Chapitre 8 - Vérifier



 ~ "But thoughts the slave of life, and life, Time's fool, and Time, that take survey of all the word, must have a stop." Twelfth Night ~



La main jouant nerveusement avec la bandoulière de son sac à main, Setsuha patientait au point de rendez-vous convenu avec Atsuhiro. Les talons de ses cuissardes marquaient d'un claquement chaque pas anxieux qu'elle effectuait afin d'évacuer la tension qui lui écrasait la poitrine. Elle tiraillait l'une de ses mèches frisées quand le vilain se profila soudain à quelques mètres d'elle. Avant qu'il se fût trop rapproché, elle prit une profonde inspiration ventrale, qu'elle expira avec discrétion entre ses lèvres. Ses ailes demeuraient néanmoins étroitement repliées contre son dos, crispées de la base aux pointes.

Long manteau de laine enfilé par-dessus son col roulé, derby en cuir patiné aux pieds, boucles soyeuses à peine décoiffées par les bourrasques automnales, il respirait le charme et l'élégance.

— Merveilleuse Créature, la salua-t-il d'un ton suave, son usuelle étincelle de malice au fond des yeux.

— Mister Prestidigitateur, répondit-elle d'une voix qui se voulait dégagée.

« Perle Rare » beaucoup plus connoté affectivement, ne pourrait plus franchir ses lèvres sans les lui brûler.

Atsuhiro glissa une main au creux de son dos pour l'attirer doucement à lui. Le ventre de la jeune femme rencontra le sien à travers les douces étoffes de leurs tenues, et elle abaissa les cils, voilant son regard tandis qu'il inclinait la tête vers elle. La tendresse du baiser dont il la gratifia fondit avec langueur sur ses lèvres. Setsuha dut s'efforcer de ne pas se tendre à son contact. Elle se contenta d'écarter subrepticement ses ailes.

Pourtant, si son esprit se défiait au plus haut point du magicien, son corps ne semblait pas encore avoir intégré la situation. Une part d'elle-même s'amollit agréablement sous la douce pression de ses lèvres. Son être n'était pas insensible à la fermeté de sa stature contre elle, à son odeur si familière qui l'enivrait toujours autant.

— On y va ? l'invita-t-il en lui présentant son bras.

Sa mine d'artiste en scène promettait une soirée de délices. Elle glissa une main sous son coude, activant son propre numéro de charme pour lui faire les yeux doux et répondre à ses mimiques charmeuses. Ils passèrent ensemble les portes du Candle Raito, où un serveur en costume les accueillit.

En d'autres circonstances, Setsuha aurait été émerveillée par les nuées d'étoiles projetées au plafond. Une voûte nocturne violacée par le scintillement lactescent des astres recouvrait la salle. Des guirlandes d'ampoules filament éclairaient les lieux de leur lumière ambrée. Placées dans des photophores de récupération, des bougies constellaient les tables. Les petites flammes tremblotant derrière le verre conféraient à l'atmosphère une palpitation intime. Tandis que Setsuha parcourait le restaurant du regard, Atsuhiro se tourna vers elle et lui adressa un haussement de sourcils plein de connivence, manifestement fier de son effet.

Elle demeura muette quand on les installa à une table séparée de ses voisines par des étoffes de lin tendues entre le mur et l'allée, feignant d'admirer le décor. Comme le vilain guettait sa réaction, elle se glissa sur son fauteuil en cuir et lui décocha une œillade appréciatrice. Il se fendit d'un sourire en coin.

— Entre le Noctambule et le gala, tu m'emmènes toujours aux meilleures adresses. Il fallait que j'en trouve une à la hauteur, avoua-t-il.

Intérieurement, Setsuha se trouvait démunie face à son attitude. Que cachait-il derrière ce sourire ? De l'indifférence ? Ou bien riait-il d'elle ? De la façon dont il avait si aisément joué avec ses sentiments ?

— Oh, tu n'avais pas besoin de mettre la barre si haut, l'assura-t-elle.

L'expression de Atsuhiro vacilla aussi subtilement que la flamme du lumignon entre eux. La gorge sèche, la jeune femme réalisa qu'elle se serait habituellement prêtée à cette comédie de rendez-vous distingués, en approuvant son choix plutôt qu'en le balayant. Sa fausse note ne parut cependant pas ébranler le magicien.

