→˚₊· ܴೈ 𝓙𝐨𝐮𝐫 𝟐𝟗 : 𝒕𝒆𝒏𝒈𝒆𝒏 𝒙 𝒓𝒆𝒂𝒅𝒆𝒓

ÉPISODE 29
— tengen x reader —




























             LES YEUX CLOS, je marche dans le couloir. Je n’ai aucune idée de ce à quoi il ressemble. A vrai dire, depuis les trois ans que j’étudie à Halloween High, je n’ai pas une seule fois vu les lieux. Car cela fait six années maintenant que je garde les paupières fermées et m’empêche de regarder le monde.

             Six années qu’un maudit cupide, ange d’amour, m’a touché de sa flèche, me forçant à tomber amoureuse de la prochaine personne que je verrais. Or j’interdis formellement à ce petit être ailé de pacotille de m’intimer le moindre ordre, même du bout d’un arc magique. Alors j’ai préféré devenir aveugle afin que sa prophétie ne se réalise pas.

             Soudain, je m’arrête. Mes sourcils se froncent. Je tourne la tête sur le côté.

— Il y a quelqu’un ?

             Il me semble avoir entendu un faible bruissement, non loin de moi. Dans le silence, il a presque résonné avec force. Mes sourcils froncés ne se détendent pas, même quand personne ne me répond. Ce n’est pas la première fois, ces derniers temps, qu’il me semble que je ne suis pas seule lors de mes promenades.

             L’université est en effervescence. Les gargouilles chuchotent sur mon passage, les vampires marchent devant la porte de ma chambre, la nuit, murmurant quelques ragots et les professeurs ont pris l’habitude de faire l’appel en début de cours, chose qu’ils ne faisaient pas avant, pour s’assurer qu’aucun élève ne soit porté disparu.

             Un poltergeist rode dans les environs.

             A vrai dire, plusieurs le font quotidiennement. Il m’arrive même de déjeuner très souvent avec celle qui est devenue la petite-amie de Mai Zenin, une exorciste. Mais celui-ci n’est pas recensé dans nos archives et il semblerait qu’il soit passé maître dans l’art de terroriser son monde.

             Une élève, Emy, est portée disparue. Deux filles ont failli être assassinées par lui et une dernière, il y a plusieurs dizaine d’années, est décédée. Tous cherchent à comprendre la vérité sur ce qu’il se trame, ici. Si seulement ils réalisaient que regarder ne suffit pas, encore il faut écouter.

             Je ne vois rien, ce qui me pousse à tendre l’oreille, guettant le moindre indice. Et j’en ai trouvé beaucoup. Enormément. Sans arrêt.

             Le poltergeist n’a rien à voir avec le décès de cette jeune fille. Emy, en revanche, l’a poussée du haut d’une tour, voulant se venger après avoir échoué à un concours et lui avoir cédé la première place. Croyant à l’époque qu’elle était une immortelle qui survivrait, elle s’est trouvée profondément ébranlée quand elle s’est écrasée, plusieurs mètres plus bas, et a ressurgit sous forme de fantôme.

             Afin d’être sûre de ne jamais se faire inculper pour ce meurtre, elle est demeurée ici. Redoublant intentionnellement, elle s’est éternisée dans ces couloirs, veillant à ce que le fantôme ne parle jamais. Mais la pauvre avait été tant traumatisée par son décès qu’elle ne se souvient même pas de celui-ci ni de ce qui a précédé.

             Aujourd’hui, j’aime penser qu’elle s’épanouit aux côtés du démon du sommeil Aizawa.

— Sortez de la pénombre, tout de suite. Mes yeux sont clos mais je vous entends marcher et cela est très agaçant.

             Un rire retentit dans mon dos. Délicat et sombre.

— Eh bien, tu as mis du temps avant de taper du poing sur la table, beauté. Tu savais pourtant depuis longtemps que je me terrais dans l’ombre, non ? Quoi que je puisse te féliciter pour ta perspicacité. Je suis un excellent ninja et nul ne m’a jamais débusqué.

— Nul ne juge sans doute utile de vous prêter attention, je rétorque, acerbe. N’avez-vous jamais entendu dire qu’il était déconvenue de suivre une dame de cette façon ? Et infirme, qui plus est ?

             Un autre rire me rétorque. Ma mâchoire se contracte. Je n’ai même pas pris la peine de dire quoi que ce soit sur le surnom dont il m’avait affublée. Je ne veux pas lui faire le plaisir de lui montrer qu’il m’agace. Je préfère le frustrer en lui faisant croire que cela ne me fait ni chaud ni froid.

             Des abrutis pensant pouvoir profiter de ma cécité, j’en ai croisé des milliers. Nul ne m’a jamais immobilisée. Je suis toujours allée de l’avant, ai su rebondir. Même si en plus d’être une humaine dans un monde rempli de créatures, je suis sous le coup d’un sort.

