XVI

𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 16

Tout semblait aller mieux, juste pour le moment. Mais ils devaient absolument discuter de ce qui les avait amenés à faire une semaine entière de séparation entre eux deux.

Ils avaient décidé d'attendre le lendemain de leur sortie perdus dans leur bulle de bonheur, pour pouvoir se nourrir pleinement de ses effets prodigieux avant d'à nouveau s'enfoncer dans les noirs vices de l'existence.

Cette fois pour discuter, ils avaient tout mis en oeuvre, peu enclins à supporter à nouveau une dispute dont la menace planait encore bien trop près d'eux, ils pouvaient en sentir les effluves diaboliques.

Ils s'étaient promis de s'écouter, longtemps, d'exprimer chacun leur point de vue de manière implicite. La communication était la clé de la réussite, ils en étaient intimement persuadés.

<<Jungkook je... je pense que je te dois des excuses. Beaucoup. Hum... par où est-ce que je dois commencer ? Déjà, merci d'avoir été là quand personne d'autre ne l'était. Quand on s'est rencontrés. Que j'étais la victime de service, sur laquelle on peut cracher, sur laquelle on peut compter, celle dont la confiance peut être abusée. Toi tu es venu, quand j'étais seul, seul et en danger. Et tu m'as, envers et contre tout, protégé depuis, quand tu es arrivé dans notre ville. Merci pour ça. C'est maintenant, que j'ai passé une semaine à nouveau seul face au monde que je me rends compte à quel point tu m'as préservé, épargné. Merci. Merci, merci. Je le dirais jamais assez.

Le jeune homme aux cheveux charbons eut un sourire à peine esquissé, empreint de tendresse. Pour l'inciter à continuer, il posa sa main sur la frêle cuisse du plus petit, assis juste à côté de lui, en biais, sur leur vieux canapé rouge. Plus rose poussiéreux que rouge à cet instant, d'ailleurs. Le seul meuble qu'ils n'avaient pas acheté, un cadeau de la grand-mère du châtain, qu'il adorait tant. Il en avait vu des choses ce canapé. La jeunesse de la mère de Taehyung, ses premières blessures, ses premières joies, ses premiers amours, ses premières peines de coeur. Puis il avait vu tous ceux du châtain à son tour. Lui devait sûrement porter dans de choses dans sa mémoire, tellement de secrets enfouis six pieds sous terre, que l'objet avait atteint un statut d'être sage et mystique. Toutes les discussions importantes, avaient donc, depuis leur emménagement, lieu ici.

Après une longue inspiration et un vide visible de part la perte d'illuminations dans ses yeux qui signifiait une longue réflexion quant aux mots adéquats pour la situation, il repris la parole.

- Mais avant de te dire merci, il y a d'autres choses que j'aimerais te dire. Je suis désolé, déjà. Tellement. Si tu savais. Je m'en veux tellement, d'avoir abusé de la confiance que toi-même tu me portais, comme l'auraient fait les méchants du lycée. J'ai abusé de tout, je vis sur ton salaire, je fais rien à part profiter de ma passion. Je te demande pardon. Puis aussi... Je me suis servi de tes sentiments pour moi. Ça fait longtemps que je sais que tu m'aimes, de manière romantique. Je le sais peut-être depuis plus longtemps que toi.

Jungkook fronçait les sourcils, il se retenait de parler, de placer quelques mots pour sauver sa fierté dont l'ombre semblait pourtant avoir quitté la Terre depuis longtemps.