— Mais bien sûr que si ! Quel genre de partenaire je serais si je ne faisais pas tout pour que tu passes une bonne soirée quand ça ne va pas fort ?

Interpellée, Setsuha retint son souffle, son pouls s'affolant. Elle parvint tout juste à maîtriser sa voix pour s'étonner avec un souffle de dérision :

— J'ai l'air d'aller si mal que ça ?

— Mmh... en tout cas tu as l'air préoccupée depuis l'incident à ton stage. Ça c'est arrangé ?

Le vilain posa le menton sur ses doigts croisés et inclina la tête pour la scruter. Elle dut ravaler une montée de panique. Cette fois elle ne s'y trompait pas : il prospectait. D'une manière ou d'une autre, Atsuhiro flairait qu'elle lui cachait quelque chose. Ce rendez-vous constituait le prétexte idéal pour se montrer inquisiteur. Or Setsuha s'était toujours estimée comme une piètre menteuse : elle ne savait ni revêtir de masques convaincants, ni garder le fil de ses affirmations fictives. Se frottant le bras en geste d'inconfort, elle préféra esquiver.

— Il faudra que je te raconte, mais je n'ai pas vraiment envie d'en parler maintenant, déclara-t-elle avant d'afficher une moue complice : je ne vais pas ruiner tes efforts.

Atsuhiro décroisa les doigts pour s'emparer du menu, par-dessus lequel il la fixa d'un air enjôleur.

— À ta guise. Qu'est-ce qui serait plus plaisant à aborder ?

Ah. Cette voix de velours. Ce fameux manège. Celui auquel elle avait tant eu plaisir à prendre part. Qui ne l'emplissait que d'amertume depuis qu'elle avait conscience d'en avoir été la dupe depuis le début. Elle décida qu'il était temps d'entamer sa propre inquisition. Jamais auparavant ne s'était-elle autant félicité d'avoir choisi une voie lui ayant permis de développer ses capacités d'analyse du langage corporel. Peut-être pourrait-elle relever ce qui lui avait échappé jusque-là.

— Eh bien, commença-t-elle en parcourant son propre menu. Pour tout te dire, je repensais au chemin qu'on a fait depuis qu'on s'est croisé au café. Et je me demandais... ce jour-là, tu y es entré par hasard ? Ou c'est parce que tu m'avais vu ?

Elle avait ruminé ce moment plus que de raison ces derniers temps. Ce premier café ensembles suite à leur rencontre impromptue au festival... et au braquage de la Tokyo Opera City, son premier face à face avec Mr. Compress.

Setsuha put presque jurer que les iris noisette du vilain se liquéfiaient d'affection.

— J'ai vu tes ailes, révéla-t-il. Je me souvenais de la merveilleuse ailée du festival et j'étais curieux. Dès notre premier échange tu as dépassé toutes mes attentes. Rentrer dans ce café ce jour-là a été l'une des meilleures décisions de ma vie !

Elle aurait pu y croire. Elle aurait pu lui laisser le bénéficie du doute. Après tout, elle fréquentait bien Dabi sans broncher. Si seulement il ne s'était jamais présenté à elle sous le masque de Compress. S'il ne s'était pas rapproché d'elle en sachant qu'elle partageait une connexion avec Hawks, le héros qui frayait dangereusement avec la Ligue.

— Mais ce n'est pas la seule raison, reprit le vilain avec un petit sourire rusé. Je voulais vérifier quelque chose.

Le pouls de la jeune femme s'emballa derechef. L'arrivée du serveur pour la prise de leur commande différa la question qu'elle s'apprêtait à poser. N'ayant pas pu se concentrer sur le menu, elle énonça une entrée au hasard et fit remarquer dès que l'employé se fut éloigné :

— Tu ne m'as jamais parlé de ça.

Atsuhiro haussa les épaules, l'air finaud.

— Non, ça fait partie de ce que je voulais vérifier.

Elle ignorait ce vers quoi il cherchait à l'entraîner, mais il était manifeste qu'il ne lui concéderait pas de réponse facile. Setsuha s'efforça de ravaler la frustration qui gonflait dans sa gorge.

