第三章 - Danna

Ima : le salon.

.⛩.

— Uzume.

Assise sous l'engawa de l'okiya, la geisha regardait les perles de pluies piquer la surface de la fontaine qui ornait le jardin.
Elle sursauta en écoutant le nom qu'elle avait adopté il y avait un certain temps maintenant.

— J'arrive de suite, okkasan, clama la jeune femme en se relevant.

Depuis l'étrange nuit de son mizu-age, plusieurs années s'étaient écoulées sans ne jamais revoir l'homme américain. Elle avait été toute aussi surprise que ses compagnes d'apprendre que ce dernier en était presque venu aux mains avec Motome pour devenir son protecteur. Enfin, selon les dires de Sasha, sûrement un poil enjolivée, qui était cachée dans les cuisines pendant tous le temps de l'entretien. Esumi s'était alors empressée d'hypothétiser les multiples raisons qui auraient pu séduire à ce point cet homme qui paraissait pourtant austère, avançant des raisons toutes plus crues les unes que les autres. De son côté, Uzume ne savait pas si son mizu-age avait été conventionnel, mais une petite voix lui soufflant que ce n'était pas le cas, elle avait préféré ne pas détromper ses aînés.

Et en grandissant, elle avait compris ce qu'elle aurait du faire avec "l'homme du premier soir". Alors pour ne pas paraître idiote quand elle écoutait ses sœurs évoquer leurs douloureux souvenirs de cette nuit souvent peu envieuse, elle se taisait où se contentait d'acquiescer. N'ayant jamais été très bavarde, ses amies s'étaient contentées de ce manque d'information, toutes conscientes qu'il fallait parfois bien du courage pour se replonger dans ces souvenirs et les évoquer à voix haute.

— Monsieur Okomura vient de faire livrer ton dernier kimono, informa Motome lorsque Uzume pénétra dans l'ima.

— Oua, ces broderies sont incroyables ! s'exclama Sasha.

— Elles peuvent l'être, vu le prix qu'elles ont couté... ironisa Esumi.

— Je crois que je ne veux même pas savoir... souffla Hoshiko.

— Ne l'abîmez pas, résonna la voix d'Uzume.

— Oh, mais bien sûr, Uzume-sama, se moqua Esumi en effectuant une rapide courbette.

Sa compagne l'ignora et contempla le vêtement qu'elle avait commandé.
Si elle avait pu se permettre une telle folie, c'était grâce aux subventions de son danna. En payant pour obtenir ce titre, monsieur Ackerman s'était engagé à lui verser une rente chaque mois. Il était aussi de coutume qu'elle reçoive régulièrement des cadeaux tout au long de l'année comme à son anniversaire ; tout ça en échange de quelques services rendus par elle-même. Mais avec l'américain, ce "donnant-donnant" prenait une tout autre allure. Déjà, il n'y avait pas d'échange. Uzume avait appris que son protecteur était rentré en Amérique seulement quelques jours après qu'il soit devenu son danna.

Depuis lors, chaque mois -et réglé comme une horloge- elle recevait de coquettes sommes d’argent qui lui permettaient de s'entretenir convenablement ainsi que de rembourser la dette qu'elle devait à l'okiya. Pas de cadeaux réguliers non plus, mais une bourse un peu plus importante arrivait le jour de son anniversaire. Grâce à ça, elle pouvait également éviter, contrairement à ses compagnes, certaines activités à rémunération en nature afin de boucler les fins de mois. Elle s'inventait aussi banquière, de temps à autre, quand ses camarades étaient dans le besoin, notamment Sasha qui dépensait presque toute sa rente dans de la nourriture. Motome était toujours effarée quand elle la voyait se goinfrer de la sorte, et c'était encore pire lorsqu'elle était obligée de constater que la gloutonne ne prenait pas un seul kilo.

Le monde des geishas étaient coûteux. Avoir de nouveaux kimonos régulièrement pour ne pas dire tous les jours, payer les professeurs pour s'entraîner à la danse, au chant, au shamisen ainsi que les coiffeurs et le maquillage ; ou encore payer le gite et le couvert à l'okiya ce qui accroissait la dette que ses pensionnaires lui devaient déjà. Tout cela donnait l'impression aux geisha rêveuses que ce monde du luxe était à la fois la clé de la liberté si elles souhaitaient plaire et gagner davantage de clients, mais en même temps le bourreau qui les enchaînait au quartier des plaisirs avec une impression d'éternité.

