Chapitre 11 - Idées



"We know what we are, but know not what we may be." Hamlet ~


Ce fut le mouvement de Tõya auprès d'elle qui fit émerger Kaya d'un sommeil lourd. Les paupières closes, elle se recroquevilla, remontant plus haut la couette sur son épaule. La froidure de novembre s'immisçait dans l'appartement. Elle sentit confusément le vilain se glisser hors de lit, et roula pour trouver la chaleur dont il avait imprégné les draps. Il dégageait une telle fournaise qu'elle se retrouvait souvent en sueur lorsqu'ils dormaient l'un contre l'autre. Ravie de se lover à sa place, enveloppée de son odeur de fumée et d'ambre grise, elle espéra qu'il aurait la présence d'esprit de lancer le mode chauffage du climatiseur, et sombra dans une somnolence paresseuse.

Le retour de Tõya sous la couette la tira de nouveau de sa torpeur. Devinant que la matinée était tout juste entamée, elle se refusa à ouvrir les yeux. Un sourire fit frémir ses lèvres quand il se moula à son dos, un bras passé par-dessus sa taille. Son torse nu et brûlant lui chauffa agréablement la colonne à travers son débardeur. Il glissa la jambe entre ses mollets, de sorte à atteindre ses pieds des siens. Kaya se réjouit de pouvoir lui livrer ses orteils glacés. Un souffle moqueur s'éleva derrière elle.

— Toi, dès que les températures descendent sous dix degrés, tu risques l'hypothermie.

— J'ai des problèmes de circulation, marmonna-t-elle d'une voix cotonneuse.

Il ne s'agissait que de soucis de santé bénin, qui lui laissaient les extrémités froides. Bien au courant de cette particularité, Tõya trouva sa main, qu'il recouvrit de la sienne. Ses doigts massèrent sa peau, s'insinuant entre les métacarpes, frictionnant les phalanges. Or, au lieu de se contenter de lui servir de bouillotte humaine, il promena son nez dans ses cheveux, jusqu'à trouver son oreille. Sa langue cuisante se chargea de lui réchauffer l'hélix et le lobe. Le cou de Kaya se mit à chauffer. Il y planta des baisers ardents. Elle nota la fraîcheur de son haleine, bien moins chargée que la sienne, et en déduisit qu'il était passé dans la salle-de-bain un instant auparavant. Elle entrouvrit un œil. La clarté blanchâtre du levé du jour baignait la pièce d'une pénombre estompée.

— Mais t'es aux p'tits soins, ce matin, nota-t-elle, encore groggy.

— Chhhut, j'ai pas commencé.

Il abandonna ses mains pour s'insinuer sous son débardeur et lui masser le ventre. Sa chaleur infusa dans l'estomac de la jeune femme. Elle se pelotonna plus étroitement contre lui. Tõya joua un instant avec l'élastique de son shorty, puis il la fit s'étendre sur le dos et descendit se placer entre ses jambes, lui relevant la droite par-dessus son épaule nerveuse. Il écrasa des baisers chauds sur le coton de son sous-vêtement. Séduite par ce qui s'annonçait, Kaya savoura les caresses paresseuses qu'il faisait courir sur le duvet de sa cuisse.

Le vilain se hissa sur les coudes pour lui embrasser l'aine. La pulpe de ses doigts s'installa contre son entre-jambe. Il entreprit de la masser en petits cercles nonchalants tandis qu'il pressait ses lèvres mi-fermes mi-râpeuses sur son bas-ventre, laissait des traînées le long de ses hanches. La pointe de ses épis et les boucles de ses piercings la frôlaient. Un flot de bien-être épais et voluptueux gonfla les veines de Kaya. Sa poitrine se haussa d'inspirations plus volumineuses. Elle tendit les hanches, mordue de désir.

