13 - Nuit ensanglantée
« Je voudrais qu'il sache qu'il y a des visages plus beaux que le masque qui les couvre »
~~
2 ans et demi plus tôt ~ La nuit de l'acte.
Le lit était vide.
Il referma doucement la porte, même si une envie fulgurante de la briser contre les murs pour réveiller tout l'internat le traversait.
Katsuki s'adossa contre l'extérieur de cette chambre déserte. Il passa une main dans sa chevelure blonde, de nerfs, avant de jeter un œil à son téléphone une fois de plus. Cela faisait quelques heures qu'il ne pouvait empêcher ses yeux de vérifier toutes les 10 minutes si une notification était arrivée. Il soupira quand il constata l'habituel manque de réponse.
Depuis ce matin, il n'avait pu obtenir de sa part qu'un bref avertissement : Ochako ne viendrait pas en cours ce jour-là.
Au début, il n'avait pas particulièrement tergiversé. Il avait juste été parcouru d'une vive animosité mêlée à la déception de ne pas pouvoir la croiser ou l'embrasser aujourd'hui.
Le doute s'était peu à peu installé dans ses méninges, au fur et à mesure que les heures défilaient sur l'horloge. La salle de classe était bien vide, sans sa petite voix de crécelle qui riait avec ses voisins, ou son regard noisette qui lui rendait le sien avec la même tendresse. Il avait finit par se faire une réflexion.
Depuis quand cette idiote se préoccupe d'être malade ou non pour venir en cours?
Il se souvenait l'avoir déjà aperçu, chancelante et fiévreuse, aux portes de l'évanouissement dû à un surmenage. Elle était d'une nature bien fragile à ce niveau là, et il s'en moquait, mais il l'aurait bien asséné de coups pour qu'elle aille se reposer au lieu de venir tout de même étudier. Mais elle ne l'avait jamais écouté.
Alors pourquoi, aujourd'hui, elle avait décidé de ne pas se montrer? Il n'avait noté aucun signe d'affaiblissement chez elle ces derniers jours.. Si ce n'est ces absences, de plus en plus régulières, qu'il soit avec elle ou qu'elle soit à son bureau avec ses amis débiles.
Elle affichait sans cesse ces yeux égarés, pensifs et mystérieux. Katsuki haïssait ces regards. Il avait l'impression qu'elle ne lui confiait pas tout d'elle. C'était stupide, et peut être égoïste, comme manière de réfléchir, mais il ne s'en préoccupait pas le moins du monde.
Il voulait être celui à qui elle pourrait tout confier, parce que cette fille, bordel, elle comptait. Jamais il ne le lui aurait avoué de vive voix, évidemment, et c'est pour cela que sa bouche avait maintenu son propre silence. Mais cela n'empêchait pas sa poitrine de se compresser à l'idée qu'elle puisse être tourmentée.
Alors il était venu, du côté des chambres des filles, aussi discrètement que son brusque caractère le permettait. Fort heureusement, les entraînements quotidiens causaient une telle fatigue aux seconde A que tout le monde semblait dormir à poings fermés.
Elle est passé où, putain?
Ochako n'était pas dans sa chambre attitrée. Elle n'était pas venue en classe aujourd'hui. Elle ne répondait pas à ses messages depuis le Je ne viendrai pas aujourd'hui, de ce matin.
Il théorisait.
Un décès dans sa famille?
C'est peut-être pour ça qu'elle était si triste. Un de ses proches était peut-être malade depuis quelques temps.
Il secoua la tête pour tâcher de se calmer dans ce couloir si noir. Il serrait les dents.
Il devait retourner se coucher, mais il savait qu'il n'arriverait pas à s'assoupir. Plus maintenant. S'il l'avait découvert dans son lit, malade ou épuisée pour une raison quelconque, il se serait sans doute calmé. Mais là, l'idée de cette option lui apparaissait complètement irréalisable. Les muscles de son corps, tendus, le maintenaient dans un état d'éveil complet. Et son esprit en ébullition n'aidait en rien.
