Chapitre 11

Je flotte.

C'est si bon de se laisser aller dans cette douceur qui m'enveloppe. J'ai les yeux fermés et pourtant je vois un blanc immaculé derrière mes paupières. Je ne ressens plus mes membres, je ne pense plus qu'à se bien-être qui me détends.
Malgré ça, je sens bien que ce paradis n'est pas la réalité mais personne ne m'empêche de le quitter et je veux y rester. Pour une fois que je me sens si calme...
Et là je me rappelle. Je suis une battante, je dois résister. Je dois rejoindre le monde réel car je sais qu'il se trame quelque chose de mauvais derrière ce masque de douceur et de quiétude.
C'est dur de quitter ce monde de coton, mes gestes sont comme embourbés, ralentis. Je ne peux pas bouger. Je force avec l'énergie du désespoir. Il faut que je me réveille. Une bataille avec mon subconscient, il ne manquait plus que ça...
Je dois me convaincre que se réfugier dans cet univers fictif de mon imagination n'est pas la solution, que je dois me montrer plus forte que ça.
Je sens alors ma paupière tressauter, je suis entre les deux. Je commence à sentir les terminaisons nerveuses au bout de mes doigts mais mon cerveau inconscient ne veut pas que je me réveille. Il ne veut pas que je me rappelle la douleur de ce qui vient de se passer, ni la situation désespérée dans laquelle je me trouve.
Mais je suis Arya, explosive, déterminée. Je ne peux pas me laisser piéger par une prison dorée.
Mes sens me reviennent dans les doigts, dans la main entière... Mes orteils, eux aussi, commence à subir leur réveille, les pieds suivent... Mon corps reprend peu à peu ses sensations.
Et j'ouvre les yeux.
Instinctivement, j'inspire une grande goulée d'air.
Je voudrais pouvoir me frotter les yeux mais même si j'ai repris le contrôle mes membres, ils sont immobilisés.
Ma tête est lourde mais je me force regarder où je me trouve et pourquoi mes mouvements sont entravés.
Je manque de céder à une crise de panique en distinguant les contours luisants d'une vitre qui, il me semble, fait le tour de moi.
Je suis comme prisonnière d'un tube transparent, je flotte dans un liquide brillant que je sens à peine glisser sur ma peau et je peux respirer grâce à un tube respiratoire. Je baisse mes yeux autant que me le permettent mes liens qui se révèlent être les mêmes cordons argentés qui bloques mes pouvoirs. Mais je sens que le feu brûlant en moi n'est pas complètement éteint, il est aspiré. Cette machine me pompe mes pouvoirs !
Je tente de gigoter mais c'est peine perdu. Je suis bloquée ici, impuissante. Et mon Dieu que c'est frustrant !
Utiliser mes forces pour bouger ne m'apportera rien, il faut que je canalise mon énergie pour rassembler mes faibles restes de pouvoir et me sortir de là.
Je referme les yeux pour mieux me concentrer. Je me calme pour ne pas gaspiller la moindre énergie et me force réunir mon don jusque-là répandu dans chacune de mes cellules.
Je me rends compte que mon pouvoir aide mon corps à supporter la fatigue et quand je veux l'accumuler, cela m'affaiblit beaucoup. Mais plus j'attends, plus mon énergie est absorbée par ces maudits files de métal, il faut que je me dépêche avant de perdre toutes mes forces !...
Je bande mes muscles, préparée à faire exploser ce tube suceur de pouvoir. Mes flammes ont dû mal à se construire mais dans un élan de rage, j'expulse mon feu ravageur hors de moi. La vitre pourtant épaisse ne résiste pas à la pression et éclate, laissant l'eau, si c'est bien de l'eau, s'échapper et inonder le sol. Ne flottant plus dans rien, je m'abats durement sur le socle de métal du tube et reprend difficilement ma respiration.
Une faible partie de moi jubile d'avoir réussi à me sortir de cette situation mais la plus grande partie est surtout exténuée... Je m'assois péniblement sur le socle, encore trempée.

