ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟑






































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             AUJOURD’HUI ET POUR la première fois depuis un long moment, je me sens légère. Mes pieds ne heurtent pas le sol sous le poids de mon armure, mes épaules ne me tiraillent pas à force de rester tendues, je ne respire pas avec difficulté, étreinte par le corset de mon uniforme. Mais, plus que tout, mes doigts ont retrouvé leur allure d’antan.

             Cela en revanche, je le regrette. Bien des nobles désapprouvaient l’allure de mes ongles et phalanges, à la cour de l’impereceo. Seulement là était le reflet de ma personnalité. Je n’étais pas une dame aux côtés de la tête pensante de l’Etat.

             J’étais le Forgeron.

             Celle qui concevait chacune des armes maniées par ses hommes. Un membre du Cercle Impérial, la plus haute instance de notre peuple qui, parfois, est même considérée comme au-dessus de ses souverains. J’étais la stratège. L’élue qui menait les troupes sur le champ de bataille.

             Et mes mains le trahissaient.

             Mes paumes étaient striées des cicatrices laissées par les lames ennemies. Mes ongles s’écorchaient sur l’enclume lorsque je frappais le fer. Mes phalanges se fonçaient là où des hématomes se formaient, vestige des coups frappés aux visages des prisonniers de guerre.

             Non. Mes mains n’étaient pas celle d’une dame.

             Elles étaient celle d’une femme.

             La femme qui a forgé Excalibur dans le feu et le sang de la bataille d’Eyos. La femme qui a mené les Voyageurs jusqu’aux portes de Camelot. La femme qui a poussée l’impératrice gibraskienne elle-même à craindre son courroux. La femme qui avait pour réputation de se laver dans le sang de ses ennemies. La femme qui avait été élu par les dieux.

             Chaque membre du Cercle Impérial l’est. Mais nous ne sommes pas tous d’accord sur la façon d’honorer cette bénédiction.

— Votre tête est songeuse. Je vois les aléas de vos pensées danser dans votre crâne. Quelle triste vision, d’ailleurs.

— Tourner la tête, si vous ne voulez plus la voir, je tonne en ignorant la Dame du Lac et ses cheveux d’or.

             Les doléances ont été longues, ce matin. Les premières du roi Eren. Les nobles ont tenté de comprendre à quoi rimait ce Coup d’Etat. La plupart était ravi — il faut dire que son prédécesseur était un sacré connard. Mais d’autres, plutôt courroucés.

             Non seulement le brun a pris place sur le trône, les cheveux encore défaits de sa nuit et la couronne posée de travers sur sa tête. Mais debout à sa droite se trouvait une ancienne prisonnière des geôles de Camelot. Moi. J’occupais le poste du ministre des Armées. De Livai Ackerman.

             Lequel n’a d’ailleurs aucunement approuvé ce nouveau souverain.

             Le seigneur Ackerman est particulièrement respecté au sein de notre communauté. Ministre des Armées, chevalier ayant mené les troupes qui ont résisté à l’assaut des Voyageurs — que c’est ironique —, bras droit du roi — enfin, plus maintenant — il a entrainé la plupart des chevaliers de Camelot.

             Et, surtout, l’intégralité de ceux siégeant à la table ronde.

— Les colporteurs et les ragots ne suffiront pas, Forgeron, et vous le savez, murmure Historia. Le peuple est las de la barbarie et la violence. Un brusque changement de souverain n’est jamais bon signe et ils le savent pertinemment. Vous devrez justifier le placement de…

— Je rêve ou la troubadour de bas-étage m’explique comment administrer mon gouvernement ? je gronde.

             Les yeux bleus d’Historia m’observent quelques instants. Aucun éclat de douleur ne traverse son regard. Elle se contrefiche de ce que je pense d’elle. En revanche, le fait que je me sois servie de sa famille pour assoir l’autorité de notre nouveau et bon roi ne lui sied guère et je le sais.

             L’aurais-je fait exprès ? Oui.

             La Dame du Lac était peut-être une entité divine au pouvoir incommensurable du temps du véritable roi Arthur. Mais la relève est là, à présent. Et je ne compte pas laisser un abrutie de son acabit foutre la merde dans mes plans.

— Vous n’êtes pas une bonne personne, Forgeron.

— Je vous prie, je suis membre d’un gouvernement. Evidemment que je suis quelqu’un de mauvais.

