Chapitre 22 - Tenders
~ "What it is a time to jest and dally now ?" Henri IV ~
« Endeavor est debout ! Debout avec le poing le levé ! Un signe de victoire... non ! De son début ! »
Les médiats ne tarissaient pas d'éloge envers le nouveau Numéro 1. Les images de son affrontement contre le Nomu haut de gamme passaient en boucle sur toutes les chaînes. Le héros de flammes flambait d'une gloire restaurée, qui en éclipsait son jeune collègue. Celui qui avait sauvé des centaines de victimes et sacrifié ses ailes pour permettre l'ascension d'Endeavor. Alors que l'objectif des caméras était braqué sur ce dernier, Taru avait guetté le moindre plan sur lequel apparaissait Hawks, tenaillée par une panique vertigineuse. Elle n'avait jamais vu le héros ailé être poussé si loin dans ses retranchements.
Hawks ne l'avait contacté que bien après la fin de l'affrontement, tard dans la soirée, pour l'informer qu'il se trouvait à l'hôpital avec Endeavor, mais qu'il sortirait dès que ses plaies et contusions seraient traitées. Taru lui avait assuré qu'elle passerait le voir à la première heure. Le lendemain, levée aux aurores après une nuit à poursuivre le sommeil, elle s'était préparée en hâte et avait quitté l'appartement, accompagnée par Chika et Baku.
Le trio retrouva Setsuha en chemin, et les deux jeunes femmes s'arrêtèrent pour acheter des tenders de poulet dans le quartier du héros. Leurs mines tirées par la fatigue et l'émotion leur tira des sourires compatissants. Setsuha offrit les boissons en supplément du petit-déjeuner, et elles se présentèrent à la porte du Numéro 2, chargées de sacs tièdes et odorants. Dès qu'apparut sa figure éreintée dans l'encadrure, une boule d'émoi comprima inopinément la gorge de Taru.
Heyyy, vous êtes tous venus ? s'ébahit Hawks avant de humer l'air. Et ça sent les tenders de chez Tabata, nan ? Je oof –
Les yeux embués, Taru s'écrasa contre lui pour l'étreindre avec force, l'interrompant net. Il passa aussitôt ses bras autour d'elle, et la serra tout en la berçant sur place, la joue contre sa chevelure. Setsuha ramassa le sac que la jeune femme avait laissé tomber, et se faufila derrière eux.
— Je vais poser tout ça dans la cuisine, glissa-t-elle avec discrétion.
Taru sentit Hawks la remercier d'un mouvement de tête. Elle se pelotonna plus étroitement contre son corps robuste, incapable de le lâcher. Les adolescents emboîtèrent le pas à Setsuha, et Chika s'émerveilla bruyamment devant le duplex du héros. La poitrine de Hawks vibra d'un son appréciateur.
— J'avais vraiment besoin de ça, souffla-t-il en lui caressant le dos.
— Moi aussi. J'ai rien vu venir, d'un seul coup ils passaient l'attaque sur tous les flash info, tu tu saignais...
— Je sais. Je sais, désolé. Je vais tout vous expliquer.
Taru prit une profonde inspiration, pour se gorger de son odeur abricotée, puis se détacha enfin de lui. Dans le salon, Setsuha disposait les gobelets et les boîtes de poulet frit sur la table basse. Elle étreignit à son tour le héros, puis le laissa accueillir les adolescents. Chika sautilla autour de lui, examinant son dos, alors qu'il frictionnait la tignasse blanche de Baku.
— C'est des nouvelles plumes ? T'avais tout brûlé, non ? Tes ailes vont repousser ?
— Il me restait rien du tout, confirma-t-il de son air nonchalant. Mais d'ici quelques jours elles seront comme neuve, t'en fait pas.
— On t'a pris des tenders, intervint Baku en lui présentant une boîte.
— Vous êtes les meilleurs !
Hawks s'empressa d'enfourner une pièce de volaille, avant de s'affaler sur le canapé. Ouvrant le bras, il invita Taru à le rejoindre. Elle se blottit contre lui, recherchant le contact de sa stature tiède, et entama son sandwich aux fruits. Son Mocha en main, Setsuha prit place près d'eux alors que leurs cadets s'assaillaient en tailleurs, au plus près des victuailles. Les yeux étrécis d'un air soucieux, elle pianota des doigts sur son gobelet.
— Je suis tellement désolée, Hawks, lâcha-t-elle. Je pensais pas que...
— Non, non, non, l'interrompit-il. C'est pas de ta faute, Setsu.