— Vous avez choisi votre infirmité, vous ne bénéficierez pas de mes égards pour cette dernière. Je ne sais trop ce qu’il vous anime, peut-être une envie de vous faire remarquer mais j’ai tendance à déprécier les gens comme vous.

— Alors là est la raison pour laquelle vous me harcelez sans cesse ? Car je feindrais mon handicap ? Tous ici savent que mes yeux sont clos sans arrêt. Nul n’a besoin de savoir pourquoi ils le sont et je n’ai jamais demandé quoi q…

— Balivernes.

             Mes poings se serrent. Pour qui se prend ce parfait abruti ? J’aimerai lui lancer un regard noir mais la simple idée de tomber amoureuse de ce crétin me fait froid dans le dos.

— Je ne supporte pas les menteurs, les baratineurs. N’avez-vous aucun honneur pour vous prétendre infirme ?

— N’avez-vous donc aucun honneur pour harceler une dame ? je crache.

             Un rire me répond. Moqueur.

— Êtes-vous seulement une dame ? ricane-t-il.

             D’un geste souple, je dégaine le fouet accroché à ma taille. Celui-ci gifle le sol dans un bruit qui résonne et je murmure :

— Vérifions combien je suis une dame. Une qui a reçu l’éducation que toutes débutantes se doit de suivre.

— Le terme est juste. Vous n’êtes qu’une débutante.

             Les humaines entrant à Halloween High se voient inculquer des préceptes de noblesses. Il leur faut travailler plus dur que les autres pour espérer obtenir leur niveau naturel. Sans relâche, nous nous sommes exercées. Nuit et jour. Nous avons suivi la même formation que les débutantes, les femmes de la noblesse suivant de strictes classes pour apprendre à devenir de véritables dames.

             Et les sports de combats n’ont pas une seule seconde été négligé dans nos enseignements.

— La défaite n’en sera que davantage humiliante pour vous, je gronde.

             Mes yeux encore clos, sans même me tourner vers le ninja, je projette mon fouet. Je le sens s’enrouler autour d’un bras épais qui tire aussitôt dessus, cherchant à me faire tomber. Je lutte, balançant ma jambe sur la liane pour ajouter de la force à ma prise et tirant l’arme à moi.

             Soudain, elle se brise. Je grogne de frustration. Aucune lame n’est, d’ordinaire, censée être capable de rompre un tel fouet. Mais je suppose que les ninjas ne se voient pas offrir n’importe quelles armes pour se battre.

— Tricheur, je tonne.

             Je me retourne brutalement. Mon monde s’écroule soudain.

             Sans même que je ne le décide, alors que je ne me croyais plus capable de le faire, mes yeux viennent de s’ouvrir. Tout m’apparait et rien en même temps. Mon cœur bat à une vitesse démesurée tandis que mes paupières s’écarquillent. Comment est-ce possible ? Cela fait des années que je les garde fermer.

             Je tente de les clore à nouveau. Trop tard. Le mal est fait.

             Devant moi, accroupi et la tête baissée sur le sol, un homme se tient. Une imposante lame brille au bout de sa main, vestige du coup qu’il a porté pour briser mon fouet. Je ne vois quasiment rien de lui à l’exception de son corps imposant habillé d’un peignoir de soie argenté.

             Ses longs cheveux de givre tombent devant son visage, le dissimulant. Pourtant, cela n’empêche pas mon cœur de battre plus intensément que normalement, mon estomac de se soulever, ma gorge de s’assécher, ma respiration de se faire sifflante.

— NON !

             Mon hurlement résonne dans ce couloir sombre tapissé de tableaux, tapisseries et lustres de cristal. Si intense et violent que mon adversaire se redresse, alerté. Là, nos regards se croisent. Et le sien s’écarquille soudain.

             Je vois son visage. Un visage si beau, si juste, si élégant et à la beauté si évidente que je m’en sens bouleversée. Jamais je n’aurais cru voir de tels traits un jour. Jamais je n’aurais imaginé que tel être habitait cette terre. Jamais je n’aurais même osé penser que je croiserais sa route.

             Mes rêves les plus fous n’ont dessiner de tels visages.

             Cependant, une larme coule sur ma joue. Six ans de cécité réduit à néant. Pourquoi ? Un écart de vigilance ? Un œil marron aux longs cils d’un noir intense, vibrant à côté d’une peau légèrement hâlée ? Des lèvres pulpeuse sous-plombant un nez droit pointant directement en ma direction ? Une musculature infinie qui me donne l’impression d’avoir enfin trouvé refuge ?

— TU M’AS LANCE UN SORT ! je crache en pleurant. JE NE DEVAIS PAS OUVRIR LES YEUX !

