→˚₊· ܴೈ 𝓙𝐨𝐮𝐫 𝟓 : 𝒎𝒊𝒌𝒂𝒔𝒂 𝒙 𝒓𝒆𝒂𝒅𝒆𝒓

ÉPISODE 5
— mikasa x reader —

























             UN HURLEMENT STRIDENT franchit mes lèvres. Avant même que je ne réalise ce qui m’arrive, mon corps bascule en arrière, les murs parsemés de tableaux deviennent des lignes droites de couleurs et mes fesses percutent violemment le sol. Atterrée, je mets quelques secondes avant de comprendre.

             Les jambes écartées et les mains posées de part et d’autre de mes hanches, je fixe le couloir devant moi. Quelques regards se posent sur moi. Les élèves dans leurs uniformes froncent les sourcils, le regard posé sur l’ensemble noir et blanc que je porte et qui me différencie tant d’eux.

— Tout va bien, mademoiselle (T/N) ? retentit une voix, dans mon dos.

             Me retournant, je croise le regard sombre du professeur Aizawa. Ses longs cheveux noirs tombent sur ses épaules et il semble préoccupé de me voir ainsi.

— Je… Oui. Une mauvaise farce, c’est tout, je ris sans conviction.

             La longue chaussette blanche remontant juste au-dessus de mon genou est devenue transparente, imbibée d’un liquide tout comme ma chaussure noire brille, elle aussi arrosée. Le professeur de communication les remarque et fronce les sourcils.

— Je n’apprécie pas vraiment que les élèves s’en prennent au personnel d’entretien, fait-il remarquer en comprenant ce qu’il s’est produit.

             A côté de moi se tient une échelle de bois. J’étais en équilibre sur cette dernière, dépoussiérant les tableaux et suis redescendu afin de chercher un pinceau plus fin pour les détails du cadre doré encadrant un paysage maritime.

             Cependant mon pied n’est pas tombé sur la terre ferme mais dans mon sceau rempli de potion récurante et, celle-ci étant très froide, j’ai sursauté et suis tombée à la renverse. Je n’avais pas posé le récipient ici mais quelqu’un l’a de toute évidence déplacé pour me jouer un mauvais tour.

— Ne vous en faites pas, monsieur, c’est assez rare, je déclare en me relevant.

— Oui mais l’endroit où cela s’est produit n’est pas anodin, fait-il remarqué en regardant au-dessus de lui.

             Je connais ce geste. Les personnes observant le plafond sont en quête de fantôme.

— Vous croyez que…

— Ces derniers temps, beaucoup d’élèves et enseignants ont été victime d’un esprit frappeur et ses blagues sournoises, explique-t-il. Je pense que vous venez de rejoindre la très longue liste de ses victimes.

             J’observe les pupilles du professeur s’élargir jusqu’à entièrement engloutir ses yeux, faisant d’eux de simples billes noires. Là, sa peau pâlit dangereusement et des veines noires apparaissent. Il vient de muter.

             Je ne suis pas étonné qu’il soit intéressé par la présence d’un esprit frappeur. Rares sont les créatures pouvant maitriser ces monstres avares de blagues mais les démons du sommeil en font partie. Pouvant interférer avec les rêves, ils touchent à tout ce qui n’est pas palpable, dont les spectres.

— Bonne chance pour l’attraper, je souris doucement.

— Si lui qui aura besoin de chance quand je lui mettrais la main dessus. Allez vérifier à l’infirmerie que vous n’avez rien de casser. Et faites-vous accompagner par un élève. Je n’aimerai pas qu’il vous arrive quelque chose.

             Promenant rapidement les yeux autour de lui, il interpelle une élève :

— Ackerman !

             Une dense chaleur s’empare aussitôt de moi. La jeune femme tourne la tête vers nous et je détourne les yeux, ne voulant observer ses courts cheveux ébènes, ses yeux doux et fins ou même la cicatrice striant sa pommette gauche. J’ai déjà passé trop de temps à le faire.

             Mikasa Ackerman est ce qu’on peut appeler un béguin. Elle n’a sans doute aucune conscience de ma présence. Après tout, en ma qualité de femme de ménage, je fais partie des meubles, aux yeux de certains. Et, étant une héritière, une fille issue de la noblesse, je ne m’attends pas à ce qu’elle m’ait remarquée.

             Même si moi, je l’ai fait.

— Je peux faire quelque chose pour vous, professeur ? demande-t-elle en s’approchant.