— Tu vas le porter aujourd'hui ? demanda Sasha.

Mikasa regarda au dehors avant de glisser ses pupilles sur la soie délicate de son nouveau vêtement.

Elle acquiesça d'un signe de tête.

— Oui, s'il ne pleut plus. J'ai un banquet ce soir.

— Ah, l'air du Japon ! s'exclama Hanji.

Elle prit une profonde inspiration avant d'expirer bruyamment. 

— Ça m'avait manqué, continua-t-elle.

— Arrête tes conneries, quat'z'yeux, la rabroua Livaï sur son éternel ton brusque. Je te rappelle que ça fait quatre heure qu'on est descendu du bateau.

Il jeta un bref coup d'oeil de part et d'autre de la gare. Une foule. C'était la plus importante de ses observations. Du monde partout. Qui courait, qui chahutait, qui parlait fort, qui bousculait, qui criait. Trop de monde et de remue-ménage pour un endroit aussi exigu que cette gare de province.

— Aller, viens au lieu de râler, s'exclaffa Erwin en se dirigeant vers la sortie. 

Au dehors, Ackerman était forcé de contempler avec réticence que la cacophonie de la gare n'était rien comparé à celle de la ville. Des pousse-pousses roulaient dans tous les sens, les gens étaient collés les un aux autres, les marchants criaient au dessus de leur étalages, et luxe et pauvreté se côtoyaient au détour de chaque rue.

— On fait quoi ? demanda le petit brun d'une voix amer.

— Eh bien... souffla Erwin avant de regarder le papier qu'il tenait dans sa main. Dennis m'a dit qu'il nous ferait visiter quelques maisons cet après-midi. Nous nous sommes entendus pour nous rejoindre devant l'hôtel où nos chambres ont été réservée.

Livaï acquiesça d'un signe de tête.

— Et ce soir ? s'exclama Hanji.

Elle bouscula son mari pour se pencher sur le papier qu'il tenait.

— Je crois qu'on nous a organisé une petite réception... répondit le blond en lançant un regard désolé à son meilleur ami, ayant bien conscience que ce genre d'événement inévitable allait être une torture pour lui.

—Tch. 

Le brun fit claquer sa langue d'agacement. 

Voyons le bon côté des choses, ça peut pas être pire qu'ici, pensa-t-il lorsque l'odeur nauséabonde de la ville vint agresser ses narines.

La pluie s'était arrêtée de tomber dès le début de l'après midi. Uzume avait alors pu revêtir son nouveau kimono. Assise en seiza dans la salle ou se donnait la réception, elle attendait patiemment. La jeune femme n'était pas une geisha comme les autres. Discrète, le contact ne venait jamais d'elle. Pourtant, son côté farouche avait su plaire, tant et si bien qu'elle avait acquis une certaine notoriété. Ainsi, elle était conviée à la plupart des banquiers auxquels, pour tous les honorer, elle ne passait parfois pas plus de quelques minutes. 

Enchaîner les zashiki faisait partie du rythme effréné de ces poupées qui respiraient l'art de vivre à la japonaise. Et quand les rendez-vous ne venaient pas à elle, elle savait que sur le chemin elle pourrait aisément trouver une ou deux cérémonies à laquelle participer. Ses camarades aussi agissaient ainsi. C'était le meilleur moyen de se faire connaître ; et alors qu'elles passaient à peine cinq minutes dans chaque établissement, ces derniers les payaient malgré tout pour une heure. Il y a avait tellement de monde et d'ivresse lié aux plaisirs, que personne ne semblait se rendre compte de leur supercherie. Les établissements étaient heureux de pouvoir se vanter d'avoir reçu des geishas du Saku-Hana, et ces dernières gagnaient assez d'argent pour vivre dignement. Mais pour ce soir, elle avait été grassement payées de manière à ce que ni elle, ni ses compagnes présentes à la réception ne ressente le besoin d'aller ailleurs. 

Laissant vaguer ses opales grises sur son kimono bleu, elle s'attarda quelques instants sur les grues brodées au fils magenta. Pourquoi avait-elle choisi ce motif ? Elle s'était vaguement rappelée des histoires mystiques que sa vieille mère lui raconté sur ces oiseaux. Elle les avait toujours trouvé majestueux avec leurs longues ailes qui leur permettaient de s'échapper quand et où ils le voulaient.

— Ah, vous voilà enfin !

