ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐
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LE SOLEIL TAPE sur nos nuques tandis que nous avançons en silence. De nombreuses minutes se sont écoulées depuis notre départ de la boutique de ma marraine sans qu’aucun de nous trois ne pipe mot. L’épée rangée à la ceinture d’Armin m’appelle, irrésistible. L’envie de me retourner pour la contempler me démange.
Cependant je lutte contre celle-ci et garde la tête droite, avançant. Je me fiche des paroles d’Ymir, cette arme a assurément été ensorcelée. Rien dans la légende n’indiquait qu’Arthur ressentait un tel besoin d’admirer sa lame. L’effet qu’elle a sur moi n’est pas anodin.
De plus, le penchant de la femme qui m’a élevé pour l’alcool est tel que je ne peux assurément pas prendre ses paroles au sérieux.
— On va rentrer au château, faire comme si de rien n’était et quand la rumeur éclatera, on ne parlera pas de cette histoire à quiconque, je tonne d’une voix forte, brisant le silence.
Ils ne répondent pas. Autour de nous, quelques passants nous lancent des regards appuyés. Bien que nous ne soyons pas en armure, nos visages ne sont pas inconnus, par ici. Il s’agit du village d’Anxois qui borde le château.
Celui-ci est visible depuis notre position. Cette cité fortifiée se situe autour d’une colline au sommet de laquelle est perché le domaine. En levant les yeux, nous l’apercevons aisément, au loin. Nous surplombant, ses colonnes et façades blanches brillent sous le soleil.
Dans quelques heures de marche, nous l’atteindrons. Puis demain, notre vie reprendra là où nous l’avons laissé ce matin lorsque nous avons pris congé.
Je me réveillerai à l’aube, enfilerai mon armure, me rendrai dans la salle du trône auprès de Livai Ackerman, mon maitre d’arme où Mikasa et Armin me rejoindront. Après des formalités, il nous assignera à chacun une tâche à faire en fonction des besoins du château. Sans doute devrons-nous subir un entrainement le matin puis patrouiller ici-même durant l’après-midi, je ne le sais point.
Dans mon dos, mes amis sont silencieux. Cela signifie qu’ils acceptent à contre-cœur mon ordre. Après tout, je suis le premier concerné par cette (T/P). Alors je suis celui qui doit décider de ce qu’il convient mieux de faire.
Compte tenu du fait que je n’ai aucune idée de comment administrer un royaume ou même que le roi actuel a un égo tel que je ne survivrai pas au fait d’apprendre au monde que j’ai ôté cette épée, me taire reste encore la meilleure des choses à faire.
— Erwin n’est pas le meilleur des hommes mais il est un excellent monarque, je poursuis en observant le cheval passer à côté de moi sur la route pavée.
A ma droite, diverses bâtisses gravées d’ornements s’étalent. Le trottoir est assez large pour que nous y tenions tous les trois mais Mikasa et Armin préfèrent rester en retrait. Je sais que cela leur permet de discuter dans quelques murmures de cette affaire et s’exprimer à l’un et l’autre combien ils sont en désaccord avec moi.
— Ne risquons pas une guerre civile en chassant un roi juste pour y placer un ignare sous prétexte qu’une épée l’aurait choisie, épée dont on doute de la provenance.
— On ne doute pas du tout de sa provenance ! objecte aussitôt Mikasa, dans mon dos. Ymir l’a formellement identifiée !
— Si tu connaissais l’âge de cette vieille bique, tu ne te fierais pas à son jugement.
— Beaucoup de mages vivent des centaines d’années, oppose Armin. Ce n’est pas un argument.
— Oui mais un siècle d’alcoolisme a des impacts sérieux sur les capacités d’observation d’une personne, aussi magique soit-elle, crois-moi.
— Tu ne tiens pas parole.
Me raidissant, je me tourne vers Armin qui a arrêté de marcher. Debout en plein milieu du trottoir, ses poings serrés de part et d’autre de son corps mettant en valeur ses veines bleutées, il me foudroie du regard. Ses iris azurs sont traversées d’une colère marquée.
Mes sourcils se froncent.