             Sa démarche attire malgré moi mon regard. La façon qu’ont ses hanches de se balancer de droite à gauche, son menton de se lever comme si elle dominait le monde, ses pupilles de briller en toute circonstance, ses cheveux de s’agiter au moindre bruissement lui confère une élégance rarement égalée. Dans le moindre de ses gestes, on ressent qu’elle est une princesse.

             Tandis que moi, dans mon uniforme de servante noir et blanc, récurant les tableaux, un pied couvert d’une potion au puissant parfum, je suis manifestement issue d’une classe différente.

             Sans doute est-ce par peur qu’elle me remarque alors que je suis attifée si mal ou même qu’elle me juge en remarquant mon allure ou alors par nervosité à l’idée de laisser échapper une remarque trahissant mes sentiments, je déclare soudain :

— Je peux me défendre seule. Je n’ai pas besoin de son aide.

             Tous deux me jettent un regard surpris. Mais, pour la première fois depuis que nous nous croisons dans les couloirs, la noiraude semble remarquer ma présence. Ses yeux me scannent de haut en bas tandis qu’un froncement de sourcils la prend :

— Je pense que vous gagneriez à m’avoir à vos côtés, au contraire. Une bonne ne peut pas se défendre devant un esprit frappeur. S’il retente de…

— Je m’en sortirai, je la coupe dans un sourire, me penchant pour ramasser mon sceau et saisir mon balai. Au revoir, professeur.

             Là-dessus, je tourne les talons, les joues chaudes. Gauchement, je me déplace tandis que mon pied ne cesse de glisser sur la surface. Leurs yeux brûlent mes omoplates, je sais qu’ils me regardent. Et mon cœur se serre.

             J’ai longuement fantasmé le jour où elle m’adresserait la parole pour la première fois. Je l’ai imaginé m’appeler à la rescousse après avoir fait tomber une mixture sur le sol. J’ai fantasmé sur un jour où je danserai en passant la serpillère et qu’elle me surprendrait, un sourire aux lèvres. Je me suis même bêtement imaginé lui sauver la vie tandis qu’elle se ferait attaquer par une créature sortie du lac.

             Mais jamais je ne m’étais projetée un scénario dans lequel elle me détaillerait de haut en bas avant de m’expliquer que je n’étais que la « bonne » et qu’elle valait mieux que moi.

             Me déplaçant gauchement, j’atteins une gargouille assise sur le sol. A côté d’elle, une autre se trouve. Mais cette dernière est vivante. Je suis habituée à sa présence. A chaque fois que je passe ici, elle est assise au même endroit, se fondant dans le décor, et un livre se trouve entre ses mains. Mémoire d’un Guerrier Sanglant par le professeur Muzan.

             Ce dernier enseigne ici. Et il est une véritable plaie. Bien que ce soit grâce à lui que mes yeux se sont posés sur Mikasa, la toute première fois.

             Une jeune femme avait fait un exposé durant son cours. Un démon de glace. Guillerette, elle avait eu la bonne idée d’illustrer sa présentation par un spectacle de neige. Pendant qu’elle parlait, elle montrait ce qu’elle décrivait sous formes de sculptures de glace. A la fin, ces dernières ont fondu. Muzan, furieux, lui a ordonné d’aller nettoyer tout cela mais elle est partie sans jamais revenir.

             Il m’a donc appelée. Connaissant sa réputation de terreur, je suis arrivée dans la salle, les épaules tremblantes et la tête rentrée dedans. Il n’a pas fait attention à moi quand je me suis mise à genoux et ai essuyé le parquet, continuant son cours sans se préoccuper de quoi que ce soit.

             Seulement, au moment où je me suis redressée, prête à m’en aller, il m’a interpellée en me disant que mon travail n’était pas terminé. Et que je devais nettoyer le restant du sol comme la « bonne femme de ménage que j’étais ».

             Ne voulant m’éterniser davantage et sachant qu’il me serait compliqué de laver le parquet alors que des élèves l’occupaient, j’ai simplement prétendu n’avoir vu aucune tâche. Il a haussé les sourcils, me demandant si j’étais sûre de moi. J’ai répondu que oui et il s’est mis à marcher le long de la salle, les mains jointes dans le dos, cherchant la moindre trace.

             Je me suis raidie quand j’en ai remarqué une, sur le sol. Une tâche d’encre. Muzan s’en est approché. Je tremblais de terreur.

             Mais, au moment où il s’est tourné vers elle, quelqu’un a posé son pied dessus d’un geste nonchalant, cachant la trace. Mes yeux se sont relevés et ont trouvé ceux de Mikasa. Elle ne me regardait même pas, occupée à scruter les gestes de son professeur.

             Il m’a ensuite laissée partir. Grâce à elle. Je n’ai cessé de penser à son visage, depuis.

