SEIZE

— Je te paye un verre ?

— Tu fais ce que tu veux de ton fric.

Feintant un rire quelque peu gêné, l'homme contourna lentement le corps déjà bien amoché de Taehyung qui regardait ailleurs, comme loin, très loin, plongé dans un univers parallèle. Il regardait son verre presque vide tel un amateur d'art regarde une peinture, glissant ses doigts fins le long du bar en bois vernis. Il pouvait presque sentir l'haleine nauséabonde et déjà bien alcoolisé de l'homme qui avait pris place à ses côtés, essayant d'ignorer la main qu'il venait de se poser sur sa cuisse.

— T'es mignon.

— C'est ce qu'on dit.

Et malgré le brouhaha infernal de ce bar bondé, malgré la foule qui l'entourait, malgré l'homme qui venait de lui parlait, c'est une toute autre voix qu'il entendait : Jungkook. Résonnant dans sa tête comme si le brun se trouvait à ses côtés et malgré tous les verres qu'il enchaînait, rien n'y faisait. Il continuait de penser à lui, à ce qu'ils s'étaient dit, à ce qu'il s'était passé. Secouant brutalement la tête comme s'il voulait chasser la moindre de ses pensées égarées, il leva la main jusqu'à ce qu'un nouveau verre vienne lui faire face.

— Tu t'appelles comment ?

Après être resté jusque-là immobile, la main de l'homme commença alors à s'aviver, caressant lentement la cuisse de Taehyung qui restait muet. Les petits cercles qu'ils imitaient prenaient de plus en plus d'ampleur en mesure que l'homme prenait de l'assurance, voyant que le châtain ne bronchait pas, ne disait rien. Mais à vrai dire Taehyung n'y faisait même pas attention. Il s'était depuis longtemps habitué à ce genre d'attentions, d'attouchements. Pour lui c'était normal, évident, naturel. Alors il continuait de fixer son verre, le finissant d'une traite avant d'en commander un énième. La pression sur sa cuisse devenant de plus en plus forte, le châtain finit par relever la tête, mais c'est seulement lorsque l'homme remonta vers son entrejambe que Taehyung réagit, venant plonger son regard dans celui de l'inconnu qui lui faisait face.

— Tu cherches quoi là ?, ne baissant pas une seule fois les yeux, Taehyung était loin d'être intimidé, encore moins effrayé. Il n'était pas une donzelle en détresse et les verres qu'il avait accumulés ne faisait qu'augmenter cette assurance.

— Disons que j'aimerais faire connaissance.

Le châtain ne put s'empêcher de rire jaune.

— Si t'insistes... Je m'appelle Jeon Jungkook, et je suis un enculé de première.

Cette fois-ci ce fut à l'homme de ricaner, s'amusant du comportement surprenant du châtain qui rétorqua : « Je n'en ai pas l'impression, mais si tu veux je peux arranger ça. ».

Son énième verre à peine servi que Taehyung l'attrapa et le porta à sa bouche, vidant le contenu amer dans son œsophage asséché. Sa gorge brûlait tandis qu'il avait l'impression de noyer sa tête et toutes ses pensées. C'est seulement après avoir reposé son verre qu'il se retourna vers l'inconnu et le dévisagea une nouvelle fois. Sa tête commençait à tournait, sa vue divaguait, il avait l'impression de ne plus toucher le sol.

— Alors, ça te tente ?, continuant ses caresses sur la cuisse de Taehyung, il remontait quelques fois un peu trop haut ce qui faisait frémir le châtain. Mais ça il ne s'en rendait même plus compte, c'était comme si son esprit s'était détaché de son corps, ne possédant plus aucun contrôle sur ses gestes. Il ne voyait rien d'autre que le liquide coloré qui remplissait son verre. Il n'entendait rien d'autre que le brouhaha du bar et ne ressentait rien d'autre que son mal de crâne infernal. Insupportable.

— J-je..., la vue de Taehyung se floutait de plus en plus, l'empêchant de discerner correctement ce qui l'entourait. Il avait l'impression d'être entouré d'ombres, de silhouette, il se sentait écrasé, étouffé. Il avait besoin de sortir, il avait besoin de prendre l'air, de respirer. Il voulait pouvoir fermer les yeux sans craindre ce qui pourrait lui arriver. Il voulait enlever la main de cet homme, l'éloigner de sa cuisse mais ses bras étaient comme collés à son corps, l'empêchant de tout mouvement. Son souffle accélérait beaucoup trop vite alors qu'il avait l'impression de ne pas pouvoir respirer, la sensation de ne rien contrôler l'envahissait de plus en plus, le faisant cette fois-ci complètement paniqué. Relevant sa tête avec le peu de force qui lui restait, il essayait vainement de retrouvait la sortie de cet endroit devenu beaucoup trop bruyant. Mais tout valsait autour de lui et il y avait tellement de monde qu'il ne discernait rien d'autres que des ombres, telles des marionnettes dansantes profitant de sa peur.

— Laisse-moi t'aider, coupant finalement tout contact avec la cuisse du châtain, c'est cette fois-ci dans le bas de son dos que l'homme vint poser sa main.

Se relevant durement, Taehyung sentait ses jambes tremblaient, vacillaient, tandis qu'il avançait sans même savoir où il allait. Tout ce qu'il savait c'est qu'il voulait sortir d'ici, il serait prêt à tout pour ça, il serait prêt à se mettre à genoux, il serait prêt à ramper aux pieds des gens. Il était habitué à ça de toute façon, cet état de soumission, ce mode de vie... C'était le sien.

— J-je dois télé...phoner..., le châtain avait mis toute son énergie pour arriver à formuler ces quelques mots, sa voix se brisant quasiment à chaque syllabe.

— J'ai un portable dans ma voiture, avait alors immédiatement surenchérit l'homme, comme si cette situation avait été prévu, préparé, planifié depuis le début.

Et Taehyung aurait très bien pu se laisser faire. Se laisser emmener loin d'ici et se faire vider la tête par cet inconnu qui se viderait en lui. Mais cette vie infernale il avait juré de l'oublier, il s'était promis de devenir quelqu'un de mieux, quelqu'un de meilleur. C'est alors dans un élan d'adrénaline que Taehyung repoussa l'homme qui soutenait son corps avant de s'empresser vers la seule issue qu'il avait réussi à repérer. Tâtonnant aveuglément dans chacune de ses poches, Taehyung en sortit finalement son portable sur lequel il se dépêcha de tapoter ce numéro qu'il ne connaissait que trop bien. Mais plus les bips se succédaient, plus l'espoir de Taehyung devenait moindre. Ses yeux le brûlaient, il était tellement fatigué...

Épuisé.
Éreinté.
Toutes ses forces semblaient l'avoir lâché.

Il voulait juste se reposer un peu, fermer les yeux quelques instants, juste quelques secondes, juste...

— ... Je savais que tu m'appellerais.

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