— Tenir parole ? J’ai accepté d’aller voir l’autre vieille bique et tu me dis que je ne tiens pas parole ?
— En devenant chevalier tu as fait le serment de faire ce qu’il y avait de mieux pour notre royaume, rétorque Armin. Même si Ymir boit plus que la norme, tu sais qu’elle est un bon mage. Je ne sais pas pourquoi tu veux autant te convaincre du fait que cette épée est une fausse, je ne sais pas non plus si la raison que tu nous as servi tout à l’heure est vrai mais j’en doute. Les dieux t’ont choisi pour régner et même si cela signifie qu’après toi, vingt rois médiocres se succèderont, alors qu’il en soit ainsi, Eren.
Il fait un pas en ma direction, levant le menton et m’observant entre ses cils d’or.
— Mais nous savons tous les deux qu’il arrivera bien pire à Camelot si tu ignores les dieux.
Mes poings se ferment et une certaine colère échauffe mon ventre. Armin est mon ami d’enfance, il me connait mieux que quiconque et je crois que ce qui m’agace est justement qu’il n’a pas tort.
Les chances qu’Ymir se soit trompée sont trop faibles.
Cependant quelque chose me retient. La peur de ne pas savoir comment gouverner ? La peur d’échouer ? D’avoir tant de soldats sur les épaules et de devoir accepter leurs morts ? De faire des déclarations de guerre ? De battre en retraite ? D’observer mon peuple mourir durant les hivers les plus rudes ?
Je ne sais pas. Sans doute.
Le regard d’Armin s’adoucit et il pose sa main douce et chaude sur mes épaules. Mes muscles se détendent quand je réalise qu’il ne m’en veut pas réellement et qu’il est juste inquiet pour nous tous.
— Eren, il est tout à fait normal d’avoir peur. Après tout, les responsabilités qui incombent à un monarque sont très lourdes à porter. Et nous serons là avec toi. Nous tous. Livai a beau être loyal à Erwin, il ne réfutera pas le droit divin.
— Mirta et Onyankopon n’ont jamais été friand d’Erwin, ajoute Mikasa. Ils seront ravis de servir quelqu’un de plus ouvert d’esprit.
J’acquiesce.
Le teint basané de Mirta ainsi que le foulard qu’elle porte souvent sur la tête trahit son appartenance à la diaspora Moorath, des habitants d’un désert lointain aux ressources faisant rêver bien des marchands. Tissus, pierres, artefacts, nourriture… Ces terres regorgent bien des trésors.
Cependant une guerre ayant opposé Camelot au peuple Moorath, il y a de cela un siècle, a instauré une animosité plutôt vive à l’égard des personnes issus de ce peuple. Cette rancœur est aussi partagée par le roi Erwin qui y voit une honte dévorante. La défaite que nous avons subie alors reste marquée dans les esprits.
Les remarques que notre monarque a pu prononcer à l’encontre de la cartographe du palais ont mené celle-ci à le haïr d’une façon assez flagrante.
Onyankopon, de son côté, provient d’une terre située de l’autre côté de la mer. Là-bas, à Arn, les habitants ont pour la plupart la peau ébène. À la suite d’une alliance commerciale, vingt ans auparavant, entre leur chef et le nôtre, bien des Arnais nous ont rejoint tout comme beaucoup d’habitants de Camelot se sont installés là-bas.
Les tensions entre Camelot et Arn ont beau être quasiment inexistantes et la cohabitation se faire sans accro la plupart du temps, Erwin Ier n’a pas les mêmes valeurs que son astronome. Là où le premier pense que la manipulation est un nécessaire, Onyankopon condamne la pratique de celle-ci. Quand le blond se montre doux à l’égard d’une Moorath, par exemple, l’autre ne peut s’empêcher de serrer les dents, connaissant son aversion cachée pour eux.
Mirta a subi les frais de ses actions. Elle s’est d’abord crue utile et même cruciale. Puis elle a réalisé que si elle quittait le palais, la relation déjà tendu entre Moorathyl et Camelot se dégraderait davantage. Aujourd’hui, elle ne reste sous notre toit qu’à contrecœur.