Un proche malade alors?
Ça ne lui disait rien. Ça ne lui émettait strictement rien. Il entretenait la nette impression que tout ça dissimulait une vérité bien plus compliquée que celle-ci. La tromperie, ce n'était pas son genre, et il n'y songerait même jamais. Son instinct lui chuchotait tout autre chose, et ça l'agaçait d'autant plus qu'il ne parvenait pas à en comprendre les signes.
Mais c'était sans doute la raison la plus évidente. Il se fit une idée, et décida de laisser ses intuitions de côté.
Alors qu'il s'apprêtait enfin à quitter les lieux, sans doute pour aller au gymnase passer sa colère, un bruit de pas retentit à ses oreilles.
Ses sens en alerte, il se détacha du mur pour prendre appui fermement sur le sol. Dans l'obscurité, une petite silhouette se dirigeait vers lui. Une silhouette de fille.
- Bakugou?
La voix d'une de ses camarades de classe se révéla à lui en même temps que son visage, soudain dévoilé par la lumière lunaire de la fenêtre au bout du couloir.
- Qu'est-ce que tu fais là? le questionna miss Lobes, avec une certaine stupéfaction dans la voix.
Et merde.
Il aurait préféré ne croiser personne sur son chemin. Même si c'était toujours mieux que de se faire prendre par l'un de ses professeurs, qui l'aurait certainement réprimé en tant que pervers. Les garçons n'avaient pas le droit de monter à l'étage des filles, en temps normal.
L'adolescente nota l'appartenance de la porte devant laquelle le jeune homme se tenait.
- Aaah. Ah !
La mine de Kyouka se peignit alors d'une teinte plus colorée, comme si elle était éclairée sur la situation.
- Ta gueule ! lui lança-t-il avec le volume qu'il pouvait se permettre.
- Je n'ai rien vu, je n'ai rien vu.. feint-elle en baissant la tête.
Elle..
Alors qu'elle le dépassait pour se rendre dans sa chambre, Katsuki lui saisit le bras pour l'en empêcher. Elle émit un petit cri de surprise que celui-ci se dépêcha d'étouffer à l'aide de sa main.
Il avait envie de l'assassiner pour qu'elle soit moins bruyante, mais il devait se renseigner.
- Tu es au courant? l'interrogea-t-il en chuchotant, son visage près du sien pour qu'il l'entende.
- He-hee? elle bégayait, les joues en feu.
- Oui ou non? insista-t-il avec virulence.
- De-de quoi ?
- T'es conne ou bien? ses pupilles écarlates étaient remplies d'empressement.
Kyouka ignorait l'exactitude des questionnements du jeune explosif, mais elle se contenta de hocher la tête, résignée.
- Ochako m'a dit de ne pas le répéter.. avoua-t-elle.
Le grand blond la fixa quelques secondes sans lâcher son bras. Elle était si intimidée que c'en était désolant, mais il s'en moquait éperdument. Finalement, il ne desserra pas sa prise et l'emmena avec lui au bout du couloir, devant les escaliers. Il ne souhaitait pas qu'une oreille trop avertie l'interrompe.
- Qu'est-ce que tu-
- La ferme.
Une fois arrivés là où ils seraient moins susceptibles d'être épiés, il planta son regard dans celui de sa camarade. Camarade qui s'appelait.. euh.. aucune importance.
- Alors?
Ce mot prit au dépourvu la jeune fille. Alors? C'était quoi ça? Il voulait vraiment connaître son avis sur la situation? Ce n'était pas son genre.
Mais après tout, Kyouka pensait auparavant qu'il n'était pas du genre à s'intéresser à une fille non plus. Et voilà qu'il y a quelques temps, un matin, elle les surprenait, collés l'un à l'autre, bouche contre bouche.
Dire qu'elle et ses amies croyaient Uraraka amoureuse dur comme fer de Izuku il y avait à peine deux mois.. elles s'étaient bien toutes fourvoyées.
