第五章 - Mikasa
《 Au jeu que nous jouons, nous ne pouvons gagner, mais il y a des
genres d’échec qui valent mieux que d’autres, rien de plus 》
1984 - G. Orwell
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Sur ce contrat signé, les deux bruns virent leur relation évoluer. La geisha quittait désormais l'okiya plus tôt, sous l'œil amusé de ses camarades qui s'en donnaient à cœur joie pour spéculer tout un tas de rumeurs, de la plus romantique à la plus farfelue.
À treize heure, Livaï s'en allait en laissant sa demeure aux mains d'Uzume. Elle avait alors tout le loisir -pour ne pas dire l'ordre- de se plonger dans la lecture. D'abord craintive, elle avait fini par se prendre au jeu et venait de plus en plus tôt, quand une lecture la passionnait au point d'être impatiente de connaître la suite.
De son avance, Livaï n'y voyait aucun inconvénient tant que la jeune femme ne faisait pas de bruit. Préférant lire au soleil, elle avait prit l'habitude de s'assoir sur l'engawa, près de la petite fontaine dont le clapotis de l'eau l'apaisait. De son bureau, l'américain avait alors tout le loisir de l'observer. Il ne s'en était même pas rendu compte, mais pouvait passer des heures à la regarder. Plus les jours passaient, et plus cette étrange créature le fascinait.
Avec le temps, il en avait appris davantage sur la geisha, mais en savait encore si peu sur la femme.
Qui était-elle réellement sous son maquillage d'albâtre et ses lèvres rouges sang ? Quelle nature tentait-elle de cacher à travers l'étiquette japonaise ? Son tempérament profond était-il aussi orageux que le laissaient penser ses yeux gris ?
Mais je fous quoi, là ?! se reprit soudain Livaï, perdu dans ses pensées. Putain de compta’ à la con. Erwin me donne tellement de paperasses que ça me détraque complètement le cerveau.
Mais un jour, Uzume sonna chez lui beaucoup plus tôt que d'habitude. Même trop tôt, quelques heures à peine après avoir terminé leurs leçons, Amaterasu venant à peine de se coucher.
— Que fais-tu là ?! s'étonna le brun.
— Je... Excuse-moi si je vous ai réveillé, mais c'est terrible. Où est votre cuisinier ?!
Livaï haussa les sourcils.
— Chez lui, pourquoi ?
Il aperçut le regard grave de sa cadette s'accentuer.
— Pouvez-vous m'y conduire ?
De plus en plus étrange. Pourquoi voulait-elle à ce point voir Niccolo aussi tard ?
Sans comprendre la nature du sentiment qui l'aimait, il répondit :
— Je peux savoir pourquoi, d'abord ? J'espère au moins que tu as une bonne explication pour me déranger à cette heure.
Soudain, Uzume se rendit compte du moment de l'heure qu'il était. Prise de panique, elle s'était dirigée chez lui, sans prendre le temps de retoucher son maquillage gâté, lui sautant presque au cou pour implorer son aide.
— Excusez-moi ! s'exclama-t-elle en se courbant devant lui. Dans ma hâte, j'ai oublié de vous expliquer la situation.
Elle se redressa avant de continuer :
— Sasha s'est enfuie du quartier des plaisirs.
Livaï écarquilla les yeux.
✺
Habitant au premier étage d'une mansarde dont les murs fissurés ne disaient rien qui vaille, l'endroit où vivait le cuisinier était loin de ressembler à la maison arborée et calme de son patron.
— C'est ici, je crois, indiqua Livaï.
Il s'approcha de la porte et frappa d'un coup sec.
— Niccolo, ouvre.
Aucun bruit ne se fit entendre. Uzume essaya à son tour.
— Sasha, je sais que tu es là, tenta-t-elle en frappant. Ouvre, j'ai apporté des mochi.
Au même moment, un bruit de meuble entrechoqué suivi d'un aïe s'échappèrent derrière la porte.
— Sasha, s'extasia de plus belle la geisha en abaissant frénétiquement la poignée de la porte.
— Oï, le ventre sur pattes, s'écria le brun en tambourinant à son tour. On t'a écouté, on s'est que t'es là.