— J'aurais pu le croire si ça avait été une attaque au hasard, mais là, c'était ciblé. C'est Dabi qui te l'a imposé, pas vrai ? Il voulait faire tomber un héros. En échange de la libération de Muhaoto.
Taru cessa de mâcher et tourna un regard interloqué vers Hawks. L'irruption de Dabi après la victoire d'Endeavor avait jeté le doute en elle, mais elle n'avait pas établi l'ampleur des connexions avant que Setsuha ne les signale. Hawks pinça les lèvres.
— Il aurait trouvé le moyen de me faire sacrifier un héros de toute façon. Sauf que j'ai pu arranger le coup. Endeavor n'est pas tombé, au contraire.
Une once de fierté triomphante perça sa voix, tandis que son regard ambré s'illuminait. Les deux jeunes femmes le dévisagèrent. Taru revit la façon acharnée dont il avait soutenu Endeavor au combat. Jusqu'à la dernière de ses plumes.
— Tu l'as fait exprès, comprit-elle, estomaquée.
— Et tu as tout préparé, renchérit Setsuha. Depuis le classement.
— Mais ça va pas te mettre en porte-à-faux par rapport à Dabi ?
Le héros ouvrit les mains en geste d'innocence.
— J'ai fait exactement ce qu'il m'a demandé. Mais je ne pouvais pas non plus me griller auprès des héros.
— Pourquoi est-ce que Dabi s'est montré, à la fin ? demanda Taru. Qu'est-ce qu'il voulait ?
— Provoquer Endeavor, on dirait. Il a l'air particulièrement fixé sur lui.
Taru prit une gorgée de son thé à la pêche, et resta songeuse. Dabi semblait se faire un malin plaisir d'éprouver Hawks dans ses tentatives de tisser une alliance. Si le vilain commençait à retourner son admiration envers Endeavor contre lui, combien de temps Hawks parviendrait-il à tirer parti de ses combines avant de se retrouver acculé ?
— Devant sa mine préoccupée, Hawks attira son attention d'une légère poussée du coude, puis effectua une courte série de signes.
Ça va aller, lui assura-t-il muettement.
Surprise, Taru signa en retour, mais le héros grimaça, incapable de comprendre sa réponse.
— Je demandais si tu avais continué d'apprendre la JSL, traduisit-elle.
— Un petit peu, indiqua-t-il en accompagnant sa réponse de l'équivalent signé.
Tu t'en sors bien ! l'encouragea Taru, avant de verbaliser chacun des gestes qu'elle lui adressait. Ils poursuivirent leur exercice improvisé tout en terminant leurs tenders et leurs sandwichs. En face d'eux, Chika et Baku mimaient leurs mouvements, puis la semi-guéparde se dissipa et entama une conversation silencieuse avec son cadet, à base de signes de sa confection. Setsuha les observa un moment avant de s'absorber sur son téléphone. Tout en corrigeant la position et le tracé des mains de Hawks, Taru lui jeta des coups d'œil, interpellée par l'ombre vulnérable qui grimait sa figure. Quand le héros se leva pour jeter les emballages, elle rejoignit l'ailée.
— Ça va pas ?
Setsuha inclina son écran de sorte qu'elle puisse suivre la vidéo qu'elle regardait. Un jeune homme d'une vingtaine d'années se produisait sur la scène d'un bar sans prétention. Vêtu d'une livrée émeraude et d'un Fedora, il dégageait un certain charisme sous les projecteurs. Taru reconnut l'homme qui avait abordé Setsuha au festival, et avait qui elle s'était rendue au gala.
— C'est Atsuhiro ? s'ébahit-elle.
Dans la cuisine, Hawks pivota vers elles, interloqué par la mention du magicien.
— J'ai cherché un peu, et j'ai trouvé des comptes qu'il tenait il y a quelques années, expliqua Setsuha. Apparemment, il s'est vraiment lancé dans une carrière de prestidigitateur à un moment de sa vie.
— Tu sais pourquoi il a arrêté ?
— Je sais que ça coïncide avec le début de ses activités de vilain, mais c'est tout. Le contenu s'espace de plus en plus, et finit par s'arrêter totalement.
Hawks s'approcha, la mine empreinte de sollicitude.
— Qu'est-ce que tu cherchais, Setsu ?
La question lui tira un soupir douloureux.
— Je sais pas. J'étudie tout ça : la crimino, l'entrée dans la délinquance, les besoins criminogènes... mais là j'ai l'impression que ça me sert à rien. Je suis perdue. Je me suis dit qu'en fouillant, en essayant de retracer son parcours, j'arriverai peut-être à faire sens de ce qu'il s'est passé... entre nous.
