→˚₊· ܴೈ 𝓙𝐨𝐮𝐫 𝟏𝟏 : 𝒚𝒂𝒎𝒊 𝒙 𝒓𝒆𝒂𝒅𝒆𝒓

ÉPISODE 11
— yami x reader —
































             LE TEMPS EST UN ENNEMI que nul ne vaincra. Certains voient leur défaite en l’achèvement de leur existence. Et d’autres, ironiquement, en son éternisation. Nul ne peut se poser en vainqueur face à une telle calomnie. Nous ne pouvons que redoubler de stratagème pour oublier l’incessant combat.

             Le mien repose dans la musique. Alors je chante. Du soir au matin. Du matin au soir. La nuit est sombre, dehors, illuminée seulement d’une pluie d’étoiles et de l’étincelante lune. Ses rayons opalins se décomposent sur les allées de fleurs constituant le jardin, je les observe, derrière la fenêtre de cette salle de cours abandonnée. Cette dernière est devenue ma demeure.

— L'amour est un oiseau rebelle que nul ne peut apprivoiser et c'est bien en vain qu'on l'appelle s'il lui convient de refuser.

             Ma voix formule les sons qui m’ont hanté de mon vivant et dont je me sers pour hanter ceux qui le sont encore. Une partie de moi jalouse leur état. Ils ne savent pas combien ils ont de la chance, de trouver une fin à ce calvaire.

— Rien n'y fait, menace ou prière. L'un parle bien, l'autre se tait. Et c'est l'autre que je préfère. Il n'a rien dit mais il me plaît.

             J’entonne Carmen en souvenir de l’opéra dans lequel j’ai trouvé la mort. Celui-ci me manque mais ma vie est plus paisible, à Halloween High. Je n’effraie point les gens. Les créatures ici ne craignent pas les fantômes.

             Oui. Je suis libre de chanter.

— MAIS TU VAS PAS BIENTÔT LA FERMER, TA GUEULE !?

             Je sursaute. Comment ? Est-ce à moi que l’on s’adresse ainsi ? Quel rustre se permet-il un tel comportement ? Odieux personnage.

             Filant au travers du carreau de la fenêtre, je me rue vers la source de ses cris. Un étage plus bas, juste en-dessous de moi, une fenêtre aux détails gothiques laisse voir une chambre assez rustique. Etrange, les professeurs ne dorment pas ici et les élèves non plus. Pourquoi quelqu’un se serait-il aménagé un coin dans ces lieux ?

             Traversant la surface de pierre de la tour, j’entre dans la pièce exigüe et mes yeux s’écarquillent en voyant qu’aucun chandelier ne s’y trouve, des balais et serpillère s’accumoncèlent autour d’un lit en bois rongé par les mites.

             Dessus s’étend un homme, à même le matelas crasseux. Un homme qui dort visiblement dans ce cagibi.

             Les yeux clos, ses cheveux bruns tombent sur le matelas. Sa barbe brune semble ne pas avoir été rasée depuis quelques jours, déclinant en poils disparates sur sa gorge. Puis, son débardeur blanc épouse un corps développé. Je hausse les sourcils face à ses biceps saillants et ses pectoraux de fer.

             Il ressemble à l’amour interdit ouvrier d’une noble femme dans les œuvres à l’eau de rose et un peu cliché.

             Je n’ai plus de cœur mais je crois qu’il s’emballerait à cette idée.

— Qui êtes-vous ?

— Le concierge, répond-t-il sans se soucier du fait que je sois dans sa chambre. Maintenant va jouer ailleurs, j’essaye de pioncer.

             Quel rustre ! Cet abruti n’a même pas osé jeter un regard à la femme debout dans sa chambre. Un homme de bonne conduite s’en serait insurgé ! Remarque… Un homme de bonne conduite ne dormirait sûrement sur un matelas tâché et sans drap.

             Il est sale et son odeur peut littéralement réveiller les morts puisque je la sens malgré mon état… décédé. Il pue. C’est une infection.