— Et alors ? Tu y es arrivé ?

— Je pense que oui.

Un pli se creusa près du sourcil de la jeune femme, désormais dévorée de questionnements.

— Je ne te demanderai pas de quoi il s'agit, le prévint-elle, appréciant peu qu'il la titille ainsi.

— Je sais.

Elle lui adressa une mine contrariée qui le fit s'esclaffer avec incrédulité.

— Fukurõ Setsuha, est-ce que j'ai enfin l'opportunité de te voir de mauvaise humeur ?

— C'est comme ça que tu comptes me faire passer une bonne soirée ? rétorqua-t-elle en croisant posément les bras, menton relevé.

Il baissa la tête d'un air piteux.

— Non, excuse-moi. C'est juste que tu es toujours tellement patiente et posée...

— Ne t'y fie pas trop. J'ai mes limites et ma susceptibilité.

En d'autre circonstance, elle aurait sans doute admis cet aspect de son caractère d'un ton moins ferme. Atsuhiro ne fit pourtant qu'acquiescer, une lueur d'amusement contrit au fond des yeux.

— Naturellement.

Le premier des huit mets que comptait le menu du jour leur fut alors servi avec une délicatesse classieuse. S'attaquer à ses fines bouchées de bœuf nappées de sauce et de fleurs comestibles permis à Setsuha de clore cette digression désagréable de la conversation. Néanmoins, Atsuhiro avait encore une carte dans sa manche. Il attendit qu'arriva le second plat pour révéler :

— Je voulais vérifier si tu te souvenais de moi.

Elle fronça les sourcils, confuse.

— Du festival ?

— Non, avant ça.

— Quand ?

— Bien avant.

Setsuha se prit à regretter de ne pas disposer de l'Alter de Kaya. En cet instant, elle l'aurait presque échangé contre ses ailes. Baguette en main, elle étudia le vilain tout en fouillant ses souvenirs, sans parvenir à retrouver son visage avant le Tsubasa Matsuri. Atsuhiro s'aperçut de son regard scrutateur, et pinça un sourire malicieux tout en mâchant. C'était au premier qui flancherait. Or Setsuha n'était même pas certaine qu'il n'inventait pas cette histoire.

— Je me souviendrais de toi, si je t'avais déjà rencontré, avança-t-elle.

— Il semblerait que non. Mais avec tes ailes, tu es plus reconnaissable que je ne l'étais à ce moment-là.

L'esprit embrouillé, la jeune femme tenta de l'interroger alors que défilaient les plats. De toute évidence égayé par sa perplexité, le vilain se montrait laconique, ne lui concédant que les plus infimes indices. À la fin du dîner, elle savait uniquement que cette soi-disant première rencontre avait été brève, remontait à plusieurs années, et qu'ils avaient à peine échangé à ce moment-là. Ils ne s'étaient même pas donné leurs noms.

Setsuha avait renoncé à élucider ce mystère quand ils sortirent du restaurant. À peine sur le trottoir, Atsuhiro lui attrapa le poignet d'un geste empreint de douceur. Il l'attira à lui pour entourer un bras autour de ses épaules. Sa tempe câlinement vient reposer contre la sienne. Son souffle se perdit entre les frisures blanches de l'ailée. Si Setsuha lui rendit son étreinte, elle dut combattre l'impression de bien-être que celle-ci avait le don de lui inspirer. Pouvait-on réellement feindre une telle tendresse ? Pouvait-on être doué à ce point ? Les questions sans réponses filaient les unes après les autres dans son esprit déjà saturé.

— Je crois que je suis déjà tombé amoureux de toi, murmura Atsuhiro contre son oreille.

Elle ferma les yeux avec force. Comme si ses paupières pouvaient contenir la montée d'émotion et de douleur qui lui perfora la poitrine en l'entendant faire écho à sa confession.

Elle aurait pu faire le choix de se préserver. Se détacher de lui et mettre fin à cette soirée éprouvante. Mais elle savait pertinemment qu'en le quittant maintenant, elle ne pourrait jamais se débarrasser de ses doutes et incertitudes. Alors, elle glissa le bras sous le sien et ils effectuèrent ensemble le trajet jusqu'à chez elle.

