𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐕𝐈
A R T D U
— C R I M E —
L’AGENT SIEG JÄGER semble être un homme bon. Prévenant. A l’écoute des autres. Après quelques heures passées en sa compagnie, à regarder la façon délicate qu’il a de m’approcher, veillant à ne pas m’effrayer, il m’est simplement impossible de nier son envie de bien se comporter avec moi.
Avec celle qui croit être une victime du Corbeau Blanc.
Le son de ses mains frottant les assiettes dans la cuisine me parvient de façon lointaine. Nous avons tous les deux finis de manger. Cela ne nous a pris qu’une dizaine de minutes pour engloutir les plats — minutes particulièrement embarrassantes compte tenu du fait que ni lui ni moi ne nous sommes adressés la parole.
Cependant, le repas était délicieux.
Avec un soupir, je me redresse. Partout dans mon corps, des tiraillements me prennent. Malgré les soins que m’ont apporté l’agent et son père, la douleur est tout de même présente. Et les quelques anti-douleurs qu’ils m’ont donnés sont loin de me suffire.
De plus, l’envie de me lever me démange presque tant elle est insoutenable. Mais une victime de ce genre d’agression aurait bien du mal à se doucher seule et encore plus à laisser un inconnu — qui plus est, mâle — l’approcher. Ainsi, je vais devoir me débrouiller ou encaisser encore quelques jours durant, le temps qu’il soit logique que je m’ouvre un peu au blond.
— Mademoiselle ? appelle soudain la voix de Sieg.
Je ne réponds pas, me contentant de le laisser approcher. Bientôt, il apparait dans l’encadrement de la porte, essuyant ses larges mains sur un torchon humide tout en m’affublant d’un regard profondément bienveillant.
J’acquiesce légèrement pour lui faire comprendre que je l’écoute.
— Mon frère a une amie qui s’y connaitra mieux que moi en vêtements et peut-être même pourra vous aider à vous nettoyer un peu, explique-t-il. C’est une personne de confiance. Mais je comprendrais que vous préféreriez être seule.
Mikasa. Assurément, il parle d’elle.
Décidément, sa filiation avec mon lieutenant est une aubaine. Non seulement elle m’a permis d’avoir accès à quelques informations sur son enquête en cours quant au meurtre d’Alexei mais, en plus, les liens qu’entretiennent entre eux mes bras droits justifieront leurs présences récurrentes à mes côtés.
Aux yeux de la famille Jäger, la meilleure amie d’Eren est Mikasa dont le petit-ami est Jean tandis qu’Armin représente ce qui s’apparente le plus à un frère aux yeux du brun — bien plus que Sieg, en tout cas. De cette façon, nul n’est jamais surpris de voir le quatuor réuni.
Bien qu’ils ne les aient, évidement, jamais vus en ma compagnie.
Seulement je ne veux pas mettre la puce à l’oreille de Sieg en acquiesçant trop rapidement. Alors, penchant la tête sur le côté, je fais mine d’évaluer la situation dument, pesant le pour et le contre.
— Bien sûr, vous êtes libre de refuser. Je pensais simplement qu’une aide féminine pourrait être mieux convenue que la mienne en ce qui concerne l’hygiène, explique-t-il.
J’acquiesce légèrement, corroborant ses dires.
— Alors ? insiste-t-il. Vous acceptez ?
Quelques secondes me sont nécessaires mais je hoche la tête. A ce geste, il me laisse voir un brillant et tendre sourire, profondément enfantin et sincère. Il doit être encore plus réjoui que moi à l’idée que je ne me prélasse pas plus longtemps dans ses draps onéreux avec mon corps encrassé.
Aussitôt, il saisit son téléphone.
— Bien ! Alors je vais l’appeler ! Oh et…
S’immobilisant dans ses gestes, il refocalise son attention sur moi.
— Le brun au cheveux longs de tout à l’heure, le jeune… Il n’a pas été trop lourd avec ses remarques ?
Eren. Il est vrai qu’il s’est illustré dans le style de l’adolescent insupportable, plus tôt, me demandant une dizaine de fois pourquoi je ne parlais pas. Mais je sais pertinemment qu’il ne s’agissait que d’un personnage.
Et je dois avouer qui si là est le numéro qu’il a l’habitude de sortir à son frère et ses parents, je comprends nettement mieux que ceux-là le trouvent difficilement supportable. Cependant il n’a rien dit de bien méchant.
Alors je secoue mollement la tête.
— Vous pouvez me le dire, vous savez ? insiste-t-il. Il est mon frère mais je suis conscient qu’il peut mettre mal à l’aise, je ne t’en voudrais pas.