Une voix derrière elle accueillait de nouveaux invités. Elle avait reconnu depuis longtemps ce Dennis qui accompagnait son danna le soir où elle l'avait rencontré. Elle trouvait cet homme dégoûtant. Porté sur la boisson, il s'efforçait à s'intégrer aux mœurs japonaises qu'avait fait fleurir dans son cerveau une vision stéréotypé. Son amour pour la boisson et, à contrario, l'aversion qu'il semblait avoir pour le bain rendait l'américain encore plus abject que jamais. Esumi, toujours au courant des derniers commérages, lui avait appris que c'était lui, au départ, qui avait été choisi pour son "deuxième" mizu-age.

Avant que monsieur Ackerman ne fasse des pieds et des mains pour te récupérer》avait-elle terminé avec un sourire espiègle.

Uzume rougit légèrement. Elle ne comprenait pas cet homme. D'ailleurs, comment aurait-elle pu le comprendre alors qu'ils n'avaient pas échangé plus de deux phrase en cinq ans ? Mais des milliers de questions trottaient dans sa tête depuis toutes ces années. Pourquoi avait-il agit ainsi ? Pourquoi la protéger ? Elle l'en remerciait, c'était certain, mais dans quel but ? Il ne l'avait même pas touché une seule fois, était reparti dans son pays presque aussitôt et alors qu'il l'entretenait avec des sommes faramineuses, elle ne pouvait rien faire pour lui en échange. Tout cela éveillait en elle un sentiment étrange. Celui d'être à la fois libre et en même temps l'impression que lorsque sa dette à l'okiya se réduisait, elle en contractait une plus grande auprès de l'inconnu. Uzume avait la sensation d'avancer dans le brouillard. Qu'adviendrait-il d'elle s'il revenait ? Par ailleurs, reviendrait-il un jour ? Elle avait le mauvais pressentiment que le remède serait pire que le mal.

— J'y crois pas, même notre cher Livaï Ackerman a fait le déplacement ! continua Dennis.

Uzume sursauta. Avait-elle bien entendu ? Elle se retourna précipitamment et reconnu immédiatement le petit brun à l'air taciturne.
Il n'avait pas changé. Ces yeux orageux, ces sourcils froncés qui faisaient apparaître une petite ride au centre de son visage et cette peau plus blanche encore que celles des geishas quand elles se maquillaient. 

Lorsqu'il balaya la salle du regard, ses yeux se posèrent un instant sur elle... Mais pas plus longtemps qu'ailleurs. Précipitamment, elle se posa une question : l'avait-il reconnu ?
Si oui, que devait-elle faire ? Et si non, devait-elle aller le voir pour se présenter ? 

Uzume sentit son rythme cardiaque s'accélérer. Grâce aux sommes mensuelles qu'elle recevait, elle n'avait jamais eu besoin d'un contact physique avec les hommes plus que des civilités. Elle s'était alors permise de choisir scrupuleusement ceux avec qui elle échangeait, et jamais sans que cela n'aille au-delà de la parole.

Après un débat animé au sein de son esprit, Mikasa décida tout d'abord de se lever. 

J'agirai ensuite en fonction de lui, se dit-elle. 

Mais alors qu'elle comptait jauger la situation avant de s'approcher, un bras lourd se posa sur ses épaules et la tourna de force vers les nouveaux arrivants. Elle vacilla légèrement face au mouvement brusque qui ne faisait pas bon ménage avec son kimono serré. Prise de stupeur, elle lança un regarde ahuri aux américains. L'homme blond et la femme qui accompagnaient son danna la dernière fois étaient encore là.

— Regarde qui j'ai fait venir ! s'écria Dennis en désignant la geisha. 

Livaï fronça les sourcils. L'alcool avait déjà fait perdre le peu de raison que possédait son collègue.
— C'est la tienne, continua Dennis avec un rire gras.

— La tienne ? répéta Erwin sur un ton d'incompréhension.

Livaï leva alors le regard vers la jeune femme au moment où cette dernier baissait le sien dans sa direction. Les pupilles océans de ce dernier percutèrent de plein fouet les carbonados d'Uzume. L'homme écarquilla les yeux. C'était elle, la gamine qu'il avait rencontré il y a cinq ans ?!

Tch, elle a bien trop grandi, bougonna-t-il en remarquant que, désormais, elle le dépassait d'une bonne tête et demie.