— Tu sais que tu es obsédée ? murmure une minuscule fée à l’instant où je passe le seuil de la porte cachée derrière la grosse gargouille.

             Quelques femmes et hommes vêtus comme moi sont installés dans ce placard à balais, tous assis autour d’une table. Je leur souris et ils font pareil avant de se reconcentrer sur leurs tasses ou leurs assiettes.

             La fée qui vient de parler s’adresse à un lycanthrope. Ce dernier regarde les fesses d’un de ses collègues avant de secouer la tête :

— C’est la saison des amours, j’y peux rien.

             Je ris doucement, m’asseyant sur une chaise avec eux et retirant ma chaussure imbibée de liquide ainsi que la chaussette allant avec.

— Bon sang ! Que s’est-il passé ? s’exclame une voix fluette.

             Un renne assis sur la table fronce les sourcils. Je souris à Chopper, l’infirmier de garde, en secouant la tête.

— Rien de spécial. Un coup de l’esprit frappeur, je chuchote.

— Cette gamine commence sérieusement à me taper sur le système ! rétorque l’animal. J’ai énormément de blessés, à cause d’elle ! J’ai hâte que le professeur Aizawa l’exorcise.

— C’est illégal, Chopper, comme le meurtre.

— Mais ça nous ferait le plus grand bien !

             J’éclate de rire.

— Et ils t’ont donné aucune escorte ? s’indigne Manu, le lycanthrope en rut.

— Oh, si…

             Manu, Chopper, Ash — un être marin que Manu reluquait, il y a quelques secondes — et Maria la fée froncent les sourcils en me voyant répliquer. Ils se doutent que je leur cache quelque chose. Cela s’entend dans le son de ma voix.

             Je souris, embarrassée.

— C’était elle…

— Vraiment !? s’exclame Maria. Mais c’est génial !

— Pas vraiment, non, je réplique en faisant la moue. Elle a fait une remarque sur le fait que je n’étais qu’une bonne donc faible alors j’ai préféré me passer de ses services.

— A quoi t’attendais-tu ? demande Ash en secouant la tête. Elle fait partie de la clique des héritiers ! Ou les gros fifils et fifilles à papa pourri-gâté !

             Les héritiers sont un cercle fermé d’amis composés de prince et princesse. Leur chef est Eren, un prince elfique et sa meilleur amie, Mikasa, une kitsune et future cheffe de tribu. Nami, une nymphe et fille d’un dieu, leur assure une bonne entende avec les divins et êtres marins, Mina est l’enfant de l’un des plus grands chefs de meutes de loups-garous, Yuno est un mage particulièrement puissant et élève d’un éminent sorcier et Francky est un robot à la pointe de la technologie.

             Longtemps, ils ont été intouchables. Les grands patrons de l’école.

             Mais Eren est tombé amoureux d’une humaine, le bas de l’échelle sociale et, quand il a quitté le groupe, celui-ci s’est désagrégé lentement. Mina s’est rapproché de ses racines, Francky a continué à faire ami-ami avec tout le monde, ce qui n’a pas forcément plus à Nami qui a tout de même fini par se dégoter une gorgone — et j’ai d’ailleurs été chargée de nettoyer le bazar que ces deux dernières ont mis dans la salle de potion. Finalement, Yuno a repris son quotidien de mage solitaire et Mikasa s’est enterrée dans les cours.

— Je croyais qu’ils avaient changé, je me justifie.

— Ils passent moins de temps ensemble mais ils se voient toujours et ils sont très loin d’avoir changé, déclare Ash.

— Je me demande comment ils réagiraient s’ils savaient que sous ton bonnet d’uniforme se cachent deux oreilles pointues, lance Maria.

             J’attrape ma lèvre entre mes dents. Je préfère ne pas le savoir. Les elfes sont considérés par certains comme une race supérieure. Mais, personnellement, j’ai été bannie. Et cela se voit à le décoloration sur la pointe de mes oreilles. Une trace bleu les teinte.

             Alors le mieux est que je me fasse discrète, surtout auprès des héritiers.






             Enfilant mes chaussures et chaussettes de rechange, je repars travailler.














— Du nerfs.

             La voix de Livai est sèche et cassante. Debout dans le jardin s’étalant entre le lac et le château, il marche tandis que ses élèves se battent avec ardeur, des bâtons de bois dans les mains. J’ai tenté de l’ignorer mais j’ai remarqué Mikasa dès que j’ai posé le pied ici.

             Sa silhouette athlétique se déploie et arme dans une cascade de mouvements complexes tandis qu’elle se bat contre une fille aux longs cheveux blonds. Celle-ci ne cesse de s’écrouler sous ses assauts.

