il était turquoise

Naïa avait pris l'habitude de promener sa main dans les mèches bicolores de Shoto. Un geste anodin qui, sans qu'elle ne s'en doute, apaisait ses angoisses.

Shoto, les paupières closes, laissait les doigts de la bleutée s'attarder sur ses courtes mèches, tandis qu'il synchronisait sa respiration avec la sienne, lente, calme.

Elle parlait sans fin, de petites histoires du quotidien, de souvenirs, de rêves. Lui répondait par bribes, quelques mots, parfois seulement un soupir.

Il se demandait depuis combien de temps Naïa s'était glissée dans sa vie, au point de faire partie de ses habitudes, de ses réflexions silencieuses. Quand elle était arrivée dans la classe en même temps que lui et ses camarades durant sa première année, il ne l'avait pas vraiment remarquée, mais c'est vrai que son éclat l'avait un peu chamboulé.

Elle et ses yeux couleur pluie la nuit.
Elle et ses yeux turquoise le jour.

Et cela le troublait.

Parce que Shoto détestait les yeux bleus, ceux de son père, et celui qu'il portait lui-même, hérité de moitié comme une malédiction.

— Ton œil turquoise, il brille si fort, lui avait-elle dit un de ces soirs. C'est magnifique.

Il avait froncé les sourcils, lui répliquant qu'elle avait les mêmes.

Naïa avait secoué la tête.

— Chaque bleu est différent, Shoto. Le tien brûle de curiosité et... d'envie.

— D'envie ? avait-il répliqué, troublé. Quelle envie ?

— Seul toi le sais, Shoto, lui avait-elle soufflé, et il y avait réfléchi toute la nuit.

Shoto avait été troublé. Naïa n'avait parlé que de sa pupille turquoise, comme si la grise n'existait pas et n'avait pas le mérite qu'on s'attarde dessus.

Il l'avait questionnée un soir plus tard sur cela.

Naïa avait ri, trouvant amusant qu'il ait eu un débat interne aussi complexe, mais les paroles qu'elle prononça le frappèrent, comme toutes ses paroles d'ailleurs.

— Je n'ai rien à dire sur ton côté gauche, Shoto, si toi-même tu le repousses. Ce gris est éteint. J'ai l'impression qu'il n'existe pas, qu'il ne veut pas exister.

Le regard du bicolore se voila, et la bleutée s'excusa des paroles qu'elle avait prononcées, un peu trop crues, trop précises.

« Si seulement je pouvais être turquoise partout », pensa Shoto si fort que son souhait résonna dans la pièce.

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