— Vous n’êtes pas le concierge et êtes extrêmement sale, je vous prierai de ne pas vous installer ici.

— Qu’est-ce que ça peut te foutre ? C’est pas ta piaule. Les fantômes dorment pas.

             Mes sourcils se froncent.

— Ce n’est pas une excuse pour être immonde ! je le sermonne.

             Il pousse un soupir, se redressant brutalement. Sans même un regard pour moi, il pose ses coudes sur ses genoux et prend sa tête entre ses mains, visiblement agacé.

— Bon, j’ai compris. Tu t’emmerdes, comme tous les fantômes, alors tu as besoin d’occupation.

             Là-dessus, il retire sa chaussure qu’il lance à l’autre bout de la pièce — je note alors que ce rustre porte aussi des chaussures au lit et que, bien que cela me répugne, je regrette qu’il ne l’ait pas gardée car l’odeur vient d’empirer.

— Va chercher.

             J’écarquille les yeux, profondément outrée.

— Me prenez-vous pour un chien, mon cher ? je siffle, abasourdie.

— Je sais pas, me prenez vous pour un amateur de mauvais opér

             Sa voix meurt dans sa gorge quand il pose les yeux sur moi. Là, ses iris brunes s’écarquillent et sa bouche s’entrouvrent. Là, l’improbable se produit. Dans ma poitrine, alors qu’il est censé dormir à jamais, mon cœur m’a semblé battre. Une pulsion. Une seule.

             Le bout de mes membres se réchauffe et la fraicheur à laquelle je me suis habituée, dans cette forme, s’atténue.

             Ses iris descendant le long de mon corps, me scannant, avant de remonter jusqu’à mon visage.

— Canon, pour un fantôme, commente-t-il.

— Q… Quoi !? Mais comment osez-vous !? je m’insurge aussitôt.

             Mais je ne suis pas aussi sincère que j’aimerai l’être. Car la chaleur s’intensifie en moi et je me sens parcourue de choses dont j’avais oublié l’existence : des émotions autre que la mélancolie. Jamais je n’ai été aussi proche de qui j’étais à l’époque où j’étais vivante.

             Il rit doucement, visiblement distrait par mes réactions.

— Ce que je préfère chez les bourges coincées du cul qui chipotent pour le moindre détail c’est quand je repars avec leur culotte dans la p…

             Il ne termine pas sa phrase qu’un balai le percute violemment à la tête. Poussant un juron, il masse la bosse en me foudroyant du regard tandis que, les bras croisés, je fais de même. S’il croit pouvoir me manquer de respect, il se fourre le doigt dans l’œil.

— Je ne le répèterai pas deux fois. J’exige que vous quittiez les lieux car vous n’êtes ni professeur, ni élève.

— Et si je refuse tu vas faire quoi ? Chanter ?

             Mes yeux s’écarquillent et je sers les poings. Quel grossier personnage !

— Je chante très bien ! je rugis.

             Il éclate d’un rire grave avant de se lever, penchant la tête sur le côté tout en m’approchant. Je le laisse faire, raide comme un piquet. Et, malgré le fait qu’il ne puisse pas me toucher comme je suis un fantôme, je ressens néanmoins une certaine forme d’appréhension quand il s’arrête juste devant moi.

             Là, le choc me percute telle une gifle. Il saisit mon menton entre ses doigts sans passer au travers. Ma peau semble se consolider à son contact et une douce chaleur m’envahit depuis l’endroit où son index et son pouce me touchent, se rependant dans mon corps entier.

             Son nez me frôle et, malgré le fait qu’ils ne fonctionnent plus, il me semble que mes poumons s’atrophient et que je cesse de respirer. Seuls quelques centimètres nous séparent. Il m’adresse un clin d’œil derrière son rictus joueur.

— Oh mais je parie que je peux te faire chanter de façon très mélodieuse, effectivement.

             Un bruit sec retentit et sa tête bascule sur le côté. S’il peut me toucher, alors l’inverse est possible. Aussi est-il normal que je vienne de le gifler pour sa façon irrespectueuse de s’adresser à moi.

