Le jour est désormais visible et le soleil m'éblouit. Je place une main sur mon front en quittant la ville. Le marché est désormais installé. Vendeurs de fruits, de légumes, de viandes, de potions, d'armes, d'animaux, tout y est. Je m'arrête devant une échoppe où différents animaux sont exposés. Des moutons, des chevaux, des cochons et parmi eux une petite boule blanche se cache. Je m'approche alors pour découvrir le visage d'un jeune loup blanc.
"Je n'arrive pas à le vendre." m'avoue le vendeur qui m'observe depuis plusieurs minutes déjà. Une cicatrice sur son visage le rend hideux et personne n'en veut".
Effectivement, maintenant qu'il me l'a dit, j'aperçois avec netteté une balafre sous l'œil de l'animal. Il me fait penser à Géralt. Un pelage blanc, une blessure sur le visage et surtout un mépris apparent pour les autres.
"Je le prends".
Je lui lance alors deux pièces d'or que le vendeur regarde avec admiration.
"Il ne vaut pas autant Madame ! Je ne peux pas vous laisser me donner tant..
- Garde la monnaie et prends soin de tes autres bêtes.
- Oui, Madame."
Il se met alors à genou pour me remercier tandis que je fais signe au loup de me suivre. L'animal, d'abord craintif, finit par me suivre sans peine jusqu'à l'extérieur de la ville. J'aperçois alors la forêt au loin et me dirige vers elle. Malgré qu'il fasse jour, les épais conifères empêchent le soleil de passer correctement à l'intérieur.
J'emprunte le sentier principal. Il ne me faut que peu de temps avant que j'aperçoive des cadavres parsemés tout le long du chemin. Je me rapproche des corps pour les examiner et un frisson me parcourt le dos. Les cadavres sont partiellement dévorés. Un bras, une jambe, voir même le visage, rien n'avait été épargné. C'était des algoules qui les avaient attaqués alors qu'ils étaient encore vivants.
Une algoule, c'est comme une goule... mais en pire. C'est un adversaire bien plus redoutable. Les algoules sont des goules qui ont mangé des cadavres pendant des années, jusqu'à ce qu'elles découvrent la saveur de la chair humaine et commencent à attaquer les vivants pour se repaître de leur viande tiède. Je comprends maintenant pourquoi Triss m'avait donné une potion, sûrement la seule efficace contre ces monstres.
Un bruit me surprend et me fait dégainer immédiatement mon épée d'argent. J'aperçois trois de ces monstres derrières les buissons en train de manger un cadavre encore chaud. Les algoules sont bien plus grandes, plus fortes et plus intelligentes que leurs cousines, les goules. Elles sont surtout bien plus dangereuses. Leur apparence mi-humaine, mi-animal, comme dépourvue de peau, me fait froid dans le dos. Au cours de mon existence, j'avais appris qu'au combat, les algoules cherchent, parfois au mépris du danger, à renverser leur adversaire afin que celui-ci soit facilement déchiqueté par les autres. Le pire est qu'une fois blessées, elles peuvent devenir frénétiques et attaquer avec une fureur aveugle. Il faudrait donc que je les tue d'un unique coup rapide et ne leur laisser aucune chance.
Le petit loup blanc court se cacher entre mes jambes lorsqu'il aperçoit les monstres à seulement quelques mètres de lui. Je lui passe alors une main sur la tête, entre ses oreilles, pour le rassurer et lui ordonne de ne pas bouger alors que je me dirige vers les trois algoules.
Je n'ai même pas le temps de les atteindre qu'elles me repèrent. Je me place immédiatement en garde haute avec mon épée. Bien que celle-ci expose plus, vu que le corps est soumis et ouvert à toutes les attaques possibles et inimaginables, elle permet néanmoins de dominer la situation et de pouvoir augmenter la force de frappe en utilisant le poids de la lame. Je pourrais ainsi finir le combat rapidement.
Une première me fonce dessus en émettant un grognement sourd. Je l'esquive d'un pas sur le côté et lui donne un coup de pommeau à l'arrière du crâne afin de la déstabiliser quelques secondes. C'est le temps qu'il me faut pour parer une seconde attaque. Les deux autres se ruent sur moi, gueules ouvertes, me montrant leurs crocs répugnants. D'un coup sec, je coupe la tête de la première qui roule au sol, mais me fait attraper par surprise par la seconde qui me griffe le visage.
La douleur me fait perdre l'équilibre. Les deux algoules encore vivantes en profitent pour me faire tomber au sol et tenter de me manger vivante. Je fais alors glisser mon épée dans le ventre de celle qui essaye de dévorer mon visage, lui plante sous le diaphragme et la remonte avec force pour couper la partie haute de son corps en deux.
La dernière algoule plante alors ses terribles crocs dans mon mollet droit. Je lui assène un coup de pied dans l'épaule et me dégage en hurlant. Mon regard croise le sien, mais je ne vois que meurtre et faim dans ses yeux.
Je place un pied légèrement en arrière pour avoir un meilleur équilibre et reste immobile pour reprendre mon souffle. J'attends que l'algoule me fonce à nouveau dessus pour me mettre à quatre pattes et lui faire perdre l'équilibre. Une fois au sol, je place mon pied au niveau de sa gorge et avant qu'elle ne puisse m'attaquer à nouveau, tranche son cou d'un geste rapide et sec.
Je prends une grande inspiration et profite du silence qui revient dans la forêt. Le petit loup blanc court alors vers moi une fois, maintenant que le danger est écarté. Je secoue avec tendresse sa petite tête entre mes mains.
"C'est fini, mon petit, c'est fini".
Je l'embrasse sur le front, ramasse la tête de l'algoule et me dirige vers la ville de Novigrad pour être payée de nos trois questions. Je souris en réalisant que je n'ai pas utilisé la potion, mais ce sourire s'efface bien vite lorsque j'entends un grognement derrière moi. Un grognement si sourd et si proche que mon cœur rate un battement.
Je me retourne lentement et tombe nez à nez avec un cerbère. Monstre que l'on appelle plus communément la Bête, le cerbère est une créature des enfers, un spectre qui revêt la forme d'un chien terrifiant et qui poursuit inlassablement sa victime une fois qu'il a trouvé sa trace. Victime qui est actuellement : moi.
On peut dire beaucoup de mauvaises choses sur cette créature, mais en fin de compte il n'y en a que deux à réellement retenir. Elle amène avec elle le sang et la douleur. Beaucoup de sang. Et beaucoup de douleur.
Je lâche immédiatement la tête de l'algoule qui roule à nouveau sur le sol, ouvre la potion de Triss, la boit d'un coup sec et pousse un grognement aussi sourd que le sien.
Je suis prête à le tuer, même si je dois y rester aussi.
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