Chapitre 09 - Projets





~ "And you smiled because you knew." Romeo and Juliet ~




Un tas de fourrure infestée et de viscères roses, reste d'un rat charcuté, gisait en plein milieu du trottoir. Atsuhiro manqua de marcher dessus et contint un haut le cœur. Son complice savait décidément dénicher les coins les plus sordides de Tokyo. Il l'avait ainsi entraîné dans les grands axes déserts et gris, aux volets de fer abaissés, de Sanya. Comme tout tokyoïte, Atsuhiro connaissait l'existence de ce yoseba, espace urbain désolé où s'amoncelait la population la plus précaire de la capitale. Il n'aurait cependant jamais pu se figurer la misère qui proliférait en bâches bleues et bouteilles vides sur la chaussée.

Dabi les fit quitter les voies principales pour s'enfoncer dans les rues qui se frayaient un passage parmi la concentration de logements payés à la journée. En dépit de son masque, une puanteur d'urine éthylique prit Mr Compress à la gorge. Ici, aucune enseigne lumineuse n'éclairait leurs pas. Les silhouettes de sans-abris étendus au sol se fondaient dans la pénombre. Puis apparurent les grappes de laissés-pour-compte du marché du travail : ces travailleurs journaliers sucés de leur moelle par les grandes industries. Du matériel humain jetable. Dabi s'approcha d'un groupe assis au sol autour de cartes, de canettes, et de mégots.

— He, les rebus, ça vous dirait de gagner quelques milles ? les apostropha-t-il de sa voix la plus insolente.

Atsuhiro soupira face à son attitude. Les hommes aux faces rougeaudes et aux doigts tachés de nicotine levèrent sur lui des yeux hargneux. Pourtant l'appât du gain les tint immobiles, à l'écoute. L'incendiaire en avait bien conscience, et s'en jouait avec une dérision cynique. Il tira une paire de portables aux cartes prépayés de sa poche.

— Tout ce qu'on vous demande, c'est de contacter les autorités pour leur rapporter que vous avez vu deux individus recherchés à la galerie Aburidon. On vous dira quand passer l'appel.

— Et on a vu qui ? interrogea l'un des types, déjà prêt à se saisir d'un portable.

Un rictus mauvais aux lèvres, Dabi pivota le poignet pour les désigner, le magicien et lui.

— Nous.

Atsuhiro se sentait de nouveau nauséeux en quittant Sanya. Cette fois, cependant, il ne pouvait imputer son malaise à l'insalubrité. C'était la culpabilité qui lui retournait les entrailles. Car ils venaient de poser les premiers jalons du piège qu'il tendait à l'agent de l'AISP, Fukurõ Muhaoto.

— Fais pas cette tête, railla Dabi.

Atsuhiro haussa un sourcil derrière son masque.

— De quelle tête tu parles, je te prie ?

— Celle du mec qui percute qu'il s'est enfoncé jusqu'au cou dans ses conneries.

Il fit rouler ses billes entre ses doigts nerveux.

— Si ça ne tenait qu'à moi, on ne toucherait pas à Fukurõ.

— Bien sûr. Pour qu'il puisse repérer le boss et les autres à Nishitama. Ce mec est pire qu'un drone.

Tous les remords de Atsuhiro n'enlevaient rien à l'irréfutable : l'ailé représentait une menace pour ses compagnons privés de fuite. Ils ne pouvaient être localisés à aucun prix. Ce qui laissait le vilain avec le déchirement de son double-jeu. À peine sorti du lit de Setsuha, il enfilait le masque de l'homme qui allait abattre son frère. Son secret tiendrait-il, quand il le sentait déjà s'effilocher ? Elle avait cherché à se rassurer, la veille. À vérifier ses sentiments. Après qu'il se soit employé à la rassurer, de toute la ferveur de son étreinte, l'appréhension l'avait rongé. Était-ce les hématomes ? Les disparitions quand il relayait ses camarades dans la lutte contre Gigantomachia ? Qu'avait relevé sa merveilleuse créature pour se mettre à douter ?

Anxieux et lesté de culpabilité, Atsuhiro ne trouva rien à rétorquer. Lui qui se targuait de son sens de l'honneur, il s'en trouvait moins que Dabi. Lui au moins n'avait pas hésité un instant à retourner ses flammes contre la Ligue pour protéger les frères de celle qu'il aimait.


