ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑
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LE SOLEIL NE DEVRAIT pas être aussi puissant. L’hiver est tombé sur Camelot mais les rayons de l’astre enjolivent le jardin symétrique. Droite, je l’observe depuis ma fenêtre. Derrière moi, un vaste salon débarrassé de son mobilier et surplombé d’un lustre s’étend.
Les préparatifs du bal qui arrivera sous peu mène le roi à réorganiser les pièces. Bientôt, les meubles, chaises, tables seront tous enfermés au sous-sol afin de laisser la place aux invités des quatre coins de la carte de danser.
— Vous flânez encore, Forgeron ? retentit une voix dans mon dos.
Mes yeux se plissent. Mirta. La cartographe du royaume.
Sans me tourner vers mon amie, je la laisse se poser juste à ma droite. L’étoffe de ses vêtements me frôle. Un bref regard au sarouel ceinturé d’épais foulards noirs montant jusque sous sa poitrine me fait légèrement sourire. Sur sa tête, un voile dissimule une partie de son crâne.
— Vous jouez avec le feu.
— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, rétorque-t-elle d’une voix me laissant deviner son sourire.
Dans les jardins en contrebas, je distingue bientôt la silhouette en armure que je cherchais. L’épais attirail recouvre son corps sculpté et il est de dos mais le chignon brun d’Eren Jäger me suffit à le localiser dans la masse des autres chevaliers.
Autour de lui, d’autres se rassemblent. Bientôt, le ministre Livai Ackerman viendra leur dicter des ordres sur le bal à venir.
— Les sarouels, écharpes et voiles sont typiques de la communauté Moorath et vous savez qu’Erwin va recevoir d’influents seigneurs aujourd’hui, je murmure dans un sourire espiègle. Vous voulez montrer à tous que vous n’avez pas renié votre culture, contrairement à ce qu’Erwin prétend.
— La défaite que nous avons infligé à votre peuple est ancienne. Me demander d’oublier ma façon de vivre pour ne pas froisser votre égo est honteux.
— Ce peuple n’est pas le mien, je réponds simplement.
Mirta se tourne vers moi. Je devine son regard affuté par un trait de khôl sur moi. Ce n’est pas la première fois que nous discutons et elle apprécie le fait que je me joue d’Erwin. Mais jamais je n’ai été limpide avec elle sur les raisons de mon incarcération.
Tout ce qu’elle sait est que deux sorts me retenaient ici. Le premier m’empêche de sortir du palais et le deuxième, des geôles du château. Un simple numéro de charme au blond m’a suffi à le pousser à briser le sceau me retenant en cellule.
Mais il a toujours été trop prudent pour m’affranchir de toutes mes chaines.
— Pourquoi avez-vous été enfermée ? demande enfin Mirta.
Cette question lui brûle les lèvres depuis notre première rencontre et je le sais. Un incendie ayant ravagé une partie des archives, il y a un an, les papiers relatifs à mon incarcération ont été détruits. Nul ne sait pour quelle raison je suis sous les verrous.
Lorsque le roi a tenu à me délivrer, assurant que j’avais peut-être déjà purgé ma peine, il s’est heurté à son second, Livai, qui — bien moins biaisé — a opposé l’idée qu’il existait une possibilité que je sois en réalité loin de la fin de ma sentence.
Un compromis a été trouvé. Je peux déambuler dans le palais mais pas au-delà.
— Je suis une prisonnière de guerre, je réponds honnêtement.
— Vraiment ? Ces gens-là sont plutôt revendus comme esclaves, à l’origine, commente-t-elle, surprise.
Je me tourne enfin en sa direction, m’arrachant à l’observation du brun en contrebas. Mes yeux trouvent aussitôt le profil de la jeune femme qui fixe à son tour les chevaliers. Son nez cabossé et imposant surplombe une bouche pulpeuse.
Celle-ci se pince brièvement avant qu’elle n’ajoute dans un rire gêné :
— J’avoue que je m’attendais à plus impactant, comme histoire sur votre passé.
Un sombre sourire étire mes lèvres et je me tourne à nouveau. Livai Ackerman a enfin pénétré la cour. Son armure épouse les contours de sa silhouette sculptée sur laquelle jaillit une tête aux cheveux ébènes coupés d’une bien curieuse façon.
Similairement au roi, il a rasé de près la partie inférieure de son crâne puis laissé le sommet pousser. Cela lui va tout de même mieux qu’au monarque. Parfois, je songe que j’aurais peut-être jeté mon dévolu sur lui s’il était corruptible.
Mais avoir le roi dans sa poche reste une prouesse non-négligeable.
— Si cela peut ajouter un peu de piment dans votre plat, j’ai été livrée par mon propre camp, je murmure.
Un sursaut secoue Mirta quand elle entend cela.
— Quoi ? Mais pourquoi ?
— Mon empereur a…désapprouvé mes méthodes et m’a abandonnée. Ses opposants se sont empressés de me faire payer les crimes que j’avais commis lorsque je servais cet homme.