Il patientait, droit comme un i, les bras croisés et visiblement tendu.
En même temps, quand est-ce qu'il n'est pas de mauvaise humeur ?
Leur regard s'étaient habitués à l'obscurité, et ils pouvaient ainsi se toiser mutuellement.
- Bah.. commença-t-elle, le feu toujours aux joues par la gêne que lui procurait cette situation, j'imagine que je vous voyais pas ensemble, elle continua, mais que étant donné que ça fait longtemps que vous vous voyez en secret, ça pouvait effectivement marcher entre vous, et puis-
- Hein?
- Ochako a l'air heureuse avec toi, puis j'ai l'impression que ça peut faire un bon mélange, avec vos caractè..
Kyouka se stoppa dans son analyse quand elle constata les mains de Katsuki en l'air, prêtes à l'étrangler, accompagnées de son visage bouillant.
- Hiii ! elle recula, de peur. J'ai dit.. un truc qui fallait pas?
- Je.. putain ! s'agaça-t-il un peu trop fort, plaçant l'une de se mains pour cacher sa figure beaucoup trop embrasée. Je t'ai pas demandé ton avis, merde !
Il ignorait même qu'elle fut au courant. Ochako et lui s'étaient mis d'accord pour garder leur relation dissimulée aux yeux des autres, pour ne pas qu'ils se ramassent de commentaires, et surtout pour ne pas être accusés d'être distraits dans leur scolarité héroïque.
Ahh mais.. putain, c'était elle..
C'était cette meuf qui les avait surprit ce matin-là, au gymnase. Il se remémorait maintenant cette gaffeuse qui avait fait du boucan, les coupant dans leur folie, et qui avait alors affiché cette même mine choquée et embarrassée.
Il n'apparaissait même pas vraiment étonnant au jeune homme que la situation ne lui soit pas inconnue. Il faut dire que lui-même ne se préoccupait pas trop du regard des autres lorsqu'il prolongeait sur une trop longue durée sa vue sur la petite brune. Peut-être que d'autres élèves s'en doutaient. Il s'en moquait complètement, à l'heure d'aujourd'hui.
Il tenta de reprendre sans poser ses mains sur le cou de la jeune fille aux interminables lobes. Son avis sur leur relation, il s'en foutait également.
- Je t'ai pas demandé ça.. répéta-t-il, les doigts sur ses tempes.
- C'est.. quoi, alors, ce que tu veux savoir? Kyouka était à l'apogée de son embarra, celui de Bakugou se superposant au sien.
Elle eut du mal à déceler les mots suivants du jeune homme, qui murmurait. Finalement, les mots " elle est où ? " la percutèrent.
- Ochako? Je ne sais pas.. Elle n'est pas dans sa chambre? l'interrogea-t-elle avec une réelle curiosité.
- Si je te le demande, c'est que non, abrutie.
- Bah excuse-moi hein..
Il dégagea sa paume de sa main pour replacer ses iris ardents dans les siens.
- T'étais pas avec elle?
- Quoi? s'étonna la petite violette. Non, pas du tout.
- Tu faisais quoi alors? s'emballa-t-il. Je t'ai entendu monter les escaliers, c'est que t'étais ailleurs !
Le silence qui accueillit cette question procura à Katsuki l'impression qu'elle lui mentait.
- Tu fais erreur, fini-t-elle par se défendre, toujours rouge.
- Crache le morceau, il persistait. Pourquoi elle est pas venue, aujourd'hui? Qu'est-ce qu'elle a?! Il commença à s'approcher d'elle, de plus en plus menaçant.
- Tu parles trop fort..
- Elle est où, bordel?!
- Je n'en sais rien, je te le jure! lui assura-t-elle avec toute sa volonté.
- Alors qu'est-ce que tu foutais en bas, si t'étais pas avec elle? Essaye pas de nier, ça sert à r-
- J'étais avec Kaminari.
La réponse débarqua en trombe. La furie de Katsuki envers elle s'évanouit aussi rapidement que possible, ce qui perturba la jeune violette.
