𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 8
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Moyennement remis de mes émotions et suivi de près par mon colocataire, nous nous immobilisons brusquement quand une jeune femme déboule dans le grand salon, une bouteille de champagne entre les mains. Son attitude me déplaît avant même qu'elle s'exprime. J'ai bien conscience que mes premières impressions ne sont pas souvent constructives, Taehyung en est d'ailleurs le parfait exemple. Mais je décide de faire fi de mon bon sens en me montrant austère, peu désireux de sympathiser.
- Ce soir on retourne la baraque les gars ! S'écrie alors la nouvelle arrivante.
Qui peut bien être cet étrange personnage ? Et pourquoi fait-elle preuve d'autant d'excitation ? On restera donc sur ma première impression pour cette blondinette déraisonnablement euphorique. J'ajouterai également son prénom à ma liste de personnes à ignorer quand j'en aurais pris connaissance. Le dénommé Jimin s'y étant inscrit la veille, je vais devoir redoubler d'effort pour garder mon calme au cours des deux prochains mois.
- Il est huit heure du matin, détends ton string Lis. Intervient un grand brun en déposant ses bagages dans un coin de la pièce, ce dernier arborant une mine fatiguée.
Serais-ce le reste de la petite bande dont me parlait Jennie ? Si le jeune homme paraît plutôt sage, la dénommée Lis quant à elle promet une ambiance qui ne me ravie guère. J'espère un instant que l'ami de la jeune femme soit en capacité de canaliser cette dernière, en vain. Cette dernière ignore superbement son ami en déclarant à l'adresse de Taehyung, celui-ci installé sur l'un des sofas disposés dans la pièce :
- Hello L'amerloque, t'es le seul à nous accueillir ? Jennie m'a promis des beaux mecs, dommage que tu viennes briser mes espoirs. Se moque ouvertement la jeune femme aux longues mèches décolorées et je ne peux m'empêcher de m'indigner pour le beau brun. Mais alors que j'envisage d'exprimer mon avis quant à son sens douteux de l'esthétique, elle semble remarquer notre présence et nous détaille avec attention. Pitié, si un dieu existe, faites que ces deux la soient hétéro. Elle déclare sans la moindre gêne et je sens un agacement prononcé me gagner.
Si par un curieux hasard, je venais à éprouver de l'attirance pour la gente féminine, à l'évidence, elle ne serait en aucun cas celle qui me ferait basculer. Tout en affrontant le regard désobligeant de ma vis-à-vis, il me vient à l'esprit que cette personne mérite d'être recadrée. Ainsi, j'abats ma carte maîtresse.
- Celle-là tu peux te la faire, ça me pose aucun problème. Je m'adresse à Seokjin dans un murmure et ce dernier m'offre un large sourire avant de s'avancer dans la pièce, prêt à chasser une nouvelle proie.
Sympathiser avec un coureur de jupons m'octroie certains avantages et ne pas en profiter dans cette situation serait contre productif, n'est-il-pas ? J'observe attentivement la longue silhouette de mon colocataire alors qu'il salue la très certainement surnommée Lis, faisant sa voix plus lascive que d'ordinaire. Je ne peux dissimuler mon soupir de satisfaction en constatant que la jeune femme se laisse prendre au jeu de cet éternel séducteur.
- Fais ce que tu veux de cette info, mais j'aime pas cette fille. Me confie Taehyung en se postant près de moi et je sursaute légèrement, surpris de ne pas l'avoir vu me rejoindre.
- Je suis pas fan non plus. T'en fais pas, je viens de dégainer ma meilleur arme. Je lui réponds en reportant mon attention sur la fine silhouette de la jeune femme.
- Ah oui ? Taehyung semble s'amuser de ma petite réflexion et je lorgne brièvement dans sa direction avant de déclarer avec une évidente conviction :
- Ne jamais sous estimer l'utilité d'un pote hétéro.
- Il avait pas des vues sur Jennie ? Relève justement Taehyung en fronçant les sourcils.
Partant du principe que Seokjin éprouve un besoin conséquent de séduire le sexe opposé au sien, son attitude, bien que frustrante, m'est tout à fait ordinaire.
Toutefois, grimaçant à la simple idée que le beau brun bave continuellement sur mon amie durant les deux prochains mois, je déclare dans un lourd soupir :
- Jennie est une femme et Seokjin est un homme qui aime trop les femmes.
Quelle triste fatalité que je me dois de constater. Si seulement Jennie se montrait réticente...
