XIV
𝕮𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 14
Le ciel, même aux alentours de son zénith, était noir. Noir et gris. Un peu comme le coeur de Jungkook finalement.
Taehyung lui manquait horriblement, et pourtant il était bien celui qui l'avait mis à la porte. Il n'avait rien eu le courage de faire, ni d'enlever les débris de feuilles créés à cause de l'ouragan, ni d'enlever la moindre de ses affaires de manière générale.
Il s'était rendu à la salle de sport bien plus souvent qu'il n'aurait dû. Il avait passé peut être deux heures tous les soirs là-bas. Ça l'avait grandement fatigué. Mais il voulait se le sortir de la tête. Sauf qu'à chaque fois qu'il fermait les yeux, son visage, orné du sourire rectangulaire dont lui seul possédait le secret bien gardé, se dessinait lentement dans sa tête.
Il l'imaginait alors soudainement seul dans la rue, dans le froid hivernal, la peau gelée, ses larmes cristallisées sur la soie naturelle de ses joues. Il imaginait son petit nez rougi par les températures négatives, son petit grain de beauté pratiquement caché par la nuance carmine. Et il avait peur. Peur que quelqu'un lui fasse du mal, peur qu'on le touche, qu'on lui parle, qu'on le blesse.
Il était terrifié à l'idée de l'avoir lui-même envoyé dans les débris d'un monde apocalyptique dont il l'avait protégé de la couleur meurtrie depuis des années.
Lui qui avait toujours tout fait pour qu'on ne le fasse pas souffrir, empêchant ceux qui lui voulaient du mal de se trouver près de lui au lycée, l'aidant pour tout à la fac, lui offrant un toit lorsque son travail ne lui permit plus sans l'argent de ses parents de vivre seul.
Il était le pire. Il était devenu de ceux dont il protégeait le châtain avant, il était devenu un monstre prêt à lui faire goûter les maux de l'enfer, dont il avait été immunisé tant de temps.
Il se haïssait d'avoir fait ça. Mais le problème était que cet éloignement était nécessaire à l'évolution positive de Taehyung. Il devait se rendre compte que sa pièce n'était pas la seule chose qui avait une importance dans sa vie. Il devait justement se rendre compte de toutes les choses que Jungkook avait faites pour lui. Il devait se rendre compte que ce à quoi on l'avait empêché de prendre part avant, puisqu'il était plongé dans une bulle de sérénité dans laquelle aucun obstacle ne le dérangeait, la tête qu'avait la vie, n'était pas belle. Qu'il avait été un chanceux, et pas la victime pour laquelle il se faisait passer en étant capricieux sur son écrit.
C'était bon pour lui. Moins pour Jungkook. Il souffrait le martyr à chaque fois qu'un souvenir du jeune homme oui revenait en tête. De sa tête, justement, ne revenait pas grand-chose. Des pensées en bouillie, bloquées en partie, censurées par la peur, des morceaux de phrases que le plus petit lui avait dites, des échantillons de plans pour le sauver qu'il devait absolument s'empêcher de réaliser. Il fallait qu'il attende. Il s'était laissé une limite, une limite d'une semaine avant de se mettre à le chercher.
Alors il avait supporté les sept jours de cauchemar qu'il s'était fixé, les yeux voilés par une sorte d'angoisse permanente, angoisse qui prenait un malin plaisir à se déplacer de ses yeux pour se répandre dans son cou, ses os, les rendant difficiles à mouvoir, son bas-ventre, lui donnant l'impression de recevoir des coups de couteau douloureux et récurrents, donnés avec haine et désir de faire souffrir. Il voyait presque le visage de son agresseur, avec ses traits émaciés, son corps squelettique et ses yeux globuleux. Il ressemblait à la mort sous sa grande cape charbon.
Dès le matin du septième jour, il s'était plongé dans les rues de la ville, à la recherche du châtain. En réfléchissant, il était arrivé à deux possibles solutions. Soit le jeune homme était au théâtre, ce qui était envisageable, sauf qu'il aurait eu besoin d'en sortir à un moment où à un autre, pour manger ne serait-ce qu'un peu. Ou au moins pour boire. De plus, il était assez douillet. Alors il lui aurait fallut un minimum de lit, un drap, un matelas, une couverture. Alors il lui aurait fallut tout de même la deuxième option.
Une chambre d'hôtel. Il l'imaginait peu chère, miteuse, sûrement les seules qu'il pouvait se payer avec ses maigres économies.
Et puis il savait une chose: Taehyung ne connaissait que très peu la ville. Seulement leur quartier, et même s'il était vaste, il ne représentait qu'une infime partie de toute la cité moderne. Il était donc pratiquement certain, il en aurait presque mis sa main à couper tant cette hypothèse lui paraissait plausible, qu'il se trouvait dans un rayon très limité autour de l'appartement. Surtout avec le froid et ses goûts injustement luxueux, il avait sûrement marché la distance la plus minime pour ne pas souffrir du froid glacial. Les harmonieux flocons s'échouant sur ses joues avaient dû être un véritable supplice pour le jeune homme par ailleurs.
Il n'aurait jamais cru avoir à faire ça un jour, et il n'aurait surtout jamais cru le faire avec une boule dans le ventre si désagréable, ainsi qu'un coeur si lourd. Il était en train d'écumer, d'écouler son quartier pour y trouver tous les hôtels, motels, les chambres d'hôtes ou lieux publics possédant des cabanons pour trouver Taehyung.
Il avait été inquiet cette semaine là.
Mais à ce moment, inquiet était pire qu'un euphémisme.
Son coeur semblait se tordre de honte et de déception envers lui-même, il ne pouvait même plus imaginer les aspects positifs de cet éloignement, tout ce qu'il voyait, c'était le châtain, son adorable châtain, littéralement mort de froid recroquvillé, sous un arbre, les cheveux tristement magnifiés par la glace les figeant.
Un hôtel, deux hôtels, trois, quatre, cinq et pas un seul Taehyung. Un parc, un jardin public, pas une once de preuve du passage du jeune homme frêle.
Les doigts du noiraud étaient endoloris, rougis par le froid qui prenait un malin plaisir à rendre caduque son squelette dont la puissance semblait faiblir d'instant en instant. Il passa véritablement la journée entière à tourner et retourner sans ne jamais trouver de Kim Taehyung dans aucun hôtel.
Il allait rentrer chez lui, plus triste et en colère contre lui-même que jamais, son corps complètement détruit par la température, son cerveau réduit en poussière à cause des scénarios catastrophes qui semblaient tourner en boucle comme une cassette défectueuse, son âme lourde de culpabilité.
Sauf qu'à un instant où il était au plus bas, comme pour l'enfoncer plus, la voûte céleste décida de l'achever sous une tempête de neige bien trop violente pour qu'il reste à l'extérieur.
Il ouvrit alors la première porte venue, un établissement des plus sommaires, vétuste, perdu dans une ruelle à laquelle personne n'avait donné de nom. Il s'agissait une fois de plus d'un hôtel, qui semblaient désespérément hanter le jeune homme, en remontrances silencieuses.
C'est alors qu'un nom, prononcé au hasard par une femme de ménage aux airs renfrognés, parvint doucement aux oreilles du jeune homme, soulevant son coeur d'une palpitation profonde et innatendue.
Quelqu'un venait de prononcer son nom de scène, Vante. Et qui d'autre que lui aurait pu donner ce nom à un accueil pour ne pas être trouvé ?
1222.
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Hey :)
alors, les agissements de kook ?
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