— Lâche-la, cracha-t-il à son collègue. Tu lui fais peur.

Devant le ton autoritaire du petit brun, Dennis s'exécuta. Puis ignorant les regards intrigués de ses deux meilleurs amis, Livaï passa devant Uzume sans lui adresser un seul regard.

— Attends, heichou, comment ça "la tienne", s'exclama à son tour Hanji en lui emboitant le pas ; rapidement suivit par son mari.

— Ils ne sont pas au courant ?! s'écria Dennis pourtant persuadé de chuchoter.

— La ferme, cracha Livaï souhaitant faire taire son collègue.

Pour éviter toute raillerie de la part de sa dingue d'amie, le petit brun avait préféré taire l'existence d'Uzume et l'aventure un peu étrange dans laquelle l'avait embarqué son empathie à deux balles.

— Je peux te promettre qu'elle t'a été fidèle ! continua l'ivrogne qui n'avait même plus conscience du danger auquel il s'exposait. C'est pourtant pas le nombre de prétendants qui manquaient, haha. T'as parié sur le bon chev-

Livaï le coupa en mettant sa main devant sa bouche. En temps normal, il l'aurait sûrement frappé au ventre -une méthode bien plus efficace à son gout- mais Erwin l'avait tellement emmerdé sur l'importance de la bienséance au pays du soleil levant, qu'il avait fini par lui promettre d'essayer de bien se comporter.

— Tu l'ouvres encore une fois et je te fais bouffer tellement de gravier que tu vas en chier jusqu'à la fin de ta vie, lâcha-t-il, la voix et le regard menaçant.

S'arrêtant dans sa courbette respectueuse, la geisha fut abasourdie devant autant d'indifférence. De nouveau, elle fut en proie à un sentiment étrange où se mêlaient plusieurs émotions. À la fois un peu honteuse d'être ignorée par son danna mais également très énervée par ce comportement qu'elle trouvait condescendant. Pour la première fois, une once d'agacement s'infiltra dans ses veines à l'égard de cet homme décidément bien curieux.

Plusieurs jours étaient passés depuis que Livaï, Hanji et Erwin avaient définitivement posé leurs valises au Japon. L'implantation d'une nouvelle structure sur le territoire du soleil levant s'était révélée longue mais fleurie de succès. Désormais, les trois amis, ou plutôt les deux hommes secondés de très près par la seule femme du groupe, s'étaient vus confiés la direction de la prestigieuse marque Shiganshina dans ce nouveau pays.

— Dennis nous a dit qu'il fallait impérativement organiser une sorte de pot d'accueil, expliqua Erwin.

Le trio était installé à la table d'un restaurant pour le déjeuner.

— Étant donné que notre maison est encore en travaux, nous devrions faire ça chez toi, Livaï, continua le blond.
Immigrer signifiait se trouver un nouveau toit où habiter. C'était alors tout naturellement que Dennis avait aidé ses collègues à trouver un logement. Simplement, Livai, fidèle à lui-même, avait principalement orienté son choix en fonction d'un lieu le plus habitable rapidement.

— On pourrait faire ça dans une salle de l'entreprise, répondit-il en amenant une tasse de thé à ses lèvres.

C'était peut-être le plus réconfortant dans cette nouvelle vie. Solitaire, Livaï était sans attache particulière et avait accepté de quitter son pays d'origine sans grand regret. Simplement, voyage allait de paire avec agitation. Il avait fallut apprendre une nouvelle langue, et bientôt il devrait s'adapter à de nouveaux codes. Lui qui avait déjà eu du mal à se plier à l'austérité des entreprises américaines, Erwin se demandait bien comment son ami au tempérament impétueux ferait pour faire face à la rigidité des japonais. Le thé matcha était alors la clé de tout. Le grand blond avait ainsi pu calmer bon nombre des colères de l'Ackerman en lui proposant une tasse de ce thé aux vertus si mystérieuses.

— Dennis a bien précisé qu'organiser ça chez nous nous apportera une meilleure image, insista Hanji.

— La réputation est importante partout dans le monde du commerce, mais j'ai l'impression qu'ici, elle acquière un niveau bien plus élevé qu'ailleurs, renchérit Erwin.

Livaï lui renvoya un regard blasé et peu convaincu.

— Et puis... continua la femme d'une voix subitement espiègle, nous, on a pas de geisha à disposition...

Elle ponctua sa phrase par un sourire malicieux, ce qui lui valu de se faire foudroyer par les yeux bleus nuit de son ami.

