7 - Joue avec mon cœur

« Tu me dis que vient l'hiver
Qu'on oublie le printemps
Qu'on se rappelle les yeux verts
Le rire à chaque instant
Qu'après tout la voix se perd
Mais les mots sont vivants »

~~

Ça fait mal.

Ses joues lui insufflaient une douleur proportionnelle au plaisir intense que Shigaraki prenait à lui attribuer sans répit ces coups au visage. Ses rires teintés d'un sadisme indéfinissable lui auraient fait vomir le peu de choses qui se trouvaient dans son estomac. Plus d'une fois, ce type lui avait presque arraché les cheveux de l'une de ses véritables mains pour le forcer à affronter cet horrible regard déstabilisant. Il lui répétait ces mots dans un monologue infini qui savourait sa vengeance avec jouissance :

- C'est de ta faute. Ta faute si mon maître s'est fait prendre. Ta faute, il lui crachait presque au visage, même s'il conservait à tort et à travers ce sourire que Katsuki voulait plus que tout voir disparaître sous ses poings à lui.

Peut-être.

- Je vais te faire subir les pires horreurs, sale merde.

Il était incapable de répliquer.

Cela faisait deux semaines qu'il était ici.

Deux semaines qu'il subissait au moins une fois par jour les visites de Shigaraki Tomura, qui semblait prendre un plaisir ardent à le torturer psychologiquement et physiquement. Il lui chuchotait des menaces envers ses camarades de Yuei, riait à ce spectacle de déshonneur pour l'apprenti héros le plus fier du pays, le prévenait que le lendemain regorgerait de souffrances bien plus déchirantes et qu'il s'occuperait de lui arracher les ongles dès qu'il aurait en sa possession une pince assez crade et volumineuse.

Deux semaines qu'un mec, au comportement plus que douteux et à la personnalité stupidement bipolaire, venait lui apporter des semblants de repas qui ne s'avéraient être que des restes presque immangeables pour tout être humain normalement constitué.

Mais il devait survivre, coûte que coûte, et cela même s'il n'avait même pas l'énergie pour répliquer quoi que ce soit. C'était bien différent de la dernière fois qu'il s'était fait kidnappé, où il était, à cette période, considéré comme une recrue potentielle pour leur repère de barges.

L'otage avait eu un rictus à cette comparaison. Il était si faible qu'il se faisait prendre deux fois de suite et pouvait se permettre de comparer ses enlèvements. Il y avait de quoi rire de lui, aussi pathétique qu'il était.

Deux semaines qu'il restait dans cette pièce sombre, où hormis les horaires où Tomura venait lui faire ses visites, il passait ses journées - si on pouvait se permettre de les nommer ainsi - à sommeiller dans l'attente de ses guérisons, malgré le peu de ressources que son corps peinait à aligner.

Deux semaines qu'elle passait régulièrement dans cette chambre.

Elle rentrait généralement pour le toiser, après ses épisodes de tortures. La vilaine affichait cet air si indifférent. Comme s'il était un simple jouet auquel elle tentait de percer l'intérêt que son chef y trouvait. Et la jeune femme se mutait. Elle n'ouvrait pas une fois ses lèvres roses, trop soignées, trop lisses. Il avait tant été abasourdit de tomber si vite nez à nez avec elle qu'il en avait presque perdu l'intégralité de sa raison.

Ses cheveux. Ses cheveux avaient poussés. Ils avaient pris en éclats. Ses joues étaient toujours aussi rondes. À quoi s'était-il attendu, au juste? Probablement à une autre apparence, comme si les mecs étranges et sournois qui résidaient ici devaient tous aborder une allure gothique ou sinistre pour avoir la permission de séjourner dans cet ancien immeuble glauque.

Ça fait mal.

Ses joues, ses muscles, ses bras mutilés. Son ventre criait famine.

Les seuls mots qu'elle avait prononcé étaient de misérables tentatives de mise au point qu'elle avait voulu faire sur son ressentit. A quoi s'était-elle attendue, cette salope? A ce qu'il chiale de joie devant son jolie minois, en souvenir du bon vieux temps?