Setsuha n'eut pas la patience d'attendre qu'ils terminent le verre de vin qu'ils se partagèrent, debout dans sa cuisine. Les mots ne menaient plus nulle part, ne faisaient qu'accroître son désarroi. Elle intercepta Atsuhiro, qui s'apprêta à aller s'installer sur le canapé et, la peau frémissante, elle se pressa contre son torse, glissa la main derrière sa nuque et apposa ses lèvres aux siennes. La bouche du vilain s'ouvrit à son contact avec un souffle assoiffé. Les yeux mi-clos, elle l'embrassa comme une prospection, essayant de percevoir ses véritables intentions à travers la façon dont il répondait.

Cependant Atsuhiro dut percevoir la fêlure dans son baiser. La distance de ses émotions. Un soupir frustré lui échappa avant qu'il ne glisse une main au coin de son visage pour le maintenir, tandis que l'autre dévalait le creux de son dos et griffait la courbe de sa fesse. Il l'empoigna franchement, poussant le bassin de l'ailée à sa rencontre, en même qu'il courtisait ses lèvres avec suavité. Setsuha enroula les bras autour de sa nuque, prise de l'impression d'étouffer contre sa bouche qui la fauchait. Ses paupières papillonnèrent sous la bouffée de fièvre que leur baiser fit monter en elle. Dépassée par son propre afflux de désir, elle voulut reculer sa figure et prendre une inspiration, mais se retrouva serrée plus fort, le nez collé au sien, poursuivie par la bouche de Atsuhiro, incapable de s'y arracher.

Ses plumes frôlèrent le mur. Elle plaça ses ailes avant qu'elles ne se retrouvent coincées entre la surface et son dos. Le poids du bassin de Atsuhiro l'épinglant en place lui fit tourner la tête. Il s'appuya de sa prothèse contre le mur, la surplombant de toute sa stature, l'effleurant de tout son être, pour la ratisser d'un regard dévorant. Son pouce traça le contour de ses joues cuisantes.

— Merveilleuse créature, susurra-t-il avec ferveur. Parfois j'ai du mal à croire que tu es vraiment devant moi.

Il embrassa le bord de son oreille.

— Avec moi.

Sa bouche pressa sa paupière supérieure. Puis sa caresse la frôla de sa pommette au coin de ses lèvres humides.

— À moi.

Une tension chaude et piquante tourbillonna dans l'estomac de la jeune femme. Elle l'attrapa par le poignet pour l'entraîner dans sa chambre. Les doigts tremblants d'émoi et de désir, elle se débarrassa de son pantalon de velours. La présence d'Atsuhiro derrière elle électrisa sa colonne. Son souffle balaya ses mèches frisées. Il pétrit ses hanches tandis qu'elle se déshabillait, gratifiant sa cuisse d'un massage circulaire qui granula de frissons sa peau ambrée. Elle se retourna, l'œil incitatif, et le fit reculer jusqu'à son lit, puis grimpa sur ses cuisses tandis qu'il faisait passer son col roulé par-dessus sa tête. De nouveaux hématomes maculaient son abdomen. Cette fois, elle ne prit pas la peine de s'y arrêter.

Juchée sur lui, Setsuha fourra les doigts dans ses boucles, les peignant jusqu'à l'arrière du crâne, et les empoigna pour lui faire ployer la nuque. Il lui exposa ainsi son faciès glabre, l'arête élégante de son nez droit, les reliefs fiers et distingués de son ossature. Une physionomie taillée pour le charme, pour les plaisirs hédoniques et la richesse intellectuelle. Des traits parfaitement à son goût, qui lui faisaient encore bien trop d'effet.

— Mon beau magicien, souffla-t-elle, penchée au-dessus de lui. Trop beau pour être vrai.

Elle avait prononcé ces mots avec une pointe d'amertume et de regret qu'elle ne lui laissa pas le temps de relever. Sa bouche était déjà sur sa gorge offerte. La main d'Atsuhiro se posa sur ses reins tandis qu'elle appuyait les lèvres contre son pouls, contre sa pomme d'Adam, le nez glissant contre la peau tendre. En cet instant, Setsuha ne voulait que s'approprier cet homme à qui elle s'était offerte sans contrepartie. Elle voulait qu'il succombe, véritablement, ne fusse qu'une unique fois.

