« Il y a des êtres qui nous touchent plus que d'autres, sans doute parce que, sans que nous le sachions nous mêmes, ils portent en eux une partie de ce qui nous manque »

2 ans et demi plus tôt  ~

Katsuki patientait, adossé contre le mur d'un des immenses couloirs de Yuei. La sonnerie ne semblait pas désireuse de pointer le bout de sa première note.

L'adolescent nerveux venait de s'ôter de la compagnie désagréable de ceux qui lui collaient aux basques. Irritable, Kaminari et les autres s'étaient montrés beaucoup trop agaçants à ses yeux pour qu'il puisse se sentir capable de demeurer encore trop de temps en leur compagnie. Ils n'avaient pourtant rien fait de particulièrement affligeant par rapport aux autres jours. Le moral du jeune homme était simplement saturé de ces imbéciles pour le restant de la journée.

Ses paupières s'abaissèrent. Elles le brûlaient de par la fatigue qu'elles faisaient sous-entendre.

Le grand blond continuait d'entendre les paroles difficilement supportables de grappe de raisin. Ce garçon insupportable s'était amusé à détailler tous les atouts féminins des demoiselles de leur classe. D'habitude, Katsuki ignorait ce petit pervers, mais ses nerfs n'étaient pas en état aujourd'hui.

En cette journée, tout le monde aurait dû mourir et lui foutre la paix.

Mais une présence hantait curieusement son esprit.

Il se laissa glisser jusqu'à même le sol et une fois assit, il se munit de son téléphone afin de faire passer les dernières minutes un peu plus rapidement en vérifiant l'actualité et les actions héroïques du jour.

- Deku !

Lorsqu'une voix criarde prononça le surnom ridicule de son ami d'enfance, l'explosif se surprit lui-même à en reconnaître la provenance. Cette idée l'affligea d'un léger poids au creux de son buste.

Des bruits de pas lui firent savoir que les deux auteurs de la future conversation ne se tenait pas bien loin.

- Je peux te parler? retentit-elle.

Fais chier.

Ils étaient probablement à quelques pas à peine de son couloir et il ne peina pas à deviner ce qui allait suivre. Il avait juste souhaité être en paix pour quelques minutes, et voilà qu'il allait assister à une discussion à laquelle il n'avait ni l'envie ni la force suffisante pour l'entendre.

- Uraraka? la voix du nerd semblait éraillée par un certain trouble.

Miss gravité.

« Ochako Uraraka. Je te le redis une dernière fois, tâche au moins de t'en souvenir, cette fois-ci. »

Tch, firent ses lèvres d'agacement. Il ignorait pourquoi, mais ces mots demeuraient gravés dans sa conscience, ces derniers temps. Ils lui avaient chuchoté des sensations auxquelles il n'était guère habitué.

Le pire, c'est que ce prénom ne voulait pas le quitter. A chaque fois qu'une amie à elle l'appelait ou qu'il avait l'occasion d'entendre sa voix rire avec Deku et le bigleux, la même sensation désagréable se promulguait au sein de lui-même. Elle l'irritait. Sans qu'il ne sache pourquoi.

- Je.. commença la jeune fille dont les cordes vocales n'avaient guère d'assurance.

Et ce midi, dès que les deux pervers avaient débuté à expliciter leur admiration pour sa poitrine généreuse, ses hanches arrondies et également les paillettes envoûtantes de ses yeux noisettes, il avait dû se faire violence pour maintenir l'agacement extrême qui se manifestait au travers de ses paumes. C'est là qu'il avait quitté les lieux, sans un verbe.

- En fait euh.. elle voulait lui dire, elle voulait le lui avouer. Dis lui, ce n'est pas si compliqué, bon sang.

Depuis la nuit où ils avaient entretenu une petite discussion, elle avait répété à plusieurs reprises les sourires à son égard. Et il n'appréciait pas ces sourires. Ils lui donnaient envie de gerber. Vomir de la petitesse dans laquelle il se retrouvait, malgré lui, durant ce laps de temps où elle ne distinguait que lui, et que ses pommettes se redressaient sur sa bouille d'enfant aux joues volumineuses.

- Je voulais te dire.. rien n'y faisait, les mots n'arrivaient pas à émerger de sa bouche, et elle serra les poings devant son manque de courage. 

- Oui, Uraraka?

- .. Que Iida te cherchait ! mentit-elle lâchement. C'était peine perdue, les paroles étaient trop ardues à exprimer.

