2. Ce gars un peu trop commun

Depuis le jour où Jean avait surpris la violente dispute entre Mikasa et son frère, l'asiatique venait presque toutes les semaines au Coffee Bloom. Elle passait au café après ses cours, attendant tranquillement qu'Armin termine sont travail. Souvent, elle était même là bien avant que le blond n'ait eu le temps de prendre son service.

À force, la brune avait fini par faire entièrement connaissance avec le quatuor qui gravitait autour de son meilleur ami. Tout d'abord, il y avait Jean. Ce garçon châtain qui continuait à la dévisager avec insistance, sans se douter qu'il n'avait aucune discrétion. Au départ Mikasa, très gênée, avait songé à lui demander d'arrêter. Mais les rougeurs qui empourpraient subitement les joues du jeune garçon quand elle lui adressait la parole n'étaient pas passés inaperçues. Ses soudains bégaiements non plus. Alors l'asiatique avait fini par se dire que sous ses airs sûr de lui, Kirschtein était tout simplement quelqu'un de timide et elle avait préféré ne pas le brusquer.

Ensuite, il y avait Conny ; l'imbécile du groupe. Mikasa n'était pas le genre de fille à critiquer, mais il fallait bien avouer que le garçon chauve n'avait pas inventé l'eau chaude. Il y avait aussi celle qui accompagnait toujours ce dernier, Sasha. La brunette avait l'air un peu plus futée que son acolyte ; mais la capacité de son estomac était effrayante. Même tous réunis, ils seraient incapables de battre la gloutonne. L'asiatique n'avait que peu de connaissances féminines dans son entourage. À vrai dire, à part Historia, la copine de son frère, elle n'en avait pas du tout. Il fallait dire que la brune n'était ni douée pour les discussions de fille, ni n'avait envie de l'être. Les jacasseries ? Très peu pour elle. 

Cependant, Brauss était différente. Mikasa s'en était au début méfiée, mais elle avait rapidement compris que du groupe, c'était sûrement Sasha la plus masculine parmi les quatre garçons. Alors elle l'avait accepté et appréciait désormais sa compagnie. Il est vrai que sans en avoir cinquante, une ou deux amies pouvait être agréable.

Enfin, il y avait Marco. Le brun était incroyablement discret. À tel point que Mikasa ne se souvenait même pas du son de sa voix. Mais il était tout de même poli et lui adressait toujours un chaleureux sourire quand elle entrait dans le café.

Au chait, intervint Sasha, la bouche remplie de gâteau.

Assise sur une des chaises hautes du comptoir, elle fit tourner son siège pour faire face à Mikasa.

— Cha va mieux, avec ton frangin ? continua-t-elle en croquant dans une nouvelle langue de chat.

Comme l'asiatique venait régulièrement au café, l'histoire avec Eren avait fini par faire le tour de groupe. Les joues rosies et les soudain bégaiements de leur ami châtain n'avaient pas non plus échappé à l'oeil ragoteur de la bande de colocataires. Tous avaient rapidement compris que la brune ne le laissait pas indifférent, et depuis, il n'y avait pas une seule journée sans que Jean n'essuie une remarque bien ringarde de la part de ses amis. Surtout venant du duo insupportable que formaient Sasha et Conny. Cependant, ils avaient au moins eu assez de gentillesse pour être un peu plus discrets quand Mikasa était là, et Armin avait, quant à lui, promit au châtain de tenir sa langue.

Mikasa soupira.

— Un peu, dit-elle en levant les yeux de ses devoirs. On ne se parle presque pas, mais au moins, il est revenu vivre à l'appart... 

Jean lâcha un discret rire narquois.

— J'suis sûr que sa copine la viré de chez elle, tellement ce mec est con, pesta-t-il tout en appuyant sur la machine à café pour la mettre en marche.

Au même moment, Conny le tapa d'un coup de coude dans les côtes.

Le chauve rigola.

— Soit pas jaloux comme ça, tête de cheval, railla-t-il.

— Tss, j'suis pas jaloux, rétorqua Jean en foudroyant son ami du regard.

Il jeta ensuite un bref coup d'oeil à Mikasa qui continuait de discuter tranquillement avec la mangeuse de patates.

— Mais faut avouer que ce crétin est complètement égoïste, murmura-t-il à l'intention de Springer.

Ce dernier haussa les épaules.

— Bah, en vérité on le connais pas, ce gars. Il a peut-être ses raisons…

Kirschtein rigola d'un rire amer en levant les yeux au ciel.

— Et crois moi que j'ai aucune envie de le connaître.

— Dites, les gars, intervint soudain Marco.

Ce dernier arriva essoufflé de l'autre côté du comptoir.