— Professeur Ackerman ? Vous m’avez demandé ? je lance en atteignant la hauteur du professeur de défenses.

             Ses yeux de glace se posent sur moi. Malgré son lien de parenté à la jeune femme, il ne lui ressemble pas du tout. Acquiesçant, il désigne du menton des éclats de verre parsemant les brins d’herbe.

— L’élève qui assiste le cuisinier a renversé ça, m’informe-t-il.

— Mais… c’est un vampire ? Nous sommes en plein jour, depuis combien de temps est-ce là ?

— Elle a cru avoir ramassé la majeure partie des éclats de verre mais il en reste certain. Je l’ai découvert au détriment de ma cousine.

             Mes sourcils se froncent et je repose les yeux sur Mikasa. Effarée, je constate la longue trainée de sang coupant son bras. Elle est visiblement tombée sur les débris.

— Mais c’est très grave ! Il faut aller voir Chopper ! je m’exclame.

— A la fin de la séance, tonne-t-il d’une voix cassante.

             Hébétée, je ne réponds pas. Marchant à côté des deux femmes se battant et d’autres silhouettes, je profite du fait que personne ne fait attention à moi et cherche une potion pouvant dissoudre le verre, qu’il retourne à sa forme primaire de sable.

             Celle-ci se trouve dans une fiole en cuivre donc au deuxième tiroir sous mon sceau. A genoux à côté de la « scène de crime », je déglutis péniblement en remarquant quelques gouttes rouges.

— Effrayée par la vue du sang ? résonne une voix au-dessus de moi. Ça valait bien la peine de me faire un sketch quand j’ai dit que vous pouviez pas vous défendre.

             Levant la tête, je me raidis en voyant le regard moqueur que me lance Mikasa. D’un geste du poignet, elle essuie ses lèvres et je ne peux m’empêcher de trouver le mouvement sensuel.

— Je n’ai fait aucun sketch, vous vous êtes simplement montrée d’une profonde incorrection, je fais remarquer.

— Vous êtes la bonne. Ne me faites pas croire que vous pouvez vous mesurer à un kitsune.

— Même les humains chassent les renards, ne vous croyez pas imbattable.

             Autour de nous, quelques personnes cessent de se battre. Un murmure parcourt l’assistance et ils nous observent, médusés par la tournure que prend la situation.

             Mikasa, elle, sourit d’un air hautain.

— Vous voulez essayer ?

             Mes sourcils se froncent.

— Navrée mais j’ai du travail à faire, je gronde. Je n’ai pas le loisir de batifoler dans l’herbe.

— Le loisir ? Je suis un soldat. Et vous en avez conscience car vous me provoquée mais n’êtes pas capable de vous montrer assez courageuse pour me faire face.

             Mon estomac se tord. Elle est belle et sensuelle. Puissante. Alors j’ai envie de l’impressionner. Mais elle est aussi dangereuse et hautaine. Donc j’aimerai me faire un plaisir de lui clouer le bec.

             Arrachant la potion du tiroir, je la verse sans ménagement sur la parcelle d’herbe qui se met à frétiller.

— Il nous faudra quelques minutes avant que ça agisse. J’ai le temps de vous battre à plat de couture, kitsune, je cingle.

             Un sourire machiavélique la prend et elle recule, enjoignant les autres à faire de même.

— Vous allez amèrement le regretter et vous le savez, rit-t-elle.

             J’incline la tête sur le côté, me relevant. Puis, avançant de quelques pas, je laisse les quelques élèves se moquer de moi et s’exciter de ma future humiliation. Ils vont très rapidement déchanter. Car les elfes qui se font bannir le sont tous pour la même raison.

             Ils sont trop dangereux pour être contenu dans les terres des Anciens.

             Mikasa bondit sur moi et je la dévie d’un simple pas sur le côté. Profitant du fait qu’elle se retrouve derrière moi, j’assène un violent coup sous sa nuque qui ne semble pas lui faire de mal puisqu’elle charge aussitôt après. Son bras s’enroule autour de ma taille. Mes longs ongles se plantent dans ses bras, s’agrandissant dans sa chaire en lui arrachant un hurlement de douleur.

             Elle recule, visiblement surprise que je sache me défendre. Ses épaules se soulèvent tandis qu’elle respire difficilement. Ses yeux écarquillés me détaillent. Elle tente sans doute de comprendre comment une vulgaire bonne peut la maitriser si aisément.