             Etrangement, il ne s’énerve pas et se contente de sourire. Cela n’a le don que de m’agacer davantage et, le doublant, je me dirige vers la porte d’entrée à toute vitesse.

— Ça suffit ! Vous allez quitter les lieux et cette nuit, je vous le garantie !

— Vous ne pourrez pas tenir cette promesse, retentit sa voix grave, dans mon dos.

             Je me retourne et l’observe, étonnée. Je sens qu’il n’est pas le genre d’homme à lancer ce genre de paroles en l’air. Mais pourquoi diable ne pourrais-je pas faire exclure un homme qui n’est ni le concierge, ni un professeur, ni un élève de cet établissement ?

             Moi non plus, je ne suis aucun des trois… Mais le directeur Rayleigh lui-même m’a invitée à rejoindre cette institution.

             Voyant mon air peu convaincu, il fourre une main dans la poche de son pantalon noir et en sort un objet qu’il me lance. Je lève les yeux au ciel en le voyant faire et l’objet me traverse, tombant au sol. Je secoue la tête.

— Je suis un fantôme, je tonne. Vous êtes vraiment pas le couteau le plus aiguisé du tiroir.

             Me tournant, j’observe finalement ce qui s’avère être un insigne ouvert. Une tête de mort dorée brille sur le cuir noir, symbole du ministère des créatures obscures et, de l’autre côté, une photographie noir et blanc de son visage est visible, cernée de quelques lignes.

«  Nom : Sukehiro.

Prénom : Yami.

Affectation : bureau des enquêtes du ministère des créatures sombres.

Grade : inspecteur. »

             Mes yeux s’écarquillent face à cette trouvaille.

— Vous…faites parti de la police ? Mais que venez-vous faire ici ?

— Un ami m’a contacté. Shota Aizawa. Il s’est entiché d’un fantôme qui ne se souvenait pas de sa mort et, après enquête, il se trouve qu’elle a été tuée dans cette université.

             J’en ai effectivement entendu parler… Une plaque commémorative a été érigée pour elle mais elle nul n’a trouvé son assassin.

— Et il vous a demandé d’enquêter ? Vous pouvez prendre les enquêtes comme vous le voulez, au ministère ?

— J’avais déjà prévu de venir ici pour mener quelques interrogatoires après avoir reçu quelques témoignages plutôt surprenants.

             Je déglutis péniblement. Devrais-je parler de… ?

— Mais il est hors de question que je discute de cela avec une civile, donc laissez-moi dormir.

— Vous allez vraiment dormir ici ? je demande en jaugeant la faible qualité du matelas.

             Il hausse un sourcil.

— Vous avez une meilleure option ?

             Malgré moi, une idée germe dans mon esprit. Yami n’a pas tort lorsqu’il affirme que les fantômes s’ennuient. C’est mon cas. Cependant, depuis ma mort, je ne me suis jamais autant amusée qu’au cours de cette discussion. Ou plutôt, j’ai été agacée.

             Mais cela m’a permis de me sentir vivante.

             Peut-être pourrais-je utilisé les conditions d’accueil insalubres de son arrivée pour tirer parti de la situation et me divertir un peu ?

— Si je vous donne un bain chaud et parfumée, un lit douillet et un repas gargantuesque, vous acceptez de discutez de vos anciennes affaires avec moi ?

— Je prends le lit douillet et le repas gargantuesque et je ne dirais pas un mot sur mon enquête ici.

— Le bain chaud n’est pas négociable.

— Espèce de harpie.

             Je hausse les épaules et fait mine de m’éloigner, flottant en direction du mur.

— C’est vous qui voyez… Mais il serait dommage de se priver d’un rôti, d’une dinde et de bière pour…

— J’accepte.

             Je vois. Bière semble être un mot magique pour ce rustre.

             Se penchant, il ramasse son insigne qu’il plie et range dans sa poche avant d’ouvrir la porte. Je le suis en flottant. Nous nous engageons dans le couloir parsemé de chandeliers et tableaux plongé dans l’obscurité de la nuit. Grâce à un sortilège, des flammes s’allument sur notre passage.

