𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐈𝐗













A    R    T       D    U
—      C      R      I      M      E      —

















             UNE NUIT S’EST écoulée depuis que je me suis réveillée, attachée au barreau du lit, face à trois hommes proclamant être le Corbeau Noir. Quelques heures à peine depuis qu’ils ont exigé de moi l’Annuaire Rouge. Une poignée de temps après que Livai se soit montré si rude avec moi.

             Il n’a pas réitéré son geste. A vrai dire, il n’est même pas revenu. Après le départ de ce dernier, Sieg et Edward ont suivi.

             Me voilà seule depuis un long moment, donc.

             Le silence autour de moi est absolu. Calme. Revigorant. Assise en tailleur sur le matelas, je prends de profondes inspirations tandis que mes yeux analysent les moindres recoins de cette pièce vaste.

             Tous les détails que je n’ai pas pris le temps de regarder me sautent maintenant aux yeux. Le nombre de latte de parquet. La densité de la couche de poussière sur les meubles. L’orientation de la lampe de chevet. Les volets fermés. La couleur de la tête de lit.

             Tout. Absolument tout. Je vois tout.

— Bonjour, retentit une voix depuis l’encadrement de la porte.

             Je lève les yeux. L’agent Jäger s’y tient. Sa haute silhouette enveloppée de son habituel costume trois-pièces dont l’austérité n’est que faiblement égayée par ses boucles blondes et lunettes rondes. Derrière lui, quelques détails primaires de sa salle à manger sont partiellement visibles. Mon regard s’attarde sur le mur dans son dos, celui où se découpe le reflet de la fenêtre. Je réprime un sourire.

             Soit, ils ont pu m’avoir auparavant. Mais ceci est un travail d’amateur.

— Comme nous savons traiter nos hôtes avec respect, vous noterez que vous êtes détenue dans une chambre propre. Nous allons aussi prendre soin de vous nourrir et vous aurez accès à la douche présente dans la chambre quand nous fermerons à clé la porte et vous…

— Vous m’avez bougée.

— Je vous demande pardon ?

             Mes yeux se lèvent sur le visage de Sieg. Ses sourcils sont haussés et il semble pris au dépourvu. Lui qui débitait un discours visant à me faire croire qu’il s’inquiétait pour ma santé, dans le seul but qu’après les menaces de Livai je me confie à lui sur l’Annuaire — technique classique du gentil flic, méchant flic — se trouve étonné par mon interruption.

             Je le fixe froidement.

— La première fois que vous m’avez amenée ici, vingt-neuf lattes de parquet posées côte à côté formaient la largeur de la pièce, les poussières n’avaient été faite depuis une semaine à en juger par les fines particules qui recouvraient les meubles, la lampe de chevet était posée sur le coin droit de la table de chevet, les volets étaient ouverts et la tête de lit était d’un bois légèrement terne, usé par une longue exposition au soleil qui frappe directement le lit quand la fenêtre est ouverte.

             Il ne m’interrompt pas. Il sait que je sais.

— Aujourd’hui trente lattes de parquet forment la largeur de la pièce, aucun grain de poussière n’est visible, la lampe de chevet est en l’exact centre de la table de chevet, les volets sont fermés et la tête de lit est fraichement vernie, dans un bois légèrement plus foncé. Neuf.

             Croisant les bras sur sa poitrine, il hausse un sourcil.

— Je ne suis pas dans votre appartement, je conclus. Vous avez fermé les volets pour que je ne puisse pas voir l’extérieur, le paysage qui ne sera plus le même que depuis votre véritable chambre. Vous avez reproduit votre chambre à l’identique ici pour me faire croire que j’étais encore dans votre appartement mais vous m’avez déplacée.

             Un léger rictus étire ses lèvres. Cela est assez surprenant. Il a visiblement travaillé énormément pour constituer cette réplique visant à me berner. Alors me voir deviner clairement qu’elle n’est qu’une contrefaçon devrait le miner davantage.

             Mais il penche la tête sur le côté en laissant filer un rire.

— J’avais dit à Livai que nettoyer de fond en comble avant votre arrivée ne serait pas nécessaire. Mais que voulez-vous, on ne peut pas le changer.

             J’acquiesce. Cet homme a fait foirer leur plan. Visiblement, il est profondément abruti.

— Vous pouvez me libérer, maintenant. Je suppose que cet endroit est plutôt bien gardé. Pas de chance que je m’enfuie, même si vous retirez les menottes.

             L’homme acquiesce simplement.

— Vous n’avez pas tort, lance-t-il.