             Revenant à la charge, elle bondit sur moi. Cette fois-ci, je ne parviens pas à l’éviter entièrement et son épaule percute la mienne, me faisant chanceler. Mais, quand elle tente de me frapper au visage, je saisis sa main entre mes dents, la faisant encore crier. Elle recule, saignante.

             Livai ne dit rien, observant en silence la scène.

             Elle est en colère, à présent. Et humiliée. Je le vois au fait que des ondes de couleurs orangées dansent autour de sa silhouette. Elle utilise ses pouvoirs et est prête à muter. Ses yeux ont même revêtu une teinte orange qui brille de mille feux.

— Mikasa. Pas de mutation, l’avertit son professeur.

— Qu’importe. Même en renard, elle ne fait pas le poids contre moi, je cingle.

             Ceci est la phrase de trop.

             Hurlant de rage, elle se précipite sur moi tandis que sa gueule s’allonge. Sa force et sa vitesse ont décuplé. Je ne la vois même pas venir. Brutalement, elle se jette sur mon corps et je bascule en arrière, elle sur moi. Son avant-bras se presse sur ma gorge et l’autre la maintient légèrement au-dessus de mon visage.

             Le choc paralyse mes pensées quelques instants puis je reviens à moi. Là, je remarque que Mikasa me regarde avec haine.

— A qui croyais-tu t’adresser ? gronde-t-elle.

             Mais, au même moment, ses yeux se posent sur mon oreille et je me fige. Mon couvre-chef est tombé dans ma chute. Mes oreilles sont visibles ainsi que leur pointe bleutée. Et je le devine quand son regard s’écarquille soudain.

             Brutalement, je la pousse, ramassant mon chapeau en toute hâte. Puis, je me dirige vers mon chariot, rangeant mes affaires afin de partir le plus vite possible.

— Mikasa. Suis (T/P). Vous allez toutes les deux à l’infirmerie.

— (T/P) ? répète-t-elle en me lançant un regard.

             Je ne réponds pas et me lève. Quelques instants s’écoulent tandis que je marche en direction du château et je crois que je suis seule. Mais, bientôt, Mikasa me dépasse, je la vois faire du coin de l’œil.

             Dans un silence hostile, nous marchons jusqu’à l’infirmerie. A côté de la porte de cette dernière se trouve une large tapisserie à l’effigie de la famille elfique d’Eren. Celle qui m’a bannie.

             Je m’arrête devant elle, l’observant.

— Alors tu es une exilée ?

             Je sursaute presque en entendant la voix de la noiraude. Puis, me tournant vers elle, je surprends son regard sur moi. Elle me scanne à nouveau de haut en bas. Mais plus aucun mépris n’habille ses traits.

— Tu devrais me respecter, que je sois une bonne ou une ancienne guerrière.

— Je ne te respecte pas, répond-t-elle aussitôt.

             Ma mâchoire se contracte. Et dire que je l’ai regardée pour la première fois car je l’ai crue différente. Levant les yeux au ciel, je pousse la porte de l’infirmerie. Les lits s’étalent les uns à côtés des autres jusqu’au bout de la pièce où une large fenêtre drapée de rideaux blancs laisse filtrer la lumière du soleil.

             Chopper n’est pas là. Je me dirige vers une armoire en bois d’où je sors le nécessaire pour soigner les plaies de la noiraude.

— Retourne travailler, je peux m’en occuper seule.

— Je ne reçois pas d’ordres des perdants, je cingle.

— Des perdants ?

             Elle hausse un sourcil et pince les lèvres.

— Tu crois que j’ai perdu ce combat ? souligne-t-elle.

— Regarde les blessures que je t’ai infligée.

— Je t’ai clouée au sol.

— Tu t’es servie de tes pouvoirs comme la tricheuse que tu es.

             Cette phrase est de trop. Aussitôt, mon dos se retrouve plaqué contre l’armoire de bois et elle pose un bras au-dessus de ma tête, se penchant vers moi. Malgré ma colère, un frisson me prend en la voyant aussi proche de moi.

             Nos nez se frôlent, la chaleur devient vite étouffante. Je peine à respirer. Ses yeux brillent quand ils analysent mon visage avant de se poser sur mes lèvres.

— Tu sais très bien que je te bats et que je suis la meilleure élève. Sinon, à quoi t’aurais servi les dernières semaines que tu as passé à m’observer sans aucune pudeur ?

             Mes muscles se raidissent. Elle sourit en me voyant faire, visiblement ravie par ma réaction.

— Quoi ? Tu pensais que mes yeux de renard ne verraient rien ? Sérieusement, (T/P) ? Ce château est énorme et tu es toujours en train de dépoussiérer un vieux tableau quand je me retourne.