Pour toutes réponses, j’esquisse légèrement les lèvres dans un sourire rassurant et, aussitôt, il comprend mon message silencieux.
— Bon… D’accord, conclut-il avant de pianoter sur son téléphone et le poser contre son oreille.
Quelques tonalités retentissent. Mais, bien vite, son interlocutrice décroche. Je n’en suis pas surprise. Mikasa sait que je suis avec Sieg. Et elle décroche toujours rapidement quand je suis concernée.
Elle est d’une fidélité et d’un courage sans faille.
— Oui, allô, Mikasa ?... C’est Sieg, le frère d’Eren… Je me permets de te contacter car je sais que tu sauras faire preuve de discrétion…
Un faible rictus me prend. Officiellement, mon lieutenant se présente comme un agent de la DEA. Voilà pourquoi le blond n’émet pas trop de réserves à l’idée de l’appeler, elle, alors que même ses supérieurs ne sont pas au courant de ma présence ici.
Il se doute que plusieurs agents sont corrompus et ne souhaite pas me mettre en danger.
Dommage pour lui, je suis justement celle qui les corrompt.
Néanmoins, il doit avoir sacrément confiance en Mikasa pour qu’elle soit la figure féminine à laquelle il pense en premier lieu dans un moment pareil. J’aurais imaginé que sa coéquipière passerait avant elle.
Mais contrairement aux supers agents que l’on peut voir dans les séries américaines bourrés de messages de propagande, Sieg ne semble pas vraiment très enclin à tisser des liens avec les siens. Quels dommages donc qu’il s’en remette justement à ceux qui me sont les plus loyaux.
Qu’importe.
— Ecoute, je vais avoir besoin que tu n’en parles à personne mais disons qu’il y a eu une victime de mon enquête et je crois qu’elle aura besoin d’une présence féminine… Oui il s’agit d’une victime vivante, ajoute-t-il en me lançant un regard inquiet à ces mots, légèrement embarrassé.
Je me contente de le fixer, dissimulant mon amusement. Cette situation demeure tout de même assez cocasse.
— Oui, je t’expliquerai quand tu seras là… D’accord pas soucis… A tout de suite, bye.
Là-dessus, il raccroche avant de relever les yeux vers moi, encore assez honteux de la partie « victime vivante » à laquelle j’ai assisté. Mais je me contente de garder le silence, encore emmitouflée dans les draps.
Après quelques secondes pour le moins embarrassantes, il se dirige vers la commode de bois à ma gauche et en sort ce qui ressemble à, depuis ma position, un sweatshirt et un jogging.
— Mikasa ne viendra pas avec des vêtements mais vous en achètera peut-être après. D’ici là, je peux vous prêter ça. Est-ce que ça vous convient ? Ou voulez-vous que j’ailles faire des courses ?
Secouant mollement la tête en fermant les yeux, j’assure silencieusement que cette situation me va. A ce geste, il sourit avant de se diriger à nouveau vers la porte.
— Quand elle sera là, j’en profiterai pour aller au travail. Mais elle veillera sur vous, soyez en sûre, assure-t-il.
Pour toute réponse, je sourie mollement.
— Quand vous vous sentirez prête, vous pourrez aller au salon. Là-bas, la télévision sera à votre disposition. Je laisserai aussi un bloc-notes pour que vous inscriviez tes besoins, explique-t-il. Ah et…
Son regard se fait soudain assez sombre, se perdant dans le vide.
— Je suis désolé si vous souhaitez contacter ta famille. Je pense que celui qui vous a fait ça nous surveille. Croyez-moi, même si vous êtes en sécurité avec moi, il vaut mieux qu’ils ne soient pas tout de suite au courant de votre état, explique-t-il.
Lentement, j’acquiesce en m’efforçant d’adopter une moue affligée. Mais, en réalité, mon esprit est bien loin de ces préoccupations. Actuellement, je ne fais que me demander où je vais bien pouvoir chercher d’autres informations quand il s’en ira.
Encore sur le seuil de la porte, néanmoins, il ne cesse pas de m’observer, inquiet. Et, face à ces prunelles noisette gorgées de compassion, un soupir manque de me traverser.
L’heure du discours compatissant a sonné.
— Ecoute, vous avez vécu quelque chose de traumatisant. Je veux que vous soyez et certaines que vous êtes en sécurité, ici avec moi et que jamais je ne laisserai qui que ce soit vous faire le moindre mal. Vraiment, il est primordial que vous réalisiez que je ne compte pas laisser la personne à l’origine de tout cela s’en tirer. Quand vous serez prête, vous pourrez me parler. Mais ne vous forcez surtout pas car, quoi qu’il arrive, que vous me disiez ou non, je vous rendrais justice.