Hawks s'assit auprès d'elle, massant sa mâchoire d'un air soucieux.
— Pour traiter avec lui presque aussi souvent qu'avec Dabi, j'aimerais pouvoir te donner une réponse aussi simple et tranchée que : il cherchait juste à te manipuler, mais je serai pas objectif.
Setsuha acquiesça, les traits plissés par une peine sourde.
— C'est ce que m'ont dit mon frère et Kaya. Et je l'ai croisé au Baratin le soir du classement. On s'est juste croisé, mais je me suis souvenue de notre toute première rencontre, quand j'étais ado.
— Tu l'avais déjà rencontré ? s'étonna Taru.
— A un festival, pendant les vacances. Je l'avais complètement oublié, mais Atsuhiro s'en souvenait. Il m'a dit que c'est ce qui l'avait poussé à m'aborder quand on s'est recroisé. Entre ça et ses anciens comptes, ça confirme certaines choses qu'il m'a raconté. Ça confirme que cette part de lui qu'il m'a présenté, cet intermittent du spectacle amoureux de la scène existe. Ou en tout cas, a existé.
Quelque chose, dans la façon dont la voix de Setsuha s'allégeait, trahissait son soulagement de ne pas avoir succombé pour un tissu de mensonge. De ne pas s'être éprise d'une chimère. Elle se rembrunit néanmoins.
— Mais il reste quand même un vilain qui m'a menti et a enlevé mon frère, et je lui en veux tellement pour ça !
— Tu devrais parler avec Kaya, lui suggéra Taru. C'est la mieux placée pour comprendre ce que tu vis.
Setsuha poussa un geignement et se laissa basculer en arrière, arrangeant ses ailes pour s'étendre contre le dossier, un bras appuyé contre ses yeux.
— Sauf que Dabi s'en est jamais pris à ses frères, au contraire.
— Je crois qu'il les utilisait quand même comme moyen de chantage, au début, grimaça Taru.
L'ailée souleva le bras, dardant ses yeux noirs sur elle.
— C'est vrai ?
— J'ai pas tous les détails, mais c'était pas évident pour elle non plus. Demande-lui.
Hawks lâcha un rire et flatta affectueusement le genou de Setsuha.
— Vous êtes une sacrée bande d'héroïnes dramatiques, toutes les trois.
— Oh, ça va, Taru s'est pas trop plantée, rétorqua Setsuha en glissant une œillade pleine d'insinuation au héros.
Celui-ci fit mine de pondérer la remarque, une moue sceptique aux lèvres.
— Mmh, il y a eu Edge, quand même.
Chika poussa une exclamation dégoûtée, et Taru bondit sur ses pieds, outrée.
— Quoi ? Mais ça n'a rien à voir ! On a jamais été ensemble !
— N'empêche que votre relation était particulière, pointa mielleusement Hawks. Tu avais un petit béguin pour lui, non ?
Il inclina le buste vers elle, un sourire rusé aux lèvres. Soudain agitée, elle se pencha pour le faire taire d'une paume écrasée contre sa bouche.
— Je le trouvais beau, admit-elle. Et j'aimais bien le dessiner.
Hawks écarquilla exagérément les yeux au-dessus de ses doigts, avant de dégager sa figure.
— Alors que t'as mis tellement de temps à me dessiner ! feignit-il de s'offusquer.
— C'est pas sur lui que j'ai peint, fit doucement remarquer Taru en reprenant place à côté de lui.
Il fit mine de s'adoucir, et enroula un bras autour de sa taille.
— J'espère bien.
Egayée, elle glissa une main sous son menton, et embrassa sa joue. L'espace d'un instant, elle goutta sa peau tendre, blondit de soleil, contre ses lèvres. Le pouce du héros pressa sa hanche. Il pressa câlinement sa tempe contre la sienne.
— Toujours pas de couleurs, regretta-t-il. Faudra que je tente autre chose.
— Ça va revenir, assura Setusha en frôlant Taru de ses plumes.
~ "Est-ce le moment de plaisanter et lambiner, maintenant ?" Henri IV ~
Un chapitre Hawru tout doux !
On avance dans la chronologie de mha hehe ~
Setsuha se pose toujours des questions sur Sako !
J'aime bien l'écrire dans sa relation amicale avec Hawks et Taru !
Merci à toutes les personnes qui ont pris le temps de me laisser un commentaire après le message du précédent chapitre, ça m'a beaucoup touché <3
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