CHAPITRE 9

Je n'eus pas le temps de m'assoir qu'une main vint se poser sur ma bouche. Ce faisant, je ne pouvais plus du tout appeler ma mère à mon secours. Je me débattis immédiatement pour me défaire de l'emprise de mon agresseur. Je voulais pouvoir crier mais on me tenait fermement. J'étais presque parvenu à décaler la main qui me barrai la bouche lorsque j'entendis :

— Chut Matt, c'est moi...

Maman ! C'était ma mère ! Elle ôta sa main, me permettant à nouveau de parler. Je me retournai mais je ne la vis pas car nous étions dans l'obscurité de ma chambre. Je n'eux pas le temps de prononcer le moindre mot qu'elle me devança.

— Rassemble toutes tes affaires, on part.

Où ça ? Elle ne le spécifia pas. Peut-être ne le savait-elle pas. Une chose est sûre, c'était maintenant et pas dans une heure.

— Ne fais pas trop de bruit, murmura-t-elle lorsque je fis tomber mon pot de crayon en prenant une veste qui trainait.

Elle alluma son portable sans mettre le flash. Cette lumière était suffisante pour que je puisse me repérer dans cette chambre que je connaissais si bien. Ma mère s'occupa de mes vêtements pendant que je pris quelques jouets. Je voyais bien que nous partions pour une très longue durée car elle avait apporté deux grandes valises dont l'une était déjà remplie à craquer. Toutes les affaires de ma chambre n'allaient jamais rentrer dans la valise.

— Maman, je prends quoi ?

Je venais de le chuchoter comme elle me l'avait conseillé. Mes bras étaient remplis de jouets qui menaçaient de tomber bruyamment. Elle se leva et vint me débarrasser de trois gros jouets. Elle les posa au sol puis m'aida à me décharger totalement. Elle me prit la main et nous nous assîmes doucement sur mon lit.

— Sache que ta vie va changer, m'annonça-t-elle en dégageant une boucle de cheveux de mon visage. J'ai pris une décision en pensant à ton avenir. Je ne vais pas t'en dire plus mais il faut juste que tu suives ce que je te dis comme tu sais si bien le faire. Là, il faut que tu prennes les choses les plus importantes. Tu as compris mon cœur ?

Ça ne m'avançait pas plus. Elle ne me disait que le strict minimum pour encore une fois me protéger. Son bleu au niveau de la joue était plus répandu et donnait un air tragique à la situation.

— Suis ce que tu ressens et ce qui te semble bien.

Suivre ce que je ressentais ? Mais je ne savais pas ce que je ressentais. De la peur ? De l'excitation ? De la joie ? De la tristesse ? Mes sentiments étaient restés murés dans le silence depuis bien trop longtemps. Je voulais tout garder et ne rien laisser dans cette habitation. Je pris alors une décision : je n'emporterais que quelques objets. Les seuls objets qui pouvaient me rattacher à un souvenir de Kaylee. Un souvenir sain et non noirci par la violence de son décès.

Je retrouvais une photo de nous deux conservée précieusement sous un tiroir de mon bureau. Mon père m'avait confisqué les autres sous prétexte que ce n'était pas bien de vivre dans le passé. Belle ironie.

Je ressortis un foulard blanc aillant appartenu à ma sœur en dessous d'une pile de linge propre. Il était joliment orné de motifs noirs. À la vue de ces deux retrouvailles, ma mère eut les larmes aux yeux. Il était possible qu'elle ait cru que mon père avait tout effacé du passage de son bébé sur terre. Mais moi je ne laisserai jamais personne me détacher de Kaylee. Elle a été là, elle est encore là et elle sera toujours là. Quoi que l'on puisse faire, quoi que l'on puisse dire, elle restera dans mon cœur. Même si elle n'est plus présente physiquement, elle vivra en moi d'une certaine façon. Pour toujours. J'en avais fait le serment.

Je fis quelques pas vers ma penderie où étaient soigneusement plié le reste de mes affaires. Je me baissai et sortit un gros tas de vêtements. Ensuite je pus atteindre un carton. J'ôtai le couvercle, et enfouit sous une pile de cahiers datant de la maternelle, je sortis un pantalon. Fouillant dans la poche gauche de celui-ci, je trouvai bien ce que je cherchai : une gourmette.

La gourmette de Kaylee. Ce petit objet en or m'avait valu trois magistrales gifles pour l'avoir récupéré dans la poubelle parmi les épluchures et les cadavres de yaourts. Mon père m'avait découvert à chercher parmi les détritus et il avait de suite comprit que je l'avais surpris jeter les affaires personnelles de ma petite sœur dedans. Alors que je savais que la correction allait tomber, j'avais senti le petit objet et je l'avais fourré dans ma poche.

Une fois en sécurité dans ma chambre, j'avais découvert la gourmette que j'avais réussi à sauver des oubliettes. Une petite chaine avec une plaquette dorée où le prénom de Kaylee était inscrit. Au dos était gravée huit chiffres : sa date de naissance. Je l'avais replacé dans ma poche et depuis, elle n'en était plus jamais sortie. Et le pantalon n'avait plus bougé du carton.

Je la tenais par une des extrémités. Elle se balançait de gauche à droite devant mes yeux. Je ne savais pas où la mettre car j'avais trop peur de la perdre, de perdre Kaylee... Une seule idée me vint soudainement en tête. Je la pris dans ma main gauche puis j'essayai de l'accrocher à mon poignet droit. La longueur était bonne mais je n'arrivais pas à la mettre d'une main.

— Matt, viens-là...

Elle venait de briser le silence qui s'était installé. Ses joues étaient rayées de larmes fraichement tombée. Elle tendit ses bras et je vins m'asseoir sur ses genoux. Elle m'entoura et m'enveloppa de sa chaleur. À sa façon, elle me remerciait d'avoir en quelque sorte veillé sur le souvenir de Kaylee. Puis elle m'attacha la gourmette à mon poignet comme j'en avais l'intention.

Une fois le crochet dans l'anneau, j'eus la drôle de sensation d'avoir Kaylee avec moi. J'étais persuadé qu'en me mettant la gourmette, ma mère me demandait de représenter Kaylee en moi, de la porter avec moi grâce aux nombreuses souvenirs des moments partagé avec elle. Je sentais l'or, source de fraîcheur sur ma chair. Chaque petite maille scintillait à la lumière du portable. J'avais bien fait de la conserver en lieux sûrs.

* * *

Encore un nouveau chapitre qui en dit long sur ce qui va se passer.

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À bientôt !


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