Son air solennel se fend soudain d’un sourire compatissant et il penche la tête sur le côté, faisant briller ses boucles blondes.
— D’accord ?
Dans un rictus innocent, je secoue plusieurs fois la tête, faisant mine d’être revigorée par sa petite tirade. Néanmoins, il va sérieusement falloir que je songe à inventer une histoire décente corroborant la scène que Sieg a découvert si je veux espérer garder sa confiance.
Visiblement rassuré par ma réaction, il tourne les talons. Je le regarde faire, déjà impatiente que Mikasa arrive.
Non seulement j’ai besoin d’une douche, mais aussi d’un compte-rendu des dernières heures.
ꕥ
Le bruit d’escarpins se déplaçant sur le parquet lustré me tire de mes songes. Encore étendue sur ce lit, je ne réagis pas, patientant. Il n’est plus qu’une question de secondes avant que mon lieutenant n’atteigne ma hauteur.
Cela ne doit faire qu’une dizaine de minutes que Jäger a quitté les lieux, me saluant poliment avant de refermer la porte derrière lui. Et, à présent, c’est celle de sa chambre qui s’ouvre dans un couinement assez perceptible.
— Bonjour, mon nom est Mikasa Ackerman, agent de la DEA et amie de l’agent Sieg Jäger, tonne-t-elle. J’ai reçu la mission de veiller à votre bien être pour les heures à venir cela vous convient-il ?
Je ne prends pas la peine de répondre ni même de réagir. Il se peut que l’agent ait laissé quelques micros, au cas où mon ravisseur se rendrait à nouveau ici, profitant de son absence, et m’enlèverait.
Alors garder le silence est encore le mieux à faire.
De son côté, Mikasa poursuit dans sa comédie sans se soucier du fait que je m’en fiche royalement.
— Je vais vous accompagner pour faire une toilette. Vous pourrez garder vos vêtements si cela vous gêne, on se contentera de nettoyer vos bras, vos jambes et votre visage, d’accord ?
Elle patiente quelques secondes.
— Bien.
Nulles sont les chances qu’il ait placé des caméras. Celles-ci sont trop visibles et un gentleman dans son genre n’accepterait jamais d’observer une victime de violences à son insu. Cela va à l’encontre de son stupide code d’honneur.
Enfin, elle se remet en marche, approchant de mon lit.
— Avez-vous besoin que je vous aide à vous lever ?
Mais elle ne prend même pas le temps d’attendre ma réponse, me connaissant assez pour savoir que celle-ci serait inutile. Et, bientôt entre dans mon champ de vision son avant-bras. Ignorant la douleur, je saisis celui-ci. Puis, me laisse guider quand elle se redresse m’emportant avec elle.
La douleur est dense mais, bientôt, le bruit de la douche couvrira notre conversation et elle pourra me faire un rapport complet de mes activités.
Et ce, au nez et à la barbe de Sieg Jäger.
ꕥ
P D V
E X T E R N E
Le ciel gris couvre la ville se réveillant à peine. L’air glaciale embaume le quartier des affaires au cœur duquel marche un homme blond dans son long manteau noir. Les mains dans les poches et les lunettes sur le nez, il observe sans trop d’égard le monde s’animant autour de lui.
Bientôt, il devra rejoindre son bureau. Mais, avant cela, il doit s’acquitter d’une course.
Alors, tout naturellement, s’arrêtant à hauteur d’un restaurant français encore fermé, il prend place sur un banc public, faisant mine d’ignorer l’homme à sa gauche. Et celui-ci ne lui accorde pas non plus de regard. Mais ils savent tous deux qu’ils sont la raison de leurs présences respectives.
Seulement, si l’un de ses collègues surprenaient l’une de ses conversations avec ce jeune homme aux cheveux de ténèbres et regard de glace, nul ne douterait de ses travers. Car, malgré ce que tous pensent, il est loin d’être un agent fédéral modèle.
— Elle est arrivée ? résonne la voix de l’inconnu.
— Je vous avais dit qu’elle ferait ce genre de chose.
Pour toute réponse, le noiraud laisse filer un faible soupir derrière son masque noir.
— Et elle ne sait pas que vous savez pertinemment qui elle est ?
— Vous rigolez ? lance Sieg.
Son regard se porte au loin, plus précisément sur l’immeuble qu’il habite et dans lequel son ennemie se repose actuellement.
— Le Corbeau Blanc est venu de lui-même jusqu’à moi en se faisant passé pour une victime, vous croyez réellement que je vais la laisser filer en lui faisant savoir que je connais son identité ?
2201 mots
j'espère que ça vous aura
plu hehe
avec un petit cliffangher en
plus
vous vous en doutiez ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top