ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟗



































. . . ♕ . . .




























             LA SALLE DE BAL A été décorée avec soin en l’honneur de cette soirée si spéciale. Nous dirons ce soir aurevoir aux représentants des nations venus ici. Ils ne sont restés que peu de temps mais il leur faut rentrer pour administrer leur royaume, à présent.

             Tout est plus lumineux que le soir de ma première conversation avec Eren. Les rideaux sont d’or, formant une harmonie avec le marbre blanc. Les moulures peintes de la même couleur encadrent des tableaux et sculptures. Au fond, des tables nappées de draps de givre sont couvertes de mets délicieux et fontaines de sauce en tout genre. Aux quatre coins de la salle, une douce musique chantée par des bardes s’élève.

             Ce choix est plutôt surprenant. Après tout, nous sommes habitués à l’orgue et la harpe de l’orchestre royal. Seulement nul ne semble avoir remarqué que ceux-là ne sont pas ici, que l’équipe musicale a été extraordinairement remplacée en ce jour. Tant mieux. L’alcool les rend sans doute aussi sourds qu’aveugles.

             Mes yeux repèrent quelques silhouettes clés. L’adolescente lylian, dans sa splendide robe rouge faisant ressortir l’ébène de ses cheveux raide et la pâleur de sa peau, est éventée et nourrit par une horde de suivantes l’entourant. En face d’elle, lui parlant dans un attirail plus modeste, la gouvernante arnaise se fait remarquer par sa grande taille. Derrière elle tombent des nattes longues et entremêlées de fils de fer rendant sa coiffure splendide mais aussi tétanisante.

             Les légendes disent qu’Arquella peut se battre à coup de tête, fouettant ses adversaires jusqu’au sang. Cela me rappelle d’ailleurs Eve, la souveraine gibraskienne. Ayant taillé ses canines et enduites celles-ci d’un poison qui ne lui fait plus effet — elle en ingère quotidiennement depuis le berceau pour habituer son corps — elle mord la chaire de ses ennemis sur les champs de bataille.

             Mais il est vrai que, debout devant une statut de marbre, élégante dans sa robe bleu nuit, entourée de ses sujets et sa délégation attentifs au moindre de ses mots, elle ne ressemble pas à la combattante déchainée que certains connaissent.

— Puis-je espérer ne pas voir cette soirée finir dans un bain de sang ?

             La voix de Mirta me tire de ma torpeur. Mes sourcils se froncent quand je me tourne vers la jeune femme. Un turban rouge enroule ses cheveux, rappelant sa robe fourreau à la jupe et aux manches longues. Quelques piercings dorés ornent son visage, ramenant l’attention sur ce dernier.

             Je promène mon regard autour de nous, cherchant son émir. Lui, assis non loin du buffet, rit doucement avec son ministre. Mais ses yeux noirs se posent régulièrement sur moi. Il n’est pas sans savoir ce qu’il va se produire ce soir.

             Et, s’il a hâte de faire une croix sur le souverain qu’est Erwin, il craint en revanche de commettre une erreur en reconnaissant Eren comme son successeur.

— Pourquoi cette soirée se finirait-elle dans un bain de sang, ma chère ? je demande dans un doux sourire. La musique est plaisante et nos cœurs sont légers. Votre souverain et ses sbires s’en iront ravis, ce soir.

— Je vous fais confiance, Forgeron. Vous me semblez quelqu’un de censé et j’ai toujours su que votre idylle avec Erwin pourrait amener mon peuple à être davantage considéré par Camelot mais j’espère être claire lorsque je vous dis ceci…

             Ses yeux soulignés d’un trait de khôl sont perçants. Elle les fige dans les miens, déterminée. Je pourrais presque avoir peur si je ne savais pas que le brun n’aura pas le temps de commettre la moindre erreur sur le trône qu’il ne portera déjà plus la couronne.

— Mon peuple est immense, grand et vaillant. Insultez nos ancêtres, cherchez une guerre, pillez nos ressources ou livrez je-ne-sais quelle conquête au nom de votre dieu et nous nous occuperons de raser ce foutu fief que vous appelez…

— Vos dieux.

— Je vous demande pardon ?

— Les habitants de Camelot ont plusieurs dieux, pas un seul. Et c’est eux qui ont placé Excalibur sur la route d’Arthur, il y a plusieurs siècles. Même si la quête du Graal l’a animé et que le Graal est chrétien, on en retrouve aussi la trace chez les autres dieux. Donc je vous serais grée de vous renseignez un minimum avant de vouloir me faire quelques pathétiques menaces.

             Elle semble atterrée par ma réponse. Je suis moi-même étonnée par sa réaction. S’attendait-elle à me voir rougir en courbant l’échine ? Elle me connait, pourtant.

— Et vous n’avez peut-être pas la même religion que nous, Mirta. Mais la terre de Logres est sacrée. Camelot a survécu si longuement car il en est la capitale. Je sais que vous dire que vous en prendre à lui vous mettra en péril ne vous fera ni chaud ni froid mais je trouve bien délicat qu’une personne nous bassinant à longueur de journée avec le respect que nous devons vouer à ses ancêtres se permette de tels propos à l’égard de la terre qu’a gouverné notre bon Arthur Pendragon.