Tõya exécuta sa demande muette. Il lui retira son shorty, puis frotta avec contentement le nez contre sa toison brune, inspirant les parfums charnels qui l'imprégnaient. Le souffle de Kaya se hacha lorsqu'il colla sa bouche brûlante, ouverte et affamée à son sexe, mâchoire étirée pour l'envelopper tout entier. Son intimité éveillée se retrouva prise dans une antre douce, humide et impossiblement chaude. Des crispations firent spasmer son ventre alors qu'il s'appliquait à passer la langue sur la boursouflure tendre autour de ses nymphes, les frôlant à peine.

La bouche soudée à son entrejambe, il lui donna un long baiser langoureux, au son mouillé et vorace. Sa langue ne faisait cependant que taquiner les commissures de sa fente sans s'attaquer à son centre bouffi de désir. N'y tenant plus, Kaya se redressa pour lui agripper le cuir chevelu.

Tõya, haleta-t-elle d'un ton injonctif.

Il étira un sourire scélérat contre son intimité, avant de mettre fin au baiser lubrique. Son souffle balaya la débauche moite et luisante qu'elle était devenue. Il donna un coup de langue vertical sur ses chairs à vif. Ses papilles bouillantes étaient un délice contre la sensibilité de sa vulve. Kaya balbutia des approbations, étouffée par la tension qui la tenait de la gorge à l'estomac. Il la lappa de nouveau, appuyant sa langue avec une lenteur obscène. Au bout de la deuxième fois, elle se mit à remuer des hanches contre son visage, élancée par un besoin dément de friction.

Tõya raffermit sa prise sur sa hanche et mordilla ses nymphes turgides, les harcelant du bout des dents avant de les aspirer par petites succions, supant le fluide qui les enduisait. Kaya crispa les doigts sur les draps tant son intimité la lancinait et palpitait, noyée d'un afflux de sang pareil à du plomb fondu.

Ohhh, punaise, geignit-elle d'une voix hachée, avant de se répandre en soupir et plaintes éraillées.

Satisfait, Tõya la gratifia d'un baiser plus délicat, chargé de possessivité et d'affection.

— Bordel, ta voix. Ça m'a toujours rendu dingue.

Surprise, elle se redressa à demi.

— C'est -nghhh- vrai ?

Il prit le temps d'appliquer une nouvelle succion brûlante avant de répondre :

— C'est un des premiers trucs qui m'a marqué chez toi.

Totalement défaite par le travail de sa bouche entre ses jambes, doublé par la vibration basse de son timbre contre ses chairs, Kaya eut un sursaut compulsif du bassin. Elle poussa son intimité contre le visage du vilain.

Ohhh ! T'arrête pas ! le conjura-t-elle.

Tõya remonta la saisir sous le genou pour lui faire lever la cuisse plus haut, la calant plus serrée contre son épaule.

— Nan, j'ai pas fini, la rassura-t-il, les paupières languides sur ses iris incandescents.

Et il happa son bulbe érigé entre ses lèvres chaudes. Sa langue s'enroula autour, le pressa de toutes parts. Les traits tendus par la tension qui lui ravageait le corps, Kaya se plaqua le dos de la main sur la bouche. Contre le menton du vilain, elle suintait par pulsions tièdes. Son dos se creusa. Elle roula du bassin, dévorée de fièvre. Gêné par ses remuements, Tõya voulut l'immobiliser, mais elle repoussa sa main.

— Non, pantela-t-elle. J'en ai besoin -ahh !

Il la laissa donc donner libre cours à ses ondulations et se borna à la maintenir sous le genou afin de conserver l'accès à son entrejambe. Elle vit trouble quand il se mit à l'aspirer par petits à-coups. Tõya la stimula jusqu'à ce que son nœud de nerfs ne soit plus qu'un noyau embrasé, puis l'abandonna et descendit lapper le suint sirupeux qui la trempait. Chaque passage de sa langue faisait remonter droit à son bulbe délaissé des fourmillements fous. Puis il coula la langue en elle. Le muscle mou darda entre ses parois souples. L'intrusion, vive et chauffée à blanc, la fit remuer les hanches au rythme de ses plongées. Le visage enfoui entre ses jambes, Tõya émit un son de gorge approbateur. La résonance en elle la fit serrer les dents, le ventre serré par une tension prête à craquer.

