ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟑

















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           LES MEDECINS NE se trompaient pas lorsqu’ils affirmaient que ma situation motrice ne serait que temporaire. A nouveau, je peux me balader dans les couloirs de mon palais. Seule, enveloppée d’une toilette brodée pour des nobles, quelques souvenirs de l’époque où je servais Erwin me reviennent en tête.

           Ce dernier doit d’ailleurs croupir au fond des cachots. Un frisson me parcourt à l’idée que nous habitons le même endroit. Je ne suis pas friande de cette pensée.

           Quelque part, son regard vorace et ses blagues douteuses qu’il prononçait, tâtant à la hâte ma robe en espérant me l’ôter de force, resteront toujours gravée en moi.

— Votre fiancé ne vous accompagne pas ? Voilà qui est bien étrange.

           Mes sourcils se haussent brutalement et je cesse tout mouvement. Entre mille, je reconnaitrais la voix qui vient de résonner dans mon dos.

— Edward ? je lâche en me retournant, découvrant effectivement les yeux bruns encadrés de longs cheveux blonds d’un ancien frère d’arme.

           L’homme, habillé à la manière d’un marin, esquisse un sourire sous son chapeau de capitaine et s’incline en avant, faisant remuer le tissu de son manteau noir. Hébétée par sa présence, je ne songe même pas à le saluer en retour.

           Cela ne le vexe point. Edward n’a jamais été du genre à s’embarrasser des conventions sociales et les esquisse généralement dans un but humoristique. Lorsque je le vois se laisser tomber lourdement sur un de ses genoux, je comprends d’ailleurs qu’il se paye effectivement ma tête.

— Par tous les dieux, je grommelle sans conviction, relève-toi donc.

— Mais vous êtes reine ! Et moi, je ne suis qu’un… Je ne suis qu’un rustre !

           Jamais, de toute ma vie, je n’ai eu l’occasion de voir Edward sérieux. Certains disent qu’à l’époque où il portait ses cheveux noirs, il ne souriait jamais. Le jour où il a décidé de laisser celui qu’il était en ce temps derrière lui, il s’est métamorphosé.

           Le blond était un membre du Cercle Impérial, tout comme moi, à l’époque où je me revendiquais encore comme une membre du peuple des Voyageurs.

           Les Voyageurs sont un peuple nomade, sans terre et en quête éternelle de leur royaume perdu. A leur tête se trouve deux empereurs, les Impereceis, désignés par les dieux. Cependant, notre culture étant très attachée à l’idée que le peuple doit être souverain, nul n’accepterait que deux individus seulement aient les pleins pouvoirs.

           Alors, un Ordre restreint existe. Comptant douze membres, chacun se faisant le messager d’un Dieu et tirant ses pouvoirs de ce même Dieu, le Cercle Impérial regroupe les plus puissants de nos soldats.

           Moi, Forgeron, suis la messagère du dieu de la guerre Akmir. Ainsi, j’ai hérité des pouvoirs qu’il a accepté de me prêter : le fait de contrôler les armes que je façonne.

           Edward, Guérisseur, est le porte-parole d’Ahlnaï, déesse de la médecine et de la santé. Sa puissance vient de sa capacité à soigner n’importe quels maux.

           Nos pouvoirs sont censés nous aider dans nos fonctions. Nous sommes les conseillers des empereurs, leurs ministres, mais nous agissons aussi s’ils outrepassent leurs fonctions. Là, nous devons les punir.

           Il y a quelques années, le Cercle Impérial a souhaité condamner l’Impereceo, le Serpent. Captivée, je l’ai suivie et ai refusé de rester fidèle à mes paires dans leur jugement. Plus tard, il m’a trahie et livrée à Camelot.

— Pourquoi viens-tu me voir, Edward ? je demande. Nous ne sommes pas amis et je ne sers plus le Serpent. Tu n’as aucune raison de me demander des comptes.

           Il hausse un sourcil, visiblement courroucé d’avoir été interrompu pendant l’une de ses démonstrations.

— Aucune raison ? Je te rappelle que nous avons normalement deux empereurs : un impereceo et un imperecea afin de veiller à un certain équilibre et que à cause de tes conneries, on a perdu cet équilibre.

           Je croise les bras, faisant la moue. Il me fixe, attendant une réponse qui ne vient pas.

           Je garde le silence.

— Tu comptes réellement agir comme si tu n’avais pas tué l’Imperecea, Forgeron ?

           Je hausse les épaules.

— Je ne vois pas en quoi remuer le passé te fera avancer.

— Je sais que tu comptes te venger. Que tu veux tuer l’Impereceo. Seulement, que tu le veuilles ou non, il a déjà été tué plein de fois et il est toujours revenu. Tu ne pourras pas l’occire. Pas de façon éternelle.

           Je le sais. Je ne compte plus le nombre de fois où l’on m’a annoncé sa mort et qu’il a franchi les portes de notre camp comme si de rien n’était.

— Je trouverai un moyen, j’annonce, catégorique.

— Non. Tu ne trouveras jamais aucun moyen. Du moins, pas pour t’en occuper toute seule.

           Mes sourcils se froncent. Se relevant enfin, comprenant le sérieux de le conversation, Edward éclaircit sa gorge.

           Je lutte contre l’envie de rouler des yeux, passablement agacée par ses bêtises incessantes.

— Il n’y a qu’une seule personne qui puisse réellement éliminer l’Impereceo.

— Les dieux ?

— Non ! Enfin, si, mais…

           Il penche la tête sur le côté, pinçant les lèvres dans une moue visiblement embêtée. Il y a quelque chose qu’il ne me dit pas.