— Mais pourquoi ne pas vous avoir mis dans leurs cellules ? s’exclame Mirta.
Un sourire cinglant étire mes lèvres. Cette femme, avec ses grands yeux bruns et sa voix douce, ne semble avoir jamais mis les pieds sur un champ de bataille. Et en dépit de sa vie à la cour, son âme est trop pure pour qu’elle puisse imaginer la moindre manœuvre politique douteuse.
— Enfin, ça me semble pourtant évident, retentit soudain une voix dans notre dos.
Mon sang se glace dans mes veines quand je reconnais ce ton condescendant et cette voix féminine. Des années se sont écoulées depuis que je l’ai entendue, la dernière fois. Elle était alors transie d’effroi. Car je venais d’assassiner l’une des femmes qui comptait le plus à ses yeux.
Me retournant, je pose les yeux sur le visage d’une ennemie. Ses yeux ronds et gris surplombent un nez cabossé où deux lèvres épaisses se superposent en une ligne droite. Aujourd’hui, elle a amené ses cheveux châtains en un chignon.
Mon poing se ferme.
— La plus grande punition pour une criminelle de guerre est d’être enfermée proche des familles des hommes qu’elle a tuées, ajoute la femme. Ils ont tendance à être rancuniers.
— Que fais-tu ici, Olympe ?
— Je suis venue te parler d’Excalibur.
Mes muscles se raidissent et je gratifie Mirta d’un bref coup d’œil. Celle-ci comprend aussitôt mes pensées et quitte les lieux. Je l’observe disparaitre derrière une porte. Nous sommes à présent seules.
Devant moi, Olympe laisse filer un soupir entre ses lèvres.
— Dis-moi que tu mens et que tu n’es pas venue d’aussi loin pour discuter d’une épée à la con, je gronde entre mes dents.
Elle hausse un sourcil en penchant la tête sur le côté. Je ne la dupe pas le moins du monde. Elle connait mes pouvoirs et, par-dessus tout, mes ambitions.
— L’épée que tu as construite ? On parle bien de cette « épée à la con » ? demande-t-elle.
— On m’appelle le Forgeron, encore heureux que je forge des épées.
Un rire sans joie traverse les lèvres d’Olympe qui réduit légèrement la distance entre nous en exécutant un pas.
— Tu sais très bien que ce que je veux savoir c’est pourquoi cette épée s’est retrouvée plantée dans le rocher Epsilon. A cet endroit précis qui pousserait n’importe qui à croire en la Renaissance du roi Arthur.
— C’est à toi de répondre à cette question. Je ne peux pas sortir de ce palais, l’aurais-tu oublié ?
Je penche la tête sur le côté quand elle pince les lèvres, amère. Bien sûr, les bruits de couloir m’ont permis d’apprendre que mon arme avait été retrouvé dans cette pierre. Mais jamais je n’aurais pu l’y placer et elle le sait.
Là est la raison de sa venue. Je n’ai aucun allié dans ce royaume mais je détiens à présent le pouvoir de me venger. Une épée que j’ai façonnée, des années auparavant, semble être la clé pour s’emparer du trône.
— Je sais ce que tu comptes faire. Tu es liée aux armes que tu crées donc tu sais qu’Eren Jäger est celui qui l’a décrochée du rocher.
— Olympe, tu m’épates, je lâche d’un ton sarcastique. Tu t’es enfin découvert des neurones ?
— Tu ne manipuleras pas Eren Jäger.
Son ton est ferme, résolu. Un sourire étire mes lèvres tandis que je fais un pas en sa direction, franchissant l’espace nous séparant l’une de l’autre :
— Et qui va m’en empêcher ?
Elle ne répond rien, se contentant de m’observer de son regard glacé.
— Toi ? j’insiste.
— Lui.
Mes mouvements se figent.
— Eren Jäger n’est pas né de la dernière pluie, lance-t-elle. Il sait que même si cette épée a été posée là par les dieux, sa provenance cache quelque chose d’étrange.
Une certaine chaleur grimpe en moi. De l’appréhension. Olympe est trop mauvaise actrice pour mentir aussi froidement alors je sais qu’elle dit vrai. Cependant je devine la suite de ses propos et ceux-là ne m’enchante guère.
Elle acquiesce, corroborant ce que je n’ai pas dit à haute voix, comme effrayée que le formuler le rende réel.
— Et oui, Forgeron. Eren Jäger a jeté ton épée et ne compte pas réclamer la couronne.
— La colère des dieux va s’abattre sur Camelot et…
— Parlant de colère divine… Que diras ton chez empereur quand il découvrira ce que tu essayes de faire ? commente-t-elle.
Mes lèvres se pincent et je la foudroie du regard.
— Le Serpent m’a laissé pourrir en cellule, je me fiche de ce qu’il pense et ne lui doit rien. J’achèverai mon dessein qu’il le veuille ou non.
