𝐈 - 𝐓𝐀𝐘𝐒𝐒𝐈𝐑
« Gamberro »
Premier chapitre
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Tayssir:
— Frérot...
Je soupire doucement d'agacement tandis que je l'entends m'appeler. Jusqu'ici il avait déjà parfaitement réussi à rester tranquille pendant plus de trente minutes. C'est déjà un bel exploit.
— Ice! Tu es là?
Je ne réponds pas et garde les yeux fermés souhaitant intérieurement qu'il croit que je dors et qu'il me laisse tranquille.
Néanmoins j'ai l'impression que mon souhait ne sera pas réalisé puisque je sens le lit superposé bouger sous ses mouvements saccadés et bientôt je sens sa respiration pile devant mon visage.
Qu'est-ce qu'il ne faut pas endurer?
— Ice, tu dors?
J'ouvre les yeux de moitié et pose mon regard sur lui pendant un bref instant avant de refermer les yeux.
— Tu fais exprès de m'ignorer? Allez, pousse-toi, fais-moi de la place.
J'ouvre les yeux pour de bon cette fois-ci, les sourcils froncés.
— Non, reste là où tu es Lissandre. Préviens-je.
Le connaissant, agité comme il l'est, il risque nous faire tomber tous les deux de ce lit en moins de temps qu'il n'en faut pour provoquer une bagarre dans la cour de la prison.
— Pousse-toi je t'ai dit.
Il n'attend même pas que je le fasse pour se faufiler dans mon lit avec l'agilité d'un singe. Je profite de cette succession de mouvements pour me glisser hors du lit et d'aller m'installer sur le lit d'en dessous.
Il est fou celui-là et si je le laisse faire on risque vraiment finir à même le sol, les dents cassées.
Finalement il finit par me rejoindre après avoir rigolé et s'installe doucement à mes côtés.
— Tu es calme depuis que tu es revenu du bureau de Banks, qu'est-ce qu'il y a? Il t'a demandé de t'infiltrer dans le gang de shark? Me demande-t-il d'un air blagueur.
Je pose mon regard sur lui pendant un bref instant avant de ramener mon regard sur un point imaginaire et secouer la tête lentement.
— Je vais sortir d'ici. Lancé-je doucement.
— Mais c'est une bonne nouvelle ça, Ice! Je suis trop content pour toi frérot. Dit-il en me donnant une tape amicale à l'épaule.
Devant mon manque d'enthousiasme il cesse tout mouvement et me fixe.
— Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que cette nouvelle ne te ravie pas comme elle devrait normalement le faire? C'est ce dont tu as rêvé depuis qu'on se connait Tayssir qu'est-ce qui a changé?
Lissandre est arrivé en prison exactement un mois après moi. Vu que mon co-détenu de départ a été transféré dans une nouvelle prison, j'ai dû partager ma cellule avec lui. Au départ, j'avoue que je ne cherchais aucune affinité mais avec Lissandre ça a été différent. Il me rappelait tellement Yoram.
Et puis je me suis rendu compte que nous avions plus en commun que je n'aurais pu imaginer. Il a été forgé par la rue et pour la rue, tout comme moi. Après, quand tu te retrouves seul face au reste du monde, tu es obligé de t'y faire.
— C'est assez étonnant qu'on me fasse sortir d'ici aussi vite, au procès j'en avais pris au moins pour vingt ans. Je dois t'avouer que j'avais perdu tout espoir de quitter cet endroit un jour. Finis-je par avouer.
— Tu vois c'est ça ton problème Tayssir, tu réfléchis trop. On t'offre une sucette et toi tu es là à te demander pourquoi cette sucette a été créée. Prends-la d'abord avant de te questionner!
Je lui lance un regard plein d'exaspération avant de secouer la tête de gauche à droite.
— On s'en fout de qui a bien pu payer ta caution ou payer pour que tu sortes d'ici. L'essentiel c'est que tu goûtes de nouveau à la liberté. Il marque une courte pause. Là, dehors, tu as une femme qui t'attend et une fille, tu dois de réjouir Ice.
Je déteste qu'il m'appelle Ice. Il le sait. C'est pour ça que chaque fois qu'il prononce ce surnom il le fait avec une pointe de provocation.
Mais cette fois-ci, la provocation je ne l'ai pas sentie. Il y avait de l'amertume dans sa voix.
D'après ce qu'il m'a dit, là dehors il n'y a personne qui l'attend. Il faisait parti d'un groupe de braqueurs et après un braquage qui a mal tourné, il est le seul à s'être fait arrêter. Depuis lors, sa chute était inévitable, et ce qui est sûr, personne n'allait le faire sortir de là.