             Ma mâchoire se contracte et je la foudroie du regard. Elle me fixe sans rien dire, visiblement surprise par le ton cassant de ma réponse. Sans doute s’attendait-elle à ce que je n’écoute pas vraiment ses remontrances, comme j’ai l’habitude de le faire.

— Et vous feriez bien de vous accrocher car nous retournerons ce qu’il y a à retourner pour mettre la main sur le Graal.

— Vous m’avez promis de respecter notre culture ! s’exclame Mirta en fronçant les sourcils.

— Je vous ai promis qu’en gage de paix, vous ne serez plus moquée ni discriminée car vous arborez des marques de votre culture, que Camelot ne lancera jamais d’offensive sur vos terres comme Erwin a pu le faire pour de simples pillages, que notre nation est alliée à la vôtre.

             Un rire sans joie franchit mes lèvres.

— Mais ma chère, nous ne sommes pas amis. Le Graal est la raison d’exister de Camelot. Nous n’allons pas nous assoir dessus pour vous éviter quelques rougeurs. Nous irons où nous voudrons aller et retournerons les pierres que nous devrons retourner.

— Vous m’avez menti…

             Quelle abrutie.

             Peut-elle seulement comprendre ce que je n’ai cessé de lui dire ? Erwin s’est permis de nombreux actes de barbaries, au cours de son règne. Noorath étant une nation alliée de la nôtre, nous ne ferons pas de même. Mais, comme sur tous les autres territoires, des excursions seront organisées pour trouver le Graal.

— Vous mentir ? je ris doucement. Mais je ne vous dois rien, ma petite dame. Votre émir sait à quoi s’attendre et c’est là tout ce qui importe. Nous sommes alliés, avons des accords commerciaux, sommes plutôt en bons termes mais ils savent pertinemment que nous avons aussi une mission sacrée à mener à bien, qu’ils le veuillent ou non.

— Je serais étonnée d’apprendre que mon émir vous autorise l’accès à ses terres pour commettre quelques fouilles.

— Il n’autorise rien, ma chère. Mais nous savons encore comment nous faire discret. Nous ne mettrons aucun village à sang, là est notre promesse. Mais nous franchirons vos frontières encore et encore si cela nous mène au Graal. Et vous devrez vous y faire puisque je vous rappelle que vous êtes ici citoyenne de Camelot.

             Sa mâchoire se contracte. Elle n’a pas renoncé à ses racines mais, devant les dieux, a prêté serment de ne trahir aucune de ses deux nations. Si nous pillons un temple ou sites sacrés, elle pourra prévenir son émir. Mais elle n’a pas le droit d’interférer dans la quête du Graal si celle-ci n’affecte pas les noorathyls.

— L’auriez-vous oublié ? j’insiste.

             Elle ne répond pas, serrant les dents et partant. Je la regarde faire, amusée. Le plus drôle est de savoir qu’aucune excursion ne sera menée sur ces terres. Eren prendra le pouvoir ce soir puis je le lui volerais. Après cela, je m’en irais et abandonnerai Camelot derrière moi, qu’il le veuille ou non.

             Au fond de la salle, la large table accueillant les ministres se fait vide en un point précis. Livai, assis à droite du trône qui est au centre, me regarde. Autour de lui, quelques éléments-clés sont déjà assis. Onyankopon cisaille une viande dans son assiette. Quelques dames observent la foule. Mais nul n’est assis sur le trône.

             Quelque chose me dit que le premier ministre, au commandement des armées, sait pertinemment que quelque chose se trame.

             J’approche de sa position. Il me regarde faire. Ses dents sont serrées et ses yeux pourtant gris semblent noirs tant ses pupilles sont dilatées. Elles me rappellent ses cheveux tombant sur son front. Je souris, amusée, en le voyant si fermé.

— Livai, je le salue en saisissant le verre de métal rempli de vin posé devant lui.

— Vous avez définitivement oublié vos bonnes manières, fait-il remarqué. Mais je suis ravi de savoir que vous les retrouverez en la personne d’Eren Jäger. Il a toujours été un bon petit soldat, le fréquenter ne pourra que vous améliorer.

             Un rire secoue mes lèvres puis je prends une gorgée. Secouant la tête, grisée, je ne peux m’empêcher de trouver cette situation cocasse. Après tout, Erwin Ier est derrière les barreaux. Ce n’est pas lui qui va s’assoir sur ce trône.

— J’aurais dû me douter que le seul capable de m’espionner sans que je m’en rendre compte était vous… Alors, le spectacle vous a plu ? Vous avez une imagination débordante, cela dit. Aller crier que je couche avec ce chevalier de pacotille.

— Je suppose que lorsqu’il aura commis une autre tentative de Coup d’Etat pathétique et vous prouvera qu’il ne peut pas prendre le pouvoir, vous cesserez de lui filer au train. Après tout, vous n’aimez que la viande de sang royal et il reste le fils d’un roturier. Ou d’un chevalier en disgrâce, si vous préférez.

