ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒

































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             LA NUIT SEMBLE avoir pénétré le palais.

             Dehors, le ciel est ténébreux, parsemé d’étoiles. Les jardins sont plongés dans une obscurité perturbée par les Eylis, des fleurs semblables à des lucioles qui s’envolent telles milles et une lueurs lorsque l’on marche à proximité d’elles.

             En l’honneur du bal qui a lieu ce soir, le roi a veillé à en répandre dans le moindre des recoins du jardin. De sorte que, où qu’ils aillent, les invités se trouvent subjuguer par la magnificence de Camelot. Des fontaines aux eaux semblant parcourues de diamants aux fleurs gorgées de pétales éclatants, chaque détail accroche l’œil.

             Mais le spectacle se poursuit dans le palais lui-même. Les colonnes ouvragées blanches, sol de marbre vert, murs en reliefs et sculptures habituelles sont décorées de quelques détails superbement ajoutés. La salle, plongée dans le noir, est légèrement illuminée par les puissants chandeliers. Autour de nous, des rideaux érisés semblables à des cascades de brillance traversent les murs. Au sommet de larges tables drapées de tissu élégant sont disposés des plats dans lesquels tous picorent alégrement.

             Une délicate musique jouée par l’orchestre résonne depuis tout à l’heure tandis que, en retrait derrière quelques invités Moorath s’exprimant en une langue que je ne connais pas, j’observe les personnes dansantes.

             Diverses nationalités sont mêlées aujourd’hui. Pour cause, nous fêtons au travers de ce bal l’avènement de l’hiver et honorons ainsi nos dieux. Mais, plus que tout, cette saison étant marquée par le symbole de la générosité, nous partageons nos richesses en invitant d’autres nations à festoyer avec nous — bien qu’il ne s’agisse là que d’une façon élaborée de dire que nous imposons encore et toujours plus notre puissance.

— Vous ne dansez pas ? retentit une voix grave, sur ma droite.

             Me tournant, j’aperçois la figure austère du ministre des Armées.

             Son œil d’un bleu profond est fixé sur le centre de la salle où les silhouettes tournoient avec grâce dans des froissement d’étoffes et ondulations de robe. Ses lèvres charnues se posent sur un verre à pied qu’il tient entre ses longs doigts pâles.

             Au bout de quelques instants cependant, il détourne son attention des danseurs pour me regarder enfin. Seule son iris droite bouge à ce geste, une bille blanche ayant remplacée son autre œil perdu au combat.

— Seigneur Ackerman, je le salue.

             Tous les chevaliers sont seigneurs. Leur territoire est plus ou moins étendu mais le même titre est employé pour parler d’eux. Alors l’homme en face de moi est désigné pareillement que ses subordonnés.

             Comme le chevalier Eren Jäger, par exemple.

— Votre amant ne cesse de danser depuis des heures, vous ne souhaitez pas le rejoindre ?

— Il n’est pas mon amant et, si Erwin a pu accepter que j’assiste à ce bal, je doute qu’il consente à me laisser danser, aussi belle ma toilette soit-elle.

             Spécialement pour le bal, le roi m’a fait porter une robe particulièrement élaborée. Son tissu noir semble simple, centré d’un corset à la taille, un décolleté reine-anne épousant ma poitrine et une jupe fluide suivant le moindre de mes mouvements… Mais, à l’instant où j’ai posé pied dans la salle de balle plongée dans l’obscurité, j’ai compris.

             Mille et une paillette visible seulement dans les ténèbres se sont révélées, attirant le regard de tous.

— Vous savez très bien que si vous promettez de la retirer devant lui, vous pourrez faire ce que vous voulez, rétorque Ackerman.

             Avalant une nouvelle gorgée de son breuvage, il lance un regard aux invités éparpillés autour de nous. Je l’observe faire, silencieuse.

             Jamais je n’ai pu savoir ce que cet homme pense de moi. Parfois, il me semble qu’il est un ami. D’autres, il laisse clairement comprendre qu’il me hait. Le plus souvent, il agit en inconnu. Et, ce soir, je ne sais pas encore quel masque il revêt.

— Je m’en voudrais de mettre à mal la réputation de Sa Majesté en dansant à son bras.

— Vous avez commencé à mettre à mal sa réputation lorsqu’il vous a laissé sortir de votre cellule, rétorque-t-il.

             Un sourire me prend. Narquois. Le remarquant, Ackerman hausse un sourcil avant d’attraper une crevette enduite de sauce dorée sur la table et y mordre avidement.

— Je ne sais pas si vous m’appréciez…

— Je ne vous détestes pas, me coupe-t-il.

             Un rire faible et court me prend.

