☽ Chapitre 8 ☾

Le cours de potion de l'après midi a beau être passionnant, j'ai le regard fixé sur mon grimoire. Son ancien propriétaire a été assassiné sauvagement, personne n'a retrouvé le meurtrier ni les raisons de sa mort, rien que d'y penser ça me fait froid dans le dos. Daevon et Kathee pensent que c'est parce qu'il avait lu et repris les idées de Langfort, mais je ne suis pas de cette avis, il doit y avoir quelque chose de plus. J'ai besoin de découvrir pourquoi Amos Connolly a été assassiné pour me sentir à nouveau en sécurité à l'académie.

Mes mains tremblent lorsque j'ouvre le grimoire à la première page. J'y aperçois alors quelques lignes inscrites à l'encre sur le vieux papier. Une forte odeur s'échappe du livre, cette odeur que l'on ne sent que dans les livres depuis longtemps en bibliothèque. J'ai passé tellement de temps à lire pendant ma vie humaine que je sais de quoi je parle.

Je passe alors mes doigts sur le papier qui semble si fragile au toucher et qui a pourtant traversé les âges.

Ce grimoire appartient à,

John Langfort - 1767

Ambrose Meeks - 1863

Amos Connolly - 2020

Ambrose Meeks ? Ils ne m'ont pas parlé de lui. A-t-il aussi été tué pour avoir possédé ce grimoire ? Je secoue la tête pour en sortir mes idées noires et rédige mon nom dessus :

Astraia Green - 2021

J'ai l'impression que l'air se refroidit au moment où je lève mon stylo. Je regarde autour de moi. Aucun élève n'a bronché, cela doit seulement être mon imagination. Je tourne alors les pages du grimoire. La plupart contiennent des sortilèges et des dessins, mais l'une d'entre elles m'interpelle. Elle est complètement vierge, pourtant, lorsque je passe mes doigts dessus, je sens que quelqu'un a écrit avec un stylo par dessus. Comme si la personne s'était servie du grimoire comme super et avait, sans faire exprès, laissé à jamais une trace dessus.Je prends alors un crayon à papier et frotte la mine dessus pour faire apparaitre un texte.

12 Janvier 1785,

La guerre d'indépendance est terminée depuis maintenant deux ans. J'aurais dû être soulagé, mais, à mon retour, plus aucune âme vivante n'était présente dans mon village. Tous les habitants avaient été décimés, brûlés sur des bûchers. Un acte barbare ne pouvant être réalisé uniquement par des humains. Aucune âme innocente n'a le droit d'être prise de sang froid. Après avoir fui mon village, j'ai trouvé refuge à New York, la nouvelle capitale des Etats-Unis. Je vis au dernier étage d'un immeuble aux nombreux escaliers, mais je préfère cela à la vie dans la rue. J'y ai vu des horreurs, des sorciers se battaient à mort pour un morceau de pain ou un bain chaud.

La guerre, bien que finie, continue de faire des ravages..

15 janvier 1785,

Hier, j'ai rencontré une magnifique demoiselle, Bethany Connolly. Je lui ai parlé de mes idées et, pour la première fois, quelqu'un m'a écouté. Elle est d'accord avec moi, les sorciers ne devraient plus vivre dans la peur et devraient arrêter de se cacher. Il faut que les chasses aux sorcières cessent. Je pense aller sur la place publique cet après midi même ! J'y exposerais mes idées et espère y trouver une oreille attentive.

Il n'y a rien de plus écrit sur cette page, mais de nombreuses autres ont les mêmes marques. Des messages écrits qui se déchiffrent à l'aide d'un crayon à papier. J'en trouve deux autres avant de me faire intercepter par la professeure de potion, Mme Edal.

23 avril 1785,

Aujourd'hui je fête mes 35 ans, la journée devrait être heureuse. J'ai réussi en 4 mois, avec l'aide de ma sublime Bethany, à créer un empire de sorciers où tous souhaitent être libres. Mais voilà que l'on parle d'empire criminel et que je suis devenu l'ennemi public n°1. "Les sorciers ne doivent pas révéler leurs identités aux humains, Mr Langfort, où ce sera notre fin", "Pourquoi voulez-vous changer les choses alors qu'elles ont toujours été ainsi ?".  Combien faudra-t-il qu'il y ait de morts ? Combien de chasses ? Combien de guerres ? Avant que nous décidions de nous battre aussi ? Nos congénères meurent, nous vivons cachés. Cela ne peut plus durer.

