𝐄𝐏𝐈𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄
A R T D U
— C R I M E —
IL FAUDRA DU temps à Eren et Sieg pour accepter ce qu’il s’est passé. Mais je sais qu’ils reviendront, je l’ai vu dans leur regard blessé me suivant quand j’ai quitté le restaurant. Et je le revois dans le fait qu’ils ont abandonné l’idée de témoigner contre moi au tribunal. Ils savent que je dis vrai.
Allongée sous les draps, j’ai longuement fêté cela, hier soir. Un frisson me parcourt, j’ai un peu froid maintenant. Mais, comme s’ils entendaient mes pensées, mes deux amants se pressent à mon corps nu au moment où je me fais cette réflexion, me réchauffant.
La tête de Livai se pose sur la naissance de ma poitrine et il plaque son torse au mien. Je souris en constatant que pour la première fois depuis longtemps, il traine un peu au lit et ne se lève pas directement, qu’il prend du temps pour lui. Ses bras s’enroulent autour de mon corps et je caresse lascivement ses cheveux.
Dans mon dos, Sieg est bouillant comparé à moi. Son buste se pose contre mes omoplates, l’une de ses mains se place tendrement sous mon crâne et l’autre, sur mon ventre, entre le noiraud et moi. Il m’apaise, sa barbe frottant contre ma nuque dans une sensation délicieuse.
Longuement, nous ne disons rien, profitant de ce réveil en douceur. Nous n’y aurons pas le droit tous les jours — Edward ne s’occupera pas éternellement du petit-déjeuner de Lila à notre place. Mais pour ces premiers jours en qualité de trouple, nous nous laissons aller.
— Une nouvelle journée nous attend, chuchote Sieg. Mais j’ai vraiment la flemme de bouger.
— Tu m’encourages pas là, je pouffe.
Livai remue, me pressant plus fermement contre lui. Je glisse l’une de mes jambes nues entre les siennes.
— On peut trainer un peu. On a tout réglé et les cours de Lila reprenne la semaine prochaine. Là, on est techniquement encore en vacances. On recommencera à se lever à l’aube après.
Je souris, appréciant le fait que mon amant s’accorde un peu de répit. Caressant sa tête, je me perds dans cette étreinte. Leur chaleur mutuelle me réconforte et je crois que je pourrais rester éternellement ici. Cependant toutes les choses, même excellentes, trouvent une fin. Et celle-ci arrive sous le visage d’un blond rieur qui ouvre la porte à la volée.
Je ne me retourne même pas vers Edward lorsque celui-ci apparait, me contentant de lever les yeux au ciel en soupirant. Livai lui, craignant que quoi que ce soit ne soit arrivé à sa fille, est déjà debout, loin de moi. J’ai froid.
— Quoi ? lance-t-il en attrapant un jogging qu’il enfile sur ses jambes nues. Dis-moi ce qu’il se passe !
— Un jogging sur ton pénis ? Sans même laver l’un ou l’autre ? Et tu te prétends maniaque ? lance Edward.
J’éclate de rire, nullement étonnée par la remarque du blond. Livai a des maraudes, des choses qui « sont comme ça et pas autrement ». L’hygiène en fait partie. Il faut se laver les dents au moins trois fois par jour et pendant trois minutes et, si on mange quelque chose entre les repas, se les brosser à nouveau. Dans la douche, l’eau doit être tiède pour ne pas nous faire suer et nous devons la couper en nous savonnant pour les mêmes raison. Nous devons nous nettoyer deux fois. Nous devons changer les tais d’oreillers une fois par semaine mais, si nous bavons dans notre sommeil, tous les jours.
La première fois que je l’ai vu faire le lit après que nous ayons tous les trois dormis dedans, quand il s’est mis à retirer les housses des coussins et m’a foudroyé du regard parce que je m’apprêtais à remettre mon pantalon de la veille pour vaquer à mes occupations et me laver plus tard, j’ai compris que celui-ci avait décidément un grain. Et Sieg a d’ailleurs formulé cette pensée à voix haute.
Mais lorsqu’il s’agit de sa fille, ce genre de considérations passent au second plan dans la tête de Livai — alors que, même en mission, il refuse de quitter une pièce s’il n’a pas précautionneusement nettoyé le sang de ses ennemis sur ses mains.