– – –


Kaya avait beau y être préparée, la vue des iris et de la chevelure gris perle de Taru la fit ciller.

— Wow ! Ça te change, lâcha-t-elle en pénétrant dans le genkan. Comment tu vas ?

— C'est plutôt à moi de te demander ça, rétorqua la jeune artiste en lui ouvrant les bras.

Alors qu'elle avait prévu de rendre visite à son amie, tout juste rentrée du travail, pour lui apporter son soutien, Kaya se retrouva à puiser un réconfort inattendu dans l'étreinte qu'elles échangèrent. La tension fichée dans son échine se dénoua au contact frais et moelleux de sa cadette. Elle répondit avec un rire éprouvé :

— Je sais même plus. Tout est juste... bizarre.

Taru émit un soupir compréhensif avant de la relâcher.

— Pareil pour moi. Mais je suis contente de te voir. Shin a fait de la pâte à cookies ce matin. Tu m'aides à les préparer ?

— Alors ça, c'est même pas la peine de demander !

Elle la suivit vers la cuisine tout en examinant le cinq pièces, appréciative de la façon dont la lumière crépusculaire jouait sur le revêtement de sol en bambou et filtrait à travers les panneaux.

— Shin et les enfants sont partis faire des courses, mais il va sûrement vouloir les gâter et s'arrêter pour prendre un truc en chemin, lui indiqua Taru.

— Un vrai ménage ! s'amusa-t-elle. Et le dernier ?

Occupée à sortir des couteaux et planches à découper, l'artiste lui indiqua d'un signe de tête la pièce isolée de l'autre côté du salon.

— Il est là. Dans sa chambre.

— C'est quoi l'histoire avec lui, au juste ?

— Il est de la même organisation que nous. Mais lui il a pas vraiment quitté le milieu. Il est... disons qu'il m'a autant rendu de services que mis de coups dans le dos.

— Ah, charmant, railla Kaya en s'essuyant les mains, qu'elle venait de laver.

Taru sortit les boudins de pâte du réfrigérateur, puis marqua une hésitation.

— Désolée de pas avoir été là pour toi ces dernières semaines, souffla-t-elle, l'air peiné. J'aurais voulu, vraiment ! C'est juste qu'avec tout ça...

D'un geste de la main, elle désigna son nouvel environnement. Kaya secoua la tête, balayant ses excuses.

— T'en fais pas, moi aussi j'ai pas pu être là pour toi. On est quitte !

L'artiste acquiesça, une ébauche de sourire reconnaissant au coin des lèvres. Elle poussa vers elle l'un des rouleaux de pâte emmailloté dans le papier cuisson.

— Il y a pépites de chocolat noir et chocolat blanc sésame, indiqua-t-elle. Qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ?

Côte à côte sur le plan de travail, elles déballèrent la pâte crue et compacte à souhait. Kaya s'empara d'un couteau. La lame rencontrait la résistance idéale en s'enfonçant dans le rouleau.

— Kuze m'a filé l'un de ses apparts. C'est pas aussi neuf ni aussi mignon qu'ici, mais ça fera très bien l'affaire pour le moment. Je vais reprendre les cours dès demain. Je peux pas foirer mes études. La photo c'est ma vie, je peux pas lâcher ça !

— J'ai fait tout ça parce que je veux pas lâcher le stylisme, alors crois-moi je comprends, assura Taru.

Sans cesser de découper ses rondelles, l'étudiante pressa chaleureusement son épaule à la sienne.

— Et tu as l'air de bien t'en sortir ! Je suis contente pour toi.

Quand elles eurent étalé les cookies sur les plaques et lancé la cuisson, les deux jeunes femmes s'installèrent dans le canapé afin de revenir en détail sur tout ce qu'elles n'avaient pas pu aborder par messages. Kaya passa sous silence la véritable identité de Dabi, mais lui relata sa fuite de l'hôpital et sa confrontation avec son oncle.

La porte d'entrée s'ouvrit bientôt sur le trio de colocataires de Taru. Shin salua poliment leur visiteuse alors que l'adolescente aux attributs de guépard la jaugea avec une mine intriguée, sa queue rasant le sol dans son balancement. Le petit Baku fouilla le salon de ses yeux écarlates.