- Ah.
- Tu..tu me crois? elle ignorait si elle devait être rassurée ou soucieuse.
- Oui.
C'était pas des sites étranges que j'ai entendu de la chambre de l'abruti, alors.
Le jeune homme leva les yeux au ciel en se maudissant de connaître cette information, et s'abattit de nouveau contre le mur de l'escalier. Il eut, cependant, durant une fraction de seconde, un léger sourire pour l'électrique.
Et elle..
Où se trouvait-elle, dans ce cas, si elle n'était pas en compagnie de ses amies ?
Il aurait favorisé la création d'une de leurs soirées pyjamas à la con, pour ce soir au moins. Ochako aurait été avec cette fille. Au lieu de cela, il n'avait toujours pas obtenu de lumière quand à l'endroit où l'adolescente avait pu se réfugier.
Kyouka percevait l'inquiétude et la peine qui tordaient le visage de Bakugou. Découvrant par cette petite interaction que son amie n'était pas présente dans sa chambre d'internat, elle fut bientôt parcourue par un souci similaire.
- Je peux t'aider à la chercher, si tu veux, lui proposa-t-elle gentiment.
Il lui offrit l'une de ses œillades haineuses.
- Pourquoi faire?
- C'est toujours une personne en plus.. argumenta-t-elle sans crainte, elle est peut-être au gymnase, ou quelque part dans l'établissement?
Le jeune homme grogna. Il se faisait tant de mouron pour cette fille qu'il fut incapable de refuser son offre.
- D'accord. Je vais voir le gymnase, annonça-t-il.
Il espérait sincèrement la trouver là-bas.
- Je vais voir la cour, dans ce cas..
L'explosif hocha la tête, et ils descendirent communément l'escalier, prenant garde l'un et l'autre à ne pas se faire remarquer. Ils ne devaient pas attirer l'attention des robots qui guettaient le moindre bruit. Katsuki étant un grand habitué des sorties nocturnes, il en avait l'habitude.
Ils se séparèrent en acceptant de se prévenir si l'un d'eux mettait la main sur elle avant l'autre. Plus les minutes avançaient, plus il apparaissait logique à Katsuki que sa tête ronde s'était réfugiée au gymnase. Après tout, elle avait également prit ses marques dans cet endroit ces derniers temps.
La neige commençait à tomber, et le froid de la saison lui glaçait la peau.
Il était tombé amoureux d'elle ici, à force de la croiser dans ce petit cadre privilégié, à des heures non usuelles. Certes, depuis le championnat, elle le troublait. Mais c'était à force de l'observer ici que tout s'était concrétisé. Rien ne faisait plus vibrer les cordes de son cœur que d'observer cette fille se battre avec tant de volonté. Admirer la force de ce petit être, qui savait aussi bien se montrer brutal que doux.
Il chérissait ses joues, ce visage rond. Il se plaisait à observer ces yeux noisettes dans lesquels il plongeait avant de l'embrasser. Il aimait quand elle gonflait ses joues lorsqu'il l'appelait idiote. Il appréciait voir ses lèvres s'étirer lorsqu'elle parlait à quelqu'un, mais plus particulièrement à lui. Il était éprit des petits complexes que la jeune fille avait, et ne pouvait s'empêcher de s'esclaffer quand elle se plaignait de son petit ventre. Il adorait la voir rire. Il s'était attaché à la manière dont elle prononçait son prénom. Il était comblé quand elle se donnait à lui.
Il était amoureux d'elle, de toutes les fibres de son être. C'en était presque douloureux. Il avait l'impression que ses cellules dépendaient d'elle. Au point qu'il en devenait presque ridicule à énumérer tout ce qui le charmait chez cette fille.
Lorsqu'il arriva au gymnase, il eut la même mauvaise conclusion qu'un peu plus tôt, lorsqu'il avait ouvert sa chambre.
Désert. Il n'y avait rien. Personne.
Bordel, mais où est-ce que tu es?
