𝐈𝐈𝐈 - 𝐓𝐀𝐘𝐒𝐒𝐈𝐑

« Gamberro »

Troisième chapitre:

---------------------------------

Tayssir:

Arrête mon gars tu fais de la peine tenu comme ça à te fixer dans le miroir.

Cette maudite voix dans ma tête qui dit ce qu'elle veut lorsqu'elle le veut. Ça devient plus qu'agaçant.

Elle ne mérite même pas que tu te tortures autant l'esprit pour elle, elle t'a trahi.

Je soupire d'agacement et je quitte mon reflet du regard pour baisser ma tête et le diriger sur le lave-mains. Cette voix ne la fermera jamais.

Je me rince le visage une énième fois avant de quitter la salle de bain. Je vais me vêtir et une fois les dernières gouttes de parfum pulvérisées sur moi, je quitte ma chambre afin d'aller rejoindre celle de ma princesse.

Kacie a emménagé sa chambre en connaissance de cause puisque lorsque Malya est arrivée, elle a pratiquement bondi de joie.

Elle était installée devant sa mini coiffeuse et se brossait les cheveux. Ses longs cheveux frisés, elle me regarde à travers le miroir et me sourit.

Elle ressemble tellement à sa mère.

Avant, j'avoue que cette ressemblance m'aurait agacé mais là, elle me fait penser à tout ce qui reste de pur en moi.

Je vais m'installer dans le lit juste derrière elle.

— Tu as besoin d'aide princesse? Lui demandé-je.

— Tu sais comment t'y prendre papa? C'est Gwen qui le faisait d'habitude et elle y met un soin particulier. Elle disait que mes cheveux étaient tellement spéciaux.

J'ai cru lire dans ses yeux, un éclair de tristesse mais elle s'est vite ressaisis et me sourit. Où est-ce qu'elle a appris à faire ça?

— Oui ils sont tellement spéciaux. Je jette un coup d'oeil à ma montre. J'ai besoin de te parler mais on discutera en chemin pour le moment tu dois prendre ton petit déjeuner. Papa te dépose à l'école aujourd'hui.

Elle sourit de nouveau et se reconcentre sur son miroir. Cinq ans sans elle, c'est ça le véritable enfer.

Je quitte sa chambre et je vais dans la salle à manger, j'en profite pour passer un coup d'oeil circulaire aux lieux et je n'ai pas manqué de remarquer l'état luxueux des choses.

Maintenant que je suis censé tout rebâtir à zéro dans quoi est-ce que je vais me lancer cette fois?

Je me retrouve de nouveau à la case de départ. Ma fille avec moi, seul et sans aucune présence féminine, pas de boulot.

On dirait que ma vie est une vieille disquette rayée qui tourne en boucle. Encore et encore.

Malya et moi terminons notre petit déjeuner et elle m'aide à ranger la vaisselle sale dans le lave-vaisselle. C'est à ce moment que je me rends compte de l'effet que Gwen a fini par avoir sur cette petite.

Elle fait beaucoup attention à elle, je n'ai pas manqué de remarquer ses petites manières.

Gwenhael a su comment prendre soin d'elle durant mon absence.

Je soupire d'agacement dû au simple fait d'évoquer son nom et son image dans mon esprit. Je ne veux plus penser à elle, je ne veux plus ressentir ce petit pincement au coeur chaque fois que son visage s'installe dans ma tête chaque fois que je ferme les yeux.

Il n'y a pas une nuit en prison où je n'ai pas rêvé d'elle. Et maintenant je souhaite la faire disparaitre de mon esprit plus que toute autre chose.

Elle m'a trahi.

Malya et moi nous nous installons dans ma vieille voiture et j'attends patiemment qu'elle enfile sa ceinture avant de démarrer. Dès que les moyens seront mis à ma disposition je ferais ce qui est possible pour en avoir une nouvelle, plus belle que celle de Caelan.

— Alors princesse, qu'est-ce qui s'est passé en mon absence?

Du coin de l'oeil je l'aperçois tourner sa tête vers moi puis la détourner. Elle reste silencieuse pendant un bref moment avant de me répondre.

— Bien.

— Tu n'as pas besoin de me mentir Malya, je sais que ces dernières années ça a été difficile pour toi mais je suis là maintenant et je ne partirais plus. D'ailleurs pour ton prochain anniversaire papa va t'organiser une fête digne de toi, tu pourras inviter qui tu veux.

— C'est vrai? L'entends-je demander avec enthousiasme.

Je hoche la tête positivement en souriant, le regard toujours rivé sur la route.

— Papa veut se rattraper et rattraper tout ce qu'il a manqué, tout le temps qu'il n'a pas pu passer avec toi.

— Je suis tellement contente que tu sois de nouveau avec nous. Maintenant on pourra vivre comme avant avec Gwen et Jaylan.