Putain..

En vérité, ça n'avait pas commencé là, et il le savait bien. Même s'il ne s'en était jamais rendu compte auparavant, cette fille lui cassait les pieds depuis le championnat.

- Ahh, je vois.. lâcha-t-il avec une pointe de déception, les joues en feu. Je vais le voir, alors ! Merci de m'avoir prévenu, et il s'enfuit peut-être un petit peu trop rapidement retrouver l'obséquieux délégué.

Un peu plus loin, le profond soupir d'Ochako parvint jusqu'aux oreilles du grand blond qui avait été trop attentif malgré lui. Encore davantage irrité qu'avant de venir se réfugier ici, son thorax était serré trop fortement par la douleur inconnue qui venait trop souvent s'inviter en lui ces derniers temps.

Ses dents se serrent avec autant de virulence que sa mâchoire le lui eut permit, et une petite explosion jaillit soudainement de sa main droite sans qu'il ne la contrôle nullement. Le petit bruit qu'elle provoqua alerta Ochako d'une présence qu'elle n'avait pas soupçonné.

Ses petits pas résonnèrent dans le couloir vide, lorsqu'elle stoppa sa marche jusque-là. Elle décela l'identité de celui qui se cachait ici. L'adolescente fut alors bien heureuse ne ne pas avoir eu la volonté nécessaire pour avouer toute la vérité à Izuku si quelqu'un se cachait dans les environs. Elle se rapprocha un peu plus, le couloir n'étant que peu éclairé, et elle reconnu alors la chevelure en pique blonde et l'uniforme à l'allure débraillée de son camarade explosif.

- Bakugou? Qu'est-ce que tu fais ici? le questionna-t-elle, gênée de tomber sur lui après ce qu'il avait dû entendre.

- Je crois que je suis élève ici et qui plus est dans la classe juste à côté, idiote, cracha-t-il agressivement.

Il ne fallait pas qu'elle vienne. Surtout pas. En particulier maintenant.
Pourtant, elle s'approcha encore, jusqu'à arriver devant lui.

- Pas obligé d'être aussi méchant. Pourquoi être tout seul dans un couloir sombre alors que la classe est ouverte? elle lui adressa un sourire en même temps qu'elle lui posait cette question.

- Tu m'emmerdes avec ta curiosité maladive, lui répondit-il sans oser l'affronter du regard.

- J'imagine que c'est pour être tranquille, se moqua-t-elle amicalement tandis que sans la regarder, il sentait sa présence qui prenait place au sol à côté de lui.

Trop fort. Merde, putain mais merde. Calme-toi. Mais plus il tentait de contrôler ses palpitations, plus elles se faisaient violentes.

- Si tu le sais, pourquoi tu viens me faire chier? il lui adressa cette demande non sans difficultés à articuler correctement.

- Je ne sais pas, avoua-t-elle avec honnêteté.

Il ne daigna pas insister. Lui aussi, il ne savait pas ce qui se passait, de toute évidence.

Et ils restèrent ensemble dans ce petit couloir sans échanger un mot de plus, avec pour seul bruit ses battements de cœur qui bourdonnaient comme une foule bruyante autour d'eux, jusqu'à la fin de la pause déjeuner.

Aujourd'hui ~

- Il t'a parlé?

- Non.

- Tu penses qu'il te tuerai, s'il en avait l'occasion?

- Certainement.

- Tu penses que Tomura va le tuer, lui?

- Je sais pas.

- Je suis sûre que son sang a un goût délicieux ! Je devrai demander à Toto si je peux en prendre une goutte..

Toga sourit bêtement à cette pensée en amenant ses yeux au ciel. Elle était certainement dirigée par une extase dont elle rêvassait à l'avance, avec ses couettes blondes en désordre et son uniforme de lycéenne tout sauf véritable.

Ochako ne recevait ses questionnements que d'une oreille distraite, installée sur une grande chaise qui ne lui laissait pas l'occasion mettre au sol ses petites jambes. Elle fixait depuis quelques minutes son verre de jus d'orange glacé qu'elle n'avait même pas la soif de déguster. De l'amertume dans la gorge, elle entretenait des difficultés à manger depuis ce temps-là.

- Il va sûrement te l'autoriser, la morveuse, intervint Dabi qui venait faire irruption dans la pièce sombre principale de l'étage réservé aux membres de l'alliance. Un sosie de plus ne ferait pas de mal.