— Eh arrête. Dis-je en lui tapotant l'épaule. A t'entendre on dirait que tu n'as vraiment personne sur qui compter, c'est offensant Lissandre, tu m'offenses.
Il me sourit tandis que je lui donne une tape amicale.
— A ta sortie, je serais là dehors à t'attendre tu peux compter sur moi. Passe-moi ton carnet des ombres ou je sais pas comment tu appelles ça.
Il rigole et se penche légèrement pour se saisir de son carnet qui se trouvait sous son oreiller. Depuis qu'il est arrivé ici, il griffonne je ne sais quoi à l'intérieur. J'ai fini par croire qu'il y insérait des moyens pour mettre feu à la prison et tous nous tuer.
Je me saisis de celui-ci et à l'aide d'un stylo je note le numéro que j'avais avant mon arrivée ici.
— Tu m'appelles dès ta sortie et si jamais j'apprends que tu ne l'as pas je te traquerai.
Il rigole à nouveau et finit par se calmer.
— Merci beaucoup Ice, vraiment. Je me demandais bien où est-ce que j'aurais pu aller vivre à ma sortie d'ici.
— Tu seras le bienvenue chez moi frérot à toute heure.
Ma première bonne action en tant que futur ex-détenu, on dirait.
[•••]
— Signe ici...et là, et puis...tu signeras encore ce document-là.
Je soupire d'agacement et je dépose le stylo.
— J'en ai marre pourquoi est-ce que je dois signer autant de documents? On ne peut pas juste me mettre dehors? Dis-je, agacé.
— J'en connais un qui est impatient de retrouver sa chérie. Me taquine Donovan, un sourire en coin.
Il dépose une autre pile de papiers devant moi et m'indique l'espace où je dois apposer ma signature.
— Crois-moi si tu avais été à ma place tu n'aurais même pas tenu dix jours dans cette prison pourrie loin de ta liberté et de tous ceux qui te sont chers. Dis-je, occupé à signer.
— Tu m'étonnes que je ne m'en serais pas sorti, ce n'est pas tout le monde qui est capable de déclencher une bagarre générale au sein d'un établissement aussi bien protégé.
Je rigole doucement en me remémorant ce fameux jour. Le jour où j'ai déclenché une bagarre générale. Les lois de la prison sont très connues de tous. Même de ceux qui n'aspirent pas à une vie de criminel.
Soit tu manges, soit tu te fais manger.
Dans mon cas, je ne suis ni de l'un ni de l'autre. Je suis juste ce mec là qu'il faut éviter de chercher, à qui il faut éviter de chercher des noises. Et depuis ce jour, les gars l'ont compris.
Il a suffit que l'un d'eux insulte ma mère pour que les choses dérapent.
En ces temps-là, elle venait de mourir. La blessure était encore beaucou trop fraîche et rougeoyante pour que je laisse cette insulte passer. Quand je repensais au fait qu'elle est morte sans que je n'ai pu lui dire à quel point j'aurais aimé qu'on reprenne tout à zéro. A quel point j'aurais aimé qu'elle soit heureuse et qu'elle n'ait jamais eu quelqu'un comme le père de Ayoub dans sa vie.
— C'était un jour vraiment mémorable. Dis-je en lui rendant les papiers signés.
— Tu vas vraiment nous manquer ici Miller.
Je me lève et il fait de même. Il me rend toutes mes affaires, tandis que je les range dans mon sac.
— Tu sais qu'on peut s'organiser une jolie petite rencontre là dehors? Tu as mon contact Donovan, c'est quand tu veux.
— Je n'y manquerais pas.
Il me sourit et on finit par se faire une accolade.
Suite à ça, il me guide vers les multiples murs qui nous séparent de l'extérieur. Du monde réel. Oui, parce qu'ici à l'intérieur j'avais l'impression d'être immergé dans un univers parallèle.
Après avoir franchi les multiples obstacles qui me semblaient être sans fin, je finis par me retrouver de l'autre côté.
Je suis prêt à mettre ma main à couper que l'air qui passe ici n'est pas la même qui passe à l'intérieur. Le ciel est si...bleu, le soleil est si...éclatant.
A l'intérieur j'avais l'impression que le ciel était gris en permanence, que jamais le soleil ne brillerait comme avant.
J'étais là, debout, tenu sur place à fixer le ciel, les nuages qui semblaient former le mot "liberté".
Je me sens nouveau. Peut-être avec des intentions moins mauvaises qu'à mon arrivée ici.
J'étais ainsi perdu dans mes pensées lorsqu'une main se posant sur mon épaule m'a brusquement ramenée à la réalité.
Je baisse la tête vers le propriétaire de cette main et il s'agissait de Caelan.
