ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟖
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AUJOURD’HUI, LE CIEL est tombé sur Camelot.
A genoux aux côtés du corps du roi, je tremble de tout mon être. De multiples spasmes m’empêchent d’exécuter des mouvements simples. Ou plutôt, il me faut du temps pour le moindre geste. Cependant, cela n’est pas grave. J’arriverai au bout de ma tâche, quoi qu’il m’en coûte.
Ma lame a coupé le lien qui retenait les cheveux d’Eren en un chignon. Ceux-là s’étendent maintenant autour de son crâne en un halo brun. Avec ses longs cils tombent sur ses pommettes et ses traits fins. Au repos, il ressemble à un ange. Un homme mort au combat et consacré par les dieux de Camelot.
— Si… Si seulement nous avions le Graal, je chuchote.
Cet artefact, censé conférer jeunesse éternelle, était la raison de la création de Camelot. Il y a plusieurs siècles, le roi Arthur n’est arrivé au pouvoir que dans le but de trouvé ce récipient dans lequel Joseph D’Arimathie a recueilli le sang de Jésus Christ selon le christianisme. Dans le culte polythéiste des habitants de Camelot, il s’agit plutôt d’un vase dans lequel Mère Nature a fait pousser la toute première plante de l’univers.
La première forme de vie.
— Je t’en supplie, réveille-toi.
Le Graal aurait pu le sauver. Car mes tentatives, elles, semblent pour l’instant vaines.
Toujours allongé sur le sol, Eren ne réagit pas. J’ai eu beau lui faire avaler un philtre visant à nettoyer en profondeur son estomac, il ne vomit pas le poison qu’il a ingéré. Au lieu de cela, il demeure allongé devant moi, vivant mais sans l’être.
Soudain, je relève la tête en réalisant une présence, dans mon dos.
— Je vous en prie, éclairez-moi, je chuchote en tentant de cacher les larmes ayant coulé sur mes joues. Je sais que vous en mourrez d’avis donc donnez-moi votre avis sur cette situation.
Historia ne répond pas tout de suite. Debout derrière moi, je sens néanmoins son regard sur mes omoplates. Il dérive sur le corps d’Eren.
— Remarquez comme il n’avait pas pris d’épées, seulement du poison.
Ma mâchoire se contracte. J’observe sa ceinture nullement ornée de la moindre arme.
— Il n’a jamais eu l’intention de vous blesser, explique la Dame du Lac. Soit vous le suiviez, soit il mourrait.
Je ne rétorque rien. Profitant qu’elle ne me voit pas, debout derrière moi, je pleure. Des larmes coulent sur mes joues, que je ne tente pas de retenir. Ma main caresse son épaule à travers sa chemise de lin. Aucune protection. Aucune armure.
Je caresse doucement son front.
— Où est-t-elle ? je finis par demander au bout d’un moment.
— Où est quoi ?
Mes poings se serrent tandis que j’observe l’ombre des cils d’Eren se découpant sous ses yeux. Il semble simplement endormi, là. Et il l’est. Mais plus pour très longtemps.
— Eren n’a pas choisi n’importe quel poison. L’anuretia est un philtre qui ne prend effet qu’au bout de deux heures. Il commence par plonger dans le coma puis il tue. En deux heures, j’ai le temps de préparer l’antidote et il le savait pertinemment. Je suppose qu’il s’agit pas d’un suicide mais d’une mise en garde.
Me tournant enfin, je jette un regard féroce à la Dame du Lac, par-dessus mon épaule.
— L’antidote ne peut être créé qu’avec une partie du même plan d’aconit qui a servi à créer le poison. Alors où est-il ?
Les cheveux d’or de la sorcière ont été ramené en une longue natte. Sur son corps, une tunique de lin me laisse comprendre qu’elle sort tout juste d’une cérémonie païenne. Elle a dû l’interrompre dès qu’elle a compris ce qu’il se produisait.
Cependant, elle ne répond pas. Mes poings se serrent et je rugis.
— Quoi ? Alors, sous prétexte que je suis la nouvelle Mordred, celle censée tuer le nouveau roi Arthur, je ne peux pas le sauver ? Je suis obligée d’accomplir mon destin ?
— Vous n’êtes pas Mordred.
Mes sourcils se haussent. Je jette un regard au visage du brun. Ma main vient caresser sa joue froide comme la mort.