— Une chose est certaine, vous haïssez le roi.

             Il ne sursaute pas ni n’écarquille les yeux face à ma révélation — et, du fait de son caractère glacial, je ne suis pas prise au dépourvue par cette absence de réaction. Le noiraud est pourtant réputé pour sa grande loyauté au roi. Un genou à terre et la tête courbée en avant, il a su laisser Sa Majesté lui dicter ses quatre volontés. Et là où certains ignares y ont vu de l’amour, je n’y ai vu qu’un respect à la couronne.

             Mais à la couronne seulement. Pas l’homme qui la porte.

— Je le sers, mes sentiments personnels n’ont rien à voir dedans.

— Si vous l’appréciez en tant qu’être humain, vous l’auriez empêché de tomber amoureux de moi, je souligne.

— Je ne vois pas en quoi mon intérêt plus que limité envers les conquêtes de Sa Majesté trahit une aigreur à son égard, se défend-t-il d’un ton solennel.

             J’acquiesce, attrapant à mon tour un aliment sur le buffet que j’avale.

— Un véritable ami ne vous laisse pas goûter un plat s’il sait que celui-ci est empoisonné.

             L’un de ses sourcils se haussent.

— Vous vous comparez à du poison… Rien que ça ?

— Vous avez bataillé pour que Erwin me laisse ne prison mais avez cessé de protester dès qu’il m’a libérée. Et, si jamais vous ne le laisseriez me faire sortir du palais, vous nous laissez toujours seuls durant nos moments en tête-à-tête.

— Cela s’appelle de la correction, madame, souligne-t-il d’un air exaspéré.

— Sauf que vous n’êtes pas quelqu’un de correct.

             Il repose son verre et me regarde un instant. Son œil de verre semble sonder au plus profond de moi-même, me rappelant à l’ordre silencieusement. Mais je n’en suis pas effrayée. Ce, même si je clarifie rapidement mes paroles :

— Lorsqu’une situation politique grave est en jeu, vous n’hésitez pas à abandonner le protocole et interrompre votre roi. Or jamais vous ne l’avez fait avec moi.

— Peut-être car aucune catastrophe ne s’est jamais produite durant vos rendez-vous.

             Je secoue la tête en regardant les silhouettes autour de moi. Les différents ethnies et costumes culturels se mélangent, formant une mosaïque dépaysante. Mon regard accroche la silhouette de Mirta, drapée de tissu azur, qui converse avec un prince Moorath reconnaissable par sa coiffe.

             Nul ne peut entendre notre conversation, avalée par la musique ambiante, le son des discussions alentours mais aussi des pieds des danseurs cognant le sol.

— Ah oui ? je lance simplement. Je me baladais pourtant au bras d’Erwin quand vous avez appris qu’Excalibur avait été retirée de son rocher.

             Livai Ackerman est un homme glacial, un guerrier qui a toujours su maitriser la moindre de ses émotions pour que nul ne la devine. Mais, là, à l’instant précis, j’ai remarqué l’éclair de surprise qui a traversé ses yeux.

             Car je ne suis pas censée être au courant de cela. Personne ne le doit.

— Mais vous avez raison, cela n’a sans doute aucun lien avec moi… Après tout, depuis cette balade, Erwin s’est retrouvé maintes fois seul avec vous et sans moi mais jamais vous ne lui avez parlé de cette épée.

             Mes yeux se plissent en une moue rieuse tandis que le regard du ministre se fait assassin.

— Franchement, ça c’est pas sympathique. Vous auriez quand même pu dire à votre grand ami que vous haïssez qu’il va bientôt se faire jeter du trône à coup de pieds de dans le cul.

             Livai se raidit, sa mâchoire se contractant.

— Seul un paysan a remarqué la disparition d’Excalibur. Hormis lui, moi et le messager en qui j’ai confiance, personne n’est au courant, gronde-t-il.

             Ses poings se serrent autour de son verre.

— Comment le savez-vous ?

             Penchant la tête sur le côté, je gratifie le noiraud d’une tape amicale sur l’épaule. Il se raidit à celle-ci, se retenant visiblement de s’en prendre à moi physiquement devant tout le gratin de cette soirée.

— Enfin, mon chou, l’alcool ça vous réussit pas, hein ? A part le paysan, le messager et le ministre, qui peut bien savoir que l’épée a été retirée ? je demande avant de lui adresser un clin d’œil exagéré. Un petit indice : la réponse est dans la question.

— Vous êtes enfermée ici, vous n’êtes pas celle qui avez retiré l’épée.

             Je pose les yeux sur la salle de bal. Parcourant celle-ci comme je le fais depuis le début de la soirée, en quête de cette silhouette qui semble ne jamais paraitre à mes yeux quand je le souhaite.