-Oui je me suis servi de tes sentiments, pour parvenir à mes fins. Je voulais que tu me laisses tranquille pour que je puisse écrire, et en plus ça me permettait de me détendre. Je veux juste que tu saches une chose... J'ai adoré. J'ai beaucoup aimé me sentir tellement vivant, dans tes bras. Je m'en rends compte que là, maintenant que je le dis à voix haute, à quel point j'ai été égoïste, à quel point j'ai changé à cause de l'écriture de cette pièce. Je... même ma façon de parler avait changé tu te rends compte ? Ce truc m'a complètement réduit le cerveau en bouillie. Et tu veux savoir le pire ? Je sais très bien que si là, je me remets à écrire, je tomberais à nouveau là-dedans. Je suis psychorigide quand il s'agit de cette pièce. Je sais pas d'où c'est venu. Mais il fallait absolument que tout soit parfait. Que chaque mot trouve sa place et rentre dans la musicalité des répliques. Dès qu'au fond de moi, je savais qu'une phrase n'était pas tout à fait satisfaisante, une voix dans ma tête, une petite voix, rauque, celle de ceux du lycée, me disait que j'étais nul si j'osais la laisser ainsi. Elle me disait que j'avais absolument aucun talent et que je méritais le pire, que j'auraismourir un jour froid et lourd de solitude, sous les coups d'un de ceux d'avant. Ça prenait tellement de place, le volume semblait augmenter dans ma tête, j'avais l'impression de ne plus réussir à m'entendre réfléchir. C'était horrible. J'aurais fait, je te le promets parce que ça m'obnubilait vraiment, n'importe quoi, vraiment n'importe quoi, pour qu'elle s'arrête.

Ses syllabes, vers la fin de son petit discours, avaient pris l'allure de cris de rage. Ses "r" il les avait mis en avant, faut durer, pour faire ressentir jusqu'aux tympans sensibles des deux jeunes garçons, toute l'étendue de sa frustration et de sa haine. Un réflexe de littéraire sans doute. Quoi que cela fusse, cela fit assez peur à Jungkook pour qu'il prenne réellement cette histoire de voix au sérieux.

Ça devait être son fort intérieur, ça lui arrivait parfois avant. Comme si de temps à autre, son cerveau lui soufflait des pensées dont lui-même n'était pas là source. Pas comme un schizophrène, non, eux en souffre. Lui, il recevait des conseils. Mais là, ils avaient été violents, aussi violents que lui-même face à son écriture. Elles venaient bien de lui, ces pensées. Mais elles étaient envahissantes, horriblement envahissantes, donnant à sa tête un vague aspect de catastrophe naturelle.

Les choses qu'il avait dites sur lui et son amour, ne l'étonnèrent pas. Il s'y attendait. Il le savait. Il n'était pas stupide. Mais d'autres choses dans ses paroles avaient bien plus d'importance.

Jungkook, sans le connaître, aurait simplement dit au plus petit de s'arrêter d'écrire complètement cette pièce.

Puisqu'il avait fait un bout du long chemin de la vie avec lui, il savait que jamais le châtain aurait laissé inachevée une oeuvre. Ça allait le hanter. Toutes les nuits, il se serait réveillé en sueur, par un cauchemar, ses personnages sans fin d'existence seraient venus dans ses rêves les plus noirs pour l'y enfoncer.

Il devait finir cette pièce, c'était véritablement vital. Il avait une idée pour la suite, une fois que l'obstacle de cette pièce aurait cessé de leur barrer allègrement la route, mais il devait d'abord régler d'autres choses.

-On parlera de ce qu'il se passe entre nous après, et de si je te pardonne ou pas plus tard aussi. Je te propose une trêve, pour que tu écrives la fin de ta pièce. Tu vas souffrir en l'écrivant, de ce que tu me dis, c'est sûr. Certain. Mais ce sera toujours minime face à une colère contre toi-même toute ta vie. Et une dispute avec moi en prime, qui te forcerait à tout abandonner. Mais je serais là, je serais toujours là. Toit ce que je veux c'est que tu manges, que tu dormes et que tu passes un mimum de temps avec moi, juste pour ne pas perdre tes capacités de réflexion et de discussions avec un autre humain. Tu me fais confiance ?>>

La main du noiraud quitta précautionneusement la cuisse fragile du plus petit pour se soulever en sa direction, comme une preuve physique de leur accord. Taehyung sembla peser le pour et le contre, avant de passer par les mêmes réflexions que le plus grand quelques secondes avant. Puis, à son tour, sa paume s'avança vers l'autre et ils scellèrent leur promesse.


1315.


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Oh oh il reste plus que 4 chapitres
Donc 2 jours

Ouin

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