— Pourquoi t’as pas attrapé l’insigne ? me demande-t-il après un moment, tandis que nous empruntons des escaliers. Je sais que tu peux choisir ce que tu touches ou non.

— Je n’avais pas envie de vous faire le plaisir d’attraper un objet comme une chienne. Et je ne peux d’ailleurs pas vraiment toucher ce que je veux.

— Sérieux ? Mais c’est super nul.

             Je lève les yeux au ciel.

— A notre mort, nous perdons en partie nos cinq sens. Ou plutôt, ils se modifient. Notre ouïe et nos yeux deviennent plus large, presque omniscients. Notre goût s’éteint ainsi que notre odorat. Voilà pourquoi il faut qu’une personne ne se soit vraiment pas lavé depuis longtemps pour qu’on puisse le constater, je lâche en lui lançant un regard appuyé.

— Je vous emmerde, je suis juste virile.

— Vous êtes surtout un porc.

             Il hausse les épaules sans prendre la peine de se disputer avec moi.

— Notre toucher, lui, évolue. Nous pouvons malléer notre forme de sorte à la rendre consistante ou non mais seulement avec ce qui n’est pas vivant. Les humains, animaux, végétaux… Eux, sont allumés d’une force que nous n’avons plus. Nous les traversons donc la plupart du temps. Sauf si cela fait des années que nous sommes morts et avons appris à parfaitement maitriser notre enveloppe.

             Ce qui n’est pas mon cas.

— Attends… Tu peux pas toucher des gens ? répète-t-il. Comment tu fais pour la baise ? Avec d’autres fantômes ?

— Je… Espèce d’immonde pervers ! je lance, outrée.

             Il éclate d’un rire grave.

— Y’a pas à dire, rien ne vaut les prudes, c’est les plus drôles.

— Bien, je choisis de l’ignorer, je peux donc toucher certaines créatures si elles sont décédées. Les démons, les vampires, les zombies… Ne sont techniquement pas vivants. Il existe aussi un type de démon, ceux du sommeil, qui ont un effet particulier sur les spectres.

— Comme Aizawa ? demande-t-il en faisant référence au professeur.

— Oui. Quand un démon du sommeil est proche d’un fantôme, tout redevient semblable au monde vivant pour lui. Sa vue s’étrique ainsi que son ouïe mais son odorat et son goût se développe et, même s’il est toujours capable de flotter dans les airs, son toucher devient plus… Tangible.

— En d’autres termes, si tu veux te taper un petit humain, faut qu’un démon soit dans la pièce, commente-t-il. Eh bah je suis plutôt ouvert d’esprit mais je suis pas prêt à me faire mater pendant que je…

— STOP ! je hurle.

             Je m’arrête. Il fait de même, se tournant vers moi.

— Pourquoi parler sans arrêt de sexe ? je m’exclame.

— Bah, parce que ça vous met mal à l’aise.

— Vous aimez me voir mal à l’aise ? je m’exclame.

— Oui.

             Il ne tente ni de nier, ni d’argumenter. Sa rudesse me sidère et j’écarquille les yeux tandis qu’il reprend son chemin. Quel odieux personnage !

             Néanmoins, je recommence à flotter à côté de lui.

— Vous êtes quelle créature, au juste ? je demande.

— Humain, répond-t-il.

— Mort ? Zombie ou vampire ?

— Non je suis bien vivant, rit-t-il. Et pour un sacré paquet de temps. Je suis destiné à vivre cent ans sans vieillir et rejoindre les fantômes comme toi. La malédiction est claire.

             Mes yeux s’écarquillent.

— Impossible. Vous avez pu me toucher, vous êtes forcément mort.

— Peut-être que tu débordes juste d’une envie de te laisser toucher par moi ? Après tout, je suis du genre guerrier sensuel, raille-t-il.

— Vous êtes surtout du genre accouchement raté.

