ℭ𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟐






















































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             EREN SEMBLE FURIEUX, bien qu’il tente de le cacher. Régulièrement, son regard glisse sur moi et ses dents se serrent. Il a saisi ce qu’il s’était produit entre moi et Erwin, hier. Mais à quoi bon remuer le passé ? Punir le roi en le tuant serait stupide et aucune autre punition exceptée l’homicide n’est possible du fait qu’il est le monarque, celui qui a les pleins pouvoirs.

             Alors imaginons que le blond meurt et qu’Eren déclare être le nouveau roi. Jamais il n’attirera l’approbation de la population. Tous s’imagineront qu’il l’a occis afin de s’emparer du trône. Jouer nos pions de cette façon serait donc une bien belle erreur.

             Ignorant les yeux émeraudes du chevalier sur moi, j’offre un sourire à l’impératrice qui enfourne entre ses fines lèvres teintées de rouge une baie.

— Avez-vous passé un agréable séjour ici, Votre Majesté ?

             Levant les yeux vers moi, elle pince les lèvres avant de tourner les yeux. Tous autour de la table se raidissent en la voyant faire. Soit, je suis aux côtés du roi. Mais je ne suis qu’une maitresse. Et, en tant que telle, elle ne verra jamais que la « catin officielle du monarque » en moi.

             Mikasa lève la tête d’un air supérieur en voyant Hanae faire. Celle-ci est jeune. Très jeune. Pas encore adulte. Mais son éducation est déjà accomplie sur bien des points.

             Elle sait comment mépriser autrui.

             Erwin ne réagit pas, encore hagard à cause de la potion. Seul Eren semble réellement désapprouver ce qu’il se passe. Ses sourcils se haussent et il ouvre la bouche, prêt à répliquer quelque chose de bien senti.

             Quel abruti. Ce n’est pas important qu’elle me manque de respect.

             Il faut qu’elle le respecte, lui.

— Mikasa et Eren sont sans conteste les plus grands chevaliers du monarque, je déclare, coupant la parole à Eren avant qu’il ne dise de bêtises.

             Son amie semble surprise de m’entendre parler d’elle en des termes si cléments. Assise en face de moi, sur la largeur de la table rectangulaire, elle se crispe. A sa droite, le brun semble appréhensif tandis qu’au bout de chaque table, Hanae mange quelques apéritifs et Erwin demeure silencieux.

             L’Impératrice, vidant d’une traite la flûte contenant du jus devant elle, me lance un regard pour le moins hautain.

— Est-ce normal que la catin s’exprime à la place du monarque ?

             Je souris en entendant l’adolescente parler.

— Je suppose que oui puisque vous êtes là et votre père, non.

             Toute la tablée sauf Notre Majesté sursaute. Les yeux d’Hanae s’écarquillent et sa peau pâle revêt soudain quelques teintes rouges. Autour de nous, les serveurs patientent, le dos droit. Mais je les ai nettement senti se tendre.

             Du bout du pied, je touche le mollet d’Eren, sous la table. Il sursaute, fronçant les sourcils. Je fais un geste de la tête tandis qu’Hanae rougit encore, cherchant sans doute quoi me répondre. Mais le brun ne semble pas comprendre mon message silencieux.

— Je suis de sang royal ! gronde-t-elle d’une voix fluette. Vous n’êtes qu’une prostituée de noblesse ! Qu’importe le sperme royal que vous avez dans le ventre, il ne remplacera jamais le sang coulant dans vos veines !

             Je ris doucement, quoi qu’impatiente. Sous la table, je touche à nouveau le mollet d’Eren qui, s’il me regarde, ne semble pas comprendre ce que je veux lui dire.

— Vous n’êtes qu’une enfant, je vous prierai de ravaler ce genre de vocabulaire. Ou dois-je vous expliquer comment se comporte la noblesse ? je souris.

             Hanae se lève brutalement, faisant tomber sa chaise. Aussitôt, Mikasa se précipite pour la remettre en place et s’excuser maladroitement pour moi. Profitant de cette confusion, je me tourne rapidement vers Eren et murmure :

— Humilie-moi.

             Ses yeux s’écarquillent.

— Tu veux son approbation ? Humilie-moi et vire-moi d’ici. Erwin ne fait rien. Alors fais-le.

             Là est aussi la raison pour laquelle j’ai fait ingérer cette potion au blond. Afin qu’il ne pipe le moindre mot.

             Poussant un cri de frustration, Hanae pousse Mikasa qui tombe au sol. Puis, se tournant vers moi d’un mouvement brutal qui fait balancer les perles dans ses cheveux, elle rugit :

— Vous n’avez aucune leçon à me donner !  Vous n’êtes qu’une vulgaire catin et vous vous croyez meilleure que moi !?