- Il m'a tout l'air d'aimer au pluriel. Lâche Taehyung d'un ton nonchalant et son commentaire me tire un rire léger. Il a bien cerné le phénomène. C'est pas mon cas. Il ajoute avec plus de sérieux et je peine à déglutir quand je rencontre ses orbes brunes. Avant de t'enfuir, je veux être certain que tu as bien saisi le sous entendu. Ses yeux bruns ne quittent pas les miens alors qu'il me susurre presque ces paroles pour le moins explicites.
Ce brusque changement d'ambiance me fait perdre mes moyens. J'entrouvre les lèvres, trouvant difficilement mes mots. Comment fait-il pour s'exprimer avec si peu de réserve ? Mais alors que je m'apprête à donner sens à sa déclaration en me détournant, je ne lui donne pas l'occasion de rétorquer quand je déclare dans un souffle :
- Ne me brusque pas...
Je m'éloigne d'un pas empressé, m'injuriant de cette réponse que je n'ai pas eu le temps de mûrir, pris au dépourvu. J'aimerais pouvoir réécrire le passé et ne pas commettre la plus grosse erreur de ma vie, mais je suis forcé de constater que j'ai mal agis et que l'histoire ne s'écrit plus qu'au présent.
~
Tous réunis sur la petite plage, j'écoute distraitement les conversations alentours, incapable de détacher mon regard de la longue silhouette de Taehyung, ce dernier longeant la plage, les mains enfoncées dans les poches de son bermuda. J'ai la très sérieuse impression qu'il attend de moi que je le rejoigne, qu'il a bien conscience de mes yeux rivés sur lui. Mais encore une fois, je ne sais comment l'aborder, comment lui partager mon point de vue concernant notre brusque éloignement, quatre ans plus tôt.
- Kook, tu veux pas arrêter de te prendre la tête ? Rejoins-le. Me presse Jennie et c'est presque poussé par mon amie que je me redresse, incertain de parvenir jusqu'au jeune homme sans rebrousser chemin.
Marquant un temps d'arrêt en voyant le beau brun s'asseoir en retrait près des rochers qui bordent la colline, je secoue vivement la tête. J'use d'une bonne dose de courage en parcourant la centaine de mètres qui me sépare du jeune homme et viens finalement m'installer à ses côtés, jouant nerveusement avec le sable fin du bout de mes doigts.
- C'est pas trop tôt. Pouffe doucement Taehyung et je lorgne un instant dans sa direction avant de détourner les yeux, les siens me procurant une dérangeante sensation. Qu'est-ce que tu entends par "ne me brusque pas". Parce que pour être tout à fait honnête, ça ressemble très fortement à une ouverture.
Je clôt longuement mes paupières et inspire profondément la brise marine. Un vent léger vient soulever mes mèches brunes qui retombent éparses sur mon front et je laisse finalement mon regard se perdre sur le sable fin.
J'ai la fâcheuse tendance à perdre mes moyens quand je ne parviens à reprendre le contrôle de mes émotions. Mon existence est semblable à un château de carte, si on en fragilise les fondations, je m'écroule. J'ai cru me protéger en coupant tout contact avec mon ancien correspondant... protéger ma précieuse image qui n'ai plus celle que je renvoie désormais, alors le retrouver dans de telles circonstances...
Certes, je n'ai jamais vraiment oublié ce lien qui nous unissait un peu malgré nous, mais mes actes passés ont entachés cette esquisse de relation que nous partagions. Je suis étonné de le voir agir avec si peu de rancœur. Il s'accroche très certainement aux souvenirs d'un passé révolu. En quatre longue années, il a eu tout le temps de tirer un trait sur mon existence. Je doute fort que ses sentiments soient les mêmes qu'à l'époque où nous communiquions encore. À l'évidence, je vois le verre à moitié vide, ainsi je me déculpabilise au moins un peu.
- Ça fais quatre ans qu'on ne s'est pas parlé. Je ne m'attendais pas à te trouver là. Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Comment tu veux que je réagisse ? Ce n'étais pas dans mes plans, et je... je n'ai aucune envie de devoir faire face à... tu sais... tout ce que j'ai laissé derrière moi...
Je manque de souffle, mais j'ai au moins réussi à vider mon sac. Je me montre honnête, je préfère ne pas me confronter à d'éventuels malentendus. Le passé appartient au passé. Et on courrait à notre perte à vouloir rattraper le temps perdu. Et ce, peut importe l'intensité des sentiments que nous partagions.