— Y a pas un de vous qui peut venir m'aider ? La terrasse est pleine à craquer, j'ai du mal à croire qu'on est en pleine hiver…

— Demande à la patate, fit Jean en désignant la brunette d'un geste de la tête.

— Hein ?!

En écoutant son surnom, Brauss sursauta. Elle se retourna alors vers ses amis.

— T'arrêtes de tirer au flanc ? la rabroua Jean.

— Eh, mais je suis en pause ! protesta Sasha.

— Ça fait cinq minute que ta pause est terminée, rétorqua Conny.

En écoutant les propos de son meilleur ami, la jeune femme se sentit trahie. Elle le foudroya alors du regard.

— Va prendre les commandes en terrasse, reprit Jean. Marco a besoin d’aide.

— Vous êtes malades ?! s'exclama Sasha. Il fait hyper fro…

— Je suis ravie que tu viennes m'aider, la coupa soudain Bott en l'attrapant par le col.

— Hein, ma…

— Tiens, attrape, cette fois ce fut à Conny de lui couper la parole en lui lançant son manteau. Tu vas en voir besoin, continua-t-il en rigolant.

Et la mangeuse de patates n'eut d'autre choix que de suivre le brun, un air tout aussi déprimé que si on lui avait annoncé une immense famine, placardé sur le visage.

Mikasa se replongea alors dans son travail. Jean l'observa discrètement tout en préparant les commandes des clients. Il ne savait pas de quoi exactement retournaient les études de la brune, mais chaque fois que la jeune femme venait au café, elle passait son temps à faire ce qui s'apparentait à du dessin. De nature curieuse, surtout quand cela concernait la jeune femme, Kirschtein aurait voulu savoir ce qu'elle faisait. Mais il n'avait aucune idée de comment initier la conversation. Ses yeux se posèrent sur la tasse vide posée près de la brune.

Je pourrais lui demander si elle veut autre chose, songea-t-il.

Cette idée n'était pas la plus crédible, n'étant pas affilié au service mais à la préparation des boissons ; cependant, il pourrait toujours s'excuser sous prétexte de l'équipe de bras cassés que constituaient Sasha et Conny. Et alors que le châtain s'était enfin décidé, l'arrivée énergique d'Armin à l'intérieur du café le coupa dans son initiative.

— Les gars ! s'exclama le blondinet en se ruant vers la table qu'occupait sa meilleure amie.

Jean et Conny le dévisagèrent avant de se précipiter vers lui. Au même moment, Marco et Sasha arrivèrent à leur tour.

— Armin, tout va bien ?! s'enquit le brun, inquiet par l'arrivée furtive de son ami.

— T'as détalé comme un sanglier pendant la chasse ! renchérit Sasha, elle aussi intriguée.

Sa comparaison plutôt originale ne créa cependant aucune surprise chez ses amis. Tous, y comprit Mikasa, étaient habitués à ce genre de remarques.

— Pardon, fit précipitamment Armin. Je vais bien, continua-t-il. J'ai juste une super bonne nouvelle à vous annoncer !

— Vas-y, accouche dans ce cas, s'exclama Jean de plus en plus intrigué par ce qui avait pu pousser son ami à courir aussi vite.

Il faut dire que peu de choses, à part la peur, pouvait lui faire faire une telle chose.

Le blond se mit soudainement à rougir.

— Aller, Armin, dis nous ! s'écria à son tour Conny.

— Je... J'ai invité Annie à sortir ! lâcha-t-il enfin.

À ce moment, il aperçut les yeux de ses amis s'écarquiller. Même Mikasa ne put retenir la surprise de marquer ses traits. Il faut dire qu'ils s'attendaient à tout sauf à ce genre de déclaration.

— Mais c'est super, ça ! s'exclama Conny une fois la stupéfaction passée, en passant un bras autour des épaules du blond.

— Champion ! s'écria à son tour Sasha en imitant son ami chauve.

Jean et Marco le félicitèrent à son tour.

Mais parmi cette euphorie, la voix posée de Mikasa retentit.

— Je ne peux pas dire que je sois particulièrement ravie que ce soit avec Annie, mais je suis tout de même contente pour toi, fit-elle en ponctuant le tout d'un tendre sourire.

Cet éclat de gaité eut pour conséquence de faire s'agiter furtivement le cœur du châtain. Mais pas le temps au garçon pour laisser sa passion prendre le dessus. Car la phrase de l'asiatique avait retenu l'attention de tout le groupe.

— Comment ça ? s'écria alors soudain Sasha. Tu la connais, cette Annie ?

Armin lâcha un rire nerveux.

