ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟓
. . . ♕ . . .
. . . ♕ . . .
AUJOURD’HUI EST UN jour de fête.
Jamais je n’avais vu la cour du château si remplie. Les toilettes se confondent dans une cascade de couleurs derrière les bosquets de fleurs baignées par la lumière de l’astre. Les dieux ont béni ce jour. Une délicieuse fragrance se répand parmi les convives aux tenues élaborées. Même les petites gens ont enfilé leurs linges le plus propre. Tous se séparent naturellement mais tous sont là.
Des paysans discutent entre eux, assis dans l’herbe où ont été tendues des nappes. Au loin, cachées derrière des éventails, des dames les jaugent en marchand parmi les allées pavées. Les hommes, eux, discutent du couronnement dans un langage châtier et s’observant avec ferveur. Seuls les chevaliers demeurent silencieux.
En armure, ils sont postés de chaque côté de l’allée principale, empêchant quiconque de pénétrer cette dernière. Car là est l’endroit qu’Eren occupera, aujourd’hui, lorsqu’il prouvera à tous qu’il est né pour être souverain. Que les divinités elles-mêmes l’ont décidé.
— Je suppose que c’est à vous que l’on doit cette mascarade, retentit la voix du seigneur Ackerman, dans mon dos.
Perchée derrière l’une des fenêtres donnant sur les vastes jardins, j’observe tout cela à travers la vitre. Je ne me tourne même pas vers le noiraud lorsque je lui rétorque :
— Nous deux savons que ce n’est pas une mascarade. Vous êtes juste frustré de ne pas avoir remarqué ce qu’il se tramait et de n’avoir eu l’occasion de vous ranger du côté du seigneur Jäger, lui qui est le véritable héritier de la couronne.
— J’ai foi en Jäger sinon je n’aurais jamais laissé les chevaliers de la Table Ronde lui prêter allégeance. Cependant, soyez-en sûre, je sais pertinemment que vous n’œuvrez pas pour le bien de Camelot et si vous vous permettez un quelconque geste durant cette cérémonie, vous le paierez.
— Vous avez l’air très convaincu. C’est absolument adorable, je réponds du ton le plus dédaigneux que je peux utiliser.
Il n’a pas tort, cela dit. Cette cérémonie ne trouvera pas son terme. Mon cœur se fait lourd à cette idée, d’ailleurs. Dans un monde utopique, la cérémonie se déroulerait normalement. Un témoin de bonne foi lirait à haute voix le long papier signé par les différents chefs des royaume de la carte et qui attestent qu’ils reconnaissent la légitimité du roi.
Puis, les ambassadeurs de ses royaumes s’agenouilleraient un à un devant la silhouette d’Eren, symbole de l’alliance. Les chevaliers de la Table Ronde feraient de même, signe qu’Arthur est de nouveau là, en la personne de ce nouveau roi.
Finalement, une dizaine de mages issus de différentes nations boiraient un sérum de vérité et déclareraient qu’ils n’ont pas été soudoyé par le roi. Ensuite, ils analyseraient la lame d’Excalibur et diraient si elle a été ensorcelée ou pas.
S’ils admettaient qu’elle est authentique, Livai la lancerait haut dans le ciel. Elle reviendrait naturellement dans la paume d’Eren sous le regard de la noblesse, du clergé et du tiers-état. Les différentes tranches de la société seraient témoins de ce qui n’est autre que la vérité.
L’héritier d’Arthur Pendragon est là.
— Je sais que vous allez faire quelque chose, insiste le noiraud. Quoi exactement, je ne peux le dire. Mais je sais que vous allez foutre votre grain de sel là-dedans, Forgeron. Et laissez-moi vous dire que vous le regretterez amèrement.
Je le regrette déjà. Mais la prophétie est limpide. Eren m’enfermera. Lui qui m’a promis de retrouver ma liberté m’enverra croupir dans les geôles du château, revenant sur sa promesse. Trahissant l’amour que je lui ai déclaré.
Alors je suis bien obligée de le trahir.
— Je me fiche de vos pathétiques menaces, seigneur Ackerman. Eren sera roi ce soir, que vous le vouliez ou non.
— Oh mais oui, il le sera…
Je le sens s’approcher. Et dans le reflet de la vitre, de façon quasiment imperceptible à cause de la forte lumière propagée par le soleil, je le vois me lancer un regard des plus rudes.
— La question est de savoir si vous, vous le voulez.
Ma gorge se serre et ma mâchoire fait de même. Finalement, cet abruti pourrait bien me poser un problème dans la réalisation de mon plan. Eren est trop naïf — du moins, il donne la sensation de l’être — et il me croit vraiment épris de lui donc il ne tentera rien pour m’arrêter car il ne me comprendra pas.