L'effervescence paralysait son corps bouillant. Exténué, il était dépité par son angoisse et ses remuements.
Le bruit d'une voiture qui démarrait se fit retentir.
Il s'apprêtait à se diriger vers l'entrée du lycée quand des paroles parvinrent à son ouïe.
Des paroles qui provenaient de deux voix bien différentes, en direction de la cour.
Dont une qui appartenait à Ochako.
~
- Je ne comprend pas Uraraka ! s'écria la jeune fille, paniquée. Qu'est-ce que tu fais ?
- Je..
- Lâche-ça, parle-moi..
Ochako était en face de Kyouka, en larmes. La petite violette était arrivée il y avait quelques secondes. Elle avait découvert son amie, traversant le portail sécurisé de Yuei, qui venait de descendre d'une voiture suspecte. Celle-ci était repartie aussitôt.
D'abord plus soulagée de la retrouver que soucieuse de se préoccuper des raisons de son absence, elle s'était précipitée vers elle avec un grand sourire.
Mais les pleurs qui tachaient les joues de la brune l'avaient instantanément stoppé dans ses émois.
Parce qu'il ne s'agissait guère de pleurs de tristesse. Kyouka l'avait décelé immédiatement. C'était d'étranges larmes.. sévères, et qui coulaient sur un visage à la fois dur et vide. Elle n'était pas capable de décrire le pressentiment qui l'avait parcouru à la révélation de cette Ochako troublante.
- Je dois le faire, Jirou, laisse-moi ! s'écria Ochako, la voix cassée, presque tétanisée par son propre comportement.
Ça ne lui ressemblait pas. Ochako Uraraka ne se pointait pas à des heures tardives à Yuei, et encore moins en larmes, avec une lame dangereuse au creux de sa main.
- Qu'est-ce que tu dois faire, Uraraka?! Qu'est-ce que tu dois faire? répéta-t-elle, décidée à ne pas laisser son amie pénétrer dans l'établissement ou l'internat avec des émotions pareilles. Lâche ce couteau, et parle-moi ! Quelqu'un t'a fait du mal?
Elle s'imaginait que la jeune fille avait perdu la raison suite à la violence qu'un membre de l'établissement avait pu lui faire subir. Elle n'avait peut-être pas pu en parler.. peut-être que c'était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour s'exprimer.. Ou peut-être était-elle sous la manipulation d'un alter ?
- Ecoute, quoi qu'il s'agit, je peux t'entendre, Ochako ! lui jura Kyouka de toutes ses forces. Je peux-
- NON, tu ne peux pas ! s'acharna son amie. Kyouka, laisse-moi je t'en prie.. ses pleurs se faisaient de plus en plus violents.
- Qu'est-ce que tu veux faire? Qui veux-tu aller voir avec ça?! elle continua d'insister, souhaitant au moins comprendre la situation, aussi ardue qu'elle puisse être.
Un hoquet s'échappa de la bouche dénuée de couleur de la petite brune. Ses mains tremblaient. Les flocons de neige se déposaient en couronne sur sa chevelure.
- Je dois.. commença-t-elle, plus doucement, mais avec la même douleur dans sa voix.
- Qui?
Kyouka espérait qu'avec leurs hurlements, les robots et les professeurs ne tarderaient pas à débarquer. Ils pourraient être plus capables de l'arrêter qu'elle-même.
- Ka.. elle bégayait et n'osait pas l'affronter du regard. Katsuki. Je dois.. elle secoua la tête. Katsuki! répéta-t-elle avec plus de violence. Je dois aller le voir, laisse-moi passer !
Le prénom qui émergea de la bouche d'Ochako figea Kyouka d'horreur sur place. Cette annonce à laquelle elle ne s'attendait pas le moins du monde décuplait ses craintes.
- Qu'est-ce que tu racontes, Ochako? elle était bouche-bée, et se sentait suffoquer par le choc. Tu n'es pas sérieuse, n'est-ce pas?