             Elle me fixe longuement. Autour de nous, les chevaux ne bougent ni ne hennissent. Je me demande si elle les a ensorcelés pour qu’ils se taisent ou s’ils ressentent sa magie et restent dociles par simple instinct de préservation.

             J’observe la blonde. Son père est l’un des troubadours les plus prolifiques de la région. Ses chansons résonnent des mois durant, tous se souviennent des nouvelles qu’il raconte. Il est réputé pour ne chanter que des informations qu’il a personnellement et dument vérifié. Il est crédible, aux yeux de la population.

             Bien plus que les courriers royaux.

— Vous avez invité mon père à la cérémonie durant laquelle vous avez mené votre Coup d’Etat. Il n’a de cesse de le raconter dans les villes et campagnes, depuis, tonne-t-elle. Vous vous plaisez à manipuler votre monde, n’est-ce pas ?

— Oui.

             Là-dessus, je soulève ma robe pour qu’elle ne traine pas dans la paille. Je n’apprécie pas forcément de parler pour ne rien dire. Seulement c’est précisément ce qu’il s’est passé avec cette abrutie de troubadour.

— Forgeron.

             Je m’arrête. Mais je ne me retourne pas. Qu’importe. Elle sait qu’elle a mon attention.

— Vous ne comptez plus le tuer.

             Un sourire narquois étire mes lèvres mais elle ne me laisse même pas me retourner pour lui répondre.

— Rien ne sert de nier. Ce n’était pas une question. Votre cœur est moins obscur et il bat plus violemment. Vous l’aimez. Vous ne voulez plus le tuez.

             Mon sang ne fait qu’un tour. Pour qui se prend-t-elle ? Je peux tolérer la présence d’êtres magiques et leur don psychique. Mais je me fiche qu’elle soit l’héritière de la Dame du Lac, jamais je ne laisserais qui que ce soit franchir de telles barrières en inspectant les tréfonds de mon âme.

             Elle n’a aucun mouvement de recul lorsque je dégaine mon épée et la pose sur son cou. Je tourne ensuite la tête pour regarder son visage. Il n’affiche aucune émotion particulière.

— Inutile de vous fâcher. Vous l’aimez. Vous ne voulez pas le tuez, déclare-t-elle.

— Vous ne savez rien.

— Je sais que vous avez honte car de son meurtre dépend votre liberté. Et votre liberté vous permettrait de vous venger de votre empereur. De l’exécuter.

             La pointe de ma lame s’enfonce légèrement dans sa chaire. A peine. Mais des gouttes de sang perlent le long de son cou. Cette épée fait partie des lames les plus affutées que j’ai façonnées. Je l’ai forgé le soir de la mort de notre Imperecea, la femme qui devait régnait à ses côtés.

             De cette épée, je l’ai éventrée.

             Je n’avais même pas conscience de mes gestes lorsque j’ai fait cela. L’impereceo agissait à travers moi, son venin suintant dans mes veines.

— Je les tuerais, je gronde. Les deux. Qu’importe ce que vous voulez me faire c…

— L’impereceo est déjà mort, Forgeron. Olympe est en route pour vous l’annoncer.

             Un rire amère franchit mes lèvres. Olympe… La même genre de connasse qu’Historia. Les deux sont des voyantes, leurs iris percent à jour n’importe quel voile. Que ce soit le vert du présent, le brun du passé, le bleu de l’avenir ou le rouge des âmes.

             Ce qu’elle dit se réalise. Toujours.

— L’impereceo n’est pas m…

— L’impereceo a été assassiné par son héritière. La Vipère a d’ailleurs annoncé qu’elle espérait que la nouvelle imperecea ne subirait pas le même sort que la…

             Là, Historia pousse un cri étranglé quand je fais glisser le plat de ma lame sur son cou, pressant la tranche à la jonction entre son cou et sa mâchoire. Nos nez se frôlent. Je l’attrape fermement par les épaules. Je pourrais l’étriper, tant je suis furieuse.

             Ses yeux sont moins ternes que tantôt. Elle est maintenant animée d’une certaine peur.

— Quoi ? Tes visions ne te disent pas si je vais t’éventrer ou t’égorger ? je ris doucement.

             Elle ne répond pas. Je ris narquoisement tandis que du sang perle sur ma main. Toujours la même chose, avec les mages. Ils se croient au-dessus du lot grâce à leurs dons les distinguant du commun des mortels.

             Mais contre une lame affutée, chaque gorge s’ouvre de la même manière.