— Tch, ça va t'amuser encore longtemps cette histoire, hein ? cracha-t-il en menant une nouvelle fois sa tasse à ses lèvres.

— Faut dire que c'est assez étonnant de te voir ouvertement te soucier d'autrui, continua Hanji.

— J'en ai rien à foutre de cette gamine de merde.

Lors de la soirée où il était tombé nez à nez avec Uzume, le manque de discrétion de Dennis avait poussé ses amis à découvrir l'existence dérangeante de cette jeune femme dans sa vie. Aujourd'hui, même cinq ans après les faits, il se demandait encore pourquoi il avait fait ça. Pourquoi durant toutes ces années il entretenait une inconnue, tant et si bien, de manière à ce qu'elle n'ai nullement besoin d'aller voir ailleurs.

— Alors pourquoi tu t'occ-

— Hanji, la coupa Erwin, ne va pas me l'agacer, continua-t-il en rigolant. Le thé matcha le calme un peu mais ce n'est pas une potion magique non plus.
Livaï lui lança un regard noir afin de marquer sa désapprobation autant sur le sujet qu'avait abordé sa femme que ses propos qui laissaient fortement supposer qu'il était un animal ou quelque chose du genre.

Erwin rigola de nouveau face à l'air farouche de son meilleur ami.

— Enfin bref, dans tous les cas il nous faut des geishas, repris Hanji. Sans vouloir t'embêter heichou, Dennis a bien précisé qu'elles sont les pièces centrales d'une réception raffinée.

Son mari hocha positivement de la tête.

— Je suis d'accord, ça me semble obligatoire, fit-il avant de se tourner vers le petit brun. Ne convie pas cette Uzume si tu ne le désire pas, mais il nous faudra embaucher d'autres de ses camarades dans tous les cas.

Lorsque Motome lui avait donné le billet, Uzume n'en avait pas cru ses yeux. La colère qu'elle avait alors ressenti quelques jours plus tôt s'était mise à fouetter de nouveau son sang face au comportement toujours plus incompréhensible de cet étranger. Ackerman, après l'avoir ignoré, conviait désormais sa présence pour une réception et lui demandait, en prime, de venir avec une de ces compagnes.
Le choix de la jeune geisha s'était tout naturellement portée sur Sasha qui, définitivement, n'avait jamais réussi à se faire à son nouveau prénom ; et ses clients s'étaient alors prit au jeu de continuer à l'appeler ainsi plutôt qu'Ukemochi.

À contre-coeur, Uzume avait alors revêtit un kimono blanc sur lequel étaient brodés des pétales d'asagao violette et bleu, comme pour symboliser la venu de l'été et bientôt la fin de la saison des pluies.

— Psss.

Sasha fit discrètement siffler sa langue entre ses dents pour attirer l'attention de sa compagne. Toutes les deux étaient arrivées à la demeure d'Ackerman et s'étaient mêlés à la foule. Mais quelques chose émanait du corps d'Uzume ; une sorte d'aura dont les vibrations étaient anxiogènes au point où aucun des convives n'osaient approcher ni elle, ni la geisha à ses côtés.

— Essaie de sourire un peu, là tu fais vachement peur... lui suggéra la gloutonne d'une voix légèrement fébrile.

Son amie avait l'air terrifiante comme cela.

Uzume, surprise, lui lança un regard interrogatif. Perdue dans ses pensées qui trucidaient son protecteur, elle ne s'était pas rendue compte qu'elle avait oublié de revenir son masque d'impossibilité. Mais le flegme de ce nain -comme son exaspération avait commencé à l'appeler- avait le ton de la mettre hors d'elle. Lorsqu'elles étaient arrivées, il n'avait même pas eu la courtoisie de les accueillir. C'était son amie au cheveux auburn qui s'en était chargé et qui les avait propulsé au milieu des convives sans aucune autre explication. Uzume n'avait même pas encore aperçu son danna, et elle avait la désagréable impression que si elle le voyait tout de suite, sa colère ne ferait que redoubler d'intensité.

— Tiens, goutte chette nourriture, elle est exchellente, continua Sasha, la bouche pleine.

Pour l'occasion, le trio d'américains avait décidé de mêler à la fois leur cuisine et celle de leur pays d'accueil.

— Je chais pas che que ch'est, mais cha donne envie d'aller chez eux.