— Oh, croyez-moi, LivaiÇa…

             Enfin, je le trouve.

             Là-bas, légèrement éloigné de la piste de danse. Ses cheveux bruns noués en un chignon sont agrémentés d’un bijou d’or et perles traversant sa coiffure. Sur son visage, quelques traces de paillettes ont été laissées afin de mettre en valeur son visage taillé avec précision. Sous ses cheveux bruns, sa peau pâle, ses lèvres rouges et ses accessoires d’or ressortent avec une puissance saisissante ses iris émeraudes.

             Les instructions ont été claires pour les chevaliers : ils devaient se fondre dans la masse. Alors, avec ce maquillage, sa chemise en soie blanche mettant en valeur son imposante musculature, son pantalon noir, ses bijoux d’or, il se confond parfaitement dans le paysage…

             Et à la fois pas du tout.

             Il ressemble à s’y méprendre à un noble à la garde-robe élaborée et un goût prononcé pour les fêtes. Et ce type d’individu compose en grande majorité les invités de ce soir. Cependant, Eren ne s’y mélange pas… Quelque chose dans son allure lui confère un aspect singulier qui empêche de le confondre avec le restant du gratin.

             La femme avec qui il parle, une Arnais à la robe colorée semble suspendue à ses lèvres, médusée par le mouvement de celles-ci.









— …Ce n’est qu’un détail.

























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             Le dos droit, j’observe avec attention le bal, en retrait. Bien qu’elles soient dissimulées, je porte des armes, à l’instar de tous les autres chevaliers présents ce soir. Ma mission est de protéger cette assemblée, m’assurer qu’aucun mal ne leur soit fait en surveillant les alentours.

             Parfois, je discute avec certains invités, un sourire charmant aux lèvres mais je préfère avant tout observer ceux-là silencieusement. Là, tapis dans l’ombre, éloigné de la foule, je peux mener ma tâche à bien sans craindre d’être déconcentré.

— Bonsoir, Eren.

             Un sursaut manque de me prendre lorsqu’une voix féminine m’interpelle, dans mon dos. Aussitôt, je me retourne. Il n’y a qu’un pas entre moi et le mur et elle est parvenue à s’y glisser sans que je m’en aperçoive. Cette personne est résolument douée et entrainée, ce qui ne me dit rien qui vaille.

             Cependant ma méfiance retombe aussitôt lorsque je découvre le visage familier d’une des conquêtes de Sa Majesté. Je me souviens d’elle, marchant à son bras sur l’un des balcons. Je l’ai rencontré quelques secondes après avoir caché Excalibur.

             A l’ordinaire, j’oublie le visage des maitresses du roi. La preuve en est, à la seule exception de cette femme, je n’ai aucune idée des traits de ses amantes.

             Mais elle, je n’ai pas pu l’oubliée. Car quand, jaillissant du palais en toute hâte pour me rendre aux écuries, encore déboussolé d’avoir décroché Excalibur de son rocher — et en plus, de l’avoir ensuite cachée — j’ai croisé sa route, mon cœur s’est emballé.

             La façon qu’elle a eu de me regarder m’a percutée de plein fouet. Comme si elle savait tout. Tout de moi. De ce que je venais de faire. Que je ne pouvais rien lui cacher.

— Bonsoir, madame.

             A la lueur tamisée de la salle de balle, sa beauté me frappe. Une partie de moi avait réalisé qu’elle était attrayante, lors de notre première rencontre, sans que je n’y accorde vraiment d’importance.

             Mais ce soir, dans cette robe irisée, son regard venimeux concentré sur moi et seulement moi, cela me frappe.

             Elle est magnifique.

— Avez-vous besoin d’un renseignement, madame ? je demande.

             Un léger sourire la prend et, faisant un pas, elle vient se placer à côté de moi. Son regard se pose alors sur la salle de bal, épiant celle-ci.

— Non merci, je sais ce que je dois savoir.

             Embarrassé, je l’observe un instant.

— Alors peut-être puis-je vous aider ?

— Ce n’est pas un « peut-être » mais une certitude. Et vous allez le faire.

             Mes sourcils se haussent face à son ton autoritaire.

— Navré, madame, mais de quoi parlez-vous ?

             Là enfin, elle détache son regard de la salle de bal avant de le glisser sur moi, ferme et glacial, semblable à une gifle :



















— Je parle du fait que vous êtes le nouveau roi, Votre Majesté.







































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voici le chapitre 4
les choses se compliquent
légèrement et l'action va
enfin commencer
maintenant qu'ils ont
enfin établi le contact
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