— Sasha, ouvre à la fin ou j'enfonce la porte, insista Uzume.
À l'évocation de ce geste plus que violent, Livaï dévisagea sa cadette. Hors d'elle, c'était donc une jeune femme un poil impulsive qui sommeillait en elle. Il échappa un rictus amusé mais se reprit bien vite en écoutant la voix de la geisha gloutonne.
— C'est... C'est hors de question ! lâcha cette dernière en essayant de rassembler tout son aplomb.
— Sasha, réitéra Uzume. C'est de la folie.
— De toute façon, je ne peux plus revenir !
— Tu sais très bien que si. Motome n'attend que ton retour.
— Je ne veux plus de cette vie là, Mika...
Mika ?
Le brun dévisagea la geisha qu'il vit soupirer.
— Je sais, répondit-elle d'une voix intransigeante. Mais rembourse d'abord ta dette, ensuite, tu feras ce qu'il te plaira.
Un silence suivit, puis le bruit d’un verrou que l'on tourne. Sa compagne apparut alors derrière la porte, les yeux embués de larmes.
— Niccolo n'est pas là ? s'étonna Livaï.
La gloutonne fit non de la tête avant de se jeter, en pleurs, dans les bras de son amie.
Cette dernière se crispa à ce contact physique, n'étant pas friande de ce genre de chose.
— C'est si loooooong, pleurnicha Sasha.
— Je sais... souffla Uzume en lui tapotant maladroitement le dos. Mais il le faut. C'est notre vie, et tu sais que nous ne pouvons y échapper.
La gloutonne renifla grossièrement, consciente du chemin tracé devant elle.
— Dépêche toi de rembourser ta dette et tu seras libre. Je t'aiderais, si tu veux.
— C'est vrai ?
Les yeux de son amie se mirent à briller d'espoir.
La brune acquiesça.
— Oh, merci Mikasa, s'exclama la gloutonne en resserrant son étreinte.
— C'est Uzume... murmura son amie, sans oser lui faire le reproche à voix haute en vue de la situation.
Mikasa ? C'était donc ça son véritable nom.
Niccolo était arrivé au même moment, et après avoir fait promettre au couple que la geisha retrouverait son okiya le jour venu, les deux bruns s'en allèrent.
Dans le pousse-pousse qui les ramenait chez l'américain, ce dernier proposa :
— Je t'offre un thé ?
Uzume hésita un instant avant d'acquiescer.
— Ce ne serait pas de refus après toute cette agitation...
✺
Assise sur l'engawa, Uzume profitait de l'agréable vent frais qu'offrait la nuit.
Livaï se posa près d'elle, deux tasses remplies d'un liquide vert ; le fameux thé matcha qui rendait si fier le pays du soleil levant. Ses yeux se bloquèrent un instant, inconsciemment, sur la nuque de la jeune femme. La lumière pâle de Tsukuyomi faisait étinceler sa peau.
— Un problème ? demanda-t-elle, sentant le regard de son danna.
Ses carbonnado rencontrèrent alors ses pupilles bleues dont le trouble furtifs la surprise. Pris sur le fait, Livaï détourna rapidement les yeux et lui tendit un tasse.
— Buvons avant que ça ne refroidisse.
Encore intriguée par se comportement inhabituel, Uzume se contenta d'un hochement de tête.
Ils restèrent un instant silencieux.
Ce motus laissait le loisir à l'homme et à la femme d'apprécier la présence de l'autre. Seuls, confrontés à leurs pensées qui comblaient ce silence, ils ne pouvaient que réfléchir sur l'instant présent.
Depuis que le brun était revenu, tout était allé très vite, bousculant les idées de chacun. Alors qu'Uzume supposait se retrouvait face à un homme avide de pouvoir qui la couvrait d'or pour mieux la rendre redevable ; Livaï, lui, envisageait d'oublier la belle brune au regard pénétrant.
Mais Izanami les invita à une autre danse. Déesse de la création, elle leur avait offert un autre chemin, plus aventureux et inconnu, que tous les deux avaient redouté. Ils avaient alors appris à vivre une partie de leurs journées ensemble. Petit à petit, Livaï en avait appris plus sur le monde singulier du quartier des plaisirs et s'était surpris de vouloir en apprendre davantage sans être rassasié.
