ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟕
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AUJOURD’HUI EST UN GRAND JOUR pour la nation de Camelot, bien que ses habitants ne soient pas encore au courant des nombreux changements qui surviendront sous peu. Mais ils s’y accommoderont. Ainsi que le reste du monde.
Ce reste du monde est justement celui auquel nous devons autant de changements. Les généraux, empereurs, émirs et princes de toutes les nations conviées au palais ont décidé de soutenir Eren face à Erwin. Lui, héritier logique de la couronne puisque possédant Excalibur, soutenu par les nations, sera immensément grand face au roi.
Je ne suis pas retournée voir celui-ci depuis le matin où j’ai glissé du sérum d’oubli dans sa tasse de thé, le forçant à ne rien se souvenir de l’agression à laquelle il m’a soumise. Mais ma mémoire est demeurée intact et j’ai fantasmé le moment où il quitterait le trône.
Le Coup d’Etat se déroulera bientôt. Ce soir, pour être exact, juste avant que les émissaires des quatre coins du monde ne retournent dans leur demeure natale. Le temps qu’ils reconnaissent officiellement Eren comme monarque.
Ce dernier hante d’ailleurs mon esprit de la plus sordide des manières. Je ne cesse de repenser à la délicate lueur dans son regard, quand il m’a assurée que j’obtiendrais justice et liberté. Puis mes pensées dérivent aussitôt sur son visage contre ma jupe, ses lèvres pressées à ma main.
Je me dois de le trouver pour lui décrire le dérouler de la soirée mais je crains aussi de le faire. Qu’adviendra-t-il, maintenant ? Nous étions habitués à une certaine routine. Il levait les yeux au ciel au moindre de mes mots, agacé par ma présence et je le charriais sans arrêt, aimant le voir agacé ou embarrassé.
Mais à présent… Devrons-nous agir comme des amis ?
— (T/P).
Comme si mes pensées l’avaient matérialisé, sa voix résonne. Prenant une profonde inspiration, je me retourne et découvre son visage cerné de métal. Mes sourcils se froncent. Je ne suis pas habituée à le voir en armure. Son corps est couvert de métal et un heaume est figé sur sa tête.
Je dois avouer que l’argent de l’armure lui sied. Ses joues semblent plus rosées et ses yeux, plus intenses.
— Fin prêt ? je demande. Je ne m’attendais pas à vous voir flâner dans les couloirs dans cette tenue mais je suppose que la provocation est de rigueur.
— Erwin Ier se déclare prêt à nous réintégrer, moi et mes amis, à la table ronde. Je suis censé le rencontrer dans cette tenue tout à l’heure. Je crois qu’il a décidé que ce Coup d’Etat n’était finalement qu’une étourderie de nos part.
— Mais ce n’en était pas une, je gronde.
Erwin Ier est une immondice humaine mais il n’est pas dénué d’intelligence. Sortir ses trois punis de leur état de correction, surtout après quelque chose d’aussi grave qu’une tentative de Coup d’Etat, ne me dit rien qui aille.
Serait-il possible qu’il ait cerné nos manigances ? J’ai toujours veillée à ne jamais être vue en compagnie d’Eren par qui que ce soit, à l’exception du diner avec l’impératrice Lylian où je l’ai invité à m’humilier afin de se forger une certaine crédibilité.
— Evidemment que ce n’en était pas une, chuchote-t-il dans un sourire tendre en posant soudain une main sur ma joue.
Je me tends. Le contact est surprenant. Il n’a rien de chaud ou apaisant. Son geste est rude, similaire à une gifle et il tient avec fermeté ma tête. Je me raidis et recule d’un pas, frottant ma paume sur ma mâchoire.
Erwin. Potion de polymorphie.
Mais quel abruti. Jamais Eren ne me toucherait. Erwin aurait sans nul doute mieux fait de réfléchir au comportement réel du garçon avant de prendre son apparence.
— Vous devriez avoir honte de tenter de prendre le trône de Sa Majesté ! Je vais le prévenir de ce pas ! je m’exclame en saisissant ma jupe d’une main et posant l’autre sur la naissance de ma poitrine. Et seul lui peut me toucher !