28 mai 1785,

Ils ont envoyé Abraham Heian pour me mettre dans la prison au sous-sol du Consortium. Si vous trouvez ce grimoire, Bethany, promettez moi de venir me voir et de continuer à vous battre. Je n'ai pas peur d'Abraham, je sais que c'est un homme bon. Ce qui me terrifie, ce sont les ombres. Je sais qu'elles me cherchent et qu'elles veulent ma mort. Je ne serais pas le premier à mourir sous leurs coups. Je dois fuir, car si Abraham me trouve et me jette en prison, ce ne sera qu'une question d'heures avant qu'elles ne me trouvent et m'emportent loin du monde des vivants. Je dois partir, Bethany. Je dois partir mais je ne vous oublierai jamais, ma bien aimée. Sauvez le monde des sorciers, je vous en conjure. Chassez les ombres avant que ce ne soit trop tard.

Je passe mon doigt sur ce dernier paragraphe. Les ombres ? De quoi peut-il bien parler ? Est-ce leur véritable nom, ou la description d'une entité terrifiante ?

"Je ne vous dérange pas, Mademoiselle ?"

Je sursaute, ferme le grimoire d'un geste brusque et bredouille des mots d'excuse. Madame Edal est une vieille femme aigrie que je n'ai pas vu sourire une seule fois en une heure de cours. Me la mettre à dos est la pire idée possible.

Son dos courbé dans ma direction, ses cheveux grisonnants non coiffés surplombés d'un chapeau ridicule et ses mains couvertes de veines ressortant de sa peau me donne la chair de poule. J'avais eu une prof comme ça dans mon ancien lycée, mais au moins elle ne possédait pas le pouvoir du supplice comme l'appelle les autres élèves. On raconte que Mme Edal peut nous faire craquer nos doigts à l'infini jusqu'à que nous pleurions de douleur en guise de punissement pour mauvais comportement. Rien que d'y penser, j'ai pour réflexe de mettre mes mains sous la table.

"Que lisez-vous ? me demande-t-elle d'une voix grinçante.

- Je regardais mon grimoire, Mme. Je m'en excuse.

- Bien, prenez un chaudron. Vous allez faire la prochaine potion."

Je jette un regard de détresse à Kathee qui se contente de hausser les épaules. Je vais chercher un chaudron dans le fond de la salle et le pose devant moi. Je remarque alors que je suis la seule à ne pas l'avoir encore fait.

"Commencez par mettre un litre de d'eau que vous allez faire bouillir."

Je vais alors chercher de l'eau au robinet et j'entends Kathee marmonner "ulcus" à côté de moi. Soudain l'eau se met à bouillir.

"Dedans rajoutez rapidement de l'aubépine, de l'armoise et de l'ail d'ours."

Je lève les sourcils mais Kathee me montre les plantes dont elle parle et je m'empresse de les lancer dans l'eau. Un énorme jet de vapeur s'en échappe et l'eau devient alors blanche.

"Ajoutez 50 cl de sang de Dragon Didrasor."

Comme tout à l'heure, Kathee me pointe le bon flacon du doigt, que je verse dans le chaudron. Celui-ci s'enflamme et lorsqu'il s'éteind, j'aperçois un cristal rouge au centre.

"Félicitations, Mlle Green, vous venez de fabriquer votre premier cristal de sang. Pouvez-vous nous dire à quoi il sert et comment l'utiliser ?"

Je hoche la tête négativement. Mme Edal lève les yeux au ciel et souffle, agacée. Elle interroge alors un élève au fond de la classe.

"Le cristal de sang permet de guérir une personne sévèrement blessée. Il suffit de mettre un fragment dans un verre d'eau et, tel un médicament, le cristal va se dissoudre. Il faut alors rapidement le donner au blessé qui peut guérir alors instantanément.

- Merci Mr Jones. Maintenant Mlle Green, je vous conseille d'en prendre soin, il pourrait vous être utile plus rapidement que vous ne le pensez."