Je me rends compte seulement maintenant que je ne suis vêtu que d'une simple tenue que je ne sens pratiquement pas sur moi, recouvrant tout depuis mon cou, jusqu'à mes cheville en passant par mes bras. Elle est entièrement argentée et lumineuse sous les néons de la salle. Alors seulement je lève les yeux sur ce qui m'entoure. Une salle immense rempli de tube semblables au mien. Les lumières éclairent faiblement, mais assez pour que j'aperçoive d'autre corps flottant dans le liquide suspect de leur cylindre qui aspire leur pouvoir.
Mes jambes sont encore flageolantes mais je me lève tant bien que mal, me retenant à un tube sur ma droite. Après mon effort, j'ai la tête qui tourne et des fourmis dans tout le corps.
Je m'avance, chancelante vers les autres.
Avec effroi, je reconnais Sheila, les yeux fermés, ses longs cheveux bruns qui ondoie autour d'elle, et un peu plus loin, Mindy, sa peau plus luisante que jamais, les lèvres bleutées. Je parcours le reste de la salle mais n'identifie personne d'autre.
Je manque de force, je vais finir par m'écrouler ici et mes efforts n'auront servi à rien. Il faut que je sorte et que je trouve un endroit pour boire, pour manger.
Mes paupières veulent se fermer mais je me concentre pour rester éveillée.
Titubante, je m'approche d'une porte mais celle-ci est fermé à clé. Je fais le tour de la salle mais c'est la seule sortie. Exténuée, je n'ai plus la force de réfléchir. Je m'adosse un peu plus loin de la porte et attends l'entrée de quelqu'un. Peut-être aurais-je alors la chance de me faufiler à l'extérieur.
J'ai dû m'assoupir car un bruit me tire de mon léger sommeil. Je fais revenir mes jambes contre ma poitrine, me faisant le plus discrète possible.
Heureusement pour moi, mon tube qui a fini briser est vers le fond de la salle donc la personne qui viens d'entrer ne le verra pas tout de suite.
Ma petite sieste m'a d'autant plus mélanger les idées et je peine me lever et à rassembler un minimum d'information pour me sortir d'ici. Quand j'aurais un plan d'évasion, je pourrais revenir chercher les autres Touchés car pour l'instant je suis la seule à avoir réussi à me sortir de mon tube. J'aurais voulu fracasser leur prison mais ma force décline à chaque seconde et je n'aurais même pas éraflé la solide vitre. La seule chose que je puisse faire maintenant c'est préserver le plus d'énergie possible pour tenter de sortir d'ici et peut-être trouver du secours.
La porte est en train de se refermer derrière la personne. Avec une grimace de douleur, je me relève et clopine vers la sortie. La porte se referme à ma suite.
Je me tourne et distingue une plaquette sur le mur près de la porte. Je ne me pose pas de question et la ferme à clé.
Un clic sonore résonne dans le couloir désert.
Un peu inquiète, je jette des regards à gauche et à droite mais il n'y a décidemment personne ici...
Ici, la lumière m'aveugle presque tellement elle est blanche et crue. De plus, les murs blancs reflétant la luminosité ne m'aident pas et je plisse les yeux pour éviter qu'ils ne me picotent.
J'avance alors que mon corps réclame une pause. Mais je ne peux pas abandonner maintenant, je ne veux pas mourir ici.
Devant moi, le sol se met à tanguer devant mes yeux, je vois de plus en plus flou mais je m'oblige à continuer. La souffrance mentale est la pire à combattre et j'ai dû mal à me persuader que je vais très bien, que c'est seulement un moment de fatigue.
Ma tête me tourne tandis que je remonte le couloir qui débouche sur un hall, toujours avec des murs blancs lumineux... Je traverse cette pièce et rejoins un autre corridor, il doit bien avoir une petite salle avec un distributeur de café ou n'importe quoi qui puisse être bénéfique à l'organisme quand même !
Mon souffle se fait haché et je ne croise toujours personne.
Soudain, j'entends des voix quelque part devant moi. Je me fige, pétrifié, le sang battant à mes tempes. Puis je saisis que les éclats de voix ne proviennent pas du couloir mais d'une salle un peu plus loin.
Peu à peu mon pouls retrouve un rythme normal et mes muscles se détende.
Telle une petite souris, je m'approche de la porte en question, risquant de me faire repérer si un membre de la salle veut sortir. Mais la discussion m'interpelle, je jurerai avoir entendu les mots « magie », « catastrophe » et « traque ».
En m'approchant, les paroles me parviennent plus facilement. En collant mon oreille au battant, j'écoute une phrase en cours délivrée par une voix féminine.
« C'est une faute que nous devons réparer. Cette fois, c'est allé trop loin ! Nous nous devons de capturer ces adolescents maintenant, car ensuite, il sera trop tard !...
- Vous avez raison Rouge, soupire un autre, mais la seule solution est-elle vraiment de les confiner dans des tubes ?
- Si vous avez une alternative, dites-le donc, répliqua Rouge, mais chaque minute qui passe est cruciale pour notre monde et vous le savez autant que moi.
Avec mon esprit embrouillé, j'ai dû à saisir les détails de la conversation mais je comprends que c'est très important et tends l'oreille.
- Temps de parole accordé à Indigo, appelle une voix.
- Bien... commence l'homme nommé Indigo, je sais que nous sommes les seuls responsables de cette transaction de la magie dans des êtres vivants, et c'est à nous de réparer cette expérience qui a trop bien fonctionnée. Par n'importe quel moyen, il faut renvoyer la magie dans l'air. Nous voyons déjà les conséquences que cela a sur le monde : tsunami, éruptions volcaniques fréquentes, tornades hyper puissantes... Il faut que ça cesse, car dans moins d'un mois, nous courrons droit à notre perte. ».
Je manque de m'étouffer avec ma salive. C'est quoi cette histoire ?! Si j'ai bien compris, Gènaro est à l'origine du transfert de la magie dispersée dans l'air dans des corps vivants ! Tout est partis d'une leur expérience ?!
Mon cerveau tourne à toute vitesse, analysant les informations que je viens de recevoir... J'ai du mal à y croire. Comment la magie et la science peuvent être liés ?...
Et maintenant, ils veulent retrouver tous les Touchés, non pas pour exploiter nos pouvoirs, mais pour rendre la magie à l'air !
Je n'avais jamais vu l'histoire sous cet angle...
Après toutes ces révélations, je suis d'autant plus fatiguée et je sens que je vais bientôt tourner de l'œil...
Je me raccroche désespérément au mur mais glisse le long de celui-ci et finit haletante, recroquevillée sur le sol.
Tout devient flou et je sombre dans les ténèbres.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top