— Comment t'es-tu retrouvée geisha ?
Uzume le dévisagea, les yeux écarquillés, surprise par sa question. Elle se mit alors à lui conter son histoire dont elle ne trouvait pourtant aucun attrait.
— Et tu n'as jamais revu tes parents biologiques ?
— Ma mère passait un temps me déposer quelques vêtements. J'ai aussi été prévenue quand la santé de mon père s'est déclinée.
Elle marqua une pause en plongeant ses yeux dans les étoiles.
— Les gens extérieurs jugent sans savoir. Nous n'avons pas choisi d'être ici, mais nous devons beaucoup au quartier des plaisirs.
Livaï l'écouta avec intérêt.
— Sans lui, peut-être serais-je morte de faim, ou bien ma sœur qui est née peu de temps après que Motome m'ait adoptée. La vie au Saku-Hana n'a pas été de tout repos et n'a pas permis beaucoup d'insouciance, mais elle m'a permit de vivre au sein d'une famille. Hoshiko, Esumi, Sasha... Nous sommes liées par une terrible vérité, mais ensemble, nous la supportons. Puis sous ses airs sévères, Motome nous aime comme ses filles. Quand elle m'a envoyé cherché Sasha, c'était d'abord l'inquiétude d'une mère qu'on pouvait lire dans ses yeux, avant celle d'une patronne proche de son argent. Elle lui passera un savon, mais sera soulagée de la revoir saine et sauve.
— Aider ce ventre sur patte ne va pas retarder ton remboursement ?
— Si j'ai bien calculé, je devrais avoir terminé le mois prochain. Je profiterais de l'argent gagné après pour l'aider.
La jeune femme ancra ensuite ses yeux dans ceux de l'homme.
— Je n'ai d'ailleurs jamais eu l'occasion de vous le dire, mais je vous remercie pour votre générosité. C'est grâce à vous si je suis libéré si tôt.
Elle baissa la tête afin d'accentuer sa gratitude.
Livaï, gêné, détourna le regard.
— Redresse-toi, dit-il d'un ton abrupte, je n'ai pas fait grand chose.
Uzume l'observa et échappa un petite rire devant sa mine gêné.
— Qu'est-ce qui te fait rire, gamine ? Ou plutôt, devrais-je dire Mikasa.
La geisha se stoppa.
Cette fois, ce fût à l'homme d'échapper un rictus et à la brune de se sentir gênée.
— J'ai écouté Sasha t'appeler comme ça, tout à l'heure. Mikasa... réitéra-t-il pour la taquiner. C'est ton véritable non, n'est-ce pas ?
— Je m'appelle Uzume, désormais.
— La geisha s'appelle Uzume, la reprit-il. Mais sous le maquillage, tu reste Mikasa.
Il appréciait voir ses joues se teindre de rouge sous son maquillage lorsqu'il insistait sur son véritable nom.
Troublée, Uzume porta la tasse de thé à ses lèvres. Les yeux fermés pour tenter de calmer les battements de son cœur, elle répondit :
— Je vous conseille d'arrêter si vous ne souhaitez pas que je me mette à faire des blagues sur votre taille.
— Qu'est-ce qu'elle a, ma taille ?! s'exclama soudain le brun.
Heureuse de reprendre l'avantage, la femme échappa un sourire vainqueur.
— Disons qu'elle est... petite pour rester polie.
— Tch.
L'homme se renfrogna.
— Une réflexion là dessus et je t'appelle Mikasa le restant de tes jours.
En écoutant de plus belle son prénom de naissance émaner de sa bouche, la geisha sentit de petits friselis animer le bas de son ventre. Dans la vie normale, le prénom était réservé aux personnes les plus proches de soi. Dans la vie d'une geisha, il devenait obsolète, tombant dans l'oublie telle une enclume attirant dans les abysses tout espoir de vivre comme les autres femmes de son âge.
Alors pourquoi le prononçait-il ?
Mikasa avait disparu depuis cinq ans, désormais. Mais avait-il seulement conscience qu'il en était le responsable en payant pour son mizu-age ?
— Je préfère Mikasa, lâcha-t-il subitement.
Nouveau frisson.