Elle était incapable d'imaginer que celui qui rendait sa camarade si emplie de bonheur ces derniers mois était la source de ses maux et le but de sa vengeance.
- Tu l'aimes, énonça Jirou avec fermeté, bien que toujours secouée. Tu l'aimes, et je suis persuadée qu'il ne t'a rien fait.. n'est-ce pas?
- Ce n'est pas lui, il n'a rien à voir.. Ochako remua une nouvelle fois son crâne de droite à gauche, ses cheveux virevoltant au rythme du vent glacial. Je dois juste le faire.
- Mais pourquoi?! Ochako, ça n'a aucun putain de sens !
Jirou commençait sérieusement à penser son amie au bord de la folie. Elle hurlait à s'en déchirer les poumons, priant de toutes ses forces le système du lycée pour qu'ils réagissent au plus vite. Ils étaient devant le portail, et elle n'était pas ignare des caméras qui filmaient toute la scène. Elle courait à sa perte.
Faites vite, faites vite..
Un léger rictus désespéré s'échappa des lèvres de la brune.
Un frisson de terreur parcouru Kyouka des pieds jusqu'à la tête. Ses paupières se déployaient avec plus d'intensité.
Ochako commençait sérieusement à lui faire peur.
Mais la crainte qu'elle commette une erreur lui était bien plus supérieure.
Elle s'apprêtait à lui sortir un nouveau sermon de raisonnement quand sa camarade reprit, ses iris toujours perlés de larmes qui coulaient avec déraison.
- Je n'arrive plus à croire à nos valeurs, Kyouka.. lui confia-t-elle.
Elle semblait si déchirée.
- Je dois prouver la mienne si je veux les rejoindre.
Ces simples mots éclairèrent l'intégralité de la situation à la jeune fille.
Quoi?
- Tu te moques de moi? Ochako? bouleversée, la violette se sentait secouée par une ardente tristesse mélangée à un flambeau d'exaspération, les yeux humides. Tu plaisantes? Hein? elle refusait d'y croire.
Elle ne lui adressait pas de retour.
- Pourquoi est-ce que toi, tu les aurais rejoins?
C'était probablement la dernière personne qu'elle aurait mise sur sa liste pour des traîtres potentiels, juste avant Izuku.
Ochako Uraraka? Une vilaine? Elle?
- Mais tu l'aimes.. dépitée, les larmes de Kyouka se mirent également à tomber. Tu l'aimes, et tu veux tout sacrifier pour eux?! Tu veux vraiment nous laisser pour devenir une meurtrière?! elle avait l'impression que ses mots pouvaient atteindre l'autre bout de la ville. Elle jetait toute ses forces dans ces derniers pour tenter de la faire redescendre sur terre.
Faites vite, je vous en prie, dépêchez-vous..
Les yeux de l'égarée diminuaient dans leur orbite, marqués par les termes que celle qui essayait de la ramener à la raison employait.
Elle baissa la tête.
Elle avait tellement mal.
Son ventre la tordait d'une douleur incommensurable. Elle crû un instant qu'elle allait vomir, et s'accroupît en le soutenant.
La jeune fille aux longs lobes l'étudiait, toujours en proie à un effarement que jamais elle ne pourrait expliquer tant il était profond. Ses entrailles étaient acculées par une pression violente, en plus de l'immense désespoir qui caractérisait ses pensées.
Elle entendit enfin des voix au loin, qui cherchaient les provenances de ces hurlements. Soulagée, elle soupira, tout de même rassurée que la brune n'ait pas pu arriver au terme de son but originel. Elle fit volte-face pour apercevoir plusieurs ombres, au loin, dans la nuit noire enneigée.
Mais Ochako perçu également ces ombres qui se rapprochaient.
Ces ombres qui allaient l'arrêter.
Qui allaient tout stopper.
Et finalement.. était-ce plus mal?
Elle n'avait pas pu tuer Katsuki. Celui qu'elle aimait profondément était sauf.