Il choisit ce moment pour reculer la tête et reprendre son souffle. Anhélant, il pressa la figure contre l'estomac de la jeune femme. Son menton luisait de fluides. Il se pourlécha les babines comme s'il se fut agi de petit lait. Kaya frémit, à l'agonie d'être laissée en suspens. Tõya releva ses yeux vauriens vers elle et étendit le bras pour lui saisir la mâchoire, en une prise caressante. Le regard brûlant d'excitation, il la contempla avec contentement.

— T'es tellement chaude. Je voudrais presque te garder comme ça, commenta-t-il.

Elle renâcla.

— T'as pas intérêt.

— Mmmh, je sais.

Les doigts enroulés sous son genou descendirent à l'intérieur de sa cuisse et pressèrent contre son entrée. Les replis de peau glissants se scindèrent comme de la pulpe molle. Il introduisit sans effort l'index et le majeur, phalange après phalange, accompagné d'un infime son adipeux. Les sourcils de Tõya se rapprochèrent alors qu'un air concentré s'inscrivait sur son faciès. Encore peu habile à la toucher de cette manière, il scruta son expression et fit coulisser peu à peu ses doigts, à la recherche du meilleur ajustement. Kaya se mordit la lèvre. Elle acquiesça quand elle sentit qu'il était bien installé, l'épousant comme il fallait de l'intérieur.

Un sourire en coin revint à la commissure des lèvres du vilain. Il ramena sa bouche sous la moiteur de sa toison, pour retrouver sa bille tuméfiée. Des plaintes éprouvées échappèrent aussitôt à Kaya. Le double jeu de ses doigts palpant en elle et de l'étau aspirant son gland la firent fondre d'un plaisir fulgurant. Elle se tordit sur les draps, happant l'air qu'elle oubliait d'inhaler.

Tõya ne la lâcha plus. Roulant du crâne pour adapter son angle à l'agitation de sa proie, il tétait et suçait. Ses doigts trempés irritaient le pourtour de sa fente, poussaient au fond d'elle. Kaya se mit à répéter son nom comme une litanie, jusqu'à ce que tout son être éclate en contractions et raidissements, par salves qui comprimèrent les doigts cuisants du vilain. Il fit rouler sa langue sur son bulbe, le lapant avec soin, l'accompagnant bien après que la dernière saccade fut passée.

Toute frissonnante et cotonneuse, Kaya se laissa retomber sur les draps. Il déposa un dernier baiser sur son pubis, qui suscita un spasme de rappel à travers l'intimité de l'étudiante.

— Joyeux anniversaire.

Elle écarquilla les yeux, et un rire brisé lui échappa.

— J'y pensais même pas !

Tõya n'en parut que d'autant plus content de lui. Il retira avec décontraction un poil qui lui était resté sur la langue, avant de se soulever hors du lit.

— Je vais prendre une douche.

Avisant la raideur dans son boxer, elle voulut lui proposer de s'occuper de lui à son tour :

— Tu veux qu'on...?

— Nan, t'occupe, refusa-t-il en s'essuyant le menton. Pas aujourd'hui.

Touchée par le désintéressement de ses attentions matinales, Kaya remonta la couette sur sa poitrine et lui adressa un sourire moqueur :

— Bon, j'attends que tu sortes pour y aller, alors.

— Ouais ça vaut mieux, approuva-t-il avec un souffle amusé.

Quand ils furent tous deux débarrassés du sel et des traces poisseuses de leurs ébats, que l'air chaud craché par le climatiseur eut commencé à réchauffer la pièce et que la machine à café coulait, Kaya s'enquit :

— Du coup c'est quand, ton anniversaire ?