Sa menace et une brève pensée sur les ombres me mettent mal à l'aise. Heureusement, la sonnerie de fin des cours retentit et elle nous chasse immédiatement de la classe. J'explique alors à Kathee que je vais réviser les cours à la bibliothèque, elle acquiesce et me répond qu'elle va passer du temps avec son frère. Le lundi est le seul jour de la semaine où nous terminons tôt. Je me dépêche de trouver une place dans la salle de révision centrale pour y poser mes affaires.

Je pars ensuite chercher un livre sur l'histoire de la magie pour en savoir un peu plus sur mon grimoire, Ambrose Meeks et Amos Connolly. Malheureusement, presque aucun livre ne traite ce sujet, comme si l'Histoire avait été effacée. Ou peut-être simplement car ce n'est pas un sujet véritablement traité en première année.

"Tu cherches quoi ?"

Je fais un bond et me retourne vers Carla, toute sourire, et Blyke, qui me dévisage méchamment.

"Ca ne te regarde pas, Carla.

- J'essaye de t'aider, c'est difficile d'avoir des vrais alliés ici donc laisse moi.. laisse nous t'aider."

Je jette alors un coup d'oeil à Blyke. Ses yeux jaunes me toisent et j'essaye tant bien que mal de lui sourire, bien qu'il soit plutôt intimidant.

"Lui aussi veut être mon ami ?

- Je suis un ami de Robert Connolly, le frère d'Amos. C'est un humain, à cause de la malédiction qui ronge sa famille, mais il reste mon ami et cherche à en savoir plus sur la mort de son frère.

- Tu es ami avec un humain ?

- Je suis un marqué, ce n'est pas facile d'avoir des proches dans la communauté des enchanteurs. Et les vampires ne sont pas les personnes les plus agréables à côtoyer que je connaisse.

- Hum.. Et en quoi cela me concerne ?

- Astraia, le grimoire n'a pas eu de propriétaire en presque 200 ans et voilà qu'en moins de deux ans, vous êtes deux à l'avoir reçu. Tu ne trouves pas cela étrange ?

- Blyke pense qu'il y a une raison pour que vous ayez été choisi tous les deux. Et peut être que tu pourras nous aider à élucider le mystère de la mort d'Amos.

- J'y gagne quoi, moi ? demandé-je suspicieuse."

Blyke sort alors un vieux livre de son sac et me le tend.

"Ce n'est normalement pas accessible pour une première année, mais je te laisse le feuilleter. Peut être que tu trouveras les réponses."

Je saisis le livre et le place contre mon torse.

"On te rejoindra ce soir pour en parler avec toi, par contre sois seule. Sinon, nous ne te dirons pas les informations que nous aurons trouvé."

Je grommelle et finit par acquiescer à leur marché. Je m'échappe le plus rapidement de cette discussion et regagne ma place dans la bibliothèque. L'ouvrage que m'a donné Blyke me parait plutôt ancien, peut être que je trouvais des informations sur les ombres.

J'ouvre alors le livre et met une bonne heure avant de trouver quelque chose d'intéressant.

Lorsque John Langfort a été banni de la communauté des enchanteurs, les familles qui le soutenaient ont vite subit le même sort. Les Connolly ont été maudits, perdant leurs pouvoirs pendant 200 ans. Seulement les enfants Connolly nés à partir de 1985 pourraient à nouveau voir le sang sorcier parcourir leurs veines.

C'est ça, la malédiction dont parlait Blyke.

J. Langfort était connu pour faire de la magie noire, mais son comportement et ses pratiques ont changé radicalement du jour au lendemain pour une raison inconnue. Au tribunal du Consortium, lorsqu'il témoigna pour ses crimes envers la communauté ses derniers mots furent : "Ne les laissez pas me trouver."

Le juge, pensant que c'était une technique de diversion pour s'en sortir face à la loi, l'emprisonna malgré tout dans la célèbre prison New Yorkaise, Alester.

On le retrouva mort quelques jours plus tard dans sa cellule. Aucun signe de lutte, aucune marque de suicide, la cause de sa mort reste encore aujourd'hui inconnue.

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