Mues par cet élan conquéreur, elle passa ses paumes le long de son torse nu, de ses abdominaux trémulants à son poitrail lisse. Le visage au creux de son cou, elle remonta les bras par-dessus ses épaules tout en plaquant ses hanches aux siennes, d'une ondulation lente et mesurée. Ses mains frictionnant les omoplates du vilain, elle entama un roulis sensuel du bassin, frottant à travers son pantalon pour attiser la chaleur de son entre-jambe. Ses ailes se haussèrent plus haut dans son dos alors qu'il frémissait de délice. Ses doigts courraient, irrassasiables, travaillant les muscles, traversant son échine, imprimant leur passage sur le grain ferme de sa peau.

Entre ses soupirs de délectation, Atsuhiro, alerté par son avidité éperdue, la saisit par la taille et tourna la tête pour trouver son oreille parmi ses frisettes.

— Je suis là, je suis là, murmura-t-il. Je vais nul pa-nhh !

Elle venait de racler ses ongles dans son dos avec une poussée verticale du bassin contre le renflement qui commençait à tendre le lin noir. La pression des doigts du vilain, enfoncés dans la chair de ses hanches, attestait à elle seule de la véracité de son désir. À la façon dont il plissait les paupières sur l'éclat avide qui allumait son regard, dont son souffle se chargeait d'avidité, Setsuha pouvait dire qu'il ne feignait aucune de ses réactions. Mais que désirait-il réellement d'elle ? Le triomphe de ravir l'ex du Numéro 3 ? L'adrénaline de l'interdit qu'incarnait son statut de criminologue ?

La jeune femme retira à son tour son haut, puis fourra derechef les doigts dans les boucles du vilain et souda sa bouche ouverte à la sienne. Abandonné à ses attentions langoureuses, il se laissa aller en arrière, l'attirant avec lui. Quand son dos eut rencontré la couette, il fit courir ses ongles sur les reins de Setsuha. Elle tiqua en sentant ses doigts remonter vers la base de ses ailes. N'ayant pas le cœur de le laisser les toucher, elle écarta son bras. L'espace d'un bref instant, elle se prépara à devoir affronter son incompréhension, ou même sa déception. Or Atsuhiro ne lui adressa pas la moindre remarque face à ce refus muet.

Les seins aplatis contre son torse nu, ses tétons râpant ses mamelons doux, elle fit glisser ses doigts à l'intérieur des avant-bras du magicien, l'organique et le mécanique, pour les lui faire ramener de part et d'autres de sa tête et nouer ses mains aux siennes. Soulagée de ne pas avoir à s'expliquer pour cette limite inattendue, elle coula la langue dans sa bouche à la manière d'une friandise. Alors qu'il dégustait l'offrande avec suavité, elle songea que ce respect de sa part n'avait rien de si étonnant. Mr Compress était doté de son propre sens éthique. Avec ou sans masque, il se montrait galant et courtois. Quand bien-même se jouait-il de ses sentiments, elle pouvait croire en son intégrité dans l'intimité. S'il devait lui faire du mal, ce ne serait pas dans les draps.

Atsuhiro remua alors le bassin entre ses cuisses, le haussant pour approfondir la friction de leurs entre-jambes. Une bouffée de chaleur la parcourut. La figure polissonne, il demanda avec une douceur cajoleuse :

— C'est un plaisir d'être pris dans vos serres, ma chère. Mais vous pourriez me relâcher le temps que je m'allège un peu ?

Setsuha joua encore une fois. Pas par complicité ou attirance, cette fois. Par intérêt. Presque par rancune. Au lieu de se détacher de lui, elle ne libéra que son bras valide et se souleva pour faire aller la pulpe de ses doigts le long des reliefs musclés de son torse, traçant des sillons aussi éthérés que ses plumes. Le vilain s'alanguit de bien-être sous elle.