Resté torse-nu, pour le plus grand régal visuel de la jeune femme, Tõya haussa un sourcil cynique.

— Lequel ? Celui de ma naissance ou de ma mort ?

— A priori j'ai pas envie de fêter ta mort, grimaça-t-elle.

Il récupéra la cafetière et lui servit son café à table. Depuis qu'elle avait désactivé le mode avion de son portable, les messages d'anniversaire affluaient. Les jumeaux avaient été les premiers, suivis de peu par Taru et Setsuha, puis par Nori et Kuze.

— Tu l'as pas loupé, la rassura–t-il sans lui concéder de réponse précise.

— Je trouverai, le provoqua-t-elle.

— Si ça te fait plaisir.

L'écran de son smartphone fut alors illuminé par un appel.

— Dis-donc, t'es populaire, ironisa Tõya.

Kaya lui jeta un coup d'œil incertain, hésitant à répondre. La mine goguenarde du vilain s'estompa, grimée par quelque chose de bien plus sombre.

— C'est eux, pas vrai ?

— C'est Fuyumi, indiqua-t-elle du bout des lèvres. Je peux la rappeler plus tard.

Il haussa les épaules, puis fit lui-même glisser l'icône d'acceptation de l'appel. Kaya s'empressa de porter le smartphone à son oreille.

Joyeux anniversaire ! s'exclama une voix chantante. Comment ça va ? Tu as des plans aujourd'hui ? Je sais que c'est compliqué pour toi, en ce moment, mais tu vas quand-même pouvoir passer une bonne journée, pas vrai ?

Tõya détourna le regard, feignant de ne pas prêter l'oreille aux inflexions de sa sœur.

— Merci Fuyu ! Et oui, t'en fais pas, l'assura Kaya.

T'es sûr, hein ? Sinon tu viens chez nous, on se fera un truc en petit comité...

Qu'est-ce qu'elle dit ? demanda Natsuo derrière elle. Elle va bien ?

Cette fois, elle vit distinctement le vilain tressaillir. Elle lui attrapa le poignet sans réfléchir, pour le presser en guise de réconfort.

— Ça va. Ça va très bien, même. Je suis pas toute seule, en fait.

Au moment-même où elle prononçait ces mots, Kaya se demanda ce que la fratrie pouvait bien savoir de sa connexion avec Dabi. À en juger par l'état lamentable de leur relation avec leur père, elle doutait qu'il leur ait communiqué quoique ce soit.

— Oh, pardon ! Bon tant mieux. Je suis contente pour toi ! Profite bien, alors !

— Merci à vous deux ! Ça me fait plaisir que vous appeliez.

Dès qu'elle eut raccroché, Kaya scruta le visage fermé du vilain. Sa réaction aliénée, lorsqu'il avait appris qu'elle visitait sa fratrie, restait vive dans sa mémoire. Le silence le poussa finalement à s'ébrouer, il fit rouler ses cervicales avec une moue maussade, qui découvrait la blancheur de ses dents.

— He ! Je m'y ferai jamais.

— Je voulais te demander... T'as jamais voulu les revoir ?

Une tension durcit la mâchoire de Tõya.

— Si. Mais ils étaient déjà passés à autre chose.

Déconcertée par cette affirmation, Kaya se mit à lui masser l'intérieur du poignet, à la jonction entre sa peau saine et la greffe abîmée.

— Tu leur manques, tu sais.

Il émit un reniflement caustique.

— Je leur manque parce que je suis mort. C'est bien facile d'être triste après que grand frère Tõya ait disparu. Pratique pour apaiser sa conscience. Si la seule place qu'ils me laissent, c'est celle du frère décédé, qu'ils la gardent.

Trop de fiel sourdait de sa voix, trop de rancœur émanait de son être, pour que Kaya puisse espérer les dissiper. Quelques paroles ne faisaient pas le poids contre une décennie de ressentiment.

Conscient que l'atmosphère devenait chargée, Tõya relâcha une profonde inspiration, qui détendit sa stature aux muscles renflés. Il la consulta d'un regard en biais.