Eren hausse les sourcils puis un sourire carnassier étire ses lèvres. Je déglutis péniblement. Je ne sais pas ce qui a bien pu pousser Erwin à prendre l’apparence du garçon pour me duper mais son simple sourire tétanisant est identique à celui qu’il arborait, le soir où il a tenté de me prendre de force.
Le roi est en face de moi. Et il a bien faillit me pousser à trahir mon plan audacieux pour me débarrasser de lui.
— Ecoutez, certains espions vous ont vu avec moi. Le mieux serait de ne pas risquer la colère du roi en apprenant que vous le trompez, pas vrai ? Couchez avec moi encore une fois et je ne dirais rien.
Mes yeux s’écarquillent et ma mâchoire se contracte. Alors là est ce qui le pousse à se déguiser ainsi pour me parler ? Je ne sais même pas comment je peux être surprise ni outrée. Peut-être me suis-je bêtement imaginée que, pour une fois, on verrait en moi la fine stratège militaire que je suis et non un simple objet d’amusement ?
Cependant Eren est le seul à avoir vu au-delà de ce simple détail. Jamais il n’a vraiment prêté attention à mon apparence à l’exception du jour où j’ai bu le philtre. Même s’il me détestait, cela avait trait au fait qu’il reconnaissait en moi la figure dangereuse du stratège militaire que j’avais été.
Celle qui brillait sur les champs de bataille avant la trahison de mon empereur.
— Je suis amoureuse du roi, jamais je ne l’ai trahi ni ne le trahirais, je grogne entre mes dents serrées, sachant pertinemment que l’homme en face de moi n’est pas Eren mais Erwin déguisé en ce dernier.
— BALIVERNE !
Je ne sursaute même pas. Il fut un temps où j’aurais volontairement pris ma tête entre mes mains et pleuré pour lui faire croire que je ne suis qu’une frêle créature sans défense. Mais je suis lasse. Lasse de devoir m’enterrer dans le rôle d’une personne que je ne suis pas.
Mon alter ego docile m’a permis de franchir bien des étapes. Mais je ne peux renier plus longuement qui je suis réellement.
— Je suis le Forgeron, je tonne. Je suis une femme désignée par les dieux de son peuple pour intégrer le Cercle Impérial, la plus haute instance gouvernementale. Mes seuls supérieurs sont mes deux empereurs et cela n’est pas toujours vrai car mon rôle, quand ils abusent de leur pouvoir, est de les sanctionner. Je ne reçois en réalité d’ordre que de mes dieux.
Chacune de mes paroles est ponctuée d’un pas. Je marche lentement vers cet homme, sans lever le menton ni cambrer mon dos comme n’importe qui dans cette robe. Non, je me déplace encore comme si je portais ce pantalon de toile et cette tunique en lin crasseuse dans lesquelles je façonnais des armes.
— Les dieux m’ont chérie et m’ont désignée. Ces mêmes dieux ont décidé que je mènerai le véritable roi au trône et vous évincerais. Ils m’ont donné un titre et la puissance qui allait avec. J’ai mené des armées sur le champ de bataille, ait détruit des mondes et signer les accords les plus bouleversants des nations.
Mes poings se serrent.
— Le peuple des Voyageurs s’en est pris à vous car il est nomade et a besoin de conquérir, de terres pour s’établir. Seulement garder en tête que même si nous errons continuellement, nous sommes déjà et à jamais plus puissants que votre maudit Camelot.
Je crache mes mots, mon cœur pulsant avec force. J’étais la plus forte parmi les plus forts. Dans une nation réputée pour ses prouesses magiques et ses excellents guerriers, j’avais intégré le Cercle Impérial, un conseil de douze personnes plus érudits les unes que les autres et chargées de faire régner l’ordre.
J’étais le Forgeron. Je siégeais aux côtés de la Louve, la Corneille et même la femme la plus douée de toutes les légendes, la chevalière solitaire. La Vipère.
Eren, ou plutôt Erwin, fronce les sourcils en serrant la mâchoire.
— De quel droit osez-vous me parler ains…
— J’ai tous les droits. Car je ne suis pas votre amante. Et vous n’êtes pas mon roi.