Elle fit coulisser la glissière de son pantalon, puis faufila la main dans son sous-vêtement. Ses effleurements, d'abord légers, lui tirèrent des tressaillements. Dressée au-dessus de lui, elle se reput de ses moindres réactions, ses ailes se déployant à demi. Sa paume s'enroula autour de son membre velouté. Il se moula dans sa prise avec la ductilité que lui conférait l'habitude de son contact, souple et malléable.

Setsuha le dégagea suffisamment du textile pour pouvoir faire aller et venir ses caresses, la peau élastique coulissant au rythme de celles-ci. Elle suivait ses veines, le pressait au bout de sa montée sans se hâter. Il gonflait peu à peu sous ses soins, émettait des râles doux lorsqu'elle plongeait sous ses glandes alourdies. Son bas-ventre se contractait et ses hanches se soulevaient en réponse aux stimulations de la jeune femme, creusant son aine. Elle ne perdait rien de la tension qui tendait son corps et ses traits. Il y avait quelque chose de grisant à assujettir ainsi un membre de la Ligue. À le sentir vibrer au creux de sa paume.

Elle arriva sur le bulbe replet, prête à le fourbir jusqu'à ce qu'il succombe, quand la main du vilain remonta à l'arrière de sa cuisse. Du bout des doigts, il titilla la soie fine et moite aux abords de son intimité. Les frictions désinvoltes la rappelèrent à l'échauffement qui la dévorait entre les jambes. Atsuhiro haussa un sourcil taquin, désormais bien au fait de sa propre excitation.

Il lui glissa tout à coup de doigts quand il se redressa sans préavis. Surprise, Setsuha se retrouva attirée à lui, ses cuisses s'ouvrant davantage alors qu'il la calait sur les siennes. Déjà, le vilain faisait tomber son soutien-gorge. Elle ne put s'empêcher de se crisper devant la rapidité de ce basculement mais il reprit avec lenteur, ses phalanges traçant ses côtes, puis le dessous de sa poitrine, tandis qu'il embrassait sa gorge. Le corps de l'ailée se relâcha, rendu sensible par ses nerfs enfiévrés. Elle releva le menton pour lui accorder un meilleur accès. Les yeux clos, elle sentit ses lèvres appuyer point par point contre son cou, chaque baiser apposé comme une marque avec un soin possessif. La lenteur voluptueuse de ses gestes gorgea graduellement ses nymphes d'un désir vif, jusqu'à l'emmieller tout à fait.

Au début de la soirée, elle n'était même pas certaine de le ramener chez elle. À présent, elle se retrouva renversée en arrière, le souffle court, les reins en appui sur la prothèse du vilain, tandis que les doigts de celui-ci bougeaient entre ses chairs pulpeuses. Une main agrippée à son épaule, l'autre rivée aux draps, elle luttait contre les contractions de ses cuisses, les pieds arqués.

Seule sa lampe lune éclairait la pièce depuis son étagère. Les tons blanc chaud nappaient la peau du vilain d'un lustre pâle. Palpant du bout des doigts un point sensible au fond d'elle, il emplissait son bas-ventre d'une tension voluptueuse, déterminé à l'en faire déborder. Sans interrompre son œuvre, il enfouit le nez contre la poitrine de la jeune femme, humant leur parfum, frottant câlinement ses joues contre les rebondis brûlants et couronnées de pointes érigées.

— Tu me testes ce soir, fit-il remarquer dans un murmure. Qu'est-ce que tu as besoin de savoir ?

Son ton ne recelait aucune critique. Seulement une prévenance délicate. Loin de lui accorder un moment de répit, Atsuhiro poursuivit avec une habilité possessive ses pressions contre le noyau sensible niché dans son bassin. Son pouce vint rouler sous la toison moite de l'ailée, sur les replis abritant sa tumescence mise à vif. Au milieu des ondes profondes qui lui serraient le bas-ventre, Setsuha comprit qu'il n'avait pas l'intention qu'elle réponde avant qu'il ne l'ait fait basculer.

De fait, son étreinte se resserra dans son dos, ses caresses se précisèrent entre ses jambes. Sa main la tenait et jouait d'elle avec une dextérité si juste, si légère et insistante à la fois, qu'elle ferma les yeux avec un halètement saccadé, assaillie de spasmes doux, traversée de radiations cuisantes.