— Ça en est où ton projet de soirée d'annive ?

C'est compromis depuis qu'il y a du drama non-dit entre deux invités. Dont l'un est ton pote.

— Faut que je cale une date, répondit-elle évasivement. Setsu est pas dispo en ce moment.


– – –


La porte de sa chambre close pour s'isoler un tant soit peu du tapage de conversations tonitruantes qui emplissait le salon, Taru étudiait les croquis, les photographies de défilés et les esquisses d'échantillons étalés devant elle. Tout un panel de tenues d'ébène et d'or prenait forme sur son bureau. Installée près d'elle, Chika l'observait organiser les feuilles, s'essayer à quelques ébauches, avec un enthousiasme admiratif.

— Ça, ça lui irait trop bien, non ? suggéra-t-elle en pointant l'un des designs.

— Oui, j'aime bien, confirma Taru. Avec ça.

L'adolescente poussa un couinement approbateur.

— Quand est-ce que ce sera prêt ?

— Assez rapidement. Une fois que les modèles de la collection seront retenus, on va réaliser des prototypes et faire des essayages. Si Hawks les valide, on pourra lancer la conception des pièces finales.

Chika lui saisit le bras pour le secouer avec excitation.

— Il va adoreeeer !

— J'espère ! sourit Taru.

Depuis qu'elle travaillait sur le projet, l'inspiration affluait au point qu'elle peinait à arrêter son choix sur une sélection d'idées. Il lui tardait de voir le héros porter ses tenues. Elle s'empara d'un feutre et entama la coloration d'un nouveau croquis. Une silhouette luminescente prit alors forme dans un coin de la pièce. Chika se redressa, la figure illuminée.

— Shin !

La forme astrale de son aînée acheva de se stabiliser, toute en lignes d'un bleu translucide. Taru pivota vers lui. Absent ce soir-là, Shin entamait son premier jour d'essai dans un bar à hôtes de Koransuto.

— Ça va, ça se passe bien ? s'enquit-elle.

Impeccable pour le moment. Et vous, avec l'infestation ?

Des éclats de rires sonores montèrent du salon à cet instant. Chika tourna la tête vers la source, le regard noir, les crocs découverts. Les invités de Dakin, arrivés en début de soirée, ne paraissaient pas prêts de lever le camp. Taru soupira de dépit.

— Tant qu'ils nous laissent tranquille.

— Y a intérêt, oui, maugréa Shin. Bon, je passais juste voir si ça allait. J'y retourne. À demain !

— Séduit pleins de grosses truies pétées de thune ! l'encouragea Chika.

Taru grimaça alors que l'esprit de Shin s'effaçait. L'adolescente nourrissait un ressentiment coriace envers tout ce qui se rapprochait de prêt ou de loin à la population aisée – exception faite de Hawks. Elle avait déjà vu cette animosité indiscriminée surgir à l'improviste, sans le moindre filtre. Être l'enfant illégitime d'un patron d'entreprise ayant entraîné le suicide de sa mère ne l'incitait pas à la tolérance.

— Chika, la rabroua doucement son aînée. Tu les connais pas.

La semi-guéparde plissa la truffe de dédain.

— Y a que les greluches pourries gâtées et les couguars périmées qui vont dans les bars à hôtes, Taru. J'espère qu'elles vont tellement raquer pour faire les beaux yeux à Shin qu'elles vont s'endetter !

Taru secoua la tête, consciente qu'elle ne parviendrait pas à lui faire entendre raison.

— Shin est pas le genre à ruiner ses clientes, se borna-t-elle à lui faire remarquer.

Manifestement lassée par la leçon de morale, Chika se détourna du bureau.

— Il devrait ! Comme ça on pourra engager un tueur à gage pour butter le puant !

— Chika !