Sans doute dit-t-elle vrai. En le voyant ici, il n’est que logique de conclure que jamais je n’étais censée entrer dans sa vie. Qu’il aurait mieux fallut que je reste à l’écart. Même si cela aurait signifié qu’il n’aurait jamais pu mettre la main sur mon épée et accéder au trône.
Un rire sans joie franchit mes lèvres.
— La véritable Guenièvre est en prison et une parfaite inconnue vient de le mener vers la mort.
— Faux, faux, faux et faux.
Mes sourcils se froncent. Historia fixe le corps étendu du monarque.
— Il s’est lui-même mené vers la mort. Là est le principe d’un suicide. Et vous n’êtes pas une parfaite inconnue, loin de là.
Je n’en suis pas si sûre. J’observe les traits d’Eren. Est-ce la dernière fois que je le vois ? Là ? Allongé sur le sol de son propre palais ?
— Pour ce qui est de la véritable Guenièvre en prison, ces deux informations sont fausses. Mikasa n’a jamais été Guenièvre. Et elle n’est plus en prison.
Je me fige, levant la tête. Mes yeux s’écarquillent.
— Que venez-vous de dire !? je crache.
— Mikasa n’est pas Guenièvre puisque vous êtes Guen…
— Où est cette pourriture ? je la coupe, mes dents se serrant.
La blonde déglutit péniblement. Ses lèvres se pincent. Je me redresse, sentant que la réponse ne va pas me plaire. Ma main se resserre sur le pommeau de l’épée tandis que l’autre caresse l’épaule du brun dans un geste protecteur.
— Elle part en direction de la chambre royale. Là où se trouve le plan d’aconit.
Mon sang ne fait qu’un tour et je me relève. Mon cœur pulse si fort que je n’entends quasiment pas mes paroles lorsque je gronde :
— Veillez sur lui ! Ou même les dieux ne vous protégeront pas de ma rage !
Elle obtempère aussitôt et je me lève. Courant à toute vitesse, je dégaine ma lame en atteignant une cage d’escalier. Les marches de marbre se succèdent sous mes pieds et je ne croise aucun chevalier. Cela ne m’étonne guère. Depuis ce qu’il s’est passé avec Mikasa, ils sont agglutinés à l’extérieur, craignant qu’un assassin ne vienne occire leur roi.
Personne ne peut rentrer dans le palais. Mais cela signifie aussi que mes chances de croiser quelqu’un qui pourrait m’aider sont moindres. Je suis seule, sur ce coup.
Mes chaussures glissent sur le sol et, d’un geste de la main, je freine mon corps. Déboulant dans le couloir menant à la chambre, je regarde la porte de celle-ci. Encore close, elle ne semble pas avoir été forcée. Aucune âme ne se trouve dans le couloir. Du moins, en apparence.
Me redressant, essoufflée, je commence à marcher. Les sens aux aguets, je veille sur le moindre signe me parvenant, réduisant la distance entre cette porte et moi.
Seul le bruit de mes pieds sur le sol résonne. Cependant, un goût amer a envahi ma bouche. Je peux sentir le parfum âpre du danger autour de moi. Personne n’est visible. Mais ma main caresse le pommeau de mon épée.
Soudain, un sifflement. Mes genoux se plient au moment où la lame acérée d’une hache passe dans les airs, fendant l’endroit où se trouvait encore ma gorge, quelques secondes auparavant.
Basculant sur un genoux, je tends brutalement l’autre jambe vers la source du coup. Mon pied percute un corps dur qui se retrouve projeté quelques mètres plus loin. Cependant la noiraude se contente de glisser sur ses pieds sans tomber, sa hache toujours fermement empoignée.
Je me relève. Elle me regarde, ses pupilles noires se dilatant.
— Que se passe-t-il, Forgeron ? Tu te bats enfin contre un adversaire à ta taille ? demande-t-elle.
— Et où est-t-il, cet adversaire ?
Son sourire venimeux retombe et, dans un hurlement, elle se jette sur moi.
D’un geste habile, je pars sa lame de la mienne. La femme se retrouve juste devant, son visage déformé par la rage à quelques centimètres à peine du mien. Je vois chaque muscle et rouage de sa personne qu’elle utilise pour faire pression contre moi.