— Je sais, Mikasa. Et plein d’autres seront contents de le voir partir. Mais qu’en est-il de ceux qui ne le seront pas ? Et si le peuple se divise ? Qu’une guerre civile éclate ? Je ne veux pas être couronné dans la sueur et les larmes.
Tous deux échangent un regard insistant et je vois dans celui-ci qu’ils comprennent mon point de vue. Evidemment, contrarier les dieux serait la pire des choses à faire. Mais nous ne pouvons pas pour autant ignorer le fait que réclamer le trône entraînera des conséquences.
Un soupir traverse les lèvres d’Armin.
— Je suppose que nous allons devoir y réfléchir un peu.
— Alors vous êtes d’accord ? je lance. On rentre et agit comme si rien ne s’était produit. D’accord ?
— Ce ne sera que temporaire, m’avertit Mikasa.
Je ne réponds pas tout de suite, n’étant pas sûr de vouloir prendre mes responsabilités un jour. Mais les regards insistants de mes amis sont sans appels. Alors, soupirant faiblement, je finis par répondre :
— D’accord, ce sera temporaire.
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Une brume blanchâtre semble s’élever dans l’air mais il ne s’agit que des puissants rayons du soleil filtrant par les fenêtres le brisant. Celle-ci sont hautes, prenant racines dans le sol de marbre vert et s’élevant sur plusieurs mètres avant de finir en demi-lune. Traversées de motifs d’or, elles sont d’une élégance semblable au restant du château.
Les murs blanc cassé sont régulières gravés de fresques ou agrémentés de tableau. Des arcades ouvrages traversent le couloir dans lequel je me trouve. Riche sans être surchargée, la décoration de Camelot est des plus exquises.
Cependant cela ne suffit pas à me faire oublier que je suis ici en cage. Qu’importe le fait que ses barreaux soient dorés, accompagnés de marbre vert ou rose et de sculptures blanches, cela reste une prison.
Afin de ne pas éveiller les soupçons, je dors tous les soirs dans ma cellule. Mais je déambule en journée dans les jardins symétriques et fleuris traversés de fontaines ou les pièces richement décorées. Depuis les années maintenant qu’un sortilège me maintient prisonnière de ce palais, j’en ai déjà fait plusieurs fois le tour.
Je suis lasse de tout cela.
— Madame, annonce une voix ferme et grave.
Je reconnaitrai celle-ci entre mille.
Mon regard se pose sur les deux yeux bleus cernés d’épais sourcils du roi. Il est seul, comme à son habitude lorsque nous nous croisons. Avec le temps, il a appris où me trouver et se débrouille maintenant pour ne plus êtes accompagné.
Son nez cabossé surplombe deux lèvres fines et droites. Celles-ci, légèrement rosées, se situent au-dessus d’une mâchoire particulièrement forte et développée. Comme à son habitude, il a plaqué ses cheveux blonds à sa tête, espérant ainsi se donner un air solennel.
— Sire, je le salue poliment dans un sourire factice.
— C’est une joie de vous croiser ici, sourit-il en retour. Puis-je vous accompagner dans votre solitude ?
— Ce serait un honneur, sire.
Quel boulet.
Erwin Smith, plus connu sous le nom de Sa Majesté, s’est découvert une passion pour moi la première fois qu’il m’a croisée dans les jardins du palais. Je me souviens encore de ses yeux s’écarquillant et sa voix demandant à son ministre des Armées mon nom.
Livai Ackerman, lui, ne s’est jamais vraiment soucié de moi. Il me salue poliment quand nous nous croisons et s’éclipse quand son roi me voit pour nous laisser de l’intimité mais cela s’arrête là.
— Où allons-nous, aujourd’hui ? demande-t-il.
Son bras se glisse sous le mien et il m’emboite le pas. A un rythme relativement lent, nous marchons.
— Je ne sais pas, je commente, où voulez-vous aller ?
— Les jardins me semblent être une bonne idée.
Son regard s’attarde sur ma poitrine visible au-dessus de la robe échancrée que j’ai volé dans la chambre d’une des dames de la cour. Celle-ci n’a pas les meilleurs goûts et son corset m’empêche pratiquement de respirer mais la personne chez qui j’ai l’habitude de « m’habiller » est rentrée chez elle.