Le vilain ralentit ses gestes, accompagnant sa redescente de baisers légers sur ses clavicules. Toute frémissante, Setsuha glissa machinalement une main dans ses boucles en désordre. Quand elle eut repris sa respiration, il redressa la tête et la considéra, dans l'attente qu'elle prenne la parole. Elle brossa ses boucles châtain, puis esquissa un sourire mutin.

— Peut-être que je veux vérifier quelque chose, souffla-t-elle.

Il roula des yeux en l'entendant retourner contre lui la tactique qu'il avait employée au Candle Raito. Elle s'assit en tailleur quand il la relâcha. Tout en retirant ce qu'il lui restait de vêtements, Atsuhiro soupira :

— Très bien. Madame est du genre rancunière, à ce que je vois.

— Mmmh, je t'avais prévenu.

Alors qu'elle ratissait des yeux le dos musculeux du vilain, Setsuha se surprit à apprécier leur complicité du moment. Peut-être l'influence de l'ocytocine l'avait-elle trop détendue, mais elle se sentait désormais maîtresse d'elle-même et de la situation.

Le vilain reprit d'un air détaché, tandis qu'il déroulait la protection translucide autour de son membre érigé :

— Dans ce cas, je te préviens : je suis patient.

Setsuha se rapprocha de lui en lui tendant la bouteille de lubrifiant.

— Voyons ça, rétorqua-t-elle.

— Qu'est-ce que tu préfères ?

Il accompagna sa question d'un mouvement de la main pour lui signifier qu'il la laissait choisir une position à sa convenance, soucieux de ses ailes. Setsuha replia soigneusement celles-ci dans son dos et attendit qu'il se fût enduit du produit huileux avant de le faire se rasseoir. Elle prit place sur lui, les genoux enserrant ses flancs, les bras croisés derrière sa nuque. Atsuhiro leva le menton afin de plonger son regard noisette dans le sien. Il la câlina du bout du nez, embrassa furtivement ses lèvres, puis glissa les mains sous ses cuisses pour la soutenir tandis qu'elle descendait sur lui. Elle l'enveloppa en quelques coulissements, d'une fluidité qui lui vida aussitôt l'esprit, et s'ajusta sans mal à sa présence rigide. Quand ils fut tout à fait enfoui, ils partagèrent un souffle d'émotion, étourdis.

Setsuha entama sa course, en appui sur ses orteils, poussant sur ses cuisses. Elle vit le vilain ciller lorsqu'il se rendit compte qu'elle se concentrait sur son plaisir à lui. Maîtresse de son membre qu'elle tenait entre ses chairs et caressait par ses mouvements verticaux, elle lui massa l'échine.

— Toujours patient ? susurra-t-elle.

Elle accompagna sa provocation d'une contraction ajustée de ses muscles internes. Son estomac chaloupa de le sentir encore plus étroitement logé en elle. Atsuhiro émit un râle de délice. Ses mains s'arrimèrent tout à coup à son fessier.

— Tu n'as pas idée, rétorqua-t-il.

Elle se retrouva soudain soulevée et perdit son maintien alors qu'il réajustait leur position. Une fois agenouillé, il la replaça sur ses cuisses aux muscles secs. Elle fut distraite pas le baiser gourmand dont il s'empara de sa bouche, avant de le sentir remuer des reins. La peau en feu et les nerfs fourmillants, elle arqua le dos malgré elle, travaillée par ses ondulations courtes et languides. Elle avait perdu l'initiative dès lors qu'il l'avait placé ainsi, une main au creux de son dos, l'autre sur sa nuque. À la merci de ses lèvres, dents et roulis de hanches. La pression se concentra à une vitesse affolante au cœur de son intimité, avivée par les cercles qu'il effectuait à un rythme précis.

Setsuha hoqueta, presque à court d'oxygène. Ses ailes tressaillirent, tirant un sourire jubilatoire au vilain. Se sachant près de perdre pied, elle raffermit sa prise autour de ses épaules, dans l'espoir de faire contrepoint à ses impulsions. La main valide de Atsuhiro descendit se river à sa taille.

— Tu ne serais pas en train d'essayer de me saboter ? souffla-t-il à son oreille d'une voix poussive.