Quand bien même il a manifestement la volonté de désobéir à sa promesse et me faire un coup en traitre, il ne se doute pas une seule seconde que je suis tout à fait consciente de cela. Alors il me laissera faire. Livai, en revanche…
— Pressez. La cérémonie va commencer
Dans cette dernière phrase, le noiraud tourne les talons. Je le regarde faire, les lèvres pincées. Mon regard se pose sur la trône, en contrebas. Fait entièrement de cristal, taillé avec soin dans cette matière pure et transparente pour monter la légitimité de son couronnement.
Ce trône. Les rois ne s’assoient qu’une seule fois chacun dessus. Lorsqu’on les couronne. Ensuite, un autre leur sert de siège. Eren s’imagine suivre le même dessein. Il ne réalise pas une seule seconde qu’il n’en sera en réalité rien.
Il n’aura même pas le temps de s’assoir sur l’un d’entre eux.
— Tu paieras pour avoir trahi ta promesse, Jäger, je chuchote.
Mon cœur se serre et ma gorge aussi.
— Tu le paieras. Même si cela doit me briser à jamais.
Je tourne les talons et, saisissant ma robe, m’engage dans les escaliers. Je n’ai vraiment aucune envie de faire ce que je m’apprête à faire. Je ne veux pas tirer une croix sur la vie paradisiaque que je m’étais imaginée en tant que bras droit d’Eren. Je veux continuer à rêver, continuer à espérer que je puisse occuper un poste si important et respecté au sein de ce royaume légendaire qu’est Camelot.
Seulement les prophéties ne mentent jamais. Si Historia a dit que cela se produirait, cela arrivera. Alors la seule chose que je peux faire est d’espérer que, pour une fois, je parvienne à déjouer les paroles.
En tuant avant cela l’homme censé me forcer à ce funeste destin.
— Forgeron.
Je me tourne vers la voix venant de me saluer. Le seigneur Arlet s’y trouve, paré de son armure lustrée. En retrait et discutant avec d’autres chevaliers dans le hall du château, Mikasa m’ignore soigneusement mais je sais qu’elle a remarqué ma présence. Je l’imite, n’ayant guère le temps de m’adonner à quelques jeux puérils.
— Seigneur, je le salue en retour.
— Vous êtes très élégante. Je suis sûre que notre sire appréciera votre effort. Cette couleur vous sied à merveille.
— Vous n’êtes pas obligé d’être si aimable, je souris gentiment. Certaines mauvaises langues pourraient même dire que vous me cirez les pompes. Vous ne gagnerez rien à cela.
Il rit de ma blague.
— J’ai ouï-dire que vous seriez bientôt mon maitre d’armes puisque que vous prendrez la suite de notre seigneur Livai Ackerman et dirigerez les chevaliers de la table ronde.
Ma gorge se serre brutalement. Oui. En effet. Du moins, l’avenir est supposé se dérouler selon ce plan et l’aurait fait si un petit oiseau nommé Dame du Lac ne m’avait pas révélé les véritables intentions d’Eren.
Hélas, il mourra avant.
Nous deux marchons vers les jardins. La chaleur de ceux-là s’abat sur moi. Ma poitrine se soulève et je regarde autour de moi. Quelques dames me jettent des regards réprobateurs. Sans doute trouvent-t-elles étrange que l’ancienne amante du mystérieusement disparu Erwin Smith se retrouve régulièrement au bras des monarques.
Mais je n’ai que faire des ragots. Je me nourris du savoir.
Savoir que sous peu, l’enfer se finira peut-être. Savoir que la musique retentissant autour de moi est sur le point de marquer le début d’une nouvelle ère. Sa voir que je vais tout mettre en œuvre pour prouver aux dieux qu’ils se trompent en faisant en sorte qu’une de leur prophétie s’avère fausse. Savoir que je vais triompher. Savoir que je m’en vais bientôt.
— Mes seigneurs, gens et dames, je vous prie de bien vouloir écouter.
Nos têtes se tournent vers un homme, debout au centre de l’allée principale au sommet d’une estrade minuscule conçue pour n’accueillir que lui et portée par des serviteurs. Il semble stable. Il ne remue pas, gardant la tête haute. Je ne l’ai jamais vu auparavant.
Ses cheveux noirs encadrent son visage plutôt doux et tapissé de taches de rousseur.