Erwin remarque le changement.
— Vous essayez un nouveau style ? Je n’aurais jamais cru pouvoir trouver cette robe jolie mais quand vous l’a portée, vous la sublimez.
— Merci, sire, je ris doucement et niaisement. Qu’entendez-vous par « jamais cru pouvoir » ?
— Une dame de la cour la porte souvent mais elle ne me plaisait pas. Mais, comme à chaque fois que je vous vois arborer une toilette que j’ai pu voir sur une autre, elle vous sied mieux.
— Sire, vous me flattez.
Sortant du couloir, nous nous engageons sur un autre corridor situé cette-fois-ci à l’extérieur. Ou plutôt, un carrelage prend place sous nos pieds tandis que, à notre droite, un balcon bordé par des arcades donne sur les jardins.
Je ne regarde même pas les buissons formant des allées complexes et symétriques, lasse de les voir chaque jour.
— J’aime ces balades avec vous, mon amie.
— Je les chérie tout autant.
Le soleil filtre presque jusqu’à nous mais le toit nous protège. Les rayons sont trop puissants, compte tenu du fait que nous sommes en hiver — cela est un présage d’un grand changement pour le royaume. Quelques instants, nous marchons dans ce couloir, profitant de la solitude et du silence. Mais, bientôt, une silhouette jaillit d’une des portes menant au corridor.
Mes yeux accrochent immédiatement ceux du nouveau venu. Semblables à deux émeraudes, ils brillent dans la pénombre. Coruscantes. Entre eux jaillit un nez droit qui chute jusqu’à deux lèvres pulpeuses relativement fines.
Celles-ci donnent sur des joues à peine creusées qui sont sublimées par de hautes pommettes. Sur ses tempes étroites, des mèches brunes tombent, lui conférant un air travailleur plutôt attirant.
Le reste de ses cheveux est amassé en un chignon dont quelques brins s’échappent pour trainer sur son cou. Ce dernier sous-plombe une mâchoire carrée et féroce et surplombe la naissance d’un torse hâlé et musclé disparaissant sous une tunique de lin blanche.
Notre contact visuel n’a duré le temps d’un instant. Mais nous deux savons qu’il fut intense.
Rapidement, l’inconnu se tourne vers son monarque, sachant pertinemment qu’il vaut mieux pour lui qu’il ne soit pas surpris en train d’observer une femme perchée au bras de son roi. Son air le plus solennel gravé sur le visage, il pose un genou à terre.
— Sire, lâche-t-il en penchant la tête en avant pour présenter sa nuque.
— Eren, salue le blond en retour. Tu peux te lever, merci.
Mon esprit se tend lorsque ce nom fend l’air. M’efforçant de garder une allure imperturbable et ne pas esquisser le moindre geste et une quelconque expression faciale, j’observe l’homme qui obéit à son roi.
Debout sur ses deux jambes, il fixe avec attention son monarque. Trop d’attention.
Il s’efforce de ne pas me regarder.
— Je ne voulais pas interrompre cette promenade, je me rendais aux écuries et souhaitais prendre un raccourci. Je vous présente mes excuses, sire.
— Vous êtes excusé. Rompez.
Là-dessus, le brun acquiesce et nous dépasse. Délibérément, il choisit de passer à côté d’Erwin en nous contournant. Le blond est célibataire et connu pour sa nature jalouse lorsqu’il s’agit de ses conquêtes. Ce n’est pas la première fois qu’un soldat ou même une soldate s’efforce de ne pas me regarder et de demeurer le plus éloigné possible de moi.
Seulement celui-ci, contrairement aux autres, a retenu mon attention.
— Reprenons, vous le voulez bien, madame ?
— Volontiers, sire.
Il sourit en posant une main sur la mienne qui traine sur son bras. Je ne réagis pas à ce contact, mon esprit flottant en direction de ces deux émeraudes.
Enfin nous nous rencontrons, Eren Jäger.
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voici le deuxième
chapitre de ce eren
x reader, j'espère
que vous l'avez
appréciez
à mercredi
prochain
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