— J'ai presque cru que tu étais devenu fou, qu'est-ce que tu as à fixer le ciel comme ça? Demande-t-il en arquant un sourcil.
Je lui souris et nous nous faisons une accolade.
— Content de te voir aussi Caelan. Tu m'as beaucoup manqué tu sais?
Il s'éloigne de moi.
— Tu commences vraiment à me faire peur là, j'aurais préféré que tu me traites comme Yoram traite les escargots. Recule.
Je rigole légèrement et le suis jusque dans sa voiture. Je mets mon sac sur la banquette arrière avant de m'installer sur le siège passager avant.
Je fais craquer mon dos avant d'enfiler ma ceinture de sécurité.
— Eh cool ta voiture, tu l'as acheté quand? Demandé-je en balayant l'habitacle du regard.
— Il y a à peine cinq mois. C'est mon nouveau bébé, elle s'appelle Coco.
— Sérieusement? On dirait un gosse excité par un jouet. Trouve-toi une vraie femme, idiot. Ton âge avance ne crois pas que tu vas rester jeune et beau éternellement. Quand les filles te fuiront ne viens pas me dire que je ne t'avais pas prévenu.
Il rigole à nouveau avant de démarrer.
— Là je reconnais bien le Tayssir que j'ai connu.
Je rigole à mon tour avant de jeter un coup d'œil à mon reflet. J'ai une tête horrible. Je reste toujours aussi beau. Mais j'ai une tête à faire peur.
Cette barbe désordonnée et mon air vieilli. On dirait que j'ai quarante ans. Ça se voit que je viens de sortir de prison.
— A mon avis tu devrais aller te faire toiletter avant d'aller voir Malya. Tu risques l'effrayer avec cette tête. Dit Caelan en me jetant un coup d'œil.
— J'ai la tête d'un chien selon toi?
Il rigole avant de hausser les épaules.
— Je n'ai rien dit de tel.
— Dis-moi, vous m'avez organisé une sorte de fête surprise? Tu sais, bon retour parmi nous Tayssir, nous sommes ravi que tu nous fasses l'honneur de faire parti de nos vies à nouveau.
— Non, qu'est-ce que tu crois? Estime-toi chanceux que je sois venu te chercher avec ma nouvelle voiture. J'aurais pu venir avec Bénédicte.
— C'est qui Bénédicte?
— Mon ancienne voiture, ce vieux tas de fer rouillé.
Je lui lance un regard amusé. Cette voiture quand il venait de l'acheter il l'appelait Star. Maintenant qu'elle n'est plus à la mode comme il aimait si bien le dire, il la traite de vieux tas de fer rouillé.
Je roule des yeux mais je ne réponds rien.
On finit par se garer devant un bel immeuble luxueux une vingtaine de minutes plus tard. Kacie n'a pas fait les choses à moitié dis donc, depuis qu'elle a une boutique de vêtements en plus de son salon de beauté, l'argent n'est plus un problème pour elle apparemment.
Je descends de la voiture en emportant mon sac avec moi. Et puisque c'est Caelan qui connaissait parfaitement le chemin, je le suis sans hésitation.
Je détaillais le lieu du regard et je dois avouer que tout ce luxe, cet environnement en général m'a manqué. Ça fait du bien de se retrouver là où on doit normalement être.
On emprunte l'ascenseur et je prends le temps de me mirer dans les parois métalliques réfléchissantes de celui-ci. J'ai besoin d'une bonne douche, d'un repas bien copieux, d'un bon massage et d'un sommeil très réparateur.
— Caelan.
— Oui?
Je pose mon regard sur lui.
— Tu n'as pas mentionné Gwen durant tout le trajet et la plupart du temps lorsque tu venais me voir en prison, tu évitais le sujet. Elle est là?
Je ne sais pas ce qui m'a poussé à parler d'elle maintenant mais il faut avouer qu'une part de moi voulait la voir là, à mon appartement en train de m'attendre impatiemment avec Malya à ses côtés.
Je le vois se crisper pendant de brèves secondes et il sort son téléphone de sa poche pour se concentrer sur celui-ci.
— Elle n'est pas là...elle va arriver probablement après nous.
Je choisis de ne rien dire de plus et me concentrer sur autre chose. Il me cache quelque chose ça c'est sûr.
Les portes de l'ascenseur finissent par s'ouvrir à notre étage. Et encore une fois, je le suis de près. Il s'arrête devant la porte tout au fond et appuie sur la sonnette.
Au bout de quelques secondes la porte s'ouvre, laissant apparaître une jeune femme métisse, à l'épaisse chevelure bouclée d'un blond assez foncé. Elle embrasse la joue de Caelan avant de poser son regard sur moi.
J'ai le sentiment d'avoir loupé plein d'épisodes là...