— Tu crois sérieusement que nous te laisseront faire ? me rétorque-t-elle en arquant un sourcil.
— Le Serpent est celui qui m’a ordonné de commettre tous ces meurtres, c’est à lui que vous devriez vous en prendre !
La mâchoire d’Olympe se contracte.
— Il serait temps que tu assumes tes torts. Tu as massacré des gens au nom de notre peuple. Tu t’es cachée derrière notre drapeau pour commettre des crimes. Alors que ce soit par loyauté envers un empereur que seul toi considère réellement comme chef ou par simple méchanceté, tu dois endurer ta peine.
Mon sang boue dans mes veines. Cette femme et moi n’avons jamais été proches. Notre nation est gouvernée par deux Empereurs. Le Serpent, que je respectais. Et une autre femme qui a la loyauté d’Olympe et des autres personnes m’ayant enfermée ici. Depuis le jour où j’ai fait le choix de servir cet homme, mes alliés ont diminué.
Alors cette femme ne m’a pas un seul instant perçue en ami.
— Eren grimpera sur ce trône, que tu le veuilles ou non.
Elle ne répond pas, se contentant de se retourner et quitter les lieux. Je la regarde atteindre une porte avant de disparaitre derrière celle-ci. Mon cœur se fait lourd quand j’observe sa silhouette. Le poids de mes actes pèse sur mes épaules et j’ai conscience que bien des personnes considèrent que je ne mérite aucune forme de pardon.
Peut-être ont-ils raison.
Mais ma liberté me manque et la vérité sur le Serpent m’a frappée durant ma captivité. Des années passées à l’attendre en cellule. Des mois écoulés à gratter les parois des murs. Des semaines à fixer les barreaux de la cage. Des jours à espérer de toutes mes forces qu’il vienne me chercher.
Mon salut a été l’apparition de Ductile — qui est le véritable nom de celle qu’ils appellent Nouvelle Excalibur ou encore (T/P) qui n’est que ma signature — dans le rocher Epsilon. Les dieux de ce monde ont dû me prendre en pitié, finalement.
— Mon amie ! Quel plaisir de vous croiser ici ! résonne la voix d’Erwin devant moi.
Je me retiens de lever les yeux au ciel et plaque un sourire charmé sur mon visage, m’inclinant légèrement en avant. Qu’importe où je me trouve, cet homme ne met jamais bien longtemps avant de croiser « par hasard » mon chemin.
Il aime mon allure mais encore plus ma façon de me taire et acquiescer poliment en sa présence. Entre la mage Ymir qu’il consulte, la cartographe Mirta, la guerrière Mikasa, l’archer Edryl et la maitresse en posologie Neferta, il a bien du mal à trouver des femmes dans son entourage qui s’écrasent devant lui et ne le surpassent pas dans bien des domaines.
Il ne m’a pas fallu bien longtemps avant de comprendre que le meilleur moyen de séduire Erwin était de dire que j’étais un piètre forgeron, contrairement à ce que sous-entend mon surnom et, surtout, m’extasier devant le récit de ses exploits.
— Sire, je suis ravie de vous voir, je le salue.
— Ma mie, il en va de même pour moi ! Un entrainement ce matin m’a mené à une belle victoire que je dois vous compter !
Nous sommes repartis pour un tour.
Le laissant venir jusqu’à moi, je souris quand il passe son bras autour du mien et pose une main dessus. Tournant des yeux agrandit par de « l’admiration » en direction, je murmure :
— Avant cela, sire, puis-je vous demander une faveur ? Vous êtes le seul qui puissiez m’aider.
— Mais bien sûr, ma douce.
Je ne rate pas l’orgueil qui gonfle sa poitrine en m’entendant dire qu’il est l’unique homme capable de résoudre mon problème.
— Eh bien, je voulais participer au bal mais des dames de la cour m’ont dit que je n’avais pas le droit. Selon elles, même si j’aime le roi et qu’il m’aime, il n’a pas la puissance nécessaire pour laisser une prisonnière participer à…
— Mais bien sûr que si ! tonne-t-il en fronçant les sourcils. Ces femmes ne savent pas de quoi elles parlent, j’ai tous les droits !
Il n’a même pas pris la peine de réaliser que laisser une prisonnière participer à un évènement diplomatique serait stupide. Son égo touché, il n’est plus capable d’aucune forme de réflexion.
— Vraiment, sire ? Vous êtes tellement puissant !
Il me sourit tendrement, attrapant mon menton entre ses doigts pour me forcer à le regarder dans les yeux.
— Et vous, vous n’êtes qu’une délicieuse créature en détresse qui mérite d’être sauvé par un homme vaillant.
Je détourne le regard d’un air embarrassé.
— Sire, vous êtes mon héros !
Espèce de gros con.
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j'espère que ce chapitre
vous aura plu !
eren et le reader auront
plus d'interactions dans
les chapitres à venir
merci
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