— Mika et Eren faisaient du karaté avec elle quand ils étaient petits, expliqua le blondinet. Et Annie à battu Eren à plate-couture…

Le regard de la brune se tinta soudain d'un voile noir qui oppressa l'atmosphère. Les quatre garçons et la mangeuse de patates eurent une soudaine envie de prendre leurs jambes à leur cou.

— Elle n'avait aucune raison de se défouler autant sur lui, elle n'avait qu'à juste le maîtriser. Eren n'est pas bien fort et ses manies peuvent être exaspérantes, mais de là à lui faire perdre une dent... lâcha Mikasa d'une voix glacial.

D'emblée, les colocataires du blond se retournèrent vers ce dernier pour le dévisager. Tout d'un coup, l'envie d'Arlet de sortir avec cette fameuse Annie leur sembla être une envie suicidaire.

— Armin, t'es sûr que tout va bien ? ne put s'empêcher de demander Sasha en plaquant une main sur l'épaule de son ami.

— Si t'as des problèmes, tu peux nous en parler... renchérit Conny.

— On sera toujours là pour toi, tu le sais, hein ? intervint Marco en tapotant le dos du blond. Les amis sont fait pour ça…

— Oui, inutile d'en arriver à de telles extrémités, fit Jean à son tour.

— Hein ?

Arlet les dévisagea, ne comprenant pas vraiment où voulaient en venir ses colocataires.

— Annie n'est pas une fille pour toi, vieux, continua le châtain.

— Elle est trop... Comment dire... Rustre, expliqua Marco à son tour.

— En gros, tu vas te faire bouffer, lâcha Sasha sans aucun ménagement.

En comprenant enfin de quoi retournait la pensée de ses amis, le blond s'exclama :

— Non mais Annie n'est pas une personne violente !

Ses colocataires lui rendirent un regard peu convaincu.

— C'était quand elle était petite, cette histoire, et puis c'était dans le cadre de leur entraînement de karaté !

— Armin, Armin, Armin... souffla Sasha en hochant la tête de gauche à droite. C'est comme si un agneau tombait amoureux d'un loup…

Sous cette métaphore encore plus stupide que la précédente, Conny explosa de rire.

Jean soupira.

— Faut vraiment que tu ramènes tout à la bouffe, patate girl, c'est dingue !

— Bah quoi ? J'ai pas précisé qu'ils étaient cuisinés ! s'offusqua la brunette. Ma comparaison à au moins le mérite d'être explicite…

— Ça, pour l'être, elle l'est... rigola Marco.

— Enfin bref, t'es censé la voir quand ? intervint Jean sur un ton plus sérieux.

— Samedi soir, répondit Armin. Enfin, demain, du coup.

— Vous avez prévu un truc en particulier ? demanda Mikasa.

— On va a un concert de rock organisé au Boom-Koeur.

— C'est pas une boîte de nuit, ça ? fit Marco.

— Si, acquiesça Armin en hochant la tête.

Sasha grimaça.

— Et à simple titre indicatif, tu compte y aller habillé comment ? s'enquit la patate sur un ton légèrement inquiet.

Arlet fronça les sourcils.

— Je n'y ai pas vraiment réfléchi, mais je pensais mettre mon polo bleu avec un jean, tout simple, quoi…

— Euh…

L'expression peu convaincue sur les visages de ses colocataires lui firent d'avantage froncer les sourcils.

— Un problème ? s’enquit-il.

— Comment dire... fit Jean en se grattant l'arrière de la tête.

— Ce n'est pas une bonne idée ? Je trouve que ce polo me va plutôt bien, en plus…

— C'est pas vraiment le soucis... tenta d'expliquer Sasha à son tour, ne sachant pas non plus comment dire au blondinet que sa tenue n'était pas du tout appropriée à ce genre d’événements.

Mikasa soupira.

— Non, Armin, ça ne va pas, lâcha-t-elle de but en blanc.

Ce n'était pas le genre de la brune de tourner autour du pot.

Armin dévisagea sa meilleure amie.

— Si vous alliez vous baladez dans un parc, alors ton polo aurait été une tenue adéquate, continua-t-elle. Mais pas pour un concert de rock…

Arlet se décomposa.

— Je m'habille comment, alors ?

— Je ne sais pas, t'as pas un T-Shirt noir ou un autre truc d'une couleur neutre ? demanda Conny.

— Ben..

— Au pire, c'est à quelle heure ton rendez-vous ? fit Jean.

— Le concert est à vingt-et-une heure, pourquoi ?

— Parfait, le café ferme à dix-neuf, continua le châtain. On sera tous à l'appart quand tu devras te préparer, on pourra t'aider, comme ça.