Mais l'adolescente filait déjà dans sa chambre. Renonçant à la poursuivre, Taru retourna à ses croquis. Elle terminait une ébauche, ajoutant le brillant des strass point par point, quand Dakin parut sur le seuil de sa chambre, bouteille de yebizu en main. Comme elle demeurait penchée sur son travail, il s'épaula au chambranle et la scruta avec insistance.

— Tu veux pas venir un peu avec nous ? proposa-t-il en tapotant les phalanges contre le bois.

Taru lui concéda finalement un coup d'œil.

— Non, c'est bon.

— Comme tu veux, abdiqua-t-il avec un haussement d'épaules.

Il s'effaça, retournant rejoindre sa bande de marginaux errants, et Taru fronça les sourcils, perplexe quant à ses intentions. Elle dut cependant se résoudre à sortir de sa chambre quelques instants plus tard, taraudée par une envie de yaourt à boire.

L'odeur de beuh qui empuantissait le salon la fit plisser le nez. Vautrés sur le canapé et les chaises qu'ils avaient rassemblé, les invités de Dakin avaient déjà accumulé les bouteilles vides autour de leur jeu de cartes. L'une d'entre eux, dotée d'un carré d'ébène aux reflets violets, posa une main sur son genou en avisant la nouvelle venue. Bras étalés sur le dossier, un joint entre les doigts, le vilain s'exclama à son passage :

— Poppy ! Vient tirer une taffe !

Incapable de trouver de quoi répliquer, la jeune femme l'ignora et se faufila dans la cuisine. Elle prit en vitesse sa bouteille de yakult à la pêche, déterminée à regagner sa chambre le plus rapidement possible. Dakin se campa devant elle à l'instant où elle franchissait le seuil de la cuisine, lui coupant toute retraite.

— Aller, dévergonde-toi un peu, insista-t-il d'une voix traînante. Juste une taffe. Ça pourrait te faire plus de bien que c'que tu crois.

Ce disant, il glissa les doigts sur sa tempe pour caresser l'une de ses ondulations cendrées. De l'autre main, il lui présenta la roulée. Taru repoussa son poignet. L'agacement assécha sa voix.

— Laisse-moi passer, l'enjoignit-elle en tentant de le contourner.

Mais il exécuta un pas de côté pour la retenir. Son manège suscita les ricanements de sa bande. Il agita le joint fumant devant sa figure, étrécissant ses yeux absinthe sur un air de pure malice.

— Une taffe, et je te laisse passer.

— Je joue pas, là, Dakin.

— Arrête de l'embêter, c'est une petite oie blanche, la pauvre, se moqua la brune.

Sous son fard à paupières sombre, son regard pâle suivait la scène avec une délectation mauvaise. Derrière son maquillage, son faciès présentait une troublante ingénuité de poupée. Les autres abondèrent avec des rires grasseyants, commentant à loisir les allures prudes de la colocataire d'Edge. Une vague de chaleur cuisante monta à la gorge de Taru. Leurs inflexions pâteuses firent remonter à sa mémoire la voix vineuse de son père. Elle en eut le ventre noué.

Face à elle, Dakin perçut aussitôt son malaise. Sa mine finaude s'effaça, remplacée par une expression préoccupée.

— La ferme ! lança-t-il à la troupe avant de passer un bras autour des épaules de Taru, l'attirant à lui d'un geste défensif. Elle a plus de tripes que vous ! Vous l'auriez vu quand elle est rouge, cette nana en envoie !

Elle se dégagea de sa prise avec lassitude.

— Arrête, Dakin. On est plus associés. C'est plus la peine de me soutenir quand ça t'arrange.

La brune s'esclaffa avec une exclamation faussement épatée.

— Mais non, se défendit le vilain. C'est pas ce que je...

— Si. Si c'est ce que t'as toujours fait.

Taru profita de son trouble pour l'esquiver, et regagna sa chambre. Dès qu'elle eut refermé la porte derrière elle, sourde aux conversations goguenardes qui reprenaient, elle s'empara de son smartphone. Ses doigts ouvrirent d'eux-mêmes le contact de Hawks.