Sans lui laisser l'opportunité de répondre, il glissa ses doigts souples entre leurs pubis moites. Quelques frictions circulaires et coordonnées, et la jeune femme fut perdue. Balayée par des soubresauts voluptueux, elle se tendit de tout son être dans l'étreinte de Atsuhiro, le souffle coupé. Il prolongea sa jouissance de plusieurs salves, au point qu'elle sentit sa figure de distordre, qu'elle crut se rompre de l'intérieur.

Quand le plaisir reflua, tout son corps se relâcha. Exténuée, elle se laissa aller contre le vilain, qui caressait sa peau de long en large avec douceur. Elle prit alors conscience qu'il ne l'avait pas suivi dans l'abîme libérateur, et releva les yeux vers lui. Atsuhiro lui adressa un clin d'œil en dégageant son visage des petites mèches frisées qui s'y étaient collées.

— Je t'avais prévenu, reprit-il ses mots avant d'appliquer des baisers de velours de son épaule à son oreille. Encore une fois ?

Elle lâcha un faible rire de capitulation, tandis qu'il la laissait déjà s'étendre sur le flanc. Pas plus avancée qu'au début de la soirée sur les véritables motivations du vilain, elle n'avait de certitudes que sur son propre attachement. Car même après que la vérité lui ait éclaté en pleine figure, elle savourait le temps passé avec lui. Elle se régalait de sa présence. De sa voix tiède et mélodieuse. De son parfum sensuel de musc blanc et d'amande. De tout ce qui faisait de lui le prestidigitateur qu'elle avait connu et qui lui tournait la tête. Qu'elle désirait même à présent. Comment en attestaient les discrètes palpitations humides entre ses cuisses.

— Qui teste qui ? répondit-elle d'un ton qui marquait son assentiment.

Le corps de Atsuhiro la surplomba dans des effluves de chaleur corporelle et de peau enfiévrée. Son genou se glissa entre ses cuisses. Son aine vint se plaquer à son fessier alors qu'elle le prenait à nouveau, sans la moindre résistance. Alanguie, elle ferma les yeux, résolue à profiter de son contact encore si familier et si bon.

Son corps n'était plus que coton et flageolements quand elle se glissa dans la salle-de-bain un moment plus tard. L'esprit flottant, elle alla ensuite se préparer un lait au miel pendant que Atsuhiro prennait sa douche. Il expira un rire nasal en la trouvant au lit avec sa boisson.

— Bec sucré après l'amour, la taquina-t-il.

Elle haussa un sourcil.

— Est-ce une surprise ?

— Nullement.

Il s'installa contre elle et elle se cala auprès de sa stature attiédie par l'eau chaude. Les doigts du vilain dessinaient des spirales distraites sur son épaule. Pour un instant, Setsuha cessa de prétendre et s'autorisa à profiter de ses bras autour d'elle. Il s'agissait peut-être d'une faiblesse de sa part, mais elle tenait à s'y accrocher une dernière fois avant de devoir y renoncer.

Car la situation ne pourrait pas continuer ainsi. Tôt ou tard, il lui faudrait confronter le vilain. Et bien qu'elle ne fût pas encore prête à encaisser l'ampleur de la vérité, Setsuha se préparait déjà à ce que tout s'achève.






~ "Mais les pensées sont les esclaves de la vie, et la vie, le bouffon du Temps, et le Temps, qui examine le monde entier, doit prendre fin." La nuit des rois ~



Une "confrontation" Atsuha qui s'étale sur presque 5k de mots et... ne résout rien ! x)

Petit rappel que Setsuha et Atsuhiro se sont déjà rencontrés il y a longtemps, mais maintenant vous savez comme lui que Setsu n'en avait aucune idée !

J'ai écris ce chapitre en étant à fond, c'était important pour moi que Setsuha puisse faire face à Atsuhiro et peser ses doutes avec ses sentiments !

C'est toujours silencieux dans les commentaires sur les scènes de smut, mais j'espère que ça a été ! Chaque fois que j'en écris, je passe par 2 phases : la première où je me régale à l'écrire, la deuxième où je relis et je me dis que c'est éclaté au sol x)

Bon mais je reste contente de la communication et du respect qu'il y a eut entre eux pendant cette scène !

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