— Ils sont pas là, les métamorphes ? demanda-t-il.

La mention de ses cadets serra le cœur de Kaya. Depuis sa sortie, elle mourrait d'envie de voir leurs bouilles aux incisives écartées et d'entendre gazouiller leur voix friponne. Ils lui manquaient à l'en lanciner dès qu'elle songeait à eux. S'apercevant de sa peine, Taru posa une main réconfortante sur son poignet.

— Non, répondit-elle à sa place. Mais une prochaine fois, peut-être ?

Chika leva le menton et renifla l'air, les narines frémissantes.

— Vous avez fait des cookies ?!

— Ils sont au four. Je crois qu'ils vont être prêts, d'ailleurs, observa Taru en se levant.

Kaya s'ébroua mentalement afin de se défaire du marasme qui menaçait de l'engloutir chaque fois que ses pensées dérivaient vers sa famille. Tandis que Shin entrouvrait les fenêtres, elles sortirent les biscuits du four. D'alléchants effluves de chocolat fondu et de pâte dorée emplirent le salon. Chika et Baku voulurent se charger d'étaler les cookies sur des assiettes. Refusant d'user d'une spatule, ils préférèrent se brûler les doigts en les décollant du papier sulfurisé. Une voix cauteleuse, veloutée et suintante de toxines, s'éleva soudain :

— Ça pâtisse par ici ?

Les oreilles de Chika se rabattirent sur son crâne, et sa queue battit l'air avec énervement. Un jeune homme en survêtement noir entra avec la plus grande désinvolture dans la cuisine. Kaya détailla d'un œil critique sa stature découplée, la peau de bronze, au grain satiné, que striaient des nodules clairs de cicatrices, et le visage anguleux encadré par ses boucles ébènes. Le regard vert absinthe de Hyosuke la parcourut de la même façon. Sans lui concéder davantage d'attention, il saisit un gâteau sur l'une des assiettes et esquiva un coup de griffes de Chika.

— Dégage ! C'est pas pour toi ! cracha-t-elle, un grondement bas au fond de la gorge.

Le vilain répliqua par une pichenette sur le front de l'adolescente.

— Va falloir que tu t'habitues à voir ma tête, p'tite furie. J'habite ici aussi, je vais pas rester cloîtré dans ma chambre.

— T'es pas obligé de la provoquer, Hyosuke, riposta Shin, la mine glaciale.

Il haussa les épaules d'un geste innocent et désigna Chika de son cookie, avant de mordre dans celui-ci.

— De toute façon, elle va se sentir provoquée à partir du moment où je respire dans la même pièce.

Devant cet aperçu du climat régnant sur la colocation, Kaya adressa un regard de soutien à Taru, qui leva les yeux au ciel avec dépit. Hyosuke cessa heureusement de les importuner et alla s'affaler au bout du canapé pour dévorer son gâteau, plongé sur son smartphone. Afin de dissiper la tension résiduelle, Kaya se servit à son tour dans l'assiette et annonça :

— C'est mon anniversaire demain. Je pensais organiser un truc au Baratin dans le courant de la semaine. Si t'es d'humeur à faire un peu la fête, t'en dis quoi ?

La figure de l'artiste s'illumina sans que la teinte argentée de sa chevelure ne varie.

— C'est vrai ? Bien sûr que je viens, c'est une super idée !

— Génial ! Je vais proposer à Setsu aussi. T'as eu des nouvelles d'elle récemment ?

— Pas depuis quelques jours...

— Je l'appellerai pour la mettre un peu au courant.

Kaya eut droit à son tupperware rempli de cookies encore tièdes. Après avoir échangé de dernières embrassades affectueuses avec Taru, elle prit congé de la bande. Au milieu des escaliers de l'immeuble, elle s'arrêta net, frappée par la vue d'ailes écarlates. Vêtu en civil, Hawks gravissait les marches. Agrippée à la rambarde, la jeune femme le toisa avec méfiance.

— Oh, Tsukauchi, lâcha-t-il en l'apercevant. Je m'attendais pas à te croiser ici. Hem... pas la peine de faire cette tête, je vais pas t'arrêter.

— C'est plus que j'ai pas envie que tu caftes auprès de mon oncle... ou d'Endeavor.