 ✉️ De : Taru - 21 : 18

Dakin changera jamais

Ça me décourage, parfois


 📩 De : Hawks - 21 : 20

Qu'est-ce qu'il a fait ?

Tout va bien ?


 ✉️ De : Taru - 21 : 20

Oui tout va bien

Il a invité des amis à l'appart

Et il est juste... envahissant ? 😓


 📩 De : Hawks - 21 : 21

Tu veux dire lourd 🤣

J'espère que c'est pas trop pénible, quand même


 ✉️ De : Taru - 21 : 21

Ça va

C'est juste par moments

Je travaille sur ta commande, là. Ça me distrait


 📩 De : Hawks - 21 : 22

Tu fais des heure sup' pour moi ? 😆

Je suis flatté mais ta santé avant tout


 ✉️ De : Taru - 21 : 22

J'avais trop envie d'avancer 😋

Je suis inspirée

J'ai hâte de te montrer !


 📩 De : Hawks - 21 : 22

Tu peux pas savoir comme j'ai hâte de voir ça !


 ✉️ De : Taru - 21 : 23

Tu veux un aperçu ? Ou tu préfères garder la surprise ?

Je peux t'envoyer des photos


 📩 De : Hawks - 21 : 23

Me tente pas ! 🙈

Je pense que je préfère garder la surprise


Sourire aux lèvres, Taru balaya son travail du regard, essayant de se figurer l'allure du héros dans ses tenues. La cascade de ses mèches argentées sur son épaule retint son attention. Elle saisit pensivement une pointe entre ses doigts. Depuis quelques jours, une idée fixe la taraudait. Le ton décontracté de leur échange lui donna finalement l'impulsion qu'il lui fallait :


 ✉️ De : Taru - 21 : 25

J'ai besoin de ton aide

Si tu as le temps


 📩 De : Hawks - 21 : 25

Tu poses encore la question ?

J'aurais toujours du temps pour ma muse adorée 💞


Une pointe de nervosité fit grimper le rythme cardiaque de la jeune femme.


 ✉️ De : Taru - 21 : 26

Je voudrais savoir ce qui est vraiment arrivé à ma mère

Le souci c'est que ça remonte à trop longtemps

Je sais même plus à quelles urgences elle a été envoyée

J'aurais besoin que tu m'aides à trouver des contacts qui pourraient me renseigner, si c'est possible ?


 📩 De : Hawks - 21 : 26

Absolument ! Je peux regarder de mon côté, au cas où son décès a été déclaré aux autorités.

Ça nous donnera une piste.


Taru se mordit la lèvre, la poitrine écrasée d'un poids qu'elle se contenter jusqu'à présent d'ignorer. Elle se doutait que ses recherches ne lui révéleraient rien de plaisant. Or elle avait hérité son Alter de sa mère autant que de son père, et l'inhibition de ses capacités s'était produite aussitôt après la levée de son amnésie. Son seul espoir de retrouver ses couleurs résidait dans l'élucidation de son passé. Dans la traque de la vérité enfouie depuis la mort de Nijiiro Tsumugi.





~"Nous savons ce que nous sommes, mais nous ne savons pas ce que nous pouvons être" Hamlet ~


Joyeux anniversaire à Kaya ! (elle est du 16 novembre). C'était la petite célébration, la grande est toujours à venir ~

Si vous me suivez sur insta, vous savez que c'est le mois des scènes spicy pour Cliff, LMI et Asters (sur mon autre compte) avec le kinktober, donc ce chapitre tombait bien x)

J'espère que la surprise de Dabi vous a plu !

Et puis on retrouve Taru, qui cohabite tant bien que mal avec Edge...

Je suis hyper excitée par le projet de collaboration entre son agence et celle de Hawks, j'ai hâte d'écrire ça !

J'ai trop aimé écrire leur échange par message hehe 

ça y est, la question de la mort de sa mère revient...


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