Cependant je maintiens mon cap. Forte sur mes appuies, je lutte contre la hache, les dents serrées. Mes pieds glissent sur le sol dans un mouvement contrôlé. Il me faut juste l’inciter à appuyer encore plus son arme contre la mienne.
Me voyant commencer à glisser, elle esquisse un sourire mauvais. Nos lames sont croisées mais elle s’imagine qu’elle a le dessus. Elle ne se doute pas un seul instant que je fais semblant de battre en retraite.
Pensant m’asséner le coup fatal, elle s’appuie davantage. Là, je saisis ma chance.
Je tombe brutalement à genoux, lâchant mon épée. Elle qui forçait de tout son poids dessus bascule en avant, incapable de se contrôler tandis que la lame tombe au sol. Son corps passe par-dessus le mien quand je me relève. Son ventre se pose alors sur mon épaule et ses pieds pointent le ciel tandis qu’elle tombe la tête la première. Je donne un coup dans le manche de sa hache pour que cette dernière vole loin d’elle.
Me retournant, je m’empare à nouveau de mon épée. Je pointe la lame sur la gorge de la femme qui, allongée sur le dos, tente de se redresser sur les coudes. Mais mon pied se pose sur sa poitrine, la plaquant au sol.
— Alors, Mikasa ? Dis-moi quel goût à la défaite ?
Ses cheveux courts collent à la sueur de son front. Sa mâchoire se contracte méchamment tandis qu’elle me foudroie du regard. Ses pupilles me percent avec rage. Mais, soudain, contre tout attente, un sourire étire ses lèvres.
— Je ne sais pas… Tu n’auras qu’à me répondre.
Je n’ai pas le temps de réagir. Arrachant une fiole de sa poche, elle la brise dans sa main avant d’en projeter les gouttes sur moi. Je me tends d’abord, prête à riposter. Puis, en constatant qu’elle n’a fait que mouiller mon corps et se couvrir la main gauche de verre brisé, je hausse un sourcil moqueur.
— Et dire que tu étais considérée comme la meilleure guerrière de Camelot, je raille. C’est donc cela que ta botte secrète et ton ultime recours ? Quel emb…
Un hurlement franchit mes lèvres. Partout où des gouttelettes m’ont touchée, y compris sur mes vêtements, il me semble qu’une solution chimique grignote ma chair. Mes yeux s’écarquillent de douleur tandis qu’une souffrance aigüe cuit mon cœur.
Mes doigts s’écartent et mon épée tombe. La lame se brise sur le sol.
— Cette potion est à même de briser n’importe quel minéral. Et elle paralyse la matière vivante en l’enfermant dans une odieuse douleur. Sauf si on en a ingéré des doses depuis l’enfance et qu’on en est immunisée…
Je n’arrive plus à bouger mon bras. Qu’importe, ignorant la douleur, je me laisse tomber à genoux afin d’attraper la hache de ma main faible. Cependant ma poitrine tressaute soudainement, touchée par la potion. Elle peine à se soulever. J’ai du mal à respirer.
Je m’effondre sur le sol, le souffle court. Mes poumons me cuisent tandis que je songe à Eren, allongé pareillement, un peu plus loin.
Du coin de l’œil, je perçois la silhouette de Mikasa se relevant. Elle marche jusqu’à la hache qu’elle ramasse.
— Ne t’en fais pas, chuchote-t-elle. La souffrance est atroce mais cette potion ne peut pas te tuer. D’ici quelques minutes, tu ne ressentiras plus ses effets.
Elle se plante devant mes pieds, un sourire viscéral aux lèvres.
— Tout simplement car je t’aurais tranché la gorge.
Des larmes de douleur que je ne parviens pas à retenir couvrent mes joues. Je hoquète bruyamment, tentant de quérir un peu d’air. Il me semble que le sang pulsant à tout allure dans mes tempes va faire exploser celles-ci.
Je suis en train de mourir. Et le pire c’est que je ne m’en préoccupe pas. Je ne me soucis pas du fait de quitter ce monde.
Tout ce qui m’importe et cette aconit qui pourrait sauver Eren et qui ne se trouve qu’à quelques pas de moi. Mais Mikasa se hisse entre nous, son arme à la main et un sourire odieux aux lèvres.
Elle lève la hache haute dans le ciel, grondant :
— Camelot est à moi.
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désolée de ne pas
avoir publié hier !
j'étais très prise par
les candidatures en
master et les partiels !
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