L'alter de l'enfant amoureuse du sang était la métamorphose : elle était capable de se transformer en quiconque tant qu'elle buvait une goutte de son liquide rouge. Ochako avait toujours considéré ironiquement cela comme un sort du destin, car ce genre de pouvoir avait davantage tendance à horrifier plutôt qu'à être utile pour devenir un héros. Comme si, dès l'âge de quatre ans, elle avait été fatalement emportée par la voie qui allait être la sienne aujourd'hui.
La vilaine se remémora vaguement l'existence d'un élève de Yuei. Il avait des cheveux violacés et dressés sur son crâne, et possédait un alter de lavage de cerveau, si elle ne faisait pas erreur. Lui aussi, on aurait pu le considérer prédestiner à un certain chemin, mais il avait choisit celui prôné par le monde.

- Va lui demander, lui lança Dabi. Il s'agissait plus d'un ordre pour qu'elle fiche la paix à Ochako que d'une demande stratégique adressée à leur chef.

Pourtant, la petite blonde se réjouit dans un petit cri strident en assurant que c'était une bonne idée.

Elle se dirigea vers la sortie et croisa ensuite Twice qui avait pour intention, lui, de pénétrer dans la pièce, mais elle le rattrapa au vol.

- Viens avec moi ! Je vais voir Toto ! l'informa-t-elle, avec cette indécrochable sourire.

- Ça ne va pas la tête?! débuta-t-il. Avec plaisir, ma petite Toga ! et il la suivit alors bêtement dans sa recherche du leader qui était on ne savait où dans cet immeuble.

Ochako étudia Crématorium qui regardait s'en aller ses alliés, satisfait. Sa grande chevelure noire en évidence et ses cicatrices dont les blessures saignantes semblaient s'être refermées, ainsi que l'envergure de son apparence physique, effrayait.

Ses débuts dans cet endroit avaient été particulièrement saisissants. Elle s'était régulièrement sentit mal au point d'en vomir face à ce milieu et à la présence oppressante de Tomura, les tentatives répétées d'intimidation de ses camarades comme Toga, qui n'était jamais loin avec ses lames, la froideur paralysante de Black Mist, et Spinner, avec sa parole méfiante et blessante.

Les autres membres principaux ne s'étaient jamais préoccupés d'elle, elle ne faisait partie que du décor. Le fait qu'elle eusse tué l'une de ses camarades de Yuei qui étaient leurs ennemis satisfaisaient leurs doutes, bien que conservant toujours un brin de suspicion.

Outre le fait qu'elle avait tout d'abord dû commencer au bas des étages au milieu de bien d'autres figurants, elle devait régulièrement faire face à de nombreuses menaces de leur part. Ceux-là ricanaient face à cette adolescente maigrichonne en provenance du lycée des héros. En plus de cela, la jeune femme affrontait des cauchemars abominables qui emprisonnaient son souffle durant ses nuits peu reposantes.

Au milieu de toute cette obscurité, le sombre Dabi était toujours de temps en temps venu discuter avec elle. Il avait 21 ans à l'époque, et elle en avait à peine 16.

La jeune fille avait bien comprit pourquoi celui-ci tenait à entretenir des discussions avec elle, et, bien que silencieusement, elle lui en avait été fortement reconnaissante. Cela avait égaré l'idée aux autres figurants de la toucher.

Les mois étaient passés. Les années les avaient accompagné. Lentement. Difficilement.

L'adolescente s'y était préparée, mais n'avait pas réalisé, à l'époque, tous les déchirements que ses actes allaient provoquer. La présence de Dabi, les révélations sur l'origine des maux du jeune homme, ce lien qui les avait mené tous les deux ici, ensemble, tout cela l'avait aidé à surpasser la douleur de ce qu'elle avait commit. Une relation fraternelle s'était installée entre eux, réciproquement. Le second de la Ligue avait été déchiré par le monde, et avait conscience de la cruauté de ses actes. Mais il souhaitait rendre les terres plus vivables. Et pour cela, il fallait se débarrasser de ceux qui empêchaient les plus vulnérables d'être heureux.

Ils savaient tous les deux mieux que personne pourquoi l'un et l'autre étaient là.

C'était un secret que tout deux avaient traversé. Depuis bien longtemps.

- Qu'est-ce que tu vas faire? lui demanda-t-il de but en blanc en offrant une réponse à son regard analyseur.