             Sans lui laisser le temps de répondre, je m’arrête devant une porte simple et rustique, à peine visible dans l’encastrement du mur. Il l’ouvre, dévoilant une vaste salle qui lui fait écarquiller les yeux.

             Partout autour de nous, des bougies s’allument, projetant mille et une lueurs dans la salle. Au centre, une vaste cuve de porcelaine aussi large qu’une piscine est remplie d’une eau d’où s’échappent des vapeurs et qui est parfumée. Des pétales de roses gisent à sa surface.

— C’est quoi ça ? grogne-t-il.

— Mon bain.

— Un fantôme qui prend des bains ? lance-t-il. T’es vraiment pas aidée, hein.

             Je ne réponds pas. Sa remarque me blesse. Evidemment que c’est étrange. Mais je ne l’ai sûrement pas fait venir ici pour qu’il se moque de moi.

— C’est la seule façon pour moi de ressentir de la chaleur, je lance.

— Et ça marche ? demande-t-il.

             Je hausse les épaules. Il m’observe quelques instants, silencieux.

— Bon, on a qu’à remédier à ça.

             Je n’ai pas le temps de réagir. Un bras fort et puissant s’enroule autour de ma taille, propageant en moi une intense chaleur et il me balance sur son épaule. J’éclate de rire, grisée par ses sensations et observe la porte fermée s’éloigner de moi à mesure qu’il s’approche du bassin.

             Soudain, il me lâche. Mais, à ma grande surprise, je ne flotte pas. Mes yeux s’écarquillent quand mon corps percute dans une claque la surface de l’eau. Celle-ci se referme autour de moi. Mes sourcils se haussent en sentant la chaleur mais, surtout, le liquide…

— L’eau me mouille ! je m’exclame en agitant les mains, sentant le remous du bain. L’eau me mouille !

— J’aurais jamais cru voir quelqu’un s’exciter pour ça, commente-t-il.

             Je lui lance un regard noir tandis que, au bord, il m’observe simplement.

— Bah moi ça me plaît ! je crache.

— Du calme. Moi aussi, ça me plaît.

             Aussitôt, mes épaules s’affaissent. Il me semble sentir mon cœur battre dans ma poitrine. Mes joues chauffent et je le regarde. Il maintient le contact visuel quelques instants.

— C’est vrai que t’es canon, soupire-t-il.

             Mes yeux s’écarquillent et je détourne brutalement le regard. Il éclate d’un rire grave.

— Tu me fais marrer avec ton numéro de mijaurée. T’avais franchement pas l’air gênée quand t’as insisté pour que je prenne un bain. Tu voulais me voir nu ? Eh bah voilà.

— Je vous demande par…

             Ma voix meurt dans ma bouche quand je réalise à quel point il est proche de moi. Là, l’odeur subtile des pétales de roses autour de moi se fait plus nette tout comme l’eau me semble aussi mouillée que de mon vivant. Mes sensations me reviennent, avec lui.

             Comment ne peut-il être qu’un humain ?

             Mon ébahissement se mue bientôt en des capitons de chaleur. Son torse sculpté et dénudé suinte sous une épaisse couche de sueur. Quelques traces de saleté sont visibles, soulignant ses biceps, pectoraux et abdominaux dont la simple vue assèche ma gorge. Un « V » nait plus bas, coupé par la surface de l’eau mais dirigeant manifestement vers son…

             Je tourne brutalement la tête.

— Vous devriez vous laver, maintenant.

— Si t’y tiens, fais-le toi-même.

             Mes yeux s’écarquillent. Il éclate de rire en voyant ma réaction.

— Je me lasserais jamais de te provoquer, je crois. C’est super que je sois là pour un moment, alors.

— Vous allez repartir vite ? je ne peux m’empêcher de demander.

— Déjà amoureuse ?

             Je lève les yeux au ciel tout en profitant de la sensation de l’eau faisant flotter mes vêtements autour de moi.

— Laissez tomber.

             Un silence prend place et il me fixe, songeur.