— Bonne idée, la tête de cheval ! s'exclama Sasha. C'est que tu peux être intelligent quand tu veux, le canasson, le taquina-t-elle de plus belle.

Jean foudroya la brunette du regard.

— Oui, bonne idée, fit Armin à son tour, avant de se retourner vers Mikasa. Tu pourras venir, toi aussi ?

— Chez vous ? demanda-t-elle. Je ne suis pas contre, mais je te rappelle que demain le métro fait grève. Alors je n'ai aucun moyen de me déplacer…

— Mince, c'est vrai... soupira Armin en prenant son menton dans ses mains.

Ce geste était le signe que le petit blond était en pleine réflexion.

— Eh, mais Jean a une voiture ! s'exclama-t-il soudain.

— Hein ? en écoutant son prénom, le châtain cessa de se disputer avec la mangeuse de patates pour se redresser vers son ami blond. Tu m'as parlé ?

— Ça te gênerait d'aller chercher Mika, demain ? Elle n'a aucun moyen de nous rejoindre à l'appart, sinon…

Machinalement, Kirschtein laissa son regard se poser sur l'asiatique. Quand ses yeux rencontrèrent les prunelles acier de la brune, il en eut le souffle coupé. Le garçon prit sur lui autant que possible pour que ses joues ne rosissent pas et que sa voix reste neutre.

— Aucun problème, lâcha-t-il brièvement. C'est moi qui fait la fermeture, demain, en plus.

Armin sourit, ravi.

— Bien, parfait dans ce cas.

— Merci, répondit la brune à l'attention de Jean.

Et le léger sourire qu'elle lui adressa eut une fois de plus raison de son coeur déjà bien trop sollicité jusque-là. 

Jean se gara en face de l'immeuble de l'asiatique.

Hier soir, Mikasa lui avait envoyé un message via Facebook pour lui indiquer son adresse.

Moi

Je suis arrivé. 

Le châtain prit une profonde inspiration pour se détendre. De savoir que la femme qui le rendait fou depuis plusieurs semaines maintenant s'apprêtait à monter dans sa voiture, le faisait stresser.

Tss, j'suis vraiment con d'angoisser comme ça, se sermonna-t-il. 

Au même moment, son téléphone vibra.

 Mikasa Ackerman 

Excuse moi, j'ai pris du retard, je sors à peine de la douche. Je me dépêche, t'as qu'à monter en attendant.

Le code de l'interphone c'est 136. J'habite à l'étage quatre, appartement 12.

Moi

Ça marche.

En sortant de la voiture, Jean resserra son manteau. Le vent qui soufflait en cette fin d'octobre était glacial. C'est donc rapidement que le châtain atteignit l'immeuble de la jeune femme. En montant les marches qui le menaient jusqu'à l'appartement de la brune, Kirschtein sentit de nouveau l'appréhension de mal-faire crisper ses entrailles.

Appart' 12, elle m'a dit…

Arrivé sur le bon palier, il scruta le numéro de chaque porte et finit par apercevoir celle qu'il cherchait.

Le châtain sonna.

Il attendit quelques secondes avant d'entendre le verrou tourner. La porte s'ouvrit, mais alors qu'il s'apprêtait à faire face à Mikasa, ce sont deux yeux verts qui l'accueillirent, avec tout autant de chaleur dans leurs pupilles qu'un iceberg. De suite, Kirschtein reconnut le frère de l'asiatique. La tête de cette dernière apparut par ailleurs à travers l'embrasure d'une porte plus au fond de l’appartement.

— Salut, Jean, fit-elle. Je me dépêche, j'ai juste à me sécher les cheveux.

Le châtain acquiesça d'un signe de tête avant de saluer à son tour.

— Salut, dit-il à l'égard d’Eren.

Mais sans un mot pour lui, le brun arrogant tourna les talons pour repartir dans sa chambre. Kirschtein aperçut alors les yeux de la brune s'assombrir quand elle le suivit du regard.

— Tu es sûr que tu ne veux pas venir ? demanda-t-elle sans grand espoir.

— Certain, répondit le garçon au regard émeraude, sans quitter son téléphone des yeux. J'ai déjà envoyé un SMS à Armin pour lui souhaiter bonne chance.

Puis sans autre forme de procès, il fit claquer la porte de sa chambre derrière lui.

Au ton glacial qu'Eren avait employé pour s'adresser à sa soeur, Jean crispa la mâchoire. 

Tss, tant mieux que tu viennes pas, crétin, ragea-t-il intérieurement. Tu vas pas nous manquer.

— Je suis prête dans cinq minutes... indiqua Mikasa d'une voix effacée tout en refermant lentement la porte de la salle de bain.

