moi avant de l’ouvrir. Puis, refermant la porte derrière moi, je souris en inspirant une bouffée du parfum végétal ambiant.

           Cette salle de bain ressemble davantage à un lac qu’une baignoire.

           De larges galets pouvant accueillir un corps se succèdent en escalier dans l’eau d’un bleu azuré. Blanche, elles sortent ensuite du bassin en continuant leur schéma semblable à des marches. Partout autour de lui, quelques galets grimpent, créant des contours irréguliers. Sur chacun d’entre eux, des plateaux de nourritures mais aussi de produits de soin ont été posés.

           Une dense vapeur s’étire sur la surface de l’eau, dissimulant presque la dense végétation autour du bassin. Mes pieds foulent les herbes et ma tête se lève pour admirer le plafond de verre.

           L’intense lueur rosée envahissant la salle provient de celui-ci. Le ciel est directement visible, éclairé d’un soleil couchant.

— Je ne me remettrais jamais de cette vue, je murmure en regardant cette pièce.

— C’est exactement ce que je me suis dit quand tu es entrée dans cette pièce.

           Deux bras s’enroulent autour de mon corps et un visage se loge dans le creux de mon cou. Je frissonne quand les lèvres d’Eren se pose sur ma nuque, brûlante.

           Mon ventre tremble. Une dense chaleur se répand en lui, éclatant en volutes denses.

— Oh, Eren…, je chuchote dans un rire enivré.

           Sa main se pose sur ma joue, me forçant à tourner la tête sur le côté. Aussitôt, mon regard croise le sien, brûlant. Son nez frôle le mien et ses lèvres se font plus rouges encore.

           Il louche sur les miennes avant de planter à nouveau ses yeux dans leurs jumeaux.

— Si tu savais combien tu m’as manqué, ma douce.

           Sa bouche fond sur la mienne. Aussitôt, mes lèvres s’ouvrent, impatiente de dévorer les siennes.

           Ce baiser est l’eau dans un désert, le soleil dans la tempête et la paix parmi les belligérants.

           Inespéré.

           Sa langue s’enroule autour de la mienne tandis que son torse reste plaqué à mon dos. D’une main, il tient ma joue, approfondissant ce baiser passionné. De l’autre, il caresse ma cuisse à travers l’épaisse toilette que je porte.

           Bientôt, nous nous séparons. Essoufflée, je pose mon front contre le sien. Son pouce caresse ma pommette affectueusement et il sourit.

— Alors, ma reine, prête pour ce bain ?






































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hehe...

on passe aux choses
sérieuses...
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