— Je trouve qu'il te va mieux. Je te préfère aussi sans tout cette attirail sur la figure.
D'instinct, elle détourna le visage. Presque démaquillée, elle se demanda ce que dirait Motome en la voyant ainsi.
— Je comprends pas pourquoi vous vous mettez tout ça sur la figure. Ça doit être lourd en été, nan ?
— On s'habitue, répondit-elle brièvement.
Elle ne pouvait dire plus ; l'émotion qu'avait provoqué les récentes déclarations du brun lui enserraient la gorge. L'homme la regarda encore quelques instant avant de détourner les yeux ; dubitatif sur la véracité de cette réponse.
✺
Ainsi, Livaï avait pris l'habitude de l'appeler par son véritable nom. Les deux bruns continuaient leurs leçons chaque jour ; Mikasa appréciant venir plus tôt pour finir ses lecteurs entamait la veille. Souvent, il leur arrivait même d'oublier la raison pour laquelle ils se voyaient quand l'américain demandait à la geisha son avis sur tel ou tel roman.
Hanji et Erwin étaient aussi devenus des visages coutumiers à la japonaise.
Bien que la folie dont faisait preuve l'épouse du blond la laissait perplexe régulièrement, le couple était de bonne compagnie ; il était surtout la seule présence -hors Mikasa- que le brun tolérait dans son quotidien.
Mais il fallait se rendre à l'évidence. Livaï ne pouvait éternellement garder la brune auprès de lui. Ses deux meilleurs amis avaient d'ailleurs été les premiers à le lui faire remarquer, sur le trait de l'humour sans se douter que leur réflexion allait remuer à ce point les méninges du petit brun. Elle lui avait parlé de sa dette, bientôt entièrement remboursée. Combien de temps lui restait-il ? Quelques semaines tout au plus. Qu'avait-elle prévu de faire de sa liberté future ? Que ferait-il, lui, à sa place ?
Il s'enfuirait.
Libre, il partirait en vadrouille, vivant au jour le jour et en solitaire, laissant ses pas tracer aléatoirement son chemin.
Une étrange douleur enserra son cœur.
C'était souvent que la jeune femme lui posait des questions sur l'extérieur. Comment était l'Amérique et les autres pays que son métier lui avait fait découvrir. Les livres de Jules Vernes, écrivain en vogue, n'étaient pas sans responsabilités.
Il le savait, elle voudrait voyager. Et possiblement seule, comme revanche sur sa vie actuellement bien trop encombrée. Et il ne s'y opposerait pas.
Alors que le banquet qu'avait organisé son entreprise afin de présenter un nouveau produit battait son plein, le brun laissait sans s'en rendre compte, ses pensées et ses yeux se rejoindre sur la belle brune. Habillée d'un kimono hibiscus où étaient brodées des fleurs dans des fils bleus et pourpres, quelques mèches de cheveux s'étaient discrètement échappées de sa coiffure.
Comment allait-il faire maintenant, si elle le quittait ? Tout le cérémonial japonais lui tapait toujours autant sur le système, et seule l'image de ses carbonados courroucés à son égard arrivaient à le contraindre de suivre le protocole.
Puis le jour fatidique arriva. Pour l'occasion, il avait déversé une petite fortune dans ce qu'il considérait comme sont dernier cadeau en tant que danna.
— Je l’ai fait graver à ton nom, expliqua-t-il.
La jeune Jimae retourna le peigne à cheveux en bois d'acajou que venait de lui offrir son protecteur. Dessus étaient peint à la main des grues aux ailes multicolores. Derrière, en lettres d’or, était inscrit Mikasa.
— Je...
Elle ne comprenait pas son élan de générosité et se retrouva bouche bée.
— C'est trop...
— Tu as finis de rembourser ta dette au Saku-Hana, expliqua Livaï sans prêter attention aux protestations de sa cadette. Ça se fête, non ?
Les yeux de la geisha s'humidifièrent alors qu'elle hochait positivement la tête.
Ensemble, ils buvaient une coupe de saké que leur avait apporté Niccolo.
Un silence s'ensuivit avant que Livaï ne se décide enfin à poser la question qui lui brûlait désespérément les lèvres. S'efforçant de prendre un air le plus détaché possible, il fit :
— Alors, que comptes-tu faire, maintenant ?