— Je fais juste mon métier…, je souffle.

— Ah ouais ? chuchote-t-elle dans un sourire en coin, se penchant vers moi.

             Mon souffle se coupe en voyant la distance entre nous s’approcher. Je ferme les yeux, prête à céder au baiser. Mais rien ne vient. Même pire. Un rire résonne soudain.

             J’ouvre les paupières. Elle s’est reculée, croisant ses bras ensanglantés sur sa poitrine et me regardant, visiblement fière d’elle.

— Juste ton métier, hein ? répète-t-elle.

             Ma gorge se serre et j’écarquille les yeux. Elle vient de me faire croire qu’elle voulait m’embrasser… Simplement pour m’humilier ? Me forcer à lui montrer qu’elle me plaît ? Mon cœur se brise en voyant son air moqueur. Ce n’est qu’un jeu pour elle. Je ne suis que la bonne éprise de l’héritière, le spectacle divertissant par excellence.

             Brutalement, je sors de la pièce en la bousculant au passage. Et, à l’instant où je franchis le seuil, je l’entends rire, moqueuse :


— T’inquiètes pas ma belle, t’es très sexy quand t’as honte !














             Des larmes coulent sur mes joues tandis que je frotte le miroir avec insistance. Dans ma tête, les souvenirs ne cessent de tourner en boucle. L’exaltation de notre première rencontre. La colère de ses premiers mots. L’excitation du combat. L’humiliation du piège qu’elle m’a tendue…

             Cela m’apprendra, à tomber amoureuse d’une personne simplement à cause d’un geste anodin. Elle n’avait sans doute même pas remarqué la tâche, ce jour-là, et a juste posé son pied sur le sol.

— Sale journée, hein ? retentit soudain une voix.

             Je sursaute et me retourne brutalement, découvrant une fille aux longs cheveux blonds. Je me raidis en reconnaissant son nez imposant et ses oreilles pointues. Annie. Une elfe. Elle se battait contre Mikasa, tout à l’heure.

             Je lui souris, tout de même gênée, et vérifie dans le miroir que mes oreilles ne sont pas visibles.

— T’en fais pas, tu t’es bien battue devant Mikasa. Et de toute façon cette fille n’est qu’une pétasse.

             Je hausse les sourcils, prise au dépourvue.

— Mais tout de même, je dois dire que même si c’est une garce, je pensais pas qu’elle allait te faire un coup pareil, commente-t-elle. C’était tout sauf un combat à la loyal…

             Mal à l’aise, je reprends mon chiffon et essuie le miroir une énième fois. Dans le reflet, je croise le regard d’Annie. Celui-ci se durcit brutalement et elle gronde :

— Remarque, qu’est-ce que tu connais, toi, de la loyauté ?

             Mes muscles se raidissent. Je n’ai pas le temps d’être surprise qu’elle arrache l’épais serre-tête qui cachait mes oreilles, le projetant au sol. Aussitôt, mes oreilles lui apparaissant. Ses yeux les observent quelques instants et sa colère semble décupler.

             Voilà pourquoi je refusais qu’on me voie, ici. Les elfes sont plus loyaux que n’importe quelle autre espèce, surtout dans leur besoin de punir les traitres et les bannis.

             Dans un hurlement, elle se jette sur moi. Mon dos percute le mur et je pousse un cri de douleur. Sa main s’abat sur ma joue avant que je réagisse et je relève la tête juste à temps pour la voir fermer le poing, prête à me frapper.

             Je songe à parer le coup mais une ombre apparait soudain, la projetant loin de moi. Les yeux écarquillés, je vois deux corps se mêler dans un combat sanglant. Durant de nombreux instants, je ne discerne rien. Puis, finalement, Annie se redresse et s’éloigne.

             Ses yeux suintent de rage quand elle crache :

— A mort les bannis.

             Puis, la porte claque dans son dos.

             Sous le choc, je baisse les yeux sur la femme accroupie sur le sol. Mikasa reprend se respiration, fixant un point, au loin. Et, même si je lui suis reconnaissante de m’avoir aidée, une vive colère me prend en me remémorant le faux-baiser de tout à l’heure et son rire moqueur.

             Ses yeux se posent sur moi quand je me relève. Elle m’imite et se place devant moi.

— Tu n’as rien ?

— Mêle-toi de tes affaires, je crache.

— Hé, proteste-t-elle, ne m’en veux pas de t’avoir rejetée, d’accord ? J’aurais pu te laisser te démerder !

— Alors pourquoi tu l’as pas fait ? je gronde.

             Elle semble surprise de m’entendre hausser le ton.