À l'entente de ce ton manquant cruellement de couleur, la colère du châtain à l'égard d'Eren ne fit qu'empirer. Si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait déjà envoyé valser son poing dans la tête de ce gars qui se comportait comme un véritable gosse pourrit gâté.

     Sur le trajet pour regagner l'appartement du châtain, un silence de plomb envahissait la voiture. Mikasa ne parlait pas. Mais ce n'était pas vraiment ça qui peinait Kirschtein ; il savait que l'asiatique n'était pas très bavarde. Cependant, il y avait une telle aura de tristesse autour de la brune que le cœur du garçon en était étouffé. Jean aurait voulu consoler la jeune femme à ce moment là. L'envie de la prendre dans ses bras, qu'il avait ressenti la première fois qu'il l'avait vu, coulait de nouveau dans ses veines. Il aurait aimé lui dire à quel point cet abruti ne méritait qu'elle noie ses yeux gris dans des larmes. Mais il se doutait que dire le fond de sa pensée ne ferait que s'attirer les foudres de la jeune femme, tout en enfonçant le couteau dans la plaie. Alors Kirschtein décida de respecter son silence.

Quand ils arrivèrent enfin à la colocation, la brune ne s'était pas d'avantage détendue. 

Cependant, la bonne humeur communicative de Sasha était telle qu'il ne fallut pas plus de cinq secondes à patates girl pour obtenir un sourire de la part de l'asiatique, tout aussi petit soit-il. 

— Vite, Mika, s'exclama Brauss en tirant la brune dans la chambre d'Armin. Il faut qu'on se dépêche parce qu'on a du pain sur la planche !

Pendant une heure, les deux jeunes femmes s'affairèrent alors à transformer leur ami blond aux traits enfantins, en un véritable rockeur. Enfin, "véritable" autant qu'elles le pouvaient, car l'aura d'Armin dégageait et dégagerait, sûrement éternellement, celle d'un enfant aux pensées beaucoup trop innocentes.

— Les gars ! s'écria Sasha quand elle sortit enfin de la chambre du blondinet. 

Jean, Conny et Marco s'étaient réunis autour de la table du salon, attendant patiemment que leurs amies aient fini leur relookage.

Mikasa s'extirpa elle aussi de la pièce afin de s'assoir près du châtain et profiter du futur défiler.

— Oubliez l'Armin que vous avez connu, continua la mangeuse de patate. Aujourd'hui, c'est Arock qui vous fait face ! 

Et c'est avec les joues plus rouges que celle de Kirschtein quand il apercevait l'asiatique, qu'Armin fit sont apparition. En réalité, sa tenue était extrêmement basique. Un T-shirt noir avec le nom du groupe de rock "no name" emprunté à Marco, un jean noir et des Dr. Martens gracieusement prêtées par Mikasa. Heureusement que ce genre de chaussures étaient androgynes et que les deux meilleures amis faisaient, par miracle, la même pointure.

— Arock ? répéta Marco en plissant le nez.

— Bah oui, s'écria Brauss. Armin mais version rock, quoi, continua-t-elle en haussant les épaules.

Conny explosa de rire.

— C'est super moche, railla Jean.

— Je t'ai pas demandé ton avis, le canasson, rétorqua la mangeuse de patates.

— Du coup, s'enquit Armin, préférant ignorer son nouveau surnom qui le mettait affreusement mal à l'aise. Vous en pensez quoi ?

— Honnêtement, ça m'a l'air pas mal, répondit Marco. 

— Je suis d'accord, affirma Jean.

— Par contre, tu devrais te dépêcher, intervint soudain Mikasa. Il est vingt heure quarante...

Les yeux du blondinet s'écarquillèrent.

— Je suis en retard ! s'écria-t-il en se ruant vers la porte d'entrée. 

Dans la précipitation, il enfila son manteau en criant un bref merci à ses amis qui lui souhaitèrent bonne chance.

— Bon, les gars, s'exclama soudain Sasha d'une voix forte. On commande pizza et on se regarde un film ?

— Bonne idée, la patate ! s'extasia Conny. Venez, on se refait les Harry Potter.

— Euh, ça risque d'être un peu long... souligna Marco.

— Il a raison, rajouta Sasha en effectuant une petite tape sur la tête de son meilleur ami.

En parallèle, Mikasa se leva.

— Je vais y aller, déclara-t-elle en regardant Jean. Je ne veux pas vous embêter d’avantage...

— Oh non, Mika, reste ! s'écria Sasha. Me laisse pas seul avec tous ces mecs !