Mon sourire disparait laissant place à une expression d'amertume. Comment lui dire que c'est à nouveau Malya et Tayssir contre le reste du monde? Il n'y a plus de famille et il n'y en aurait peut-être jamais. Je n'y crois plus.

— Papa?

Je tourne la tête vers elle pendant un bref instant et je me reconcentre sur la route.

— Écoute princesse...

— Tu vas me dire la même chose que Gwen me répétait tout le temps. Entre toi et elle c'est plus pareil parce que vous avez des problèmes. Vous n'avez même pas essayé de les résoudre et vous ne faites rien d'autre que bouder chacun de votre côté.

Je souris légèrement.

— Ce n'est pas comme ça que ça marche.

— Comment est-ce que vous le saurez si vous n'essayez même pas?

Je lui jette à nouveau un coup d'oeil et elle avait les bras croisés contre elle.

Je doute qu'une simple conversation m'aidera à comprendre pourquoi Gwenhael a préféré me rayer de sa vie d'un coup sans même me prévenir et y emmener un autre.

— Je pourrais au moins continuer à voir Jaylan? Je l'aime bien, c'est mon petit frère.

— Ton petit frère? C'est qui ce Jaylan au juste?

— Mon petit frère. Il y a eu un moment où Gwen avait un gros ventre et elle me répétait tout le temps qu'à l'intérieur il y avait mon petit frère ou ma petite soeur. En vrai je voulais avoir une petite soeur mais un petit frère c'est pas mal aussi. Quand Jaylan nous a rejoint Gwen et moi on était tellement heureuses. Tu sais c'est moi qui l'avais aidé à trouver le prénom.

J'écoutais son histoire d'une seule oreille.

Ce petit garçon que j'ai vu dans les bras de Gwenhael hier.

Ce petit garçon qui l'a appelé « maman ».

Ce petit garçon c'est son fils...

Elle a eu un enfant. Avec quelqu'un qui n'était pas moi. Et elle osait me parler de famille en me regardant dans les yeux.

En te fixant de son beau regard tu veux dire.

La pression que j'exerçais sur le volant se resserre un petit peu.

— D'ailleurs papa c'est fou mais on dirait que Jaylan te ressemble un peu.

Je fronce directement les sourcils suite à sa phrase et je lui jette à nouveau un coup d'oeil.

— Qu'est-ce que tu racontes Malya, ce petit ne peut pas me ressembler. Tout ça c'est le fruit de ton imagination. C'est parce que je te manquais que tu as eu l'impression qu'il me ressemblait. Rien de plus. Maintenant oublie ça et tâche de te concentrer à l'école.

Elle se contente de hausser les épaules et se concentre sur le paysage à travers la vitre.

Mais on dirait que Jaylan te ressemble un peu...

Elle ne doit pas avoir inventé ça, la petite.

Je secoue la tête négativement. Ce n'est qu'une enfant elle ne sait pas ce qu'elle dit.

[•••]

— J'y crois pas! Tayssir!

Elle quitte son emplacement pour se diriger vers moi en courant malgré ses talons aiguilles et elle finit par se jeter dans mes bras de tout son poids. Heureusement que je suis solide.

— Tu m'as tellement manqué.

— Ça fait juste une semaine qu'on ne s'est pas vu Assia, tu exagères là.

Elle se sépare de moi sans pour autant trop s'éloigner et me fixe.

— Une semaine c'est beaucoup et c'est différent de te voir ici devant moi en liberté plutôt que dans une salle de visite malodorante.

— Merci encore pour tous ces repas.

Durant toutes ces années en prison les deux seules femmes qui ont eu la présence d'esprit de venir me rendre visite sont Kacie et Assia. L'une et l'autre aimaient bien m'apporter des repas et celle qui le faisait le plus c'était Assia surtout durant la période du deuil de ma mère.

Kacie n'était pas moralement en état de faire un tel déplacement et j'aurais bien aimé être à ses côtés durant cette période difficile.

— Ce n'est rien mais j'ai bien failli risquer mon mariage pour ta petite gueule. Mon mari croyait que mon amant faisait de la prison et que lorsqu'il sortirait, il le tuerait et prendrait sa place.

Je rigole légèrement et je passe un coup d'oeil à l'environnement.

La décoration a été refaite ici dis donc.

— Qui s'est chargé de cette déco horrible? Demandé-je en posant de nouveau mon regard sur elle.

— Tu as vraiment que j'apporte une réponse à ta question? Questionne-t-elle en haussant un sourcil.

Je lui tapote l'épaule et je me dirige vers l'ascenseur en enfonçant ma main gauche dans sa poche respective. Elle me suit de près et on dirait qu'à ce moment-là le bruit de ses talons était le seul bruit environnant.

Puisque tous les regards étaient braqués sur moi sans aucune gêne et même les chuchotements qui devraient s'en suivre ne se faisaient pas entendre.

En réalité je ne sais pas si j'aime cette situation ou si je préfère que les gens chuchotent, disent quelque chose...