Sans qu'il n'énonce le nom du sujet, elle était bien au courant du contenu de celui-ci. Elle soupira en détournant ses iris noisettes pour les replacer sur son verre de jus d'orange délaissé.

- Que voudrais-tu que je fasse?

Dabi haussa les épaules. Il n'était pas totalement  ignare de ce que le jeune homme avait représenté pour sa camarade il y a de cela quelques années. Le second de la ligue se préoccupait de l'impact que cela causait sur son amie.

- 'Faudrait pas que ça te perturbe. Tu sais..

- Je ne suis pas perturbée, elle le coupa d'un ton sec qu'elle ne se serait jamais permise de prendre il y avait de ça deux ans. C'est du passé.

- C'est aussi crédible qu'une pauvre réplique dans un film, se moqua-t-il en s'asseyant sur une grande chaise à ses côtés.

- Peut-être, Ochako souffla doucement de rire, puis son expression revint à ce manque de couleur qui le caractérisait maintenant. Il m'a craché dessus.

- Réaction normale, ricana-t-il.

Elle acquiesça. La petite brune était à même d'imaginer l'ampleur de la haine que Katsuki devait avoir à son égard. De son point de vue, les choses devaient être bien différentes.

Sans omettre évidemment la peine et la furie que tous ses anciens camarades avaient dû afficher depuis son départ, évidemment. Cela avait dû nourrir la haine qui le consumait. Après tout, même s'il faisait mine de rien Katsuki n'était pas imperméable aux émotions de ses camarades, et elle était la mieux placée pour le savoir.

La jeune fille ne l'avait pas revu, depuis cette nuit là. Et elle croyait vraiment que des retrouvailles seraient bien heureusement impossible. Mais il était ici. Tout près.

Ses doigts tremblèrent.

- J'étais sûr que t'arrivais pas à l'oublier, clama Dabi sans une once d'hésitation, ce qui irrita Ochako.

- Qu'est-ce que tu en sais, déjà? répliqua-t-elle avec agressivité. Elle haïssait cette faiblesse que son seul ami lui reprochait.

Ses pupilles noires s'encrèrent fièrement dans les siennes à cette question.

- J'ai 23 ans. J'ai assez vécu pour voir ce genre de truc, affirma-t-il.

- Je crois pas que t'ai eu la bonne expérience pour me parler de ça, lui lança-t-elle en le regrettant à peine une fois les mots émergés de ses lèvres fines.

Mais aucune colère ne se retranscrit en lui. Il continuait de l'observer, passif et avec une petite esquisse de sourire.

- J'aurai pas dû dire ça.. avoua-t-elle en soupirant. Désolée.

- Ça prouve bien qu'il te fait sortir de tes gonds, la piégea-t-il.

Elle rougit légèrement de honte suite à cette évidence. Quant à lui, il se redressa de sa chaise avec l'intention de quitter la pièce. Il renfila correctement sa grande veste noire qui le rendait encore plus obscur d'apparence.

- Evite de faire ce genre de tête devant notre chef, la conseilla-t-il avec bienveillance devant les joues rosies de sa camarade.

- T'es injuste, se plaint-elle.

- Un peu, il émit un rictus moqueur.

Il lui caressa doucement le cuir chevelu avant de s'en aller. Un geste affectueux que la jeune fille se plaisait à recevoir depuis qu'il lui manquait cruellement tout l'amour de ses parents. Son cœur se serra un peu à cette évocation des souvenirs chaleureux qui lui torturaient régulièrement la poitrine. Sans la présence rassurante de Dabi, qui lui rappelait un peu qui elle était, elle ignore quel genre de personne monstrueuse elle serait devenue.

Mais ne serait-ce pas mieux, au contraire, de ne rien ressentir? Chasser toute chaleur, tout plaisir, tout désir de son cœur et de son esprit? Changer pour de bon la personne qu'elle était auparavant? Se débarrasser du poids lourd et affaiblissant que lui enchaînait le passé?

Oublier celui qui creusait dans son corps les parcelles de ses propres marques?

Celui qui n'était plus qu'à quelques pas d'elle à présent, et qui la haïssait du plus profond de son âme?

Le visage rapatrié sur ses petites mains, elle s'affala au creux du noir de celles-ci, en priant pour que la douleur s'arrête.

~~

Un chapitre un peu calme ~ surtout comparé au précédent ~ mais j'espère qu'il vous aura plu ^^

N'hésitez pas à me faire des remarques, positives ou négatives, comme d'habitude !

Je vous embrasse 💕