— Si tu t’emmerdes tant que ça ici, je peux t’embarquer avec moi, tu sais.

— Pourquoi vous feriez une chose pareille ? je lance.

— Les fantômes peuvent traverser les murs, se rendre invisibles et voient mieux et entendent mieux que n’importe quel humain. Alors oui, on se le demande, qu’est-ce que je gagnerais à me trainer une équipière ?

             Malgré moi, mon corps se gonfle d’espoir. Occuper mon quotidien, vivre avec quelqu’un qui me permet de ressentir la chaleur ? Ce serait sans nul doute mon plus grand rêve !

— Mais ça n’est pas aussi facile…, je chuchote. Je le sais. On ne devient pas policier du jour au lendemain. Et on ne choisit pas avec qui on travaille.

— Je suis pas du genre regardant sur le règlement.

             Il penche la tête sur le côté, m’observant. Je ne peux m’empêcher de frissonner quand ses yeux noirs glissent sur mes lèvres.

— En revanche, tu vas devoir me prouver ton honnêteté d’une façon ou d’une autre…, dit-il sans détacher son regard de ma bouche.

             Je frappe violemment dans l’eau, envoyant une giclée le gifler.

— Je ne coucherai pas pour avoir un travail ! je m’exclame.

— Mais quel est le rapport !? Je t’ai demandé de prouver ton honnêteté ! gronde-t-il. Je me suis déjà fait sucer par des arnaqueuses, je te signale !

— Vous ne devriez pas prononcer ce genre de phrases si naturellement, je l’informe.

             Il secoue la tête, essuyant son visage.

— Prouve-moi ton honnêteté. Dis-moi ce qu’il se passe ici.

             Aussitôt, je me raidis. Le regard qu’il pose sur moi est sérieux, presque oppressant. Il n’est plus question de quelques blagues graveleuses.

— Je sais que tu es au courant de quelque chose. Mais tu ne veux pas m’en parler. C’est peut-être aussi à cause de cette chose que tu restes cloitrée dans ta cabane à gueuler tout le temps. Tu veux pas sortir.

             Il m’a percée à jour.

— Tu es terrifiée.

             Il penche la tête sur le côté.

— Mais je peux te protéger.

— Non vous ne pouvez pas.

             Il rit doucement.

— Je suis vraiment curieux de savoir ce qu’une morte qui aimerait en finir avec l’existence et qu’on ne peut pas torturer physiquement peut bien craindre… Quel genre de créature vous effraie à ce point ? Pourquoi vouloir à tout prix la fuir ? Etes-vous sûre de pouvoir endosser une vie en tant que policière si un petit ennemi de pacotille…

— De pacotille ? je le coupe violemment.

             Je pose aussitôt une main sur mes lèvres. Il est parvenu à me pousser à bout. Mais je tremble malgré l’eau chaude. Il comprend que je suis sincèrement terrifiée.

— Je peux vous emmener loin d’ici et ne plus vous forcer à vivre avec cet ennemi mais vous devez me dire qui il est, susurre-t-il.

— Vous resterez pour l’arrêter, n’est-ce pas ?

             Il acquiesce.

— Et c’est ce que nous ferons à chaque fois si vous devenez ma coéquipière, affirme-t-il.

             Je recule, hésitante. Je ne peux décemment pas continuer à vivre dans un endroit comme celui-ci. Pas hanté de cette manière. Mais ai-je réellement le choix ? Puis-je réellement laisser cette présence menacer les élèves par simple peur que cette dernière s’en prenne à moi ?

— Dites-moi ce qu’il s’est passé, (T/P) ?

             La peur est telle qu’une larme roule sur ma joue.

— L… Le… Le professeur Livai Ackerman. Il a une âme-sœur. Elle est venue le voir quand elle a été blessée et ils se sont avoué leur amour mutuel.

— Et il leur est arrivé quelque chose ?

             Je secoue la tête de droite à gauche, des perles coulants sur mon visage.

— Non, je… Le professeur… C’est lui qui l’a blessé ! Il a poignardé cette fille dans son sommeil !