Elle n'avait même pas affiché la moindre trace d'excuse pour cette atrocité qu'elle avait commise. Juste ce visage peiné. Pendant une seconde. Puis plus rien. S'il en était tombé aussi ardemment amoureux, à une époque, c'était pour ces foutues expressions qu'il chérissait de lorgner, et ce rire familier qui faisait la particularité de leurs échanges. Plus rien. Tout avait été décimé de ce visage sans expression, si ce n'est ces semblants de sourires vides qu'elle accordait à sa vue.

Ça fait mal.

L'intégralité de son corps le brûlait.

Son cœur, lui aussi un peu, le lacérait.

La porte grinça avec un vacarme qui manquait atrocement de discrétion. Des pas légers résonnèrent sur le parquet vieux et abîmé de cet espace réduit à son spectacle de souffrances physiques. Il devina bien rapidement qui se révélait être son visiteur aujourd'hui. Il en avait prit l'habitude, puisque sa vision était entachée par les dommages et l'obscurité de la pièce. Et maintenant, c'était sa chère visiteuse muette, bien évidemment.

Ochako le toisait une fois de plus en silence. Comme un vulgaire animal. Ses mèches brunes apparaissaient à la lumière faible de cette lampe dépravée, qui elle mettait en valeur ses iris noisettes dénués de toute trace de compassion. Il relevait la tête à l'aide de la force qu'il pouvait se permettre de puiser, pour affronter et soutenir ces yeux vides.

Quand est-ce qu'il avait commencé à se souvenir de la couleur des yeux d'une personne? Ça ne lui était point commun, de toute évidence. À l'époque, cela l'avait dors et déjà bien surprit et agacé. Se surprendre à faire attention à ce genre de détails, dont quelqu'un comme lui se moquait éperdument, l'avait mit en rogne.
Le jeune garçon avait comprit bien plus tard que des sentiments malencontreux étaient la cause de cette mémoire surprenante, comme si chaque élément importait et s'ancrait contre sa volonté propre.

Ça n'importait plus. Ses sentiments devaient être enterrés sous une neige éternelle, dorénavant.

Il émit un frisson de dégoût lorsqu'elle réduisit la distance entre eux pour tendre ses mains vers son visage.

Alors que ses paumes avançaient jusqu'à ses joues probablement défigurées et creusées, il détourna violemment la tête pour chasser toute trace de contact qu'elle voudrait engendrer.

Et puis quoi encore?

Il lui lança le plus acide et noir des regards qu'il puisse lui fulminer à la figure.

- Ohh. Tu ne devrais pas être aussi agressif, lui conseilla la petite brune d'une voix molle.

Il la jaugea de ses frénétiques yeux de bûcher, embrasés par la fureur de cette familiarité. Elle parlait, maintenant?

- Je voulais juste constater l'ampleur des dégâts, exposa-t-elle.

Il tiqua, et émit un rictus à peine audible, avant de peiner à prononcer:

- C'est pas.. ce que tu fais tous les jours? il reprit son souffle après ces mots, comme si utiliser ses cordes vocales lui coûtait plus que toutes ses résistances permanentes. Me regarder.. pour me voir subir tout ce bordel? lâcha-t-il de sa voix faible.

Elle se tut un instant, comme auparavant, avant de reprendre.

- Si je viens, c'est pour vérifier que tu n'es pas mort. Ordre du chef, lui expliqua-t-elle en s'abaissant à son niveau, accroupie, pour qu'il n'ait plus à faire l'effort d'élever son visage.

- Quelle gentillesse, il grimaça sous l'information et sous la proximité de son visage d'enfant, toujours aussi curieux, qui l'inspectait sous tous les angles. Il n'avait plus de t-shirt, et son torse laissait apercevoir l'intégralité de la souffrance que lui faisait endurer Tomura.

Elle lâcha un soupir.

- Tu sais qu'il ne te tuera pas, hein? formula-t-elle d'un air blasé en dégageant l'une de ses mèches brunes derrière ses oreilles.

- Hm, il ébaucha un sourire ironique malgré sa difficulté à le former, que je suis chanceux.

- Il veut te voir déguster, souffrir le martyr jusqu'à ce que tu le supplies d'arrêter.

- Et quoi, tu me demandes de me..laisser faire? polémiqua-t-il. Il aurait hurlé à pleine voix, s'il avait en sa possession toutes ses dispositions.

- C'est mieux que d'avoir à subir tout ça, non? insinua-t-elle sans dissimuler ses intentions.