Mikasa le dévisagea.
— Ce que je compte faire ? répéta-t-elle dans un murmure.
— Tu es libre désormais, tu vas forcément vouloir en profiter. Tu n'as pas un rêve ou deux qu'il t'était impossible de réaliser au quartier des plaisirs ?
— Eh bien...
La jeune femme prit un instant pour réfléchir.
— Je crois que j'aimerais pouvoir bouger un peu.
Livaï se crispa. Il avait vu juste, elle voulait partir et c'était entièrement légitime.
— Voyager ? fit-il du bout des lèvres, la gorge serrée.
— Voyager ? répéta-t-elle. Oui, je crois que ça pourrait me plaire.
— Hm...
L'air contrarié qu'arborait l'homme ne lui échappa pas.
— Un problème ? demanda-t-elle, inquiète.
Ignorant sa question, il se dépêcha de reprendre son air neutre habituel et demanda :
— Tu sais déjà où tu veux aller en premier ?
— Euh... Non... Pas vraiment... bredouilla la jeune femme.
Elle le trouvait étrange. Mikasa avait la désagréable impression qu'il essayait de la congédier avec la rapidité de ses questions.
Une crampe enserra son estomac.
Après tout, cela faisait des années qu'il l'entretenait grassement sans qu'elle ne puisse réellement le remercier en conséquence. Une fois libérée de sa dette, elle comprenait entièrement que son danna souhaite se délivrer à son tour, du fardeau économique qu'elle représentait.
— Je n'y ai pas encore réfléchi...
— Il le faut, sembla s'enthousiasmer Livaï. Un voyage ne se prévoit pas à la légère si on veut en profiter.
Mais son ton était faux. Tout aussi menteur que lorsqu'il déclarait de sa voix assurer que l'acquittement de sa dette était une bonne nouvelle.
De son côté, Mikasa était désemparée. Elle aurait voulu crier qu'elle ne souhaitait pas voyager. Du moins, pas sans celui qui lui avait transmis l'envie et la possibilité de s'ouvrir au monde.
— Choisis le pays où tu souhaites aller et dis le moi. Je te ferai parvenir une carte avec les lieux sûrs où tu peux t'adresser et visiter.
Il marqua une pause avant de continuer.
— Maintenant, je suis désolé de te congédier si tôt mais j'ai un dossier urgent à régler, pour demain.
Livaï souhaitait écourter au possible cette entrevue. Le petit brun n'était pas doué pour les adieux, ou plutôt, il était terrifié par ces échanges langoureux et larmoyant qui le mettaient mal à l'aise.
Uzume comprit alors qu'elle était congédiée. Pour ce qui semblait être la dernière fois, elle foula le genka de la maison de cet américain qui avait tant bousculé sa vie.
Avant de franchir la porte d'entrée, elle le salua dans une courbette japonaise :
— Merci pour tout, fit-elle, s'efforçant de retenir les sanglots qui faisaient trembler sa voix. Ce fut un réel plaisir pour moi d'être à votre service.
Puis elle partit. Un dernier regard au portail en bambou qui clôturait la propriété, et elle monta dans le pousse-pousse qui l'attendait.
Mais à peine la petite chariote s'était-elle mis à rouler, que des larmes l'assaillirent.
Qu'allait-elle faire, désormais ?
Désemparée face au néant qui dévorait son avenir, elle laissa les sanglots secouer son corps avant de se calmer.
Toute envie de voyage l'avait définitivement quittée. À quoi bon ? Pour cela, il fallait de l'argent. Hors, elle n'avait rien de côté. Puis il y encore Sasha ici, à qui elle avait promis son aide pour que la gloutonne puisse s'unir au plus vite à son beau cuisiner.
Non, définitivement, elle ne pouvait pas partir.
Et comment réagirait Hoshiko ? Elle qui avait été si gentille en la prenant sous son aile et en lui apprenant tout ce qu'elle savait. Sa mère biologique aussi, avait besoin d'elle. Elle avait appris l'existence d'une petite sœur à qui elle avait juré -du moins envers les dieux- qu'elle ferait tout pour la préserver du quartier des plaisirs.