             Mon regard se porte sur sa silhouette. Rapidement, il franchit l’espace nous séparant, me jaugeant derrière ses lunettes dorées. Son pas est souple et, rapidement, il rejoint ma position, s’arrêtant devant lui.

             Je le suis du regard, tendue. Qu’importe ses airs de gentleman, il est comme Livai. Même pire. Le noiraud est sanguinaire, peinant visiblement à contrôler sa colère. Sieg, lui, semble bien plus capable de dissimuler ses intentions.

             Manipulateur.

— Comme tout bon gentleman, je ne vais sûrement pas laisser une femme attachée à un lit, lance-t-il.

             Il est là, juste devant moi. Mon visage arrive à hauteur de son ventre et il me fixe depuis sa hauteur. Je conserve ce contact visuel, confrontant ses deux yeux gisant derrière ses lunettes rondes et dorées. Quelques boucles blondes pourraient adoucir ses traits mais sa dense barbe soigneusement taillée, elle, non.

— Je vais vous délivrer, Corbeau Blanc.

             Je manque de sursauter quand sa main se pose sur mon cou. Sa paume est large et ses doigts, longs. Sa prise est ferme. Il sait assurément ce qu’il fait. Son geste est menaçant. Il exerce une faible pression, me faisant deviner l’ampleur de la force qu’il cache.

— Mais sachez que si vous tentez de me trahir, si vous essayer de partir…

             Là, il se penche un peu plus vers moi et tire légèrement sur mon cou pour m’attirer vers lui. Nous nous retrouvons bientôt si proches que son souffle s’échoue sur mes lèvres et quelques-unes de ses boucles d’or viennent chatouiller mon front. Tendue, je fais mine de garder la face, me contentant de le fixer hargneusement comme lui le fait avec moi.



















— …Je vous tuerai et cracherai sur votre corps, entendu ?










































             Dans un soupir de bien-être, je pousse la porte de la salle de bain et retourne dans ma chambre. Mes sourcils se haussent. Le lit a été fait et les draps sont tendus au millimètre près, les quelques très rares grains de poussière aux alentours ont disparu.

             Livai Ackerman. Sans nul doute. Quelques phrases au hasard m’ont suffi à réaliser que cet homme est un véritable mania de l’hygiène, obsédé par la propreté. Entre le nettoyage intensif de la chambre avant que j’arrive et le fait qu’il m’ait, selon les dires de Sieg, obligée à prendre une douche, je commence à cerner son obsession de la propreté.

             Cependant, je suis tout de même contente d’avoir enfilé des vêtements propres et de me préparer à découvrir les lieux. Car Sieg a été clair : je ne peux pas m’enfuir, mais je peux encore tenter de découvrir.

— Prête pour la visite ?

             Je lève les yeux vers la voix venant d’intervenir. L’homme aux cheveux blonds amassés en un chignon qui fumait un joint, l’autre fois, me fait face depuis l’un des angles de la pièce. Il me sourit gentiment.

             Super. Je vais devoir me coltiner le boulet de service.

— Je peux pas y aller seule ?

— Je tiens à mes testicules donc étant donné la réputation de Livai, non, rétorque Edward.

             Je soupire mais acquiesce. Je veux savoir où je suis. Observer un maximum de détails. Trouver un moyen de m’échapper.

             Car les menaces de Sieg ne me font pas peur. Et je ne vais sûrement pas rester ici.

— Allons-y, je déclare donc simplement en prenant la suite du blond.

             Celui-ci attend que je me place à côté de lui avant d’ouvrir la porte. Celle-ci donne sur un salon assez classique aux murs blancs et meubles noirs donnant un côté minimaliste à la décoration. Directement en face de la porte s’étend un coin télévision avec un canapée en cuir blanc faisant face à un écran plat. A gauche de ceux-là, une cuisine ouverte brille, soigneusement astiquée. L’ilot centrale semble constitué la table pour manger.

             Puis, au fond, une porte est visible. Ebène.

             Quelques pas nous suffisent à l’atteindre. Je sais que tout cela n’était qu’une façade visant à me faire croire que je suis dans un appartement. En revanche, le véritable lieu où je me trouve, lui, est différent. J’en suis convaincue.

             Le tout est de savoir à quoi il ressemble.

— Prête pour la surprise ?

             Je retiens mon souffle sans répondre. Nous sommes devant la porte. Il saisit la poignée. Celle-ci est déverrouillée, il n’a pas besoin de clé. Sa main abaisse le levier, un cliquetis résonne.

             Mon cœur bat avec force. Que se cache-t-il, de l’autre côté ?

