ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟏





















































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             IL EST DES regards qui vous marquent. Le sien l’a fait. La toute première fois qu’elle a croisé ma route, j’ai gardé les iris ancrées sur l’horizon. Elle était à l’époque accompagnée de notre monarque et je ne voulais me montrer irrespectueux en laissant mes pupilles se distraire de cette façon.

             Pourtant, je n’oublie rien. Je n’ai jamais oublié.

             La façon dont son regard m’a frappé. L’émotion germée en moi quand je l’ai vue pour la première fois. Le tressaillement, à peine perceptible, de ma lèvre lorsque nos yeux se sont croisés. Non. Je n’oublie rien.

             Les vies s’enchaineront et je pourrais renaître. Mon cœur saura toujours la reconnaitre.

— Forgeron, j’appelles. Me crois-tu réellement aussi naïf ?

             Sous mes yeux, le visage bouffie d’un paysan gavé de charcuterie et travaillant des heures au soleil me fait face. Ses yeux noirs me fixent tandis qu’il se déplace gauchement, visiblement peu habitué à la morphologie de son propre corps. Comme si on l’y avait balancé, du jour au lendemain, sans trop d’explication.

             Sa façon maladroite de se déplacer aurait pu me mettre la puce à l’oreille. Mais en réalité, une seule chose très précise m’a poussé à reconnaitre qu’il ne s’agissait pas là d’un paysan ordinaire.

             Son regard. La lueur qui l’a traversé lorsqu’elle a esquissé un sourire mesquin à l’égard de Mikasa.

             Il s’agit de l’exact même éclat que celui qui m’a terrifié, lorsque j’ai appris à la connaitre. La première conversation que nous avons eu a été ponctuée de quelques menaces savamment amenée. Et la façon dont ses yeux se sont allumés, à ce moment-là, m’a marqué.

             Les démons peuvent revêtir de bien belles formes.

             Dès les premières paroles échangées, j’ai su quel genre de sombre créature elle était. Mais, plus tard, les dieux m’ont appris à douter. Ils ont glissé sur ma route le visage d’une femme après avoir ingéré une potion de vérité. Et elle, le malin, cette si vile bête… Était, à l’intérieur, d’une beauté plus splendide encore que les traits qu’elle avait aimé à me montrer jusque lors.

             Suis-je moi-même atteins ? Mon âme est-elle souillée ? Putride ?

             Car je n’ai vu que de la beauté, ce jour-là. Et elle n’a pas quitté ses traits. Elle ne les quittera jamais.

             A présent, son regard en est habillé. Et il rend toute confusion impossible.

— Je sais que c’est toi. Je te reconnaitrais, qu’importe les formes que tu revêts, Forgeron.

             Elle ne répond pas. Sans doute a-t-elle compris qu’il était inutile de nier.

— Soit, je n’aime pas les traitres fomentant des Coups d’Etat, qu’importe leur raison. Mais j’apprécie encore moins les sangsues obsédées par mon trône et faisant tout pour s’y raccrocher, récupérer l…

— La couronne t’a fait pousser des ailes et à cause de son poids, tu imagines ta tête sans doute plus large qu’elle ne l’est vraiment. Mais Eren, tu ne restes que le vile cabot que j’ai dressé. Ne me regarde pas de la sorte. Ne me parle pas de la sorte.

             L’homme devant moi montre les dents. Une dentition brunie et teinté de moisissure.

             Cependant même là, elle est belle.

— N’oublie pas qui t’as fait.

             Un rictus amusé étire mes lèvres et je penche la tête sur le côté, comme pour mieux observer celle qui se dessine sous les traits du paysan. Je ne l’y vois pas et je la vois en même temps… Voilà une bien étrange vision.

— Alors tu veux agir de cette façon ? Tu préfères considérer le problème sous cet angle ? je demande.

— Le problème, cingle-t-elle en marchant rageusement jusqu’à moi, est qu’une sale morue est assise sur mon trône et avec mon visage ! Te fait-t-elle honte au point que tu n’as pas été foutue d’assumer sa véritable tête ? Que vous ayez été obligés de voler la m…

             Sa phrase meurt brutalement dans sa gorge. Je viens de saisir son poignet et, d’un geste habile, je la fais basculer sur mes genoux. Elle chute dans un cri de stupeur et n’a pas le temps d’opposer la moindre forme de résistance lorsque je coince le goulot de la fiole de sérum de vérité entre ses lèvres.

             Evidemment, fidèle à elle-même, elle me repousse. Mais quelques gouttes ont déjà trouvé ses lèvres. Il est trop tard.

— Espèce d’ordure ! lâche-t-elle.

             Sa voix est de nouveau celle que je lui ai toujours connue. Un sourire satisfait apparait sur mon visage tandis qu’elle demeure sur mes genoux, comprenant que se débattre ne sert à rien. Doucement d’abord, son corps convulse, il se déforme, se reforme, change de teinte.

             Puis, elle redevient celle qu’elle a toujours été. Assise en travers de mes cuisses, me montrant son profil.

— Enfin, je te retrouve. Ce visage m’avait manqué, je chuchote.

— Comment a-t-il pu te manquer une seule seconde ? Espèce d’abruti, tu l’as donné à une autre ! Bon sang, Eren, à quoi pensais-tu ?

             Mon nom. Dans sa bouche. Prononcé par sa voix. Il semble plus doux qu’à l’ordinaire.

             Pourtant, une pensée me vient. Lorsqu’elle portait les traits du paysan, elle m’a appelé sire. J’aurais aimé l’entendre, la voire, elle, prononcer ce mot.

             Je sais qu’elle ne le fera jamais. Je ne sais si cela me déçoit ou tout le contraire.

— Ce n’est pas ton visage.

— Bien sûr que si ! Me crois-tu aveugle ! Je l’ai vu ! De mes yeux !

— Oui, mais… Ce n’était quand même pas…

             Je ne termine pas ma phrase. Elle est déjà si furieuse. Bien que la colère ait tendance à rendre ses traits autrement plus désirable, je n’aime pas l’idée qu’elle soit dirigée vers moi.

             Mais non, ce n’était pas son visage. Cela se voyait. Je ne supportais pas de regarder Mikasa car chaque expression, chaque regard, chaque lueur, chaque acte m’apparaissaient comme ceux d’une autre.

             Alors, à présent, je la contemple. Je l’admire. Je la regarde sous tous les angles.

             Elle est bel et bien là.

— Tu m’as manquée, je chuchote.

— Boucle-la, espèce de c…

             Mais sa voix meurt dans sa gorge. Entre mon pouce et mon index, j’ai saisi son menton. Elle se tait, ses yeux louchant sur mes lèvres avant de se planter dans les miens.

— Si tu n’avais pas bu ce sérum, je sais que tu te serais empressée de dire que je ne t’ai pas manqué. Le fait que tu n’en dises rien maintenant est la plus belle déclaration que tu pouvais me faire.

             Elle ne répond pas. Elle sait que je dis vrai. Je lui ai manqué.

             Mon cœur s’emballe à cette idée.

— Ce visage est vraiment magnifique, quand tu le portes.

             Elle ne dit rien. Elle n’a pas besoin de parler.

















             Mes lèvres se posent sur les siennes dans un geste que j’ai désespéré de faire.










































































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eren passe
à l'action
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