— Oh non, je ne le crois pas, ma chère, je ris doucement. Je le sais, c’est différent.

— Il suffit.

             Bien que je lui en aie donné l’ordre, je sursaute presque quand le brun prend la parole. Sa voix est grondante et caverneuse. Ses yeux émeraudes me fixe avec tant de noirceur que, le temps d’un instant, il me semble que sa haine n’est pas feinte.

             Tous se tournent vers lui, visiblement surpris.

— Tu es face à une impératrice, tu pourrais déjà t’estimer heureuse d’avoir la chance de manger à sa table. N’oublie pas ta place, catin, crache-t-il entre ses dents serrées.

             Je hausse un sourcil, mimant un certain embarras. Eren est bon comédien. Je suis sûr qu’Hanae se laisse volontiers convaincre. Il n’a plus qu’à m’ordonner de sortir de cette pièce.

— Tous à cette table sont bien plus respectables que toi. Deux chevaliers et deux impératrices face à une vulgaire prostituée ? Et tu oses hausser le ton ? Tu devrais baisser les yeux lorsqu’on te parle.

             Je suppose qu’il insiste pour rendre tout cela plus convaincant encore. Cela est réussi. Je pourrais presque me sentir humiliée.

— Tu penses pouvoir prétendre être une femme forte, avec tes grands airs ? Quelqu’un de bien qui mérite ce repas ? Alors que tu cracherais sur ta propre dignité pour ce siège ?

             Mes yeux s’écarquillent. Le visage d’Erwin, pressé à mes seins tandis que je me débattais me revient. La terreur aussi, quand sa main s’est abattue sur mon visage. Un sourire me prend. Je viens de comprendre.

             Ce n’est pas de la comédie. Eren est réellement furieux.

— Il me semble que ce n’est pas à vous de juger cette situa…, je commence.

— Tu te tais quand je parle.

             Sa voix est cassante.

— Ce que tu as vécu, d’autres personnes l’ont vécu et tu t’es assurée que cela se produise encore quand tu t’es montrée si laxiste. Et je sais que ce n’était pas par peur de t’en prendre à lui car tu n’as peur de rien. C’était par cupidité. Oui. Tout ça pour quoi ? Manger aux côtés de personnes qui n’ont aucun respect pour toi ? Dois-je te rappeler pourquoi tu es ici ? Même ton peuple ne te voulait plus dans leur rang.

             Ma gorge se serre. La sensation me surprend. Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas ressenti.

             Je crois que je suis triste.

— Tu n’es qu’un démon habillé d’une toilette onéreuse. Tu ne mérite même pas ta place à cette table.

             Lorsqu’il se tait enfin, tous les regards sur moi me brûlent. Mikasa semble relativement gênée, contrairement à son impératrice qui affiche un sourire malicieux. Erwin demeure hagard et, autour de nous, les serveurs semblent appréhender la suite.

             A l’intérieur de moi nait un cri que je n’arrive pas à pousser. J’aimerai faire quelque chose. N’importe quoi. M’emparer de la soupe bouillante et la projeter sur Eren. Dégainer l’épée de l’impératrice pour lui faire l’affront de la blesser avec son arme personnelle. Ou même donner un coup à l’arrière du crâne de Mikasa pour que son visage percute la table. Hurler. Leur faire du mal. Les humilier en retour.

             Mais je ne suis plus la femme de pouvoir, la stratège militaire, le bras droit de l’empereur, l’imminente cheffe des armées. Non.

             Je suis la prisonnière. La catin.

             Riant doucement, Hanae pioche une nouvelle baie qu’elle enfourne dans sa bouche. Et, dans un sourire, me lance :

— Vous pouvez disposer.

             Je ne regarde même pas Eren quand je me lève. Je ne m’incline devant aucun d’entre eux, comme le veut l’étiquette et, surtout, au lieu de sortir à reculons par signe de respect, je leur montre ostensiblement le dos tout en me dirigeant vers la porte.

             Ils ne semblent pas le remarquer, la conversation reprenant aussitôt. Mon seul lot de consolation réside dans ce que déclare l’impératrice à l’instant où je franchis le seuil de la porte :










— Eh bien, il reste finalement quelques hommes respectables, à Camelot.



























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             Cela faisait longtemps que je n’avais pas pleurer. Ma main essuie une larme sur ma joue. Je ne croyais pas que des paroles pouvaient faire autant mal. Mais elles sont véritables. Reniée par mon peuple, enfermée dans ce château où je ne suis même pas considérée comme un être humain, je ne serais jamais qu’une catin jusqu’à ce que je parvienne à atteindre ma liberté. Et cela requiert le sacrifice de ma dignité à bien des égards.