             Il ouvre enfin. Mes yeux s’écarquillent. De tout ce qui aurait pu m’attendre, jamais je n’aurais cru cela possible.

             Le paysage s’offrant à moi est tout simplement somptueux. Il s’agit d’une salle vaste, qui pourrait contenir au moins quatre appartements différents. Ses trois murs et son sol sont en marbre rosé. Au centre, une vaste piscine s’étend en une forme arrondie, son eau projetant des reflets irisés aux alentours.

             Son dernier mur n’en est pas un, étant constitué de colonnes derrière lesquelles est visible un jardin. Au plutôt, un large parc.

             Baigné de la lueur chatoyante du soleil, une longue plaine s’étend, décorée de chemins symétrique, fontaine et, au loin, une forêt.

             Le domaine semble bien plus vaste que cette salle thermale. Des pièces doivent se succéder au-dessus de nous ainsi qu’au même étage. Peut-être sous nos pieds, aussi. Je ne suis pas simplement arrivée dans une villa. Non.

             Il semble que je sois dans un palais.

             Et surtout, ce qui me choque le plus, il m’apparait aussi nettement que je ne suis plus dans le même pays. Ils ont dû me droguer pour me déplacer aussi longuement. Depuis combien de temps n’ai-je pas vu Mikasa, en réalité ?

             Assurément, je ne suis pas séparée d’elle depuis hier seulement. Plus de jours se sont écoulés. Qui sait ? Peut-être même une semaine ?

— Où suis-je ? je murmure faiblement, admirant les reflets irisés sur le marbre.

— Italie. Je ne préciserai pas davantage.

             Un faible rire me prend.

             Autour de moi, tout est mirifique. Un paradis idyllique s’étend, m’entourant. Après une telle salle thermale, je ne peux qu’imaginer la beauté des autres pièces. Sans doute y a-t-il même des endroits consacrés à des choses qui, selon moi ou le commun des mortels, n’ont rien à faire dans une maison.

             Comme une salle de sport, de spa, un restaurant ou, étant donné l’allure élégante du marbre rosé, une salle consacrée à des tableaux de membres de famille influentes. Peut-être même une piscine. Un sauna.

             Mes yeux sont éblouis par toutes les décorations m’entourant. Mais je ne perds pas de vue qu’il ne s’agit que d’une cage dorée.

— Et pourquoi ne pas préciser ? Je suis sûre que je ne pourrais pas m’enfuir, je lâche.

             Me tournant vers lui, je remarque un rictus sur ses lèvres. Curieusement, il n’a pas l’air aussi agressif que Livai ou manipulateur que Sieg. Il ne me prend pas en pitié, sait que je ne suis pas digne d’un tel sentiment — ou au contraire, que je suis trop digne pour lui. Pourtant, je lis sur ses traits une certaine sympathie à mon égard.

             Peut-être même un amusement.

— Vous n’êtes pas habituée aux hiérarchies parce que vous en êtes le sommet mais j’ai des ordres, madame.

             Mes sourcils se haussent.

Livai te donne des ordres.

             Il nie.

— Sieg est votre chef ?

— Le Corbeau Noir est une unité, répond-t-il, nous travaillons sur un pied d’égalité.

             Mes sourcils se froncent.

— Travailler ? Etant donné le décor, votre employeur n’est pas le FBI ou même n’importe quelle autre agence, je m’étonne. Et les Ackerman ne peuvent pas s’offrir ça donc je doute que vous soyez aux mains d’une famille yakuza.

— Effectivement, ce n’est pas le nom de notre chef.

             Je regarde le plafond peint d’une fresque aussi précise que celle de la chapelle Sixtine.

— Votre chef ? Qui pourrait être assez fortuné pour disposer d’un tel bijou ?

— Et bien moi, lance soudain une voix dans mon dos.

             Mes yeux s’écarquillent tandis que mes muscles se raidissent en un sursaut. Mon cœur rate un battement. Non. C’est impossible. J’ai du mal entendre. Ce doit être une hallucination ou alors simplement une coïncidence.

             Lentement, je me retourne, appréhensive. Mes muscles semblent grincer tant mon mouvement est prolongé. Je crains de me retrouver face à la vérité.

             Mais, bientôt, je suis forcée de faire face au chef des corbeaux, celui qui me retient en otage, celui qui compte me tuer.

             Et c’est dans un couinement piteux que je prononce son nom, étranglée :




















— Armin ?

 

























2131 mots

ptdrrr on part sur une
petite trahison des
familles

désolée pour le retard
de 24h

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top