Après lui avoir lancé un regard perplexe, la tête de la gloutonne fit se retrousser les lèvres d'Uzume.

Outre son caractère ambivalent, la jeune geisha était obligée d'admettre que la réception était des plus raffinées. Son danna s'était plié avec succès aux codes japonais tout en se permettant quelques frivolités avec ces mets américains au goût, il fallait le reconnaître, excellent bien que diamétralement opposés à la cuisine nippone. Et ce n'était pas Sasha qui allait démentir ces propos. La gloutonne dévorait littéralement les plats devant elle, oubliant toute bienséance.

— Il faut que j'aille voir le chef, s'écria la jeune femme. Je veux connaître le nom de ch'est plats !

— D'accord, mais reviens vite. Ça va bientôt être à nous.

Sasha acquiesça d'un bref signe de tête avant de se ruer en direction des cuisines.

Je vais aller faire un tour dehors, se dit Uzume.

Elle se releva dans un mouvement lent et délicat, à la fois dû à son kimono serré et à son éducation.

Le jardin, bien que modeste, était agréable à visiter. Sa dissymétrie se voyait sublimée par des branches de bambous et diverses sophoras en pleine floraison, ainsi qu'un ruisseau dont les galets tout autour invitaient le contemplateur à le suivre. C'est tout naturellement qu'Uzume décida de longer le cours d'eau. Ce dernier l'emmena jusqu'à l'ombre d'un saule, dont les longues lianes tombantes gardaient secrètes l'existence d'un banc en bois qui dormait au côté d'une petite sculpture de pierre. Surprise, la geisha décida de s'assoir quelques minutes à l'ombre de l'arbre. L'air frais qui balayait les branches rafraîchissait agréablement la peau de son visage qui se trouvait écrasée sous le poids du maquillage fait de poudre de riz et d'huile de camomille.

— Ah-

Une voix grave la fit sursauter. En levant les yeux, elle aperçu alors son danna qui avait l'air tout aussi surpris et gêné qu'elle de tomber l'un sur l'autre.

— Tu es là...

Comme si le banc s'était subitement mis à la piquer, elle se releva d'un bon.

— Excusez-moi, s'exclama rapidement Uzume. Je vous laisse la place.

Mais alors que la geisha s'exécutait, une autre voix retentit :

— Livaï, t'es passé où-

Au même moment, la tête de l'américaine au cheveux auburn apparue. En voyant les deux bruns ensemble, un immense sourire espiègle illumina son visage.

— Oh, je dérange, peut-être ? demanda-t-elle sur un ton moqueur à peine voilé.

— Tch.

L'homme fit rapidement claquer sa langue tentant désespérément de masquer son embarra. Il avait simplement voulu fuir le ramdam de cette réception dont il se serait bien passé, mais voilà qu'il était tombé sur cette gamine de merde qui le mettait une fois de plus dans l'embarras.
Lorsqu'il l'avait aperçu à son retour au Japon, devoir expliquer son action grotesque avait été bien compliqué. Il lui avait notamment fallut passer par de multiples moqueries de la part de Hanji, dont il en faisait d'ailleurs encore les frais.

— Arrête de te faire des idées, bigleuse à la con, je venais juste la chercher pour sa représentation.

En écoutant ses mots, Uzume s'éclipsa d'un pas rapide vers l'ima.

Mince, je n'ai pas vu le temps passer, pensa-t-elle.

C'est alors que les mots de Hoshiko lui revinrent en mémoire alors qu'elles n'étaient encore qu'une toute jeune maiko :

"N'oublie pas : les clients sont rois, tu ne dois jamais les faire attendre."

La geisha pressa son allure. En arrivant, elle fut rassurée de voir qu'aucun invité ne semblait agacé par une attente quelconque.

— Ah, tu es là, s'exclama-t-elle d'une voix soulagée quand elle aperçu sa compagne.

Mais cette dernière semblait en proie à un profond désarrois.

— Je veux aller en Amérique, lâcha-t-elle.

Puis Sasha reprit subitement ses esprits avant de sauter au coup de son amie.

— Il faut que j'aille en Amérique pour la nourriture, continua-t-elle de son ton énergique. Et pour ça, il faut au plus vite que je passe Jimae !

.~.🌸.~.

Troisième chapitre terminé !

Alors ? 🤗

Hâte de vous retrouver vendredi,

Prenez soin de vous d'ici là, le vent commence à se lever et le froid arrive 🥶

~Crunch

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