— Eh ! protesta Conny. Je te rappelle que t'es pas tellement féminine pour te permettre de dire un truc comme ça !

— Je suis un peu fatiguée, avoua la brune. Et puis si je reste, ça va obliger Jean à me ramener chez moi plus tard…

— C'est pas un problème, ça, affirma le châtain.

— Au pire, tu n'as qu'à rester dormir, proposa Marco.

— Oui, j'ai un lit deux places, rajouta Sasha. Peut-être même que tu pourras squatter le lit d'Armin si ça marche bien pour lui, ce soir !

Conny rigola.

— Ne comptez pas trop la dessus, railla le chauve. Il n'est pas du genre à coucher le premier soir.

Jean rigola à son tour avant de se retourner vers l’asiatique.

— Sinon, je peux aussi te laisser ma chambre. Je prendrais le canapé, t'inquiète, fit-il.

— Bah dis donc, Jeannot, t'es bien serviable, ce soir, le charia Brauss en lui adressant un sourire malicieux.

Le châtain compris instantanément l’arrière-pensée de son amie. Elle voulait délibérément l'afficher devant l'asiatique et Kirschtein eut une subite envie de faire frire cette patate pourrie qui lui servait de colocataire.

— Tu m'as appelé comment ?! s’énerva-t-il.

Et alors qu'ils se mirent à se chamailler, Marco prit la parole.

— Tu vois, fit-il en regardant Mikasa. Il y a assez de place pour que tu puisses dormir ici. Alors, tu restes ?

La brune soupira en se rasseyant.

— C'est d'accord, dit-elle en souriant.

— Yes ! s'exclama Sasha en sautant au cou de la brune.

Cette dernière la taquina en grognant contre son étreinte.

En observant cette scène, Jean ne put s'empêcher de sourire. Outre le fait qu'il était ravi de pouvoir profiter de la présence de l'asiatique encore toute une soirée ; il était avant tout heureux de la savoir ici, à la coloc', et non dans son appartement à broyer du noir face à l'animosité exaspérante de son frangin.

Après s'être disputé pour savoir quelles pizzas ils allaient commander, les colocataires s'embrouillèrent de nouveau sur le choix du film. Cette ambiance agitée n'était pas ce à quoi était habituée l'Ackerman. En réalité, elle n'avait jamais vraiment connu cette situation, d'être là, entourée de plusieurs personnes qu'elle pouvait appeler amis. Plutôt du genre introvertie, l'asiatique s'était contentée de suivre son frère. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le côté impulsif d'Eren n'avait jamais poussé qui que ce soit à s'approcher de la fratrie. Avec le temps, il y avait eu Armin, puis Historia rencontrée à la fac et qui leur avait fait connaître Ymir, Reiner, Bertholdt et, pour le plus grand malheur de l'asiatique, fait reprendre contact avec Annie. Mais pour autant, même si la petite blonde sortait désormais avec son frère, Mikasa ne pouvait pas dire que tout ces gens qui gravitaient autour d'eux était réellement ses amis.

Cependant, avec les colocataires d'Armin, l'ambiance paraissait différente. D'emblée, le petit groupe l'avait accueilli et son air froid n'avait pas semblé les gêner plus que ça. Peut-être étaient-ce dû au fait que, ces gens là, elle les avait connu sans son frère. Oui, sans Eren pour apporter sa mauvaise humeur, se lier d'amitié à d'autres personnes semblait plus facile. Mikasa aimait son frère, mais elle était obligée de reconnaître que plus le garçon grandissait, plus son caractère devenait infernal.

Ceci dit, et même si l'ambiance électrique de ce groupe d'amis lui plaisait, cette hyper-stimulation inhabituelle à laquelle était soumis son cerveau était véritablement éprouvante. Et lorsqu'une pause pipi fut déclarée pour Sasha, et que Marco et Jean, ayant perdu un paris, durent débarrasser la table, Mikasa en profita pour s'éclipser sur le balcon.

Kirschtein l'observa du regard et fronça les sourcils.

— Vas la voir, s'exclama Conny en plaquant une main sur l'épaule du châtain.

Ce dernier sursauta avant de dévisager son ami.

— Vas-y, réitéra Springer en tournant son regard vers le balcon. Je vais aider Marco à faire la vaisselle.

Jean dévisagea d'avantage son ami chauve devant sa gentillesse déconcertante.

— C'est quoi l'embrouille ?

Conny rigola.

— Rien, promis, la tête de cheval, railla-t-il.

— Tss, pesta le châtain devant le surnom employé par Springer.

Il avait bien envie de répondre quelque chose de cinglant, mais étant donné que le chauve lui permettait d'aller parler à la brune, il se retint. Jean se contenta seulement de lui envoyer le torchon qu'il tenait entre ses mains, en pleine figure, avant de se diriger vers l’extérieur.