Devant le silence appuyé du beau brun à mes côtés, je me permets de l'observer avec attention. Ses orbes brunes rivés sur l'horizon, son expression exprime à elle la seule la déception qui paraît le gagner. Ses doigts Triturant distraitement le sable, il ne confronte pas un instant mon regard et mon cœur se serre. Je me sens terriblement coupable de son état. J'imagine que je me suis montré un peu brutal dans mon discours...
Fébrilement et avec une évidente hésitation, je glisse ma main contre la sienne avant de la retirer brusquement en réalisant mon geste. Qu'est-ce qui me prends ? À quel point suis-je contradictoire ?
Perplexe, Taehyung me dévisage et je ne sais comment justifier mon attitude. Je viens d'agir sans trop réfléchir, ridiculisant la nature de mon intervention.
- C'était quoi ça ? Il m'interroge en lorgnant avec insistance ses longs doigts fins.
Si seulement je pouvais lui offrir une réponse convaincante... Mais je suis bien incapable de lui mentir quand il arbore une telle expression. L'espoir qui baigne ses iris me désarme et je panique à l'idée de lui renvoyer un regard similaire. Je n'ai pas le droit d'espérer quoi que ce soit venant de lui, pas après l'avoir volontairement rayé de ma vie.
- Je sais pas. Je réponds finalement en triturant nerveusement ma lèvre.
Je fuis avec insistance ses yeux sombres, feignant de m'intéresser au paysage alentours. Et alors que je songe fortement à retourner d'où je viens, le contact de sa peau contre la mienne me fait l'effet d'un courant électrique parcourant brusquement mes articulations. Nos doigts entrelacés, mon cœur battant à vive allure, je ne sais plus comment respirer. Je me sens ridicule. Je ne contrôle rien, mon corps agit indépendamment de ma conscience.
- Jungkook... Souffle faiblement Taehyung, sa voix se faisant trop lascive. Je ne recouvrerais pas mes esprits s'il continu de me malmener de cette façon. Dis-moi si j'ai tort de t'attendre. Je me suis peut-être fais des films et si pour toi c'était purement platonique alors...
- De quoi tu parles ? Je marmonne, incapable de réfléchir avec cohérence, sa main sur la mienne anéantissant ma capacité de compréhension.
Platonique ? Nous deux ? Aucune chance... Alors pourquoi je m'efforce de le repousser ?
- De toi et moi. De quoi d'autre je pourrais bien te parler ? Il me questionne, visiblement dépassé par ma réaction.
Il pourrait bien me parer d'un millier de sujet, un seul et même mot revient inlassablement tourmenter mes pensées. Platonique... Non, notre ralation était tout sauf platonique et le plus difficile à reconnaître est qu'il ne plane absolument pas une atmosphère platonique entre nous. Si je peux le sentir alors je suis certain que je ne suis pas le seul.
- Toi et moi... Je répète distraitement, plongé dans un déferlement de sensations inconnues.
Je sens sa main quitter la mienne et mon regard se fixe inconsciemment sur ses doigts désormais enfoncés dans les poches de son short. Triturant nerveusement ma lèvre, j'ose capturer ses yeux bruns et je constate qu'il m'observe, son expression se faisant indéchiffrable. Je reprends alors mes esprits, chassant la nature perturbante de mes songes.
- Je suis ridicule c'est ça ? D'avoir imaginé ce genre de chose à travers de simples mails ? Oublie cette histoire, finalement... Je me trompais sur toute la ligne. Il déclare en détournant le regard et J'ai a peine le temps d'ouvrir les lèvres qu'il se se soustrait à ma vue.
Je me redresse alors avec quelques difficultés encore bousculé par notre étrange conversation et je vois déjà sa silhouette remonter en direction de la villa. Je me sens nauséeux... Je l'ai moi même conduis à cette improbable conclusion... Aux vue de mes agissements, comment ne parvient-il pas à me percer à jour ? Je suis loin de lui être insensible et je pensais être le plus évident des hommes.
C'est triste de réaliser que je suis incapable de le poursuivre pour lui donner tort. De quoi est-ce que j'ai peur au juste ? J'assume qui je suis. Mon erreur... c'est elle que je n'assume pas. Je ne cherche pas à obtenir son pardon pour mes agissements, puisque je suis incapable de m'accorder le mien.
C'est ainsi, avec le désagréable sentiment qu'il m'échappe que je réalise cette triste révélation : je ne le mérite pas...
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