— Si ça te gênait tant que je te regarde, pourquoi tu m’as laissée faire ? Et pourquoi tu m’as faite espérer ? Et pourquoi t’as pas laissé Annie te venger ?

             Je sers les dents.

— MERDE, C’EST QUOI TON PROBLEME ?

             Reprenant difficilement ma respiration, je la regarde durement. Elle, de son côté, fixe un point au loin. Je secoue la tête, comprenant que je n’aurais pas de réponse à mes questions et tourne le dos, prête à m’en aller.

             Mais à l’instant où je m’apprête à ouvrir la porte, sa main saisit mon poignet me retourne. Les sourcils froncés, je sursaute presque en réalisant notre proximité.

— Attends…, chuchote-t-elle tandis que nos nez se frôlent.

             Sa main libre se pose sur ma joue. Son souffle s’écrase sur ma bouche et ses yeux se ferment, comme si elle se préparait mentalement à ce qu’elle allait faire.

             Soudain, ses lèvres se posent sur les miennes.

             Mes yeux s’écarquillent et, quand ses mains glissent sur le bas de mon dos, me pressant contre elle, je les ferme. Son cœur bat avec force contre le mien, je me laisse embrasser volontiers, me délectant de la sensation de sa langue jouant avec la mienne.

             Nos bouches remuent l’une contre l’autre. Mes mains glissent dans ses cheveux courts.

             Bientôt, nous nous séparons. Hébétée, je la regarde, désarçonnée par ce qu’il vient de se produire. Elle me fixe aussi, analysant chaque partie de mon visage et ses sourcils se froncent au fur et à mesure qu’elle m’observe, comme si elle réalisait ce qu’elle venait de faire.

— Non ! s’exclame-t-elle brutalement en me repoussant.



             Puis, sans un mot de plus, elle quitte la pièce.














             L’esprit encore embrumé parce qu’il s’est passé hier, je passe le balai sur les marches en pierre de l’escalier, en imbibant leur surface d’un liquide violet. Une dense fumée s’échappe de celle-ci. Il s’agit de la crasse qui se consume.

             L’ennui lorsque l’on fait une tâche aussi rébarbative que le ménage, c’est qu’il ne nous reste que trop de temps pour ressasser quelques idiotes pensées. Et la sensation des lèvres de Mikasa sur les miennes, hier, me hante.

             Bon sang, qu’est-ce qui lui a pris ?

— Tu es belle, dans cet uniforme.

             Je sursaute avant de lever les yeux. Perchée agilement sur la rampe, l’objet de mes pensées m’observe. Je serre les dents en la voyant, monstrueusement animale et sensuelle. La cravate de son uniforme est dénouée, libérant sa gorge où quelques boutons de sa chemise sont défaits. Les hautes chaussettes noires habillant ses jambes s’arrêtent à quelques centimètres de la fin de sa jupe.

             Cette dernière est légèrement trop retroussée puisqu’elle est accroupie.

— Je ne veux pas te parler, je gronde d’une voix cassante.

— Menteuse.

— Je me fiche de comment tu m’appelles, je ne veux pas te parler, j’insiste en reprenant ma tâche. Tu n’as qu’à penser ce que tu veux.

— Non, c’est faux.

             Je me raidis.

— Tu ne te fiches pas de ce que je pense de toi. Tu ne l’as jamais fait. Ni quand tu m’as vu t’aider, face à Muzan. Ni quand tu as veillé à ce que tout mon linge soit propre, quand la buanderie a pris feu et que tous les élèves se sont retrouvés sans rien à se mettre. Ni même quand je suis arrivée trop tard à la cantine pour manger et que tu as demandé à Sanji de me préparer un plat.

             Je me souviens encore de ce moment particulièrement embarrassant. Après avoir vu Mikasa, se tenant le ventre de faim en attendant qu’il soit assez tard pour que commence le petit-déjeuner des êtres nocturnes, ayant raté le diner des êtres diurnes mais ayant monstrueusement faim, je me suis ruée aux cuisines.

             Et j’ai trouvé Sanji, torse nu et face au plan de travail, deux jambes de femmes jaillissant de chaque côté de lui pendant qu’il semblait très occupé avec le vampire qui partage ses nuits. Il m’a hurlé de sortir mais sa copine l’a convaincu de préparer un dernier plat. Lorsqu’il a compris que la noiraude avait faim et qu’il ne s’agissait pas d’un caprice, son côté altruiste s’est réveillé.

— Tu n’as aucune preuve que c’était moi, je crache.

— Oh que si. Tu n’es pas la seule à t’être intéressée à l’autre, je te signale.

             Enfin, je lève les yeux sur elle.