- Conneries, il jasa avec l'énergie de l'envergure de son méprit envers elle, t'as qu'à me tuer..toi même, puisque tu es une habituée du métier.

Elle le dévisagea, avec un air douloureux qu'il souhaitait déchirer en mille morceaux. Brûler. Déchiqueter, jeter.

- Kacchan.. murmura-t-elle.

- La ferme ! c'était la première fois qu'il rugissait aussi puissamment depuis deux semaines entières. Dès..dès que je pourrai dégager de cet endroit glauque, je te tuerais. Je t'assassinerais en tâchant de te faire ressentir la douleur.. que tout ces abrutis ont pu éprouver !

La vilaine dévia le regard, et l'amena au sol en serrant les dents.

- Tu ne rêves que de ça depuis des années, hein? lui fit-elle dans un sourire amère, sans lui adresser une confrontation visuelle.

- Si tu savais..il baissa le volume de ses paroles, mais elles n'étaient pas moins teintées d'agressivité que plus tôt. Si tu savais comme j'en meurs d'envie, et que je rage.. de ne pas pouvoir le faire.. là, maintenant.. déblatéra-t-il.

À ces mots, elle se redressa, sans toujours l'affronter. Le visage rabougrit, il n'était plus apte à la fixer de ses prunelles de braises. Il la haïssait. Elle l'exécrait. Ce visage, ces expressions, ces mots, ces gestes. Tout ça l'horripilait.

Ochako fit volte-face et prit la direction d'un coin de la pièce, comme en quête de quelque chose. Lorsqu'elle le rejoignit à nouveau, elle avait une espèce de petite trousse entre ses mains fines et gracieuses, vernies de la couleur de ses actes. Il l'ouït déposer la trousse et l'ouvrir derrière lui, et quand elle réapparut devant lui, c'était munie de bandages, de cotons, et de moyens pharmaceutiques en tous genre.

- Qu'est-ce que tu fous? grogna-t-il.

- La méchante va te soigner, dévoila-t-elle sans passion ou particulière envie au creux de sa voix.

- Crève, objecta-t-il, dégage.

Elle s'empressa de l'aviser de ses yeux et de cette expression à nouveau déserte de couleur et d'attraits.

- Si tu réfléchissais un petit peu, tu devinerais que ce n'est pas une bonne chose. Alors pour une fois, laisse-toi faire, revendiqua-t-elle.

L'heure n'était pas à la réflexion, mais il décela sans grands efforts la raison qu'elle lui laissait entendre.

Le prisonnier émit un nouveau rictus intérieur.

Guérir pour être encore plus blessé par la suite. Tomura se renouvelait.

Que je suis chanceux.

Il se tut alors, lui laissant le champ libre sans gesticuler pour attribuer tout cela. Et le grand blond ne cessa de la fixer, suivant le moindre de ses mouvements durant l'intégralité de l'opération.

Il ne cessa pas de contempler ces mains meurtrières. Tremblantes, autant que leur cœur pouvaient l'être. Frissonnantes, de nostalgie ou de dégoût profond, il l'ignorait. Et tout cela, en harmonie avec les siennes.

La jeune femme enveloppait ses bras sculptés, mais cruellement endommagés, de bandages maladroits. Elle-même ignorait si c'était à cause de ses tremblements, ou de son simple manque de sommeil qui l'empêchait de se concentrer.

L'ancienne héroïne de trouvait si près de lui. Si proche de son corps, si apte à humer son odeur. Si habile à percevoir ses râlements impétueux qui constituaient son caractère explosif.

Malgré tout, la jeune adulte tâchait d'ignorer ce que ce contact émettait dans la totalité de son corps. Le contrôle devait être la priorité de sa façade bien obéissante et silencieuse.

Et dire qu'il y avait encore quelques semaines, elle avait esquissé un léger sourire face à cette bataille insensée. Aujourd'hui, la petite brune désirait annuler son événement sur la frise du temps passé. Elle aurait effacé son image, amusée, lointaine, qui était si persuadée que ces soucis d'antant ne la tourmenteraient plus.

Maintenant qu'elle devait affronter Katsuki chaque jour dans ce piteux état après les visites de son chef, de trop nombreux paramètres qu'elle avait autrefois enfouis au plus profond de son inconscient revenaient en charge la torturer.

