CHAPITRE 11
Je n'avais pas fermé l'œil de tout le trajet. Je pensais que si ma mère devait rester éveiller pour nous sauver, j'avais le devoir de l'être aussi pour la soutenir dans cette épreuve. La route était monotone et quelques fois, elle tournait sa tête vers moi pour voir si je ne m'étais pas endormi.
— Repose-toi Matt, nous allons faire un long voyage et il faut que tu sois en forme, m'avait-t-elle dit de nombreuses fois.
Je lui avais souris sans rien dire. Je savais qu'avec elle je pouvais communiquer autrement qu'avec la bouche. Nous nous sommes arrêtés à une station essence deux heures plus tard. Elle avait rempli le réservoir puis elle était revenue dans la voiture. Nous étions de nouveau repartit pour notre destination. Y en avait-il une ?
Il était quatre heures du matin. Trois quart d'heure après le départ de la station. Ma mère prit une aire d'autoroute. Un panneau touristique m'avait informé que nous étions en Normandie. Qu'allions-nous faire dans le nord de la France ?
Elle se stationna entre deux camions. Une fois le moteur arrêté, elle ouvrit sa portière.
— J'en ai pour deux minutes. Tu peux sortir si tu le veux, proposa-t-elle avant de refermer la voiture.
Je ne me sentais pas d'aller dehors. Mes jambes étaient fatiguées. On aurait dit que mes brindilles étaient collées au sol de la voiture et que je ne pouvais donc plus lever les pieds. Pour me rassurer qu'il me restait quelques muscles, je soulevai ma jambe gauche puis la droite : tout fonctionnait normalement.
Je la regardai, le téléphone collé à la joue. Son expression sur son visage changea soudainement lorsqu'il sembla qu'il y eut une personne à lui répondre. De là où j'étais, je pouvais facilement voir que ces lèvres avaient tremblé. Elle semblait avoir un sourire sur le visage. Tout en marchant pendant qu'elle parlait, elle me jetait de temps en temps des coups d'œil.
Le sourire que j'avais vu se dessiner sur son visage se fit plus grand. L'espoir semblait s'emparer peu à peu de ce pauvre corps autrefois à l'agonie. Après avoir raccroché, ma mère rentra dans la voiture : elle était totalement changée. Pour la première fois depuis des années, je pu lire de l'espoir dans ses yeux.
Tout paraissait beaucoup moins sombre. Une lueur d'espoir enfouit depuis longtemps s'était enflammée. Nous avions repris la route avec cette douce chaleur dans le cœur. Quelques minutes plus tard, nous étions arrivés à destination.
***
Je sortais pour la première fois de la voiture. Si j'avais été un peu plus lourd, il y aurait sûrement eu une belle trace de fesse sur le siège. J'étais engourdi de partout. Mes membres me faisaient mal. En plus de cela, la fatigue vint m'envelopper.
Nous nous trouvions devant une maison, un peu isolée de la ville. La campagne était calme à cette heure matinale. Les arbres tout autour de nous me rappelaient la forêt près de notre maison. Qui faisait désormais partit du passé.
Ayant entendu un bruit de moteur, le propriétaire des lieux sortit de sa maison, une lampe de poche à la main. Il vint à notre rencontre tout en s'exclamant :
— Emily ! Tu es enfin arrivée !
Il la serra dans ses bras quelques secondes puis, quand il s'écarta d'elle, ses yeux se posèrent sur moi. Avec l'aide de sa lampe de poche, il m'examina un instant.
— Oh ! Matthieu ! Comme tu as grandi !
Il s'avança vers moi mais j'eus un mouvement de recul. Il comprit rapidement que je n'avais pas confiance en lui. Je ne pouvais plus faire confiance aux adultes. Un d'eux m'avait fait tellement de mal que ça m'était impossible de m'approcher d'inconnus comme avant. Cependant, son visage m'était familier. Je l'avais déjà vu mais c'était il y a longtemps.
— Merci Fred, tu nous sauves la vie, déclara-t-elle comme pour masquer ce moment de gêne.
Nous étions rentrés à l'intérieur de la maison juste après avoir sorti nos deux valises du coffre de la voiture. Pendant que ma mère expliquait la situation à Fred, je regardais le ciel à travers la fenêtre. Je me trouvais dans une chambre, allongé sur un lit.
Ma mère m'avait couché puis elle était descendue après être restée quelques minutes afin de vérifier que tout allait bien. Comme j'avais trop chaud sous toutes ces couvertures, je me suis mis sur mon lit. Il faut dire que quand mon père me battait, les blessures piquaient tellement que pour les calmer assez vite, il fallait que je les laisse à l'air libre. Je n'avais pas d'autre choix que de m'allonger sur les couvertures, même en période d'hiver.
Les pires moments s'étaient déroulés les soirs de nuits froides. Mon père me punissait fortement et, de la cave, il coupait le chauffage de ma chambre. La température pouvait alors chuter jusqu'à 14°C voir même 10°C. Une telle température avec seulement un t-shirt et un pantalon de pyjama était compliqué à supporter.
Je mis mes mains derrière la tête et sentis soudain le nœud de mon bandana. Je ne me souvenais plus l'avoir autour de ma tête. Je l'ôtai et le regardai. Il formait un cercle. À travers ce cercle se trouvait la lune entourée de millier d'étoiles. J'abaissai le morceau de tissu tout en continuant d'observer les étoiles. Je me demandai alors si un jour je pourrai avoir la chance d'être aussi bien accompagné que cette lune rayonnante.