Le héros la considéra de ses yeux d'ambre, l'air pensif, avant de se fendre d'un sourir jovial.

— J'ai pas trop envie de me mettre Dabi à dos, alors t'as pas à t'en faire ! Puis c'est entre toi et ta famille. J'estime que j'ai pas à m'en mêler.

Kaya hésita quelques secondes avant de se résoudre à le croire. Rassurée, elle le remercia d'un signe de tête, et reprit sa descente. Elle venait de croiser Hawks quand il l'interpella à nouveau. Ses inflexions se parèrent d'un sérieux lourd d'avertissement.

— Mais si tu veux un conseil : reste loin d'Endeavor. C'est pas sûr qu'il te distingue encore d'une vilaine.

Elle dut se mordre l'intérieur de la joue pour se retenir de répliquer quoique ce soit sur la mentalité de l'homme qui pourchassait son propre fils.


– – –


Quand la sonnette résonna dans l'appartement, Taru crut qu'il s'agissait de Kaya, remontée pour un oubli. Un sursaut de joie cogna dans sa poitrine quand elle découvrit le Numéro 3 sur le palier, chaînes glissées sous le col V de son tee-shirt, blouson en daim sur les épaules. Un sourire irrépressible étira ses lèvres, réfléchi par celui de Hawks.

— Hey-ya, la salua-t-il, le regard pétillant.

Il fit un pas dans le genkan sans qu'elle ne recule. Au lieu de s'immobiliser, il avala le reste de la distance entre eux. Elle le reçut contre elle, les bras passés autour de ses épaules pour l'étreindre. Son ventre chavira en le sentant la serrer par la taille, jusqu'à ce que leurs deux corps soient soudés des hanches aux clavicules. Baignée dans son odeur tiède et blonde, elle se retint d'enfouir le nez dans son épaule pour l'inspirer à pleins poumons. Dans son dos, la main de Hawks remonta sous le rideau de sa chevelure. Elle frissonna lorsqu'il lissa une poignée de mèches entre ses doigts. Le torse du héros vibra d'un son de bonheur contre sa poitrine.

Lorsqu'ils se séparèrent, mue par la volonté de garder le contact avec lui, elle laissa glisser ses phalanges le long de son bras, et accrocha la bandelette en cuir du bracelet qu'elle lui avait offert. Il lui laissa son poignet, qu'il pivota de sorte à glisser l'index et le majeur sous le sien.

— J'avais promis de passer pour voir les deux fripouilles ! Ils sont là ?

— Tout le monde est là, répondit-elle pour lui indiquer la présence de Shin et Dakin.

Depuis le salon, ce dernier lança avec une ironique cordialité :

— Salut, Hawks, ça va ?

Le héros plissa des yeux agacés, comme s'il pouvait transpercer Dakin à travers les murs. Taru esquissa muettement une grimace d'excuse vis-à-vis de l'attitude de son colocataire. La main de Hawks se referma sur son poignet et il haussa les épaules, lui signifiant ainsi qu'il ne prêterait pas davantage attention aux piques du vilain. Son torse se gonfla alors qu'il humait l'air.

— Ça sent bon, fit-il remarquer.

— C'est les cookies de Shin, indiqua-t-elle avant de lui glisser facétieusement : tu passes par la porte aujourd'hui ? Pas la fenêtre ?

La remarque fit s'esclaffer Hawks. Il la lâcha le temps de retirer ses sneakers, puis se retourna pour ramasser les sacs laissés sur le palier.

— Je voulais faire les choses bien. J'ai ramené des surprises !

Son chargement en mains, il la suivit à l'intérieur alors qu'elle appelait Chika et Baku, claquemurés dans leur chambre tant que Dakin occupait le salon. Hawks eut à peine le temps de déposer ses sacs par terre et de retirer son blouson, avant qu'un éclair de fourrure ne lui bondisse sur le dos. Ayant manifestement anticipé l'approche de Chika, il écarta ses ailes de sorte qu'elle ne les bouscule pas dans son chahut.

— Heyyy, comment ça va, la flèche ? la salua-t-il en lui ébouriffant le crâne.

— Hawksy ! T'es venu arrêter le puant ?

— Eh ! protesta Dakin à trois pas d'eux, peu décidé à bouger de sa place du canapé.