— Ne parles plus jamais des miens. Ne fais pas rouler le nom de la Vipère sur ta langue. Ne t’imagines même pas avoir le droit de parler d’elle. Tu ne ferais que salir sa mémoire.

— Je ne pensais pas que vous admiriez cette femme. Elle vous a mis en prison.

             Je secoue la tête dans un rictus amusé.

— Ne vous méprenez pas. La Vipère est une immonde salope. Mais dans la culture des Voyageurs, nous respectons les grands guerriers, même si ce sont de parfaits enfoirés.

             Je me recule.

— C’est d’ailleurs pour cette raison que je persiste à prier mes dieux.

             Elle essuie lascivement son cou de la manche blanche de sa robe. Ceux-là se teintent du rouge de son sang. La peur a déserté son visage.

— Je venais pour vous dire que je ne vous laisserai pas tuer Eren. Mais mes visions sont limpides. Je sais que vous espérez secrètement qu’il vous rendra votre liberté. Mais cela n’arrivera pas. Vous allez lui demander de vous libérer, vous allez plaider votre cause, vous allez même pleurer.

             Les yeux de la mage s’illuminent. Signe qu’une quantité anormale de magie circule dans son esprit. Elle dit la vérité. Elle vient d’être frappée d’une vision.

— Mais Eren va vous jeter dans les geôles.

             Je me recule brutalement. Comme giflée au visage. Non. Le cœur de ce garçon est pur. L’homme qui m’a promis qu’il me rendrait m’a liberté était sincère. Je le sais. Je l’ai senti. J’ai confiance en lui.

             Mais j’avais aussi confiance en mon empereur.

             Et je me suis quand même réveillée, imbibée du sang de mes ennemis, tremblante au milieu des corps décapités, hurlant à mes dieux, les implorant d’éclairer ma lanterne sur ce qu’il s’était produit. Me réfugiant dans les bras de mon empereur en lui disant que je ne comprenais pas, que je ne voulais pas tuer toutes ces personnes.

             Il m’a bercée. Il m’a cajolée. Il m’a dit qu’il m’aiderait à comprendre.

             Alors que c’était lui qui m’ensorcelait.

— Nul n’est digne de confiance, Forgeron. Et encore moins les hommes de pouvoir. Vous devriez le savoir, depuis le temps que vous les côtoyez.

— Vous êtes une femme de pouvoir, je ne vous fais pas plus confiance que…

— Forgeron.

             Sa voix est ferme. Mon titre sonne comme une plainte dans sa bouche. Elle m’implore, avec toute la retenue dont elle est capable, de m’écouter.

— Vous n’avez jamais été libre et ne le serez jamais.

             Mon sang ne fait qu’un tour. Je ne me contrôle pas. Ma main se lève sans que je ne réfléchisse vraiment. Au bout de celle-ci étincèle mon épée. Mes paupières se ferment et je prononce machinalement les paroles que chaque guerrier se doit de connaitre :

— Ton combat fut honorable et je respecte le guerrier que tu es.

— N’espère même pas utiliser les mots divins de cette prière pour tuer une envoyée des dieux, Forgeron.

             Je me fige. Olympe. Elle est là.

             Baissant mon arme, je me retourne. Ses yeux gris me fixent, sous une rangée de cheveux auburn. Elle ne semble pas alarmée. Elle sait que je n’irais pas au bout de mon geste. Pas en présence de l’un des miens.

— Ce n’est pas la première fois que tu utilises des paroles sacrées pour signer le trépas d’une âme qui n’a rien à voir avec nous, tonne-t-elle d’une voix venimeuse. Tu ne peux pas exécuter des personnes comme bon te semble. Tu es une membre du Cercle Impérial, tu e…

— Ne t’avises même pas de finir cette phrase.

             Ma voix résonne comme un grondement. Elle se tait. Un sourire narquois étire ses lèvres. Nous deux savons pertinemment ce qu’elle vient de faire. A quel point les mots qu’elle vient de prononcer sont douloureux.

— Membre du Cercle Impérial ? je répète. Mes adelphes m’ont enfermée sous terre dans les geôles de Camelot. Je ne suis pas des vôtres ni des leurs.

             Je range mon épée dans son fourreau. Mes yeux suffisent à trancher lorsque je lâche d’un ton cinglant en m’en allant :












— A vrai dire, tu ferais mieux de me considérer comme ton ennemie, Olympe.














































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je vous avais dit
de profiter mdrrr
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