***
La lumière du jour me fit ouvrir les yeux. Je me changeai en quelques secondes pour ensuite descendre. J'avais entouré mon poignet qui ne portait pas la gourmette de mon bandana en faisant plusieurs tours. En bas des escaliers, je vis l'horloge qui indiquait midi cinq. Mon ventre gargouillait et j'eu soudain peur que mon père surgisse de nulle part et me mette une bonne paire de claque.
— Tu es déjà levé ?
La voix me fit presque bondir au plafond. Je me retournai d'un coup et vit le propriétaire de la maison. Dans la seule lueur d'une lampe torche, je ne l'avais pas bien observé. Il avait un visage chaleureux, le contour de la mâchoire bien dessiné et une barbe naissante. Il avait aussi des poches sous ses yeux marron pomme de pin. Des lunettes aux montures en bois agrémentait le tout.
Une tasse fumante dans sa main, il continua :
— Je ne voulais pas te faire peur... Tu as faim j'imagine ?
J'acquiesçai timidement. Je n'osai pas lui dire que je crevais de faim. La veille encore, j'avais l'interdiction de penser à manger. Je n'avais pas le droit d'ouvrir la bouche sinon l'homme qui me servait de père me réprimandait en lâchant des phrases comme « Arrête de polluer mon air ! »
Une bonne odeur de tartines grillées flottait dans l'air. Mon ventre ne criait plus famine depuis que j'avais engloutit deux tartines auxquelles j'avais ajouté une bonne couche de confiture à la fraise. Au départ, j'avais hésité à y toucher puis la première finie, la deuxième ne s'était pas fait prier pour suivre le même chemin. Une fois ma bouche vide, Fred vint me voir et ria. Il prit un essuie-tout et me le tendit.
— Tient petit glouton, tu as de la confiture partout.
— Merci, répondis-je.
C'était la première fois que je lui adressais la parole. Je voulais bien commencer à lui parler mais j'avais passé trop de temps à me méfier de tout le monde que je ne pouvais pas faire plus pour le moment. Même si je ne le montrais pas extérieurement, j'étais à chaque seconde de plus en plus mort de trouille à l'idée que mon père puisse nous retrouver. Et qui sait ce qu'il pourrait nous faire subir s'il mettait la main sur nous.
Fred avait aussi constaté que je venais de lui répondre autrement qu'avec des gestes. Curieux et un peu taquin, il s'exclama :
— Génial, Matthieu vient de retrouver la voix !
Tel un professionnel du rire, il me fit sortir un petit gloussement. Ça faisait si longtemps que je n'avais pas ri ou même ressentit un sentiment heureux. J'avais presque oublié ce que ça faisait d'être un instant joyeux.
— Tu veux qu'on aille se défouler un peu dans le jardin le temps que ta mère se réveille ?
Je fis un bref signe de la tête ne sachant pas de quoi il parlait. Nous nous rendîmes dans une cave sombre. Ma tête bougeait toute seule comme un radar. Je regardai de tous les côtés par crainte de voir mon père surgir à tout moment. Fred ouvrit la porte du garage donnant sur le jardin et une grande luminosité s'engouffra dans ce lieu. Je pouvais voir des tas d'objets empilés les uns sur les autres, certains menaçant de tomber d'un moment à l'autre.
Il alla fouiller dans une caisse en bois et en ressorti un ballon. Ce n'était pas un ballon de foot ça j'en était certain. Je ne connaissais que celui blanc avec des hexagones noirs car mes amis pratiquaient souvent ce sport pendant les récréations. C'était plutôt un ballon que l'on aurait peint en orange. Si je l'avais vu une fois dans ma vie, il était probable que j'eusse oublié pour quel sport il était fait.
Voyant mon air étonné quand il me le donna dans les mains, Fred me posa une question :
— Tu ne connais pas un ballon basket ?
« Un ballon de chaussures ? » pensai-je. « C'est quoi un ballon de chaussures ? » Toujours dubitatif, je le regardai avec de grands yeux fervent d'en savoir plus sur ce fameux « ballon de chaussures ».
— Suis-moi, je vais te montrer comment on joue avec ce ballon.
Je traversai la porte et je vis alors qu'il y avait un immense jardin devant moi. Mais ce ne fut pas vers ce point de verdure que Fred se dirigeait. Je le suivis et nous arrivâmes sur un sol recouvert de petits graviers. Là, il y avait un poteau avec un cerceau rouge mis à l'horizontale. De ce cerceau pendaient un filet blanc troué. À quoi pouvait donc bien servir ce filet ?
Après m'avoir expliqué et monté le principe de ce sport, il m'apprit quelques passes puis des mouvements pour attaquer et défendre. Personne, depuis une éternité, ne s'était occupé de moi de cette façon. J'avais l'impression de revivre petit à petit.
Il ne fallait pas que je m'emballe mais pendant ces minutes en sa compagnie, je me sentais de nouveau moi-même, un petit garçon. Sauf que pour ma part, il n'en restait plus rien de l'innocence d'un enfant de mon âge.
Perdre son innocence aussi tôt était la pire chose qu'il puisse arriver à un enfant. L'homme que j'avais jadis appelé « papa » m'avait volé toute mon enfance.
* * *
"Enfin un chapitre plus long que les précédent ! " me diriez-vous. Je suis d'accord aussi !
Bon, qu'en pensez-vous de Fred ? Est-il un homme de confiance ou pourrait-il jouer de mauvais tours ?
Si l'envie vous vient, commentez et votez pour me donner votre avis sur le livre !
À bientôt !
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