             Je n’ai jamais pris le temps de me renseigner sur la généalogie du brun et prétendre que cela m’intéresse serait un mensonge éhonté.

— Je dois m’avouer déçue, Livai. Je nous croyais amis, je chantonne.

— Le vin doit être très efficace. Je ne vous ai jamais vu raconter si rapidement des inepties.

             Je repose le verre vide et souris. Il ne me rend pas mon rictus, furieux. Il sait que quelque chose de sombre se profile à l’horizon, le devine aisément. Mais je n’ai aucune envie de lui gâcher le surprise.

             Soudain, les chandeliers s’éteignent. Tous, soufflés par un sortilège, ils apportent de l’obscurité. Les bardes cessent de jouer. Le silence se fait. Toutes la salle se tournent vers l’homme qui vient d’apparaitre, depuis les rideaux fermés derrière la table de banquet, ceux où se fait normalement l’entrée du roi.

             Seulement les yeux du nouveau venu ne sont pas ronds et gris mais émeraudes et en amandes. Ses cheveux blonds et courts sont devenus longs et bruns, lâchés en cascade sur ses épaules habillés d’une chemise élégante en soie blanche. Point d’armure, point de fioles de poisons, point de dagues.

             Seulement une épée. Brillant de mille feux dans la salle obscure. Sa lame enflammée accrochant les regards. Eren ne me regarde pas lorsqu’il prend place sur le trône à côté de Livai. Ce dernier est figé, écarquillant les yeux en observant la couronne majestueuse d’or et de rubis sur la tête du brun.

             Dans la salle, tous sont sous le choc.

             Un homme qui n’est pas Erwin Ier vient d’entrer, portant à la main ce qui n’est autre qu’une épée enflammée, semblable au portrait que la légende dresse de la célèbre Excalibur. Et, la couronne sur la tête, fier et sombre comme le célèbre roi Arthur, il vient de s’assoir au trône de Camelot.

             La première à briser le silence est l’impératrice Gribraskienne. Levant son verre, elle scande dans le silence des lieux :

— La population gibraskienne présente ses salutations au roi Eren Jäger, héritier d’Arthur Pendragon !

             Aussitôt, l’impératrice Lylian l’imite, sous le regard médusé des sujets des différentes nations :

— La population lylian présente ses salutations au roi Eren Jäger, héritier d’Arthur Pendragon !

             L’émir noorath fait de même :

— La population noorath présente ses salutations au roi Eren Jäger, héritier d’Arthur Pendragon !

             Un sourire respectueux, la dernière souveraine, arnaise, s’exclame de sa voix grave et ensorcelante :

— La population arnaise présente ses salutations au roi Eren Jäger, héritier d’Arthur Pendragon !

             Là-dessus, une femme habillée d’une cape pose un genou à terre. Ymir. Héritière de Merlin. Mage ayant élevé Arthur. Aussitôt, les mages de la salle l’imitent. Après tout, elle est particulièrement influente dans leur communauté. Et, si elle n’a jamais reconnu la légitimité d’Erwin, il est impressionnant qu’elle prête si rapidement allégeance à son successeur.

             Armin et Mikasa font de même. Derrière eux, les chevaliers hésitent, échangeant un regard étonné. Mais, peu à peu, ils finissent par les imiter, emportés par le moment solennel les frappant.

             Les souverains d’autres nations ont reconnu la légitimité d’Arthur ainsi que les mages, force religieuse de Camelot. Ils ne savent que suivre les ordres mais Livai ne réagit pas, sa main serrée avec force sur le verre posé devant lui. Alors la plupart, de peur de commettre une mutinerie, préfère poser genou à terre. Les plus jeunes, surtout.

             Les douze chevaliers de la table ronde, eux, restent debout, posant un regard noir sur Eren qui soutient ce dernier. Qu’importe. Ils finiront bien par se soumettre.

             Reculant de plusieurs pas, j’attire les regards en étant la seule qui bouge dans l’assistance. Car dans mon intervention réside le clou du spectacle. Saisissant une coupe de vin, je me tourne vers le brun en la brandissant. Il n’écarquille pas les yeux en me voyant faire mais je devine sa surprise.

             C’est une chose de parvenir à pousser les nations alliées à Camelot à reconnaitre la souveraineté d’Eren Jäger. Cependant c’en est une autre d’être une nation ayant tenté de voler les terres de Camelot et de céder à sa puissance une fois qu’Eren est sur le trône et Erwin, parti.

             Jamais mon empereur n’a reconnu la légitimité d’un quelconque souverain. Ce que je m’apprête à faire est au sens littéral une première dans l’Histoire.











— Le peuple autochtone des Voyageurs renonce à son invasion et reconnait la légitimité du nouveau souverain de Camelot. Nos salutations à Eren Jäger, héritier d’Arthur Pendragon !




















. . . ♕ . . .
j'espère que ça
vous aura plu,
le coup d'état
tant attendu est

. . . ♕ . . .











































Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top