— En ce jour de fête, je m’apprête à lire la déclaration signée par les souverains de chaque royaume attestant de la légitimé d’Eren Jäger, lâche-t-il avant de saisir une fiole qui lui tend un serviteur sur un plateau et de l’ingurgité. Sous vos yeux, j’ai bu ce sérum attestant de ma sincérité lorsque j’affirme que chacun des mots que je vais lire seront véritablement écrit sur ce papier et que tous ont été signés de la main des très estimés et respectés monarques.
Il s’éclaircit la gorge et commence le discours. Je ne l’écoute que d’une oreille distraire, regardant autour de moi. La cérémonie promet d’être longue. Eren n’est pas là. Il n’entrera que lorsque Livai lancera l’épée dans les airs sous les yeux de la foule émerveillée.
C’est aussi à ce moment-là que je ferais mon apparition, bien que personne ne le sache.
La voix du jeune homme a beau être entrainante, mes paupières se font bien vite lourdes et je remarque d’ailleurs que je ne suis pas la seule à ressentir les premiers effets de la fatigue. Peu à peu, des nobles ordonnent à leurs serviteurs de se placer à quatre pattes sous leurs fesses pour se reposer. Mes yeux s’écarquillent face à une telle scène.
Arthur Pendragon avait fait bannir l’esclavage de Camelot et considérait que ce genre de traitement des domestiques, les apparentant à des objets, en était une forme. Il serait offusqué de savoir qu’Erwin Ier a rétabli cela sans égard pour la dignité humaine.
Au bout d’un moment qui me parait interminable, l’homme se tait et exécute une courbette en gage des respect. Les hommes portant l’estrade s’échappent, l’emmenant avec lui. Puis Mirta, splendide dans sa longue robe ivoire, se présente devant le trône de cristal vide. Elle pose un genou à terre et présente sa nuque afin de prêter allégeance et repars. Onyakopon apparait, faisant de même.
Tous les ambassadeurs se suivent un à un, symbole de ces nouvelles alliances.
Puis, Livai Ackerman arrive. Le menton levé, fier, il avance au milieu. Aussitôt, la foule tombe silencieuse. Il est infiniment respecté en sa qualité d’homme de guerre et d’état. Mais il annonce aussi l’arrivée imminente du principal concerné par cette pièce.
Les chevaliers étalés autour de lui en deux rangées marquant la séparation entre la scène et les nobles posent un genoux à terre. Aussitôt jaillissent du château une horde d’homme en armure. Le menton levé, l’arme rangée et le regarde droit, ils marchent. Ils sont treize, en tout. Mikasa et Armin les accompagne.
Eux. Ceux qui forment, avec le roi, les douze chevaliers de la Table Ronde.
Je ne suis d’ordinaire pas très friande de ce genre de démonstration. Mais je dois avouer qu’ils en imposant, aujourd’hui. Ils sont même impressionnants. Tous retiennent leur respiration.
Ils posent un genoux à terre et présentent leur nuque au trône. Ils se relèvent, cachant celui-ci. Puis ils repartent.
Au moment où ils s’éloignent, laissant à nouveau voir le siège impérial, un concert de murmures parcourent l’assemblée. Livai est encore debout au milieu de l’allée. Et Eren est assis.
Apparu comme par magie.
Son menton est levé et ses cheveux tombent sur ses épaules. Il a revêtu un pourpoint brun mettant en valeur l’émeraude de ses yeux qu’il pose sur l’assistance. Tandis que les mages boivent le sérum de vérité et jure qu’Excalibur est authentique, personne ne les écoute.
Car Eren est si impressionnant, avec son rictus en coin et l’aura infinie émanant de sa personne, que nous en chancelons presque.
Il n’a pas le droit de s’assoir sur ce trône avant d’avoir attrapé l’épée. Mais il le fait quand même.
Car il sait qu’il est le roi.
Et nul ne peut plus en douter maintenant.
Alors, personne n’écoute les mages ni ne regarde Livai lorsqu’il saisit l’épée. Tous sont concentrés sur Eren qui semble déjà tant à sa place, assis confortablement sur ce trône fragile comme s’il savait que jamais il n’oserait se briser sous son poids.
Oui, personne ne regarde Livai lorsqu’il balance l’épée dans le ciel. Nul ne prête attention à la lame qui s’élève en tournoyant. Nul ne dit rien quand elle s’arrête soudain dans les airs, quêtant son propriétaire. Nul ne murmure quand elle redescend à toute vitesse, prêt à fondre sur le nouveau souverain de Camelot.
Mais quand, au lieu de se diriger vers Eren, elle atterrit dans ma main, quelques cris se font entendre.
. . . ♕ . . .
petit
coup d'état
des familles
. . . ♕ . . .
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top