— Quoi !? insiste Livai en saisissant son arme dans la tablez de chevet.
Je me tourne enfin vers Edward qui l’observe, médusé. Assurément, la raison pour laquelle il vient nous voir est loin d’être une urgence.
— Y’a plus de céréales au miel, je les ai bouffés du coup Lila veut plus me parler.
Je pousse un soupir tandis que Sieg rit doucement. Les épaules du noiraud s’affaissent et il hausse un sourcil. Nous échangeons un regard qui en dit très long sur l’envie de mon amant de se jeter au cou du babysitteur le plus catastrophique de l’histoire.
— Sérieusement, qui m’a refilé un glandu pareil ? maugréé-t-il.
— Le glandu t’entend !
— Encore heureux, qu’il m’entende, ce con.
Je souris en me relevant et, ignorant le cri particulièrement strident que pousse le blond en réalisant que je suis nue, se tournant totalement, j’attrape le peignoir en satin rouge pourpre abandonné au sol et m’enroule dedans. Contournant le lit, j’atteins Livai dont j’embrasse la tempe.
—Je sais que tu hais t’habiller dans un truc de la veille, va te laver, je m’occupe d’elle.
Il me jette un regard à la dérobée.
— T’es sûre ?
— Oui.
— Merci.
Ses lèvres se pressent sur les miennes et, brutalement, il s’en va. Courant à toute vitesse, je n’ai le temps de réaliser qu’il est parti que la porte de la salle de bain claque. Sieg rit en secouant la tête, encore allongé dans le lit. Je souris en le voyant faire.
Je sais qu’ils ne l’avoueront jamais à haute voix, mais Livai et Sieg s’adorent. Ils se chamaillent, rient ensemble — quand ils croient que je ne suis pas là ou ne les entends pas — et aiment se vanner sur des petites choses sans importance. Le noiraud paye son obsession de l’hygiène et le blond, son côté bordélique.
— Tu sais qu’il va menacer de te pendre par les couilles si, quand il a fini, t’as pas au moins retiré les draps du lit et les oreillers pour qu’il puisse le faire.
Faire le lit pour avancer Livai est inutile. Au cours des derniers jours, je lui ai souvent dit d’aller se laver avant tout le monde pour lui faire plaisir et, virant Sieg, ai plié soigneusement les draps, aéré la chambre et changer les tais. Cependant quand je repassais, quelques heures plus tard, il me semblait toujours que quelque chose avait changé, dans la chambre.
Un jour, pendant que j’étais dans la salle de bain, je suis revenue dans la chambre pour prendre mes vêtements que j’avais oubliés. J’ai trouvé Livai, debout au milieu des draps, en train de refaire le lit après moi. Le silence qui a pris place tandis que nous nous regardions a été, par la suite, l’un des plus intenses de mon existence.
Depuis, tout ce que nous pouvons faire est lui mâcher le travail en débarrassant le lit de ses draps.
— Eh, t’es la seule qui peut toucher cette partie là de mon corps, lance le blond en casant un bras sous sa tête.
— Rassurez-moi, vous avez totalement oublié que je suis sur le seuil de la porte, hein ?
— Ta gueule, Edward, répondent nos voix en chœur.
Se retournant brutalement tout en fermant les yeux, de crainte que je sois encore nue, il fronce les sourcils en croisant les bras en une mine agacée. Seulement, ne voyant rien, il ne réalise pas qu’il n’est pas tourné vers nous, mais en direction du fond de la pièce.
— On est là, Edward, je lance.
— Je le savais, grogne-t-il en se replaçant correctement.
J’échange un regard avec mon amant en secouant la tête. Sieg profite que le blond ne nous voit pas pour poser une main sur ma joue et, tendrement, m’embrasser. Notre haleine matinale ne nous gêne même pas. Il est des matinées comme cela ou rien ne compte, si ce n’est l’autre.
Le babysitteur du dimanche poursuit cependant son coup de gueule :
— Je viens vous voir pour un cas de force majeure et vous préférez faire un défilé à poil et vous moquer de moi ? Je ne suis pas sûr de pouvoir tolérer un comportement pareil !
— Edward, tu as bouffé les céréales de ma fille à cause de la foncedal, c’est moi qui ne devrait rien tolérer, je lance.
