Chapitre 2

Il me tire pour m'emmener à l'extérieur du bar, à travers des ruelles où personne ne peut nous entendre. Le jour commence à décroître, les rayons du soleil meurent petit à petit sur les pierres grises des meulières environnantes. Je remets rapidement ma peau de bête par dessus mes habits de cuir brun pour éviter de geler.

"Il faut qu'on s'en aille, Stregobor veut nous mettre dans des histoires qui ne nous concerne pas.

- A propos de Renfri ?

- Comment le sais-tu ?"

Il passe ses mains sur son visage avant de me regarder à nouveau.

"C'est à elle que tu as parlé dans le bar ?

- Oui, avoué-je.

- Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?

- Stregobor veut sa mort car elle serait une princesse maudite.

- C'est le cas..

- Il faut la tuer ?

- Non, ce n'est pas un monstre !"

Il recule d'un pas et reprend son souffle.

"Ce n'est pas un monstre.. C'est une mutante comme nous, elle n'a rien demandé.. Nous ne pouvons pas tuer une fille simplement par prétexte qu'elle est née le soir d'une éclipse.. Car si je la tue je devrais... je devrais..."

Sa voix se brise. Il s'assoit à même le sol et semble perdu dans ses pensées. Je m'assoie à ses côtés, ignorant le vacarme et les chants venant du bar qui est encore tout proche. La terre est anormalement molle, comme s'il avait plu pendant des jours avant notre arrivée. Je tente de m'installer sans me salir et me tourne vers le sorceleur.

"Qu'est ce qu'il se passe Géralt ? Qu'est ce que tu ne me dis pas ?"

Je pose une main qui se veut réconfortante sur son épaule, il l'a saisit et plonge son regard dans le mien. Ses yeux dorées semblent emplis de tristesse et de désespoir. Son visage est encore couvert de crasse, il n'a pas pris une seule seconde pour lui depuis que nous avons tué le monstre non loin de Blaviken. Ses cheveux blancs retombent de chaque côté de son visage, lui donnant un air encore plus grave. Son inquiétude est tellement visible que je serre les mains qu'il a glissé quelques instants plus tôt entre mes doigts.

"Stregobor pense que tu fais partie de ces filles et que c'est pour cela que tu es la seule femme à avoir survécu au rituel des sorceleurs. Tu es la seule car c'était ta destinée, la mutation que tu as eu à ta naissance t'a permis de survivre.

- Je serais maudite ? soufflé-je choquée."

Cette fois ci c'est moi qui me tais. Je n'ai aucun souvenir de ma vie d'avant, je ne sais pas si j'ai reçu un violent choc sur ma tête comme me l'avait raconté Maître Vesemir ou si quelqu'un m'avait volé mes souvenirs. 

D'ailleurs, je ne sais pas grand chose de cette malédiction autour de l'éclipse. On raconte que les filles concernées seraient possédées par des démons et "contaminées" par le soleil noir, le nom donné à la fameuse éclipse. Une prophétie raconte que celle-ci était censée annoncer le retour imminent de Lilit, une déesse qui provoquera la fin du monde. Mais, pour empêcher cet événement de ce produire, le Conseil des Magiciens a choisit de faire assassiner les jeunes filles en question. 

"Qu'allons nous faire ?" demandé-je soudain, sortant Géralt de ses sombres pensées.

"Il faut que l'on s'en aille, Stregobor veut ta mort et je ne laisserais pas ça arriver.

- Et Renfri ?

- Laissons la ici, ce ne sont pas nos affaires. Maintenant que j'ai récupéré l'argent, nous pouvons nous contenter de partir. Nous trouverons d'autres monstres sur notre chemin."

Je me retourne vers le bar dans lequel j'étais quelques instants plus tôt. A travers l'une des fenêtres, j'arrive à discerner son corps et son étrange tenue se remuer au son d'une musique que je n'entends que de loin. Elle continue de boire comme si l'alcool ne lui fait d'effet et fini par tomber sur une table et à rire à n'en plus finir. Je pousse un soupir et aide Géralt à se relever.

"Maintenant que Stregobor te soupçonne d'être maudite, il va falloir être discret, ce mage semble être prêt à tout."

Une fois sur ses deux pieds, il se fraye un chemin dans le village jusqu'aux chevaux que nous avions laissé plus tôt. Pour la première fois, il m'aide à me hisser sur ma jument avant de monter sur le sien. Nous rentrons à grande vitesse, les animaux ont besoin de se défouler et ça se sent à leur rapidité de course. En seulement une dizaine de minutes, nous avons regagné le campement et nous sommes dans la même situation que le matin. 

Nous profitons enfin d'une pause bien mérité avant notre grand départ. Mais soudain, un bruissement se fait entendre parmi les buissons. Géralt se redresse subitement et je fais de même. Les bruits semblent être ceux d'un reptile qui se déplace mais je ne vois rien. J'attrape ma lame d'argent, celle pour tuer les montres, et me tiens prête à parer toute attaque. 

Soudain, un gros lézard couvert d'écailles sombres au dessin étrange  sort des buissons.  Je le menace de mon épée et fêle dans sa direction. Pour toute réponse, le reptile tend son long cou et émet un sifflement perçant qui laisse entrevoir ses dents blanches et tranchantes en forme de cône. Celles-ci contrastent fortement avec la peau quasi noire formée par les écailles autour de sa gueule.

Il me fonce alors dessus, je m'apprête à l'abattre d'un seul coup lorsque Géralt m'en empêche.

"Arrête Eyvor !"

Surprise, le reptile prend le dessus et nous roulons tout d'eux jusque dans la rivière glacé. Géralt arrive en trottinant et chope la bête par le cou pour ne pas qu'elle m'arrache le visage avec ses énormes crocs.

"C'est un monstre, tuons le !

- Non, c'est un wyvern, une créature qui vit prêt des villages, elle se contente de manger les moutons et de faire peur aux paysans. Elle ne fera de mal à personne."

Un poignard sort alors de nul part et vient se planter dans la tête de la bête qui meurt instantanément. Les mains couvertes de sang, Géralt le lâche et son corps retombe mollement sur le sol.

"Qui ose ?" Grogne-t-il.

"Je ne savais pas comment avoir ton attention autrement".

Je reconnais immédiatement la voix. Renfri se tient face à nous, les deux mains sur les hanches, prête à discuter.

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