Debout devant lui, je lève ma main haut dans le ciel. Un sourire me prend presque en sentant à nouveau ce tiraillement au bout de mes doigts qui m’avait manqué, comme si mille et un fils jaillissaient de ma paume, reliés à d’autres objets.
Ces mêmes objets sortent soudain de l’ombre.
Les haches, épées, poignards, couteaux accrochés au mur ou exposés derrière des vitres du couloir jaillissent de leur carcan pour s’élever dans les airs. A la taille « d’Eren », son épée quitte son fourreau et rejoins les autres. Je souris en le voyant écarquiller les yeux, effrayé.
— Le pouvoir du Forgeron est simple. Il façonne des armes qu’il peut ensuite contrôler comme bon lui semble, à sa guise. Je n’ai pas la main sur les armes que je n’ai pas conçue. Mais là est ta plus belle erreur, Erwin.
Il tressaille en entendant son véritable prénom. Les pointes de chaque lames sont rivées sur lui.
— Il n’y a pas de Forgeron, à Camelot. Donc il y a quelques années, quand toutes tes armes ont été subtilisées dans un pillage étrange du château et qu’un homme est apparu, deux semaines après, te proposant de refaire tout ton stock à bas prix, tu ne t’es posé aucune question.
Un rire franchit mes lèvres.
— Tu ne t’es même pas dit que cet homme ressemblait un peu trop à l’Empereur des Voyageurs. Tu ne t’es pas dit qu’il était étrange qu’il surgisse miraculeusement si peu de temps après que tu ais été pillé, non tu ne t’es rien dit, parce que tu es stupide.
Ma main toujours en l’air, je fais volontairement trembler les lames pour qu’elle se tournent vers lui, menaçante.
— Et quand tes hommes ont été massacrés avec leurs propres armes pendant la guerre, sur une plaine qui s’est retrouvée inondée de leur sang au poing qu’elle a été rebaptisée la plaine rouge, quand tu as appris qu’une seule personne était responsable de cela et l’a baptisée le démon des plaines rouges, tu n’as même pas daigné aller voir cette prisonnière et réalisé que contrairement à ce que tu pensais, ce guerrier si puissant n’était pas un homme.
De l’effroi se lit sur ses traits.
— Que le démon des plaines rouges est non seulement une femme mais que tu t’es sans doute masturbé comme un porc en t’imaginant baiser cette criminelle de guerre qui a traumatisé ta nation.
Il tremble et recule d’un pas. Enfin. Depuis le premier jour, il aurait dû afficher cette peur en me faisant face.
— Tu es Ak Ra’ham Khan…, réalise-t-il.
Je n’ai pas choisi de me servir de mon pouvoir ce jour-là. Comme les autres jours. Mais mes armes sont impressionnantes. Presque autant de me façon de m’en servir et il est hors de question que l’on me considère autrement que comme la puissante guerrière que je suis.
Un rictus me prend.
— Je suis ton pire cauchemar, Erwin. Car je ne suis qu’une putain, une femme juste bonne à servir tes besoins à vomir : cuisiner comme une mère et écarter les jambes comme une poupée. Mais cette putain détient Camelot dans le creux de sa main.
Un rire secoue ma poitrine. Bientôt, je serais reine. Et j’aurais aimé le laisser assez longtemps en vie pour qu’il pleure en voyant ma couronne.
Mais peu importe.
— Oui, je suis le plus effroyable de tes rêves. Mais ne t’inquiète pas car il touche à sa fin.
La tête haute et la main toujours en l’air, je ferme les yeux. Chez les Voyageurs, chaque mise à mort doit être faite dans des règles spécifiques afin de ne pas manquer de respect à nos dieux en ôtant une vie qu’ils ont eux-mêmes crée.
J’ai donc une pensée pour eux. Chacun d’entre eux. Ils sont ceux qui m’ont aiguillée lorsque j’étais égarée, qui m’ont menée hors de cellule et ont placé l’épée la plus important de l’histoire de Camelot sur le rocher Epsylon.
Alors, songeant à eux, à où je suis et où je serais, j’ouvre à nouveau les yeux. Et, regardant le visage tétanisé d’Eren, je chuchote :
— Ton combat fut honorable et je respecte le guerrier que tu es.
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on passe en mode
criminelle de
guerre
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