— Embrasser avant de quitter brutalement quelqu’un comme s’il avait la peste, ce n’est pas ce que j’appelle s’intéresser à lui.

— J… Je…, tente-t-elle, ses joues rougissantes. J’étais juste surprise et gênée en réalisant ce que je ressentais vraiment.

— Je ne veux pas de quelqu’un qui est gêné par ma présence, je crache avant de tourner les talons.

             Mais aussitôt, elle se matérialise devant moi, utilisant ses os animales pour se projeter au-dessus de ma tête. Je soupire en la voyant faire.

— Tu ne m’embarrasse pas !

— Arrête, je suis la bonne ! Bien sûr, que je t’embarrasse, madame la grande héritière !

— Non, tu es plus que ça ! insiste-t-elle.

— Tu ne me connais même pas !

             Ses sourcils se haussent, comme si ma phrase lui avait fait l’effet d’une claque. Quelques secondes s’écoulent avant qu’elle ne tire un carnet de son sac. Fronçant les sourcils, je le saisis. Aussitôt, ma gorge s’assèche.

             Sur la première page, je reconnais mon visage. Une aquarelle me représente, lors du premier jour de classe. Quand l’équipe enseignante s’est présentée à nous, dans la salle à manger, je me tenais en retrait. Mikasa semble avoir capturé ce moment.

             Sur la page d’après, je suis en train de dépoussiérer un immense cadre, perché sur mon échelle de bois. Celle d’après, je ramasse des déchets renversés par un élève sur le sol de la cantine. Je reconnais ce qu’il s’est passé le troisième jour de l’année.

             Tournant les pages, je réalise bien vite quelque chose. Elle m’a dessiné chaque jour. L’avant-dernière page me montre, assise sur le sol, les yeux écarquillés, un pied dans un sceau. Et sur la dernière…

             Nous nous embrassons.

             En levant les yeux, je réalise qu’ils sont imbibés de larmes et que ma gorge est serrée. Je me vois à travers son regard. Et je suis si belle, selon elle.

— Mikasa, c’est…




             Mais elle est partie.














             A petit pas, je m’approche de la salle de classe vide du professeur Muzan. Trois rangées de tables sont visibles à droite et font face à trois autres rangées à gauche. Au fond, une très large fenêtre faisant presque la table du mur laisse filtrer la lumière orangée du soir.

             Mikasa est assise sur un pupitre, regardant à l’extérieur. Je savais que je la trouverais ici. Je me suis surprise à y venir souvent nettoyer, lorsque j’ai réalisé qu’il s’’agissait de son refuge. Etrange quand on sait que ce professeur est cruel.

             Mais je suppose que c’est un bon moyen de s’assurer que personne ne viendra la déranger.

— La première fois que tu m’as regardé, c’était ici, tu t’en souviens ? résonne sa voix.

             J’avance doucement jusqu’au centre de la pièce.

— Depuis c’est mon endroit favori. Je ressasse toujours ce moment où tu m’as regardée. Je me suis sentie si importante. Pour la première fois de ma vie. Juste parce que tu me regardais, chuchote-t-elle.

             Doucement, je m’assois à côté d’elle. Nos hanches se frôlent. Son carnet est dans mes mains.

— Je ne savais pas comment venir t’aborder. Je sais comment le personnel d’entretien du lycée parle de nous. Ils détestent le groupe des héritiers, soupire-t-elle. J’avais peur que tu te sois fait une opinion sur moi sans même me connaitre. Je pensais que ça s’arrangerait après ce moment, avec Muzan. Mais j’ai eu trop peur de t’aborder.

             Je regarde Mikasa. Elle est magnifique, à la lueur couchante du soleil. Les rayons orangés subliment le contraste entre sa peau pâle et ses cils noirs. Je respire difficilement, le souffle coupé par sa beauté.

             Elle se tourne vers moi.

— Je crois que j’ai rêvé toute ma vie de ça.

— Être avec moi ? rit-t-elle. Comment tu peux rêver toute ta vie d’une personne sans la connaitre ?

— Je suppose que c’est ce qu’on appelle le destin, je chuchote.

             Elle sourit doucement et nos lèvres se posent l’une contre l’autre. Le contact est doux, timide. Mais il s’approfondit bien vite. Sa main se pose sur ma joue. Mes bras s’enroulent autour de son corps. Je la serre contre moi.

             Bientôt, à bout de souffle, nous nous séparons. Et quand son front se pose contre le mien, elle murmure simplement :

— Je suis enfin moi-même.























...
J'espère que cet os sur Mikasa
vous aura plu !
A demain avec Livai !
:)

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