— Désolé de te décevoir mais je suis venu pour vous, pas pour lui.

— Tu veux des cookies ? proposa Baku.

Ce qui fit de nouveau réagir le vilain :

— Oh, lui, il a droit aux cookies.

— Avec plaisir, p'tit bonhomme, accepta leur visiteur.

Taru pressa une phalange repliée contre sa bouche quand Hawks mordit à belles dents dans son cookie, captant son regard pour lui adresser une mine de connivence. Sans l'inertie de son Alter, sa chevelure aurait sans doute viré au corail sous l'attraction qui irradiait en elle.

— C'est quoi tout ça ? demanda Chika, qui s'intéressait aux sacs.

— C'est pour fêter votre emménagement ! J'ai ramené les meilleurs produits dérivés qu'on fait à mon agence.

Le héros mit un genou à terre et fit coulisser les glissières, puis entreprit de déballer mugs, sweats, tee-shirt, autocollants et coques de téléphone à son effigie ou ses couleurs. Chika se jeta dessus avec enthousiasme. Il lui enfonça une casquette sur la tête alors que Shin s'épaulait à l'entrée du couloir, d'où il les observa. Baku avait à peine reçu un porte-clef qu'il se précipita vers lui pour le lui montrer. Hawks déposa une figurine sur la table basse et usa d'une plume pour soulever un calendrier contre un mur.

— Ça fait bien, non ?

Saisissant que ses intentions, derrière cet étalage de produit dans tout l'espace, frisaient le territorial, Taru roula des yeux. Chika s'écria avec tout son ingénuité :

— Oh oui ! Je les veux pour ma chambre !

Une étincelle espiègle pétillant sous ses cils, Hawks les lui céda, avant de redresser le dos quand la jeune femme s'approcha. Une pointe de désarroi fit vaciller ses traits.

— Tu veux quoi ? J'ai deees... carnets ! C'est bien pour le dessin !

Indulgente, Taru feignit d'examiner la variété de produits. Il n'y avait rien là-dedans qui l'intéressait, et il le savait pertinemment. Elle s'amusa de le voir déconfit de ne rien pouvoir lui offrir.

— Qu'est-ce qu'il y a comme bijoux ?

— Euh... que des trucs avec des plumes et des ailes, je crois.

— Mmh et du rouge.

— Et du rouge, confirma-t-il avec un sourire.

Près de lui, la jeune femme tourna la tête et considéra le losange rubescent à son oreille. Approchant la main de ses épis blonds, elle effleura son lobe. Les paupières du héros tressaillirent. Sa pomme d'adam tressauta. La réaction subreptice de Hawks fit frémir une flaque de chaleur dans l'estomac de Taru. Le pouce contre la pierre taillée, elle suggéra :

— Et ils en font pas des comme ça ?

Complètement immobile, il semblait tout entier concentré sur le contact de son index contre le velouté de son lobe. Sur le frôlement de ses ongles au coin de sa mâchoire.

— Non, c'est les miennes. Mais tiens, j'ai ça qui va avec.

Il tira alors l'une de ses chaînes de sous son tee-shirt. D'argent fin, elle alternait mailles courtes et mailles allongées. Au centre était fixé le réplica de ses boucles d'oreille, rutilant d'un éclat grenat.

— Oh, non. Je vais pas..., tenta-t-elle de protester, gênée qu'il lui cède un bien personnel.

Mais déjà, il détachait le collier de son cou et se redressait.

— Essaie, proposa-t-il en l'incitant à se tourner.

Elle obtempéra. D'une main, elle fit passer sa chevelure par-dessus son épaule tandis qu'elle lui présentait son dos. Elle capta du coin de l'œil le regard sombre que Edge appesantissait sur eux, mais les ailes du héros vinrent faire écran. Il lui donna la chaîne à enfiler. Elle était tiède de sa peau. Taru la plaça autour de son cou et lui tendit les pièces du fermoir. Derrière elle, Hawks se tenait si près que sa présence rencontrait la sienne dans le peu d'espace laissé entre eux. Ses phalanges passèrent sur son cou, du renflement de ses carotides à la colonne de sa nuque, en une caresse à peine appuyée. Les petits cheveux de la jeune femme se hérissèrent de bien-être. L'envie creusa son ventre. Elle perçut la déglutition de Hawks dans son dos.