En vrai...

Ça ne me dit rien, je l'ai dit : la vie redevient celle qu'elle était lorsque le père de Ayoub m'a mis à la porte. Un tourbillon de ténèbres rythmé par un semblant de lumière.

Personne ne sait réellement pourquoi est-ce que je suis allé en prison. Ils savent juste que j'y étais, c'est tout. Ils ont dû rajouter ça sur la longue liste des mystères de la famille Miller. Cette pensée me fait sourire sombrement.

Nous entrons dans l'ascenseur et il entame doucement son chemin vers le dernier étage. Durant ce court trajet, le silence n'a pas été interrompu une seule fois et le même scénario qu'au rez-de-chaussée s'est répété à mon arrivé.

C'est drôle, on dirait que le temps cesse de passer et qu'on est figé dans une espèce de bulle où il n'y a que nous qui avons la possibilité de bouger.

— Je ne t'ai même pas demandé, il est à son bureau? Demandé-je à l'intention de Assia.

— Oui il y est, bizarrement depuis qu'il est revenu il s'applique beaucoup au travail. C'est assez effrayant je dirais.

Ayoub s'appliquer au travail...c'est vraiment effrayant.

Instinctivement en passant devant ce qui était le bureau de Gwenhael, j'y ai jeté un petit coup d'oeil et j'ai constaté qu'il était occupé par d'autres personnes. Ce qui m'a tout de suite ramené à la réalité. Qu'est-ce que je croyais?

Une fois devant le bureau du PDG, Assia et moi nous nous arrêtons et elle se tourne vers moi.

— Je crois que je vais vous laisser discuter entre frères, vous en avez certainement besoin.

Je lui jette un regard oblique. J'espère qu'elle sait que j'espère que c'est de l'ironie.

— Pourquoi tu m'as donc suivie jusqu'ici ?

— Eh bien pour me faire voir qu'est-ce que tu crois? Dit-elle en balançant sa chevelure en arrière.

Elle s'en va après ça laissant planer dans l'air son parfum avec une senteur de roses musquées.

Je finis par ouvrir la porte sans toquer, comme à mon habitude, et je fais irruption dans la pièce.

Même ici la déco a changé et je dois avouer que c'est le seul endroit qui a été bien décoré de toute l'entreprise.

Ayoub était installé dans un fauteuil derrière sa grande table de bureau en verre. A mon arrivée, il a légèrement levé les yeux vers moi avant de lâcher ce qu'il tenait dans ses mains et sourire.

— Mon très cher petit frère.

Il se redresse après cette phrase et j'ai pu observer à quel point il avait changé.

Il me semble bizarrement moins con qu'avant et plus soigné. Plus posé aussi. Ce n'est plus le même Ayoub avec qui j'aimais me battre lorsque la première occasion se présentait.

Il fait le tour de sa table afin de se rapprocher de moi.

— Que me vaut l'honneur de ta visite?

Il était à présent face à moi et le sourire qu'il arborait m'a presque fait froid dans le dos. Ayoub ne m'a jamais souri. Même lorsque nous étions gamin je n'avais pas le droit à ce « privilège ».

Il y a un truc qui cloche chez lui.

— Tu n'as pas besoin de faire semblant tu sais? Nous sommes seuls. Dis-je doucement.

Il rigole et enfonce ses deux mains dans ses poches.

— Je n'ai pas besoin de faire semblant, tu sais que même en public j'aurais été prêt à déclencher une bagarre. Dit-il en haussant les épaules.

Je hausse un sourcil.

— C'est quoi l'embrouille?

— Il n'y en a pas, baisse un peu la garde Tayssir...j'ai appris par hasard que tu sortais de prison hier. Je savais que tu passerais par ici. Il se dirige vers une table en verre disposée au coin de la pièce. Du whisky?

— Ne crois pas que je suis venu te supplier de me donner du travail. Je venais juste...

— Observer l'état des choses et voir si je n'ai pas encore fait faillite? Ça aussi je le savais, je savais que c'était la raison pour laquelle tu venais.

Il remplit deux verres de cette liqueur alcoolisée avant de les prendre. Il devient vraiment flippant là...

— Ayoub arrête ton cinéma et dis-moi ce que tu veux.

Il se rapproche à nouveau de moi et me tend un verre de whisky.

— Que nous fassions la paix et qu'on reparte sur de nouvelles bases Kacie, toi et moi. Mais surtout toi et moi.

Je le fixe pendant un bon moment et j'hésite entre rire et...décider de le croire.

Ayoub a mystérieusement disparu peu de temps après la mort de Neïma. Et selon les informations de Caelan et Yoram il serait réapparu quelques temps après mon incarcération et s'est directement remis à la tête de l'entreprise.

Les gars avaient mentionné qu'il y avait quelque chose de différent en lui...

Mais lorsqu'ils parlaient de quelque chose de différent, je ne m'attendais pas à tout ça là...

A suivre...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top