— Comment quelqu’un peut-il s’en prendre à son âme-sœur ? Je croyais que les âme-sœurs souffraient toutes les deux des mêmes blessures ? S’il la poignarde, il est aussi poignardé ! Tu es sûr que celui que tu as vu était Livai Ackerman ? demande-t-il.

             Là, je sens mon cœur battre avec force. Mais seule la peur l’anime.

— Non, justement.

             Les sourcils de Yami se froncent.

— Tu viens de dire que tu as vu le professeur la poignarder.

— Ce n’était pas lui. Mais il avait son visage, je chuchote, me sentant parcourue de frissons glacées.

             Là, les traits de l’humain retombent. Je réalise qu’il a compris.

— Mikasa Ackerman a émis une plainte contre Annie après que celle-ci ait essayé de tuer une dame de ménage… Mais Annie a juré qu’elle n’avait rien fait. Elle a bu un sérum de vérité et a répété qu’elle n’avait rien fait. Puis Mikasa en a bu un, accusé de diffamation, et a affirmé qu’elle avait vu Annie tenté de tuer cette fille de ses propres yeux. Puis cette fille a à son tour déclaré, sous sérum, qu’elle avait été victime d’une agression.

             Il lèvre l’index, le majeure et l’annulaire hors de l’eau.

— Trois versions différentes et incompatibles. Trois vérités. Et je suppose que le professeur Ackerman, sous sérum, affirmera aussi qu’il n’a rien fait à son âme-sœur. Et nous pouvons être sûr que c’est vrai et qu’il n’a pas bu une potion d’amnésie pour mentir intentionnellement sous sérum parce que, s’il avait poignardé son âme-sœur, il aurait aussi subi un coup de couteau au même endroit.

             Yami m’observe tandis que je tremble encore. Même l’eau brûlante ne peut rien faire pour m’apaiser.

— Ce n’est pas de lui que vous avez peur mais de ce qu’il pourrait faire en se faisant passer pour vous. Et vous ne voulez pas prononcer son nom car vous savez qu’il vous entendra le faire. Après tout, il est une forme de spectre et les fantômes ont une ouïe très fine.

             Je continue de trembler et acquiesce.

— Une chance que moi, je n’ai pas peur, lance-t-il.

             Aussitôt, mes yeux s’écarquillent et je secoue la tête de droite à gauche à toute vitesse.

— Non ! Non ! Je vous en supplie ! Non…

             Mais il est trop tard, il me montre le dos.

— POLTERGEIST, MONTRE-TOI !

             Aussitôt, les bougies s’éteignent. Un vent de panique monte en moi tandis que l’eau gèle presque. Je grelotte, essoufflée, et ne peux m’empêcher de pleurer, terrorisée. Il est là. La créature que je craignais le plus et qui rôde dans ces lieux depuis le début de l’année.

             Il est ici.

             Malgré l’obscurité ambiante, mes yeux repèrent vite une ombre filtrant sur les murs. Elle se déplace à toute vitesse. Mes jambes ne vont bientôt plus parvenir à me soutenir. Mais, comme s’il l’avait deviné, Yami enroule son bras autour de ma taille et me presse conte son torse. Aussitôt, sa chaleur se propage en moi.

— Comme c’est charmant, résonne une voix masculine et moqueuse.

             Je frissonne. Il semble joueur. Sarcastique.

— Que veux-tu ? Que viens-tu faire ici ? lance Yami.

— Je ne veux blesser personne.

— Personne ? Une élève est morte. L’autre a été poignardée et une autre a été sauvagement agressée. Comment peux-tu vouloir ne blesser personne ?

— Je n’ai pas tué cette femme ! rugit-il.

             Je sursaute en entendant ce vrombissement venu des enfers.

             Soudain, les bougies se rallument. L’eau se réchauffe et devient même à nouveau vaporeuse. Je peine à comprendre ce qu’il s’est passé. Regardant autour de moi, je cherche l’esprit. Mais je ne le vois plus. Doucement, je réalise alors ma position.