— Vous en avez mis du temps, j'ai presque cru que quelqu'un avait fait une rayure sur Coco et que tu avais décidé de te battre. Dit-elle d'une voix douce.
Mon ami rigole doucement avant de poser son regard sur moi à son tour. Je ne l'ai jamais entendu rire comme ça.
— Sania je te présente Tayssir, mon ami dont je t'ai parlé et Tayssir voici Sania, ma...fiancée.
J'ai presque failli m'étouffer avec mon propre souffle. Caelan en couple?
Fiancé?
Mémorable.
— J'ai vraiment été absent longtemps on dirait. Enchanté, Sania.
— Enchantée. Dit-elle en me souriant.
On se serre promptement la main avant qu'elle ne nous cède le passage. En tout cas, mon ami Caelan a de bons goûts.
L'appartement ne déroge pas à la règle du luxe qui règne dans tout l'immeuble. Les couleurs dominantes sont le blanc, l'or et le noir. Kacie a vraiment respecté ma demande.
Cet appartement est beaucoup plus grand et beaucoup plus chic que l'ancien. Si je veux prendre un nouveau départ, il faut que je reparte à zéro sur tous les points.
Avant que je n'aie le temps de jeter un coup d'œil aux différents tableaux présents dans la salle de séjour, je sens un poids se jeter sur moi. Un parfum de vanille et de violettes me parvient tout de suite. Et j'ai tout de suite su de qui il s'agissait.
— Connard. Crache-t-elle avec force.
D'accord...
Je vais la laisser se défouler c'est mieux.
— Tu sais très bien que tu es la seule famille qu'il me reste mais tu fais tout pour te faire tuer. Égoïste!
Finalement non, on ne va pas la laisser se défouler.
Je la sépare de moi de force et je pose mon regard sur son visage parfaitement maquillé. Elle ne pleure pas, c'est déjà ça.
— Kacie ne dit pas des choses pareilles. Je suis de retour maintenant et tu sais que je ne partirais que lorsque ta cinquième génération aura donné naissance à la sixième.
Elle ne peut s'empêcher d'esquisser un petit sourire avant de revenir à nouveau dans mes bras.
— Tu m'as manqué Tayssir.
— Toi aussi tu m'as manqué Kacie. Beaucoup plus tes bons repas, mais tu m'as manqué aussi.
Elle se sépare de moi en me donnant une petite tape.
Avant même que je n'aie le temps de rire un autre poids vient se jeter sur moi et j'ai bien manqué de perdre l'équilibre. Heureusement que je suis solide.
— Qu'est-ce que tu fais Yoram dégage de là!
— Tu m'as tellement manqué, j'ai cru que le monde s'ouvrait sous mes pieds chaque fois que je pensais à l'horreur que tu devais vivre là-bas, en prison.
Que quelqu'un m'épargne cet étalage de niaiseries.
Je me redresse d'un coup et puisqu'il ne s'y attendait pas il se retrouve au sol. Je fais de nouveau craquer mon dos et je passe mon regard dans la pièce pour analyser ses occupants.
Mais à ma plus grande déception il n'y avait aucune trace de Malya et de Gwenhael.
— Où sont Malya et Gwenhael? Demandé-je alors que Yoram se remettait sur ses pieds.
Silence radio.
Rien.
Tout le monde se tait.
Qu'est-ce qu'ils ont tout d'un coup? Je pose mon regard sur Yoram qui, comme par hasard, fuyait le mien.
— Vous ne lui avez rien dit? S'exclame subitement Kacie.
— Me dire quoi? Qu'est-ce qu'il y a? Je vais m'énerver, hum?
— Tu ferais bien mieux de t'asseoir...commence Caelan.
— Je...
— Gwenhael est en couple ave quelqu'un d'autre et Malya vit avec elle. Lâche Yoram.
La froideur avec laquelle il l'avait dit m'a tout d'abord fait croire qu'il blaguait et que c'était un prank. Bientôt elles vont sortir caméra à la main et me crier "surprise".
— Quoi? Arrêtez de blaguer, allez où est-ce que vous les avez caché?
Je me mets à parcourir la pièce di regard en riant.
Pourquoi tu ris?
Je sais pas, je ne sais pas pourquoi je ris. C'est vrai, il n'y a rien de drôle dans cette histoire.
Alors arrête de rire, regarde comment ils te fixent tous tu crois qu'ils sont en train de rigoler?
Je cesse tout mouvement et les regarde. Personne ne rit avec moi. Donc c'est réel? C'est la vérité? Elle est en...
— Tayssir, ce n'est pas une blague Gwenhael a vraiment refait sa vie. Dit doucement Kacie.
Elle est en couple.
Avec un autre...
A suivre...
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