Les yeux toujours fermés, il décroise aussitôt les bras en se tendant, outré.
— Je n’étais pas défoncé ! J’ai arrêté la drogue ! J’étais tout à fait conscient !
— Tu es donc aussi conscient que c’est encore pire ? fait remarquer Sieg. T’as même pas l’excuse d’avoir une vision tordue de ce qui est bien ou mal. T’as volontairement tapé dans les céréales d’une gamine.
— Je rêve ou un agent du FBI corrompu qui couche avec un yakuza et une trafiquante d’œuvres d’art essaye de me faire la morale.
— Perso, je trouve qu’un type qui vole de la bouffe à un enfant est moins recommandable qu’un gars qui trahit son gouvernement, se défend Sieg.
Cette conversation est parfaitement surréaliste. Levant les yeux au ciel, je secoue la tête et quitte le lit. Sieg me retient une dernière fois, déposant ses lèvres sur les miennes avant de me laisser rejoindre Edward.
Je pince celui-ci en passant à côté de lui, le poussant à hurler de douleur — il a le sens de la mise en scène — afin de lui refaire ouvrir les yeux. Cela fonctionne et il me mène au salon. Lila s’y tient, son visage mouillé de larmes tandis qu’elle croise les bras, boudeuse.
Je fusille le blond du regard. Lila n’est pas l’enfant le plus facile qui soit — elle est même plutôt du genre très capricieuse — et il la connait. Comment n’a-t-il pas pu concevoir que lui voler son petit-déjeuner allait la mettre dans une colère folle ?
— Coucou, mon ange. Tonton m’a raconté la bêtise qu’il avait fait, je suis désolée, je chuchote en approchant mon enfant.
Embrassant son crâne, je la serre dans mes bras et elle me rend mon étreinte. Caressant sa tête, je chuchote :
— Tu es triste ?
— J’ai faim, minaude-t-elle.
Je foudroie Edward du regard qui fixe ses chaussures. Il se sent mal, je le sais. Il aime énormément Lila.
— Tu sais ce qu’on va faire, ma puce ? On va aller au restaurant que t’aimes bien et prendre un petit-déjeuner, je chuchote.
— Celui avec la fontaine de chocolat ?
— Celui avec la fontaine de chocolat, je ris doucement.
— Ouais ! s’esclame-t-elle.
Rassurée d’entendre un élan de joie dans sa voix, je la serre plus fort contre moi et elle se blottie plus confortablement.
— Je vais aller prévenir les garçons puis je te prépare ta douche, d’accord ?
— D’accord ! lance-t-elle. Tu pourras me préparer ma robe bleue, s’il-te-plaît.
— Tout ce que tu voudras, mon ange.
Grattant son crâne, je me défais d’elle et retourne vers les escaliers, prête à prévenir les garçons. Cependant, au moment où je franchis le seuil de la porte, la voix d’Edward retentit dans mon dos :
— Tu vois, je t’avais dit que ça fonctionnerait.
— T’étais quand même pas obligé de les finir pour de vrai, grogne ma fille. T’aurais pu juste les cacher.
Je m’arrête sur la première marche, comprenant que je viens de me faire rouler. Un instant, j’hésite à les attraper par les oreilles mais finis par capituler, songeant que j’en parlerais avec mes hommes tout à l’heure.
J’ai tellement de choses à réparer dans l’éducation de cette gosse.
Malgré son mensonge, un sourire étire mes lèvres. Cette nana est décidemment sacrément futée. Et si je me débrouille bien, je pourrais faire en sorte que cette chipie devienne une personne extrêmement intelligente et noble.
J’atteins ma chambre et voit Livai, terminant de faire le lit. Au moment où je m’apprête à ouvrir les fenêtres, Sieg ouvre la porte de la salle de bain.
— Alors, t’as puni le grand méchant Edward ? lance-t-il dans un rire.
— C’était un coup monté de ta filleule pour pouvoir aller au restaurant.
Si je ne suis pas étonnée que Sieg éclate de rire, le pouffement que laisse filer Livai me surprend, lui. Le blond, séchant son corps humide en s’approchant de l’armoire, ne semble pas bien étonné. Je finis par les imiter.
Avec cette famille, j’ai vraiment décroché le gros lot.
merci énormément
d'avoir suivi cette ff ❤️
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