             Debout devant une arcade menant vers les jardins, j’observe ces derniers. La nuit est tombée, chaude.

— La nuit est agréable, n’est-ce pas ?

             Une voix féminine et énigmatique retentit, dans mon dos. Mes yeux trouvent ceux, presque blancs, d’une femme aux longs cheveux de givre tombant jusqu’à ses mollets. Le diadème sur sa tête et l’étoffe parsemée de dentelles constituant sa robe me suffit à comprendre à qui j’ai à faire.

             Reine Eve. Gibraskienne.

— Dois-je m’incliner ?

             Elle sourit légèrement avant de secouer la tête et se planter à ma droite.

— Je vous en prie, ma chère, nous pouvons nous passer de telles banalités. Après tout, si je viens vous voir si tard, ce n’est que pour une raison précise. Et cette discussion va nécessiter la plus grande transparence de votre part.

             Je hausse un sourcil.

— Alors je suis forcée de vous dire, par transparence, que je ne peux ironiquement pas me montrer transparente, je chuchote.

             Elle rit doucement. Les rides autour de ses yeux et sa bouche se plissent. Elle doit être âgée d’une cinquantaine d’années.

— Le contraire m’aurait étonnée.

— De quoi venez-vous discuter ? je demande simplement tandis qu’elle m’imite et regarde les jardins.

— Au déjeuner, le chevalier Eren a humilié la maitresse du roi après qu’elle ait manqué de respect à l’impératrice lylian. Puis, l’impératrice Arnaise a discuté durant de longues heures avec lui des coutumes de son pays avant que, finalement, l’émir s’entretienne plus discrètement avec le prince sur la demande de son expatriée au château de Camelot, la cartographe Mirta. Laquelle est votre amie.

             Je me crispe. Nous n’avons pas été très discret. Mais nous n’avons que peu de temps avant que tous repartent dans leur environnement respectif.

— Quand comptez-vous me demander de rencontrer ce jeune homme et faire semblant de ne pas savoir que vous comptez le placer sur le trône, ma chère ?

             Je hausse un sourcil. Inutile de lui mentir.

— Dans deux jours. Vous auriez été la plus difficile à convaincre et je comptais faire en sorte que le château entier sache qu’il m’avait humiliée.

— Ce n’est pas en humiliant les catins que l’on entre dans mes bonnes grâces, déclare-t-elle. Enfin…

             Je sens le regard en coin qu’elle me jette.

— …S’en prendre aux criminels de guerre est autre chose. Et vous savez que je me souviens de vous.

             Mes muscles se raidissent. Evidemment que je le savais.

— Démon… Mon peuple a érigé des légendes en ton nom. Jamais je n’aurais cru te retrouver dans une toilette et au bras de ce rustre. Je croyais que tu habitais les enfers et te nourrissais d’âmes.

— Mon régime a quelque peu changé, je souris narquoisement.

             Ses lèvres se pincent.

— Je n’apprécie pas Erwin. Il est un rustre qui n’a pas hésité à piller des villages sous ma protection… Même s’il n’a jamais été aussi sanglant que toi, je le reconnais. Mais je préfèrerai encore voir le jeune Eren sur le trône. Surtout que j’ai pu l’observer, au cours des derniers jours, et sais qu’il saura traiter ma nation avec respect.

— Mais ? je demande, le sentant venir.

             Elle se tourne entièrement, me regardant. Je l’imite.

— Je ne sais pas si Eren agit de son propre chef ou s’il n’est qu’un pantin. Et si je peux encore accepter qu’il se dresse sur le trône, il est hors de question que je le laisse devenir roi si c’est toi qui le contrôles.

— Eren n’est sous l’emprise d’aucun sort. Il agit de son propre chef.

— Nul n’a besoin de sort pour manipuler, objecte-t-elle en me scannant de ses yeux blancs. Encore moins les viles séductrices.

             Je déglutis péniblement et elle sort des plis de sa robe une fiole. Je me raidis en reconnaissant la teinte caramel irisée du liquide.

— Ceci est un philtre d’honnêteté. Lorsque tu le boiras, tous autour de toi verront ta véritable nature. Sans exception, ils sauront qui tu es, à l’intérieur.

             Je me fige.

— Bois-le avant de demander à Eren de venir me parler. Il saura alors s’il veut réellement grimper sur le trône ou s’il est simplement épris de tes charmes.

             A contrecœur, je saisis la fiole. Ma mâchoire se contracte. Et elle part en me lançant :















— Je refuse de traiter avec ton pantin tant qu’il n’a pas vu les véritables traits du démon des plaines rouges.






































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