— Le Cercle Impérial a tenté de le punir, sans succès. Parce que pour qu’il soit jugé par les Dieux, il faut le ramener à sa terre natale, ce que nous ne pouvons pas faire comme notre royaume est perdu.

— Je sais que mon propre peuple m’a reniée mais il est strictement inutile de me raconter ce que je sais déjà, Edward. Jusqu’à preuve du contraire, pendant des années, j’ai participé aux recherches pour retrouver ce bout de terre.

           Il écarquille les yeux en entendant ces trois derniers mots.

— Ce bout de…, il s’interrompt en grimaçant, serrant la mâchoire. Tu sais quoi, je ne vais même pas relever la façon qu’a la débile de service et traitresse en chef de parler des Terres Ancestrales.

— Si tu compte pas le relever, pourquoi t’en parles ?

           Il me fusille du regard, une lueur viscérale s’allumant dans ses yeux bruns. Je souris légèrement en l’apercevant.

           Enfin, j’entrevois qui il était, autrefois. Lorsqu’il répondait au nom de la Corneille et non celui d’Edward.

           Lorsque, comme moi, il était à la botte du Serpent.

— Evites de juger mes choix, Edward. Je te rappelle que tu as fait les mêmes, autrefois.

           Là est la raison pour laquelle je méprise mes pairs. Tous les membres du Cercle Impérial sans exception ont été berné par le Serpent. Même la plus respectée d’entre nous, la Vipère, la doyenne de notre Ordre, a courbé l’échine devant lui, il y a fort longtemps.

           Alors je ne saisis pas exactement pourquoi, dans mon cas, ce n’est pas pardonnable et que dans le leur, ça l’est.

           Il soupire, reprenant contenance. Puis, ses lèvres s’étirent en un sourire, comme si rien ne s’était passé.

— Je viens juste te dire que seule, tu ne pourras pas tuer l’Impereceo. Seule l’Imperecea le pourra. Tu l’as tuée, je sais, mais nous avons trouvé son héritière.

— Et en quoi cela me regarde-t-il ? je gronde. Tu veux être sûre que je ne découpe pas la jolie gorge de celle-ci ?

— Non, tonne-t-il.

           Son regard se fait absolument sérieux. Non pas haineux. Juste stricte. Plus d’humour propre à Edward ni de colère, vestige de la Corneille.

           Là, je parviens presque à voir ce que très peu regardent en posant les yeux sur lui.

           Mes sourcils se froncent brutalement.

           Je crois que les légendes sont véritables. Qu’elles ne sont pas que des bruits de couloir.

— Je suis venu te demander de lui façonner une épée, déclare-t-il. Une arme assez puissante pour tuer l’Impereceo. Nous tous savons que tu seras la seule capable d’une telle prouesse alors je mets ma fierté de côté, te présente mes excuses pour t’avoir laissée bannie ici et te demande solennellement de nous aider.

           Je ne peux m’empêcher de laisser un rire franchir mes lèvres.

           Si je dois résumer les derniers mois, j’ai mené une charge pour mon empereur adoré et me suis réveillée dans une cellule. Apprenant que mon Impereceo m’avait livrée à l’ennemi, j’ai tenté de charmer celui-ci pour obtenir ma liberté.

           Il m’a semblé trouver le pigeon idéal en la personne d’Eren. Jamais je n’aurais imaginé tomber amoureuse de lui. Alors le tuer pour voler son trône et pouvoir accéder à ma liberté tant espérée est soudain devenue tâche compliquée. Cependant j’ai obtenu ce que je souhaitais. Il m’a bannie.

           J’ai cru avoir obtenu mon vœu le plus cher. Ce fut sans compter sur mon cœur pleurant l’absence du brun. Il m’a forcée à revenir ici, m’imposer à la vue du roi. La lutte a été terrible mais j’ai obtenu sa main et une place.

           Et aujourd’hui, après tous ces efforts qui auraient pu m’être évités si mon propre peuple était venu me chercher, après qu’ils m’aient ignoré parce que j’avais collaboré avec le Serpent alors que tous l’ont fait… Maintenant que je suis heureuse et épanouie, ils me demandent de l’aide ?

           Un sourire étire mes lèvres.

— Allez tous vous faire foutre.

           Il ne semble pas surpris par ma réponse. Ses yeux se ferment lentement, comme si ce qu’il craignait se réalisait et je me retourne, prête à le quitter.

           Seulement, là, je découvre une silhouette, plantée sur le pas de la porte. Debout dans son encadrement, les sourcils froncés, Eren se tient.

           La couronne brille sur sa tête et une autre, sertie de perles de diamants, git dans ses mains.

— J’étais venu te donner ceci mais…

           Il penche la tête sur le côté, regardant ailleurs, comme s’il tentait de digérer ce que je venais de dire. Son regard se pose enfin sur moi.

— Je croyais que tu avais renoncé à ta vengeance ? Que tu ne comptais plus le tuer car cela mettrait en danger Camelot ? Que tu savais qu’utiliser les ressources de notre royaume affaibli par le règne d’Erwin l’achèverait ?

           Il me fixe, attendant que je prenne la parole. Je demeure silencieuse, la tête haute, déglutissant péniblement.

           Ses sourcils se froncent face à mon mutisme. Et le ton qu’il emploie lorsqu’il reprend la parole me fait comprendre que ce n’est pas mon fiancé qui s’adresse à moi mais mon roi lorsqu’il tonne :











— Je t’ordonne de me répondre.

                                                                



























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j'espère que ça vous
aura plu !

ça chauffe hehe
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