Il ouvrit délicatement la porte fenêtre et posa un pied sur le balcon :

— Je peux venir ? demanda-t-il par politesse.

Mikasa se retourna avant de hocher positivement la tête.

— C'est ton balcon, pas le mien, répondit-elle d'une voix posée.

En s'approchant pour s'appuyer contre la balustrade, Kirschtein l'observa recentrer son attention sur son téléphone. Elle avait l'air contrarié, et l'instinct du châtain lui soufflait que l'idiot qui lui servait de famille n'y était pas pour rien.

— Dis, fit-il sur un ton timoré. Je me doute que l'histoire avec ton frère te mine encore, et c'est normal puisque c'est ton frère ; mais ce soir tu voudrais pas le mettre de côté?

L'asiatique leva ses deux grands yeux gris vers le châtain pour le dévisager. Sous ces iris couleur de plomb, Jean n'eut d'autre choix que de détourner le regard. Mais il ne se démonta pas pour autant. Il souhaitait réellement que la jeune femme oublie les soucis que lui causait son frère, au moins le temps de quelques heures.

Il se gratta l'arrière de la tête, mal à l’aise.

— Juste pour cette soirée, éteints ton téléphone et ne pense à rien en regardant les pitreries de Conny et Sasha, continua-t-il en s'obligeant à ancrer son regard dans celui de la jeune femme. Ils sont cons, mais je te jure que certaines de leurs âneries sont vraiment marrantes, promit-il en lâchant un petit rire.

Contre toute attente, il vit Mikasa sourire.

— Tu as raison, soupira-t-elle en éteignant son téléphone.

Jean écarquilla les yeux. En parlant comme cela d'Eren, il s'était attendu à être frappé par la foudre de la jeune femme ; et non pas à ce qu'elle lui donne raison.

Il l'observa s'appuyer à son tour contre la rambarde.

Le silence se fit avant que Mikasa ne le brise d'un soupir.

Jean l'observa du coin de l'œil, son coeur se serra.

Ça doit vraiment être fatiguant de s'inquiéter tous les jours pour quelqu'un qui n'en vaut pas la peine, se désola-t-il.

— Au fait, Mikasa se décida à prendre la parole.

Après tout, Jean et les autres colocataires avaient eu la bienveillance de l'inviter, alors il n'était pas très aimable de les faire souffrir de sa mauvaise humeur. Alors elle entreprit de prendre sur elle pour se montrer un peu plus sociable que d’ordinaire.

— Hm ?

— Les tableaux qui sont accrochés sur les murs, c'est qui, qui les a peint ?

Ce choix de conversation était plus qu'inattendu, mais en pénétrant dans l'appartement de la colocation, l'asiatique avait d'emblée été frappée par ces tableaux disposés aux murs. Une décoration que l'on ne s'attendait pas à retrouver dans l'habitation d’étudiants.

— C'est moi qui les ai fait, répondit le châtain en rougissant.

Heureusement que le noir de la nuit masquait son trouble.

Mikasa le dévisagea.

— Ils sont si moches que ça ? ironisa Jean devant les yeux écarquillés de la brune.

— Quoi ? Non, non, pas du tout ! rétorqua l'asiatique. Au contraire, continua-t-elle.

Cette fois, ce fut à Jean de la regarder avec insistance.

Mikasa soupira.

— Je suis en école de design, alors ce genre de choses, ça me connaît, expliqua-t-elle. Donc si je te dis que tes tableaux sont magnifiques, c'est qu'ils le sont.

Si le garçon n'était pas farouchement agrippé à la rambarde de son balcon, ses jambes l'auraient sûrement abandonné en écoutant les mots de l'asiatique. Elle venait de le féliciter. Sa muse, celle qui l'avait frappé de plein fouet de part sa beauté alors qu'elle ne l'avait, à coup sûr, même pas remarqué en entrant dans le café, venait de le complimenter.

— C'est juste que trouver ce genre de déco dans un appart' d'étudiants, continua la jeune femme, ça m'a simplement un peu surprise…

— Ah, oui, répondit Jean en se frottant l'arrière de sa tête, j'aime bien dessiner de temps en temps.

— On ne dirait pas, comme ça, fit Mikasa en lui souriant.

Jean arqua un sourcil.

— Pour être honnête, continua Mikasa en plongeant de nouveau son regard dans les étoiles, la première fois que je t'ai vu, tu n'avais vraiment pas le look du gars qu'on remarque au premier coup d’oeil.