Elle allait donc.. Elle avait donc.. prit toutes ces initiatives pour être ramenée au droit chemin, n'est-ce pas ?
Elle poussa elle aussi un soupir, presque résignée et évidemment vidée. Elle entendait des pas courir jusqu'à elle, provenant du gymnase.
Elle ne vit pas de qui il s'agissait. Elle ne regardait rien. Elle désirait simplement se plonger dans l'obscurité que lui offrait ses bras. Et accepter son châtiment pour avoir douté. Être ramenée dans la lumière douce et chaleureuse de l'innocence qu'elle avait toujours eu.
Mais..
N'oublie pas ce en quoi tu crois, Ochako.
Une pulsion cachée au creux d'elle, dont la jeune fille ignorait même la provenance, s'empara de son corps.
Elle avait un but. Elle avait une mission, elle devait l'accomplir.
Ochako se redressa sans un bruit.
Et alors que Kyouka, toujours dos à elle, observait les ombres s'approcher paisiblement, c'est elle-même qui s'avança jusqu'à son amie.
Sa lame brillante que lui avait confié Tomura Shigaraki reflétait le seul éclat de lumière du ciel.
Elle entoura son amie d'un bras, et la poignarda de l'autre.
Aucun son ne se transmettait à elle. Elle ne percevait que la neige, autour d'elle. Que le liquide visqueux, sur ses mains. Que le corps de Kyouka, qui chutait.
Inerte.
La neige se tâcha de cette couleur pourpre.
Je l'ai fait?
Elle tourna la tête, à droite et à gauche, comme pour vérifier qu'elle ne rêvait pas.
Sa vision rencontra alors celle d'un jeune homme.
Un jeune homme qui découvrait ses mains.
Ces mains de tueuse.
Ochako entrevit alors pour la première fois le visage qu'arborait Katsuki Bakugou lorsqu'il était brisé.
Le visage qu'il affichait quand son coeur se déchirait.
Un vide de choc. Un voile d'incompréhension. Une bouche entrouverte. Les mots qui ne venaient pas.
Des mains qui tremblaient.
Ce fut la dernière chose que les yeux d'Ochako rencontrèrent au lycée Yuei, ce soir là. Elle joignit ses mains sans laisser le temps à quiconque de réagir, ni à lui, ni aux robots accompagné d'un quelconque membre de l'établissement.
Personne n'eut le temps de faire quoi que ce soit de censé.
Et le corps d'Ochako s'envola. Par dessus le portail.
En l'air, elle ne percevait que Katsuki. Qui ne bougeait toujours pas.
Et alors qu'elle atteignait à nouveau le sol, un peu plus loin et un peu plus éloignée de l'entrée, ses dernières pensées fusèrent avec un sentiment qui ne la quitterait jamais.
Au moins, ce n'était pas toi.
Et une fois qu'elle se soit pour de bon écartée comme il se fallait de l'école, elle stoppa sa course, exténuée. Elle était usée par la fatigue, et elle avait épuisé toutes les capacités de ce corps.
Les larmes coulaient toujours silencieusement sur ses joues pendant que l'intégralité de ses membres fondait peu à peu dans une marre de boue.
Disparaissant corporellement, mais laissant une éternelle trace derrière elle, moralement.
~~
Salut salut :)
Je tiens tout de même à préciser que les doubles de Twice reflètent la volonté des personnes originales, donc Ochako a tout de même été la médiatrice de son acte ! Ça n'enlève pas sa culpabilité.
Je peux pas vous expliquer à quel point ce chapitre a été éprouvant à écrire ptdrr, j'ai l'impression que c'est l'apogée de tout.. j'ai grave abusé en plus, il fait 4000 mots là ptn
J'espère qu'il vous aura plu, et que vous êtes pas déçues du pourquoi du comment au final ! Dites moi tout.
Les choses vont beaucoup bouger dans le prochain chapitre ( enfin ! ) et je pense que la fiction arrivera à son terme bientôt ^^ rien ne sert de rallonger !
Je vous fais plein de bisous.
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