Le sourire de son père et le rire de sa mère semblaient résonner en écho dans les coins de son crâne trop souvent préoccupé. L'amitié chaude et rassurante d'Izuku et Tenya. Les commérages autour d'un chocolat chaud avec ses camarades de classe lorsque les garçons partaient au lit avant elles. Les cours de Monsieur Aizawa. Les plaintes de Kaminari et Ashido lors des examens. Les yeux avisés de Mineta prêt à lorgner chaque centimètre de chair féminine. Les courses dans ce supermarché à côté de son ancien chez-elle qui lui permettait de se procurer des mochis à des prix très abordables.. Des images de son quotidien de ce temps là se plaisaient à jouer de ses nerfs et sa capacité à rester droite dans ses croyances. Avait-elle vraiment prit la bonne décision?

Assurément. Sinon, elle n'aurait pas fait tout ça.

Et Kyouka ne serait pas morte de sa personne.

Enfin, personne.

L'adolescente fit claquer sa langue contre son palet d'agacement. C'était comme si les fibres de son corps souhaitent lui faire regretter tout ce qu'elle avait construit ces dernières années, alors que son choix avait été exécuté bien longtemps auparavant.
Dabi le lui répétait, souvent, lorsque l'occasion de la titiller se présentait à lui, avec toujours cette éclair de malice, comme s'il voyait avec transparence dans le moindre de ses gestes : Tu n'es pas faite pour ça.

Ochako sentit ses dents grincer. Katsuki l'étudiait en silence, face à cette tension se dégageant de la jeune fille qui avait cessé ses soins.

Oui, Dabi le lui avait rabâché, mais elle avait toujours su que ces mots ne résonneraient pas comme les premiers.

La petite brune ne prit pas la peine de poursuivre, ayant déjà fait assez pour que le jeune homme ait les ressources nécessaires pour continuer de lutter face à Shigaraki. Elle rassembla tout ce petit matériel de piètre qualité, le replaça dans la trousse usée et se redressa pour se planter en face de lui.

Elle ancra ses prunelles lasses dans celles embrasées de Katsuki, patientant jusqu'à ce que celui-ci élève son crâne et ainsi ses yeux rouges dans les siens. Un petit souvenir bref lui parcouru l'échine de frissons nostalgiques en humant cette odeur qui lui rappelait le caramel, propre au garçon.

- Tu sais, Kacchan.. les mots naquîmes faiblement entre ses lèvres.

- Ferme ta gueule avec ce surnom, jasa-t-il, les lèvres pincées.

Ce ton, il était trop naturel. Cette posture, cette manière de mettre constamment ses bras derrières son buste et de croiser les jambes, peu importe la position qu'elle abordait. La façon dont elle replaçait les mèches qui tombaient en vagues sur ses minces épaules derrières ses oreilles. Ce parfum qu'il chérissait, qu'il avait chérit d'une telle passion dévastatrice à une époque où il ne pensait qu'à parcourir sa peau sous ses lèvres affamées. Tout cela était trop normal, trop habituel, trop avant, trop elle, trop eux.

La torture psychologique se jouait en ce moment-même dans ses entrailles, se battant avec cette haine incommensurable et l'incompréhension emplie de désespoir qu'elles abritaient.

- Je t'aimais vraiment, souffla-t-elle à demi-mot, avant se faire volte-face, et de ne plus se retourner pour déserter la pièce.

Et de le laisser, une fois de plus, misérablement faible devant ce qu'elle osait faire.


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Hey hey hey ^^

J'espère que vous vous portez bien, un petit chapitre pour un peu avancer dans cette fiction que j'aime quand même de tout mon cœur écrire, même si je ne suis pas assez régulière ;-; Sumimasen !

Pas beaucoup de réponses encore une fois, mais je devais écrire ce chapitre pour instaurer un certain climat entre nos deux (anciens?) amoureux qui vont débuter une nouvelle relation assez malsaine dans l'enceinte de la ligue :o

Je tenterai d'écrire la suite au plus vite, si je ne suis pas trop débordée avec mon bac blanc.

N'hésitez pas à me dire vos impressions, comme d'habitude, cela me fait toujours plaisir et m'aide à construire les choses :)

Je vous embrasse ! ❤


PS : Je crois que j'ai ENFIN trouvé une couverture qui me convient pour cette histoire. Je remercie l'auteur de ce fanart infiniment ToT

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