Alors sans réfléchir, elle obligea le chauffeur du pousse pousse à faire demi-tour. Oubliant les bonnes manières, elle se mit à courir en direction de la maison de l'étrange américain qui avait tant dépensé pour faire parti de sa vie, ses geta frappant bruyamment le sol.
De la même force, elle tambourina à la porte.
Surpris par un tel charivari qu'il avait pu entendre de son bureau, le petit brun ouvrit violemment, non sans une colère prête à exploser à la figure de celui qui osait l'importuner. Mais lorsqu'il aperçut la geisha, en sueur, le rouge à lèvres effacé et la coiffure en bataille, toute trace de hargne disparu.
Ses yeux s'écarquillèrent.
— Mikasa ? lâcha-t-il, t'as déjà trouvé le pays qui te botte le plus ?!
La brune objecta de la tête.
— Reprenez-moi à votre service, s'exclama-t-elle en s'abaissant dans un geste frénétique afin d'appuyer ses propos. Redevenez mon danna.
— Hein ? Qu'est-ce que tu racontes ? T'es libre maintenant et-
— Justement, le coupa-t-elle en se redressent.
Elle arpenta ensuite, de ses yeux gris, les pupilles de l'homme.
— Je suis libre de continuer si je le désire.
— Mais c'est complètement débile, s'énerva Livaï, ne comprenant pas pourquoi sa cadette manquait à ce point de jugeote.
Combien de ses camarades l'auraient tué pour être à sa place ? Et madame faisait son enfant gâtée en déclarant vouloir continuer son rôle de potiche ?
— J'ai bien réfléchi, insista-t-elle. Partir, cela semble bien, mais pour aller où ? Pour faire quoi ? Ma vie est ici. Je dois aider Sasha, et j'ai une petite sœur qui compte sur moi. Alors je vous le demande à vous en priorité car je vous dois tout, souhaitez-vous continuer à être mon protecteur ?
Ses carbonados brillaient tellement d'espoir que son regard éblouissaient presque l'américain.
— Sinon, reprit-elle, je tenterai ma chance auprès de quelqu'un d'autre.
Cette dernière réplique piqua au vif le petit brun. Écopant d'une réputation qui n'était plus à faire, Livaï savait pertinemment que la geisha ne manquerait pas de prétendants.
Inquiète fasse à son manque de réflexion, Mikasa décida de jouer le tout pour le tout :
— Si vous désirez tant que ça que je découvre le monde, alors ce sera à vos côté, souffla-t-elle, les yeux humides.
Livaï sentit son cœur s'emballer en écoutant la déclaration de sa cadette. Et son regard, à la fois puissant et sincère, comment pouvait-il y résister plus longtemps ?
Pris d'un sursaut de folie, il s'approcha d'elle et dans un geste brusque l'attira vers lui. Ses lèvres enlacèrent alors les siennes. Quelle sensation quand il remarqua avec soulagement que la brune suivait son mouvement.
Lorsqu'il se recula de quelque pas, sa longue chevelure s'était définitivement échappée de sa structure rigide, et son far à lèvres rouge s'était entièrement évaporé. Seules ses jouent semblaient toujours rosées, mais cette fois, d'une teinte naturelle.
Il n'y avait pas de doute, c'était dans cette accoutrement de paysanne, les cheveux au vent et la peau gâtée par ses sentiments, que l'homme se trouvait pris au piège par le regard argenté de celle qui excellait dans le métier des arts.
꧁FIN꧂
Bonsoir tout le monde !
Et non, vous ne rêvez, cette histoire arrive déjà à son terme...
Malgré son récit court, j'espère qu'elle vous aura plu et que j'aurai réussi à vous plonger dans le monde si particulier des geisha :)
Sinon, encore un tas de projets prévu pour cette année et de tous types. Des romans, des fanfictions, des illustrations, ; en bref, de quoi bien m'occuper durant les prochains mois.
Comme d'habitude, retrouvez l'actualité de tout ça dans ma bio Wattpad et sur mon mur.
Moi je vous dis à bientôt, hâte d'avoir de vos retours,
Plein de bisous, et surtout,
Prenez soin de vous 💕
~Crunch
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