première lettre
11 novembre 1884
chère dame aux annonces,
le temps est maussade, aujourd'hui. un peu comme tous les jours, si je dois l'avouer. londres sombre dans une mélancolie sans pareille, et je regrette amèrement les éclaircis dont la ville avait l'honneur, lors des jolis mois d'août. les temps hivernaux sont rudes, ne trouves-tu pas ?
tu as demandé du courrier, dans un joli papier. alors je t'offre cette enveloppe, où je te glisse un timbre de collection. mon père les recherchait lors de ses voyages éparpillés. je ne sais point si tu aimes cela, pourtant j'ose quand même t'y glisser ce cadeau venu de ma part. vois-tu, les quelques formes tracées sur le bout de papier ? j'y vois une forme de poésie, d'art miniature. la reconnaissance du pays, et puis des évenements. et toi, dame aux annonces, que vois-tu, sur les timbres ?
je suis un homme, du moins un homme en devenir. je trace ma vie au gré de mes principes, et, je désire prouver la valeur que porte mon cœur. j'ai étudié, vois-tu, longtemps. on aurait voulu de moi, que je sois cette carrure imposante qui force le respect, qui se passionne de politique et tout autre sujet de notre époque. on aurait voulu de moi, que ce soit ma seule passion. pourtant, moi, ce sont les fleurs qui me comblent de bonheur. leurs jolis pétales, si délicats, leurs formes si différentes. puis, surtout, leur manière de tomber lorsque leur cœur s'est fané. au fond, une fleur est une histoire d'amour envers elle même, elle éclot, elle resplendit puis elle sombre dans la nuit. peut être trouves-tu mes questions trop indiscrètes, mais je voudrais connaitre ta fleur préferée. savoir de quoi remplir le joli vase de mon salon, et quelle plante installer dans mon herbier pour te l'offrir.
mon père est décedé, il y a plusieurs années. je n'en ai que de vagues souvenirs, mais ma mère m'a tant compté ses aventures que j'ai l'impression de le connaitre d'une certaine manière. connais-tu ce vide immense que l'on ressent, ce cœur qui se serre, écrasé par un poids invisible. cette envie dévastatrice, de ne plus rien laisser nous approcher par peur de perdre cela aussi. le deuil est une épreuve difficile qui forge le caractère et endurcit les victimes. pourtant, si je dois être franc, je crois être atteint de la même sensibilité dont je souffrais dans ma jeunesse.
je parle beaucoup de moi dans cette lettre, et j'attends avec impatiente la découverte de ta personne, qui m'a gentillement proposé d'engager une discussion. mes doigts veulent te livrer mon message le plus rapidement possible. alors, je souhaite, dans la plus tendre des politesses, espèrer une réponse endiablée. te connaitre à travers une potentielle lettre serait pour moi l'opportunité de me détacher des fleurs et de la politique, pour sombrer le temps de quelques phrases.
dis moi, jolie dame aux annonces, saura-tu me lire entre les lignes ?
avec ma plus sincère affection,
votre cher correspondant encore dissimulé.
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