Kirschtein eut l'impression de se faire transpercer par une lame beaucoup trop aiguisée par le fusil de la vérité.

— Tu semblais être ce gars un peu trop commun que l'on trouve partout, qui a les mêmes goûts que tout le monde et qui, en plus de ça, s'emporte facilement.

De nouveau, Jean sentit son égo se briser.

— Mais, reprit de plus belle la jeune femme, je suis heureuse de constater que ce n'est pas le cas, continua-t-elle.

Il ne fallut pas plus d'une seconde au châtain pour retrouver son aplomb.

Même s'ils ne s'étaient jamais retrouvés réellement que tous les deux jusqu’à présent, Mikasa et Jean avaient déjà échangé sur différents sujets, et l'asiatique avait pu voir que ce garçon si ordinaire avait, en vérité, bien plus de passions qu'il ne le laissait penser. Et ce côté là de sa personnalité avait réellement retenu son attention.

— Parler avec toi est toujours très constructif, et j'apprécie ta manière de voir les choses, déclara la brune.

De son côté, Jean restait bouche-bée. Devant tant de compliments inespérés sortant de la bouche charnue et rosée de l'asiatique, son coeur aurait explosé plus d'une fois s'ils s'étaient retrouvés dans un cartoon.

— Merci, finit Mikasa en se retournant vers le garçon, mettant fin une bonne fois pour toute à sa capacité de réagir.

— Mer...ci ? put seulement souffler le châtain.

— Oui, affirma la brune. Je sais que tu n'aimes pas Eren ; pour autant, tu ne t'es jamais contenté de me dire de le virer de ma vie, et tu m'as toujours écouté.

— Oh, pour ça ? Ce... Ce n'est rien, répondit le châtain sans pouvoir détourner les yeux des deux prunelles aciers qui le tenaient menotté.

Mikasa sourit. Les miasmes de l'alcool qu'ils avaient commandé avec leur pizza commençaient à faire leurs effets, et la jeune femme se sentait soudain en proie à un élan émotionnel. Ce soir, une force ésotérique lui souffla qu'elle pouvait se confier en toute sécurité. Qu'elle pouvait dire tout ce qu'elle avait sur le cœur, que ce garçon aux yeux intensément marrons et dont elle ne pouvait pas se résoudre ce soir à détacher son regard, l'écouterait sans se lasser d'entendre que son frangin était égoïste mais que, malgré tout, elle donnerait sa vie pour lui. 

C'était bien la première fois que la jeune femme ressentait ça. Quelqu'un à qui se confier sans être jugée. Quelqu'un qui, même s'il ne comprenait pas le lien bien trop fusionnel qui l'unissait à Eren, ne la critiquerait pas pour autant. 

Depuis le premier jour où elle était entrée au Coffee Bloom, elle avait senti sur elle le regard brûlant du garçon. Au début agacée, par la suite amusée, et enfin captivée, aujourd'hui elle avait l'impression que perdre cette sensation devenue familière et rassurante de savoir que quelqu'un veillait secrètement sur elle, lui serait fatal.

Sans s'en rendre compte, leur visage se rapprochèrent. La nuit les plongeait dans l'obscurité, et seule la lune permettait de faire miroiter dans leurs prunelles de douces étincelles. Leur conscience hypnotisée par l'ambiance enchantée que leur conférait Máni, ils fermèrent les yeux aux moment où leurs lèvres se rencontrèrent. Puis d'une manière tout aussi paisible, ils se reculèrent ; conservant néanmoins leur envie, à travers le fil chimérique qui s'était tissé entre leurs coeurs.

— Bon, les gars, on reprend ?! s'exclama soudain Sasha en ouvrant la porte.

— Mais tu vois pas que tu déranges, la patate ?! s'écria Conny.

— Calmez vous, intervint Marco. Les voisins vont encore se plaindre du bruit…

Jean soupira de frustration.

Il n'était pas tellement surpris de leur intervention, mais ce n'est pas pour autant qu'aucune envie d'étriper ses amis ne lui traversa l’esprit.

Il écouta l'asiatique rigoler à côté de lui. Il lui lança alors un regard étonné. 

— Tu as raison, lui souffla-t-elle. Leurs chamailleries peuvent parfois être amusantes.

Kirschtein ne put s'empêcher de rigoler à son tour, tout en secouant la tête de désapprobation.

❁❁❁

Ohayo !

Deuxième chapitre posté, quand avez-zous pensé ?

Je fais une petite dédi pour le nom de la boîte, "Boom-Koeur", qui vient d'un looooog et vieuuuuuuux délire avec DDA (si tu passes par là bb 👀).

Je vous fais de gros bisous,

Prenez soin de vous 💕

Crunch~

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