             Il semble sincèrement surpris. Je ne lui laisse pas le temps de se justifier. Sans même m’accoutumer à ce monde que je découvre à peine, je m’enfuis loin de cet être de malheur.









             Il me faut trouver Eugénie.









































             La peau d’Eugénie est brune et ses cheveux, blonds comme les blés. Cela ne me choque pas vraiment. En revanche, je n’avais pas du tout compris que ma binôme de travail était un centaure. Je la savais grande et pourvue de sabots cependant cela est une première pour moi.

— Tes yeux se sont ouverts tous seuls, tu dis ? demande-t-elle en passant une main distraite sur ses lèvres, regardant au loin.

— Tu m’avais dit qu’il était inutile de les crever ! Que grâce à ton sérum, jamais je les ouvrirais ! Pas même à cause d’un réflexe stupide ! TU AS MENTI !

             Debout au bord de la forêt de pins, ma collègue hoche la tête de gauche à droite. Je peine encore à réaliser à quel point les arbres sont hauts et l’herbe est verte. Le monde semble si intense, à présent.

             Tout semble plus intense, depuis que j’ai rencontré ce ninja. Absolument tout.

— Le sérum t’aide juste mais il ne peut rien face au destin, fait remarquer Eugénie.

— Tu te fous de moi ? Le destin ? Quel destin !? Je me suis redue aveugle pour empêcher le destin !

— Ton cœur a sans doute reconnu son élu et décidé de faire réagir l’intégralité de ton corps, ce qui a surmonté la magie. La magie des centaures est puissante mais jamais elle ne surpasserait les lois de l’univers. Nous le respectons trop pour cela.

— Mon cœur n’a rien reconnu du tout, je ne peux pas blairer ce mec !

             Les yeux en amande d’Eugénie se plissent en une moue moqueuse.

— Les émotions sont visibles dans tes yeux, humaine. Inutile de me mentir, tu ne peux plus le faire.

             Mes épaules s’affaissent.
















             Le pire est qu’il me semble qu’elle dit vrai.









































— Alors tu te nommes (T/P), n’est-ce pas ?

             Je ne me retourne pas. Mes réflexes sont encore là et j’ai entendu le ninja arriver de loin. Très loin. Mon cœur s’est mis à battre à plus grande vitesse et une vague de chaleur s’est emparée de moi.

— Et toi ?

— Tengen.

             Ma mâchoire se contracte. Ce nom me plaît. Les émotions me bouleversant, en revanche, beaucoup moins.

— Je n’arrive pas à croire que cette maudite flèche t’ai choisi.

             Un instant, je m’imagine qu’il va s’exclamer qu’il ne comprend rien à ce que je dis. Mais son torse frôle soudain mon dos. Je suis assise sur le balcon, mes jambes pendant dans le vide et mon regard observant la plaine d’herbe verdoyantes et la forêt de pins par-dessus.

             Mes muscles se détendent quand son parfum m’envahit.

— Moi, si. Je n’arrivais pas à arrêter de te regarder et tu m’as obsédé au point que je t’ai suivi. Quand j’ai appris pourquoi tu fermais les yeux, je me suis dit que la flèche avait dû me choisir.

— Alors pourquoi m’avoir pris la tête sur ma cécité ?

— Car j’étais convaincu que je ne me sentirais entier que si tu me regardais. Je voulais te pousser à ouvrir les yeux e t’accusant de feindre tout, te mettre hors de tes gongs.

             Un frisson s’empare de mon corps. L’envie de laisser mon dos se presser à son torse me démange.

— Et donc ? Verdict ?

             Il pousse un soupir et ses doigts s’emparent de mon menton, le tournant sur le côté pour me forcer à le voir. Là, son nez frôle le mien et je plonge dans son œil marroné ainsi que l’autre, dissimulé par un cache-œil. Une dense chaleur s’empare de moi.

             J’aimerai que cet instant ne se termine jamais.

— Regarde-moi, répond-t-il simplement.

             Mais je désobéis, fermant les yeux en fondant sur ses lèvres. Ma cécité revient, mais elle est différente. Mes yeux sont clos mais je n’ai plus la sensation d’être seule dans les ténèbres. Non. Il est avec moi. Sa langue danse avec la mienne.

             Ses larges mains caressent mon dos et mon ventre, se croisant quand il entoure mon corps de ses bras. Mes doigts se perdent dans ses doux cheveux. Je ne parviens pas à me détacher de lui.















             Et, bien qu’il m’ait ouvert les yeux hier et que ceux-là soient maintenant fermés. Je ne me sens plus aveugle pour la première fois de ma vie.




































...
J'espère que vous avez aimez ce Tengen x reader ! A demain avec Geto !

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