             Mon corps mouillé est pressé au torse de Yami et ma main s’égare d’ailleurs sur son pectoral. Son bras enroulé autour de moi me garde blottie contre lui et il m’observe, peu embarrassé par notre position.

— J… Il est parti ? je demande en constatant notre proximité.

             Je n’essaye même pas de reculer.

— Je l’ai chassé.

— Toi ? Chasser un poltergeist ? Mais tu es un humain !

— Je suis maudit, je te rappelle, me lance-t-il. Mais la malédiction a quelques avantages. Comme je suis prédestiné à devenir un fantôme j’ai quelques…affinités avec eux.

             Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Là je suis sûre que j’en ai un. Je le sens bien quand ses yeux noirs me fixent avec tant d’ardeur.

— C’est pour ça que tu peux me toucher ? je demande.

— Et que je peux bannir un esprit d’une pièce ou d’un lieu sans le moindre effort. N’ai plus peur. Tu pourras rester ici, il ne pourra plus y mettre les pieds.

             Mes sourcils se haussent et je m’écarte enfin de Yami, sentant une boule se défaire dans mon estomac.

— Vraiment ? Comme ça ? C’est si facile ? Mais pourquoi ne pas le bannir de partout ?

— Je l’ai chassé car je te sentais trembler et que l’idée que tu n’ailles pas bien ne me plaise pas. Mais je sais qu’il dit vrai sur le premier meurtre. Et je n’ai pas ressenti de haine à son contact. Seulement une profonde douleur. Je refuse d’exorciser un esprit sans être sûr de mon geste.

— …Merci.

             Il hausse les sourcils, surprise.

— C’est rare de croiser une personne qui nous considère comme des êtres à part entière. L’exorcisme est tout autant condamné que le meurtre mais la plupart ne considère pas que les deux sont équivalents.

— Je sais, déclare-t-il. Et c’est stupide.

             Il marque une brève pause.

— Si tu étais exorcisée, j’aurais aussi mal que si mon chien mourrait. Et j’aime mon chien. J’aimerai le faire maudire pour qu’il meurt en même temps que moi et devienne fantôme avec moi.

— Tu ne me connais même pas ! j’éclate d’un rire flatté.

— Je t’ai entendu chanter chaque jour au cours de la semaine dernière. J’ai entendu ton âme. Si, je te connais.

             Il est étrangement sérieux.

— Yami… Si tu déteste m’entendre chanter, pourquoi tu ne m’as pas banni de la tour ? je demande.

— Je ne déteste pas t’entendre chanter.

— Alors pourquoi m’avoir insulté ?

— Pour te protéger du poltergeist, tu t’es réfugiée dans une salle condamnée. Sans porte et avec des fenêtres très solides. Ensorcelée pour que seul toi puisse les traverser… Aller à ta rencontre était impossible. Te faire venir était le seul moyen.

             Une chaleur se répand en moi.

— Pourquoi vouloir me voir ?

             Il hausse les épaules avant de baisser les yeux sur moi.

— Peut-être avais-je compris, en voyant tes protections, que tu avais des choses à me dire…

             Sa main se pose sur ma joue, je frissonne. Mais rien n’est désagréable, cette fois-ci. Je me sens protégée, en sa présence.

— Ou peut-être l’idée de te tirer d’ici et te garder pour moi me réjouit-elle depuis que j’ai posé les yeux sur toi, chuchote-t-il.

             Puis, il pose ses lèvres sur les miennes.

             Mes paupières se ferment et j’enroule mes jambes autour de ses hanches. Son pénis se presse contre mon bassin et je n’y pense presque pas, grisée par sa langue s’enroulant autour de la mienne. Il approfondie le baiser et fait glisser ses mains le long de mon dos.

             Bientôt, nous nous séparons. Il pose son front contre le mien et, dans un sourire, il murmure :













— Allez, viens. On a une enquête à mener.
































...
J'espère que cet os sur Yami vous aura plu ! Et on se retrouve demain avec Robin !

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