Il attacha la chaîne, puis ses pouces se permirent de descendre sur son échine, vers ses trapèzes, jusqu'à ce qu'il empaume ses épaules. Sa chair s'amollit entre ses mains. Elle retint un soupir appréciateur et baissa le menton, soulevant le losange entre ses doigts.

— Merci, souffla-t-elle.

Pivotant face à lui, Taru le découvrit radieux. Un nouveau sourire ému lui plissa les joues.

— Ça te va super bien ! jugea-t-il avec satisfaction. Tu peux le garder.

— T'es sûr ? J'ai un peu l'impression de te le piquer.

Il incline la tête, plissant les lèvres en une mimique comique.

— Piques-moi tout ce que tu veux, ça me fait plaisir !

Ses yeux micacés ourlés de noir rendirent le véritable sens de ses mots si limpide que les joues de Taru rosirent.

Pique-moi tout ce que tu veux parce que j'aime que tu convoites ce qui m'est propre.

Pique-moi tout ce que tu veux si c'est pour l'arborer comme tien.

— Le collier ça suffira, affirma-t-elle.

Quand-bien même son incitation lui inspirait une forte envie de recommencer. De s'approprier, une par une, ses affaires sans valeur matérielle, imprégnées de lui. Hawks laissa Chika et Baku poursuivre leur pillage et se servit un second cookie avant de demander à la jeune femme :

— On peut se parler deux minutes ?

— Viens, l'invita-t-elle en lui désignant le couloir.

Il la suivit jusque dans sa chambre, décorée de couleurs douces et d'une profusion de ses dessins. Elle ferma la porte derrière eux et alluma le plafonnier alors qu'il foulait le tapis pelucheux, promenant son regard sur les portraits et les croquis de mode. Sur le bureau trônait la mallette qu'il lui avait offert à l'occasion de leur virée automnale, près d'un lourd relié ouvert à la page d'un défilé. Des esquisses, des photographies découpées et des échantillons de tissus étaient épinglés au tableau de liège qui le surplombait. Hawks pointa son atelier :

— C'est aussi pour ça que je venais te voir.

— Tu as pu contacter Detnerat ?

— Mieux que ça ! J'ai négocié une collaboration avec eux. Je leur passe une commande pour une collection privée, et en échange je participe comme modèle aux campagnes de marketing qui intégreront ces créations. Et bien sûr... Tu feras partie des créateurs attachés au projet.

La nouvelle abasourdit Taru. Il lui fallut une poignée de secondes pour intégrer la pleine mesure de ce que cette collaboration signifiait. Elle allait participer à la réalisation d'une création personnalisée pour l'un des plus célèbres héros nippons. Ses modèles, s'ils étaient retenus, bénéficieraient d'une visibilité nationale. Son excitation se mit à grimper en flèche.

— C'est pas vrai ?!

— Si ! Ils veulent exploiter tes connexions ? Exploite leurs ressources en échange !

N'y tenant plus, elle sautilla d'un pied sur l'autre.

— Oh, j'y crois pas ! balbutia-t-elle. Ça veut dire que tu pourrais faire la une... en portant mes tenues.

— Depuis le temps que j'attends ça, plaisanta-t-il, lui tirant un rire d'émoi. Eeet, bonus : on va travailler ensemble pendant plusieurs semaines ! J'espère que t'es pas fatiguée de me voir débarquer.

— Non, ça me fait plaisir, lui retourna-t-elle ses mots.

Il détourna la tête, dissimulant un sourire trop chargé d'émotions derrière sa paume. 






~ "Et tu as souri parce que tu le savais" Romeo et Juliette ~



Le drama Atsuha continue d'avancer... 

Les retrouvailles Taru/Kaya pour un peu de sororité ! J'ai hâte d'écrire les prochaines scènes avec les femmes de Cliff !

Et puis une bonne dose de Hawru ! ça y est je m'éclate à écrire la tension qui monte entre eux hehe ! J'espère que ça vous plaît parce que d'autres scènes de ce genre sont prévues !

Puis Edge en arrière plan, ça m'a trop amusé de l'écrire !

J'ai hâte d'écrire la collaboration Hawks/Taru !

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