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𝟔 ans que l'on se 𝓬𝓸̂𝓽𝓸𝓲𝓮,

Je me souviens encore de la manière dont il m'avait abordée. L'une des plus banales des rencontres, clichée, digne des mauvais scénarios de séries de romance bas de gamme et déjà vus. Mais elle était la plus belle, c'était nous. J'avais su apprécier ces petits moments, les chérir.

Assise dans mon coin à la bibliothèque universitaire, entre les livres de théologie et d'autres sujets oubliés que j'ignorais. J'affectionnais énormément ce coin, rares étaient les personnes qui y venaient pour chercher un quelconque manuel ou dictionnaire. Il n'y avait que des archives aussi vielles que le monde. Le meilleur des coins pour travailler et imaginer avec calme.

Je pouvais éparpiller mes feuilles tout autour de moi, m'imaginer tous les scénarios et dessiner à mon aise. Je suivais des études de scénographie et la maison n'était pas l'endroit idéal afin de me concentrer pleinement sur mes travaux. Entre les rires aigus des amies de ma mère qui étaient souvent invitées, et les rires graves de mon père raisonnant à travers la maison, le calme n'avait pas sa place. Mes parents étaient de ceux qui aimaient inviter et être invités, accros au potins et dernières nouvelles, ils passaient la plupart de leur temps libre autour d'un café, avec leurs amis, à discuter.

J'avais pris pour habitude de me réfugier dans ce petit coin de bibliothèque pour m'isoler, jusqu'au jour où une tête d'ange vint franchir mon île déserte, pour l'envahir. Les faibles rayons de printemps qui s'échouaient sur son visage lui donnaient un air angélique, céleste. Il était apparu devant moi tel un mirage, parmi tous ces bouquins poussiéreux.

Intimidée et ne comprenant pas d'où il sortait, je n'avais pas compris qu'il me demandait de me décaler pour qu'il puisse continuer ses recherches parmi ces vieux livres. J'étais obnubilée par sa beauté. Il cherchait un ancien cas pour l'un de ses travaux.

Notre rencontre fut dans ce petit coin de bibliothèque. Tout nous opposait. J'étudiais l'art, j'aimais franchir les limites. Lui était dans le droit, il aimait imposer les limites.
J'aurais dû me douter.





𝟓 ans que l'on s'𝓪𝓲𝓶𝓮,

Je me souviens encore de la manière dont il m'avait demandé timidement de m'embrasser. L'une des plus mignonnes des questions, digne d'un roman à l'eau de rose et adorable. Mais cette timidité s'était rapidement envolée, c'était lui. J'avais découvert un homme de plus en plus entreprenant.

A la sortie des cours, je m'étais, comme d'habitude, réfugiée dans mon petit coin, dans le but de travailler, mais c'était sans compter sur le fait que je l'avais trouvé, assis en tailleur, à mon endroit, plongé dans une de ses notes.

Il m'avait seulement souri en me voyant arriver, en se décalant pour me laisser de la place. Voilà comment s'était instaurée cette petite routine. Sans un mot, il s'était infiltré dans mon monde, pour y prendre de la place de jour en jour, communiquant par petits mots échangés, par chuchotis et regards discrets. Nous agissions comme deux adolescents dans la fougue de l'amour.

Mais n'était-ce pas ce que nous étions ? Deux adolescents entrant dans le monde adulte, partageant leur temps d'études dans un petit coin de bibliothèque, à l'abri des regards, vivant leur petit idylle utopique.

Quelques semaines ou mois après, durant l'une de nos énièmes séances d'études, il m'avait bousculée légèrement de l'épaule avant de me passer un post-it. On communiquait souvent ainsi pour ne pas déranger les autres et attirer l'attention sur nous. Mais ce petit mot était différent des autres, je crois que c'était celui qui avait marqué le début de notre relation.

Il me l'avait tendu, un sourire timide aux lèvres et un regard qui ne lâchait pas le mien.

❝𝑆𝑜 𝐻𝑦𝑢𝑛, 𝑡𝑢 𝑠𝑎𝑖𝑠 𝑐𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑗'𝑎𝑖 𝑒𝑛𝑣𝑖𝑒 𝑑𝑒 𝑓𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑙𝑎̀, 𝑚𝑎𝑖𝑛𝑡𝑒𝑛𝑎𝑛𝑡 ?

Un froncement de sourcils de ma part, lui demandant silencieusement ce qu'il souhaitait, et il m'avait tendu un second papier.

❝𝐺𝑜û𝑡𝑒𝑟 𝑎̀ 𝑡𝑒𝑠 𝑙𝑒̀𝑣𝑟𝑒𝑠







𝟑 ans que l'on s'est 𝓾𝓷𝓲s,

Je me souviens de la manière dont il avait posé un genou à terre. L'une des plus classiques des demandes, digne d'un film de Disney, magique. Mais cette romance s'était rapidement transformée avant que je ne me rende compte que les scripts du film avaient changé.

L'homme que j'avais connu, Dae Sung, le juge respectable sorti major de sa promo, populaire au campus, m'avait passé la bague au doigt. Le gendre idéal dont ma mère vantait ses nombreuses qualités auprès de ses amies. Le beau-fils parfait avec lequel mon père passait certains dimanches à parler politique.

J'avais réussi à rendre mes parents fiers de mon avenir sentimental, à défaut de mon avenir professionnel. Ils n'avaient jamais vu d'un bon œil le fait que je me lance dans une carrière artistique qui ne me garantissait pas un futur stable, ou encore une réputation digne de ce nom. Heureusement, je n'ai pas fait plus honte à la famille en épousant Dae Sung.

Il semblerait qu'ils n'avaient d'yeux que pour mon mari, l'idéalisant au point d'être aveugles face à mes bleus. Ma mère, pourtant médecin, m'avait dit que les disputes arrivaient, que c'était normal qu'entre deux personnes qui s'aiment, cela dégénère de temps à autre. J'y avais cru, après tout, c'était ma mère et elle avait déjà connu une vie conjugale. Ce n'était pas moi, avec mes maigres années d'expérience, qui réclamerait tout connaître sur le mariage.

J'avais fini par me taire, accepter et subir. J'avais cessé  de me débattre et trouver une alternative pour me défouler. Après tout, c'était en partie ma faute. Je n'allais pas aller me plaindre à quiconque pour quelque chose que j'avais cherché.

Enfin, c'est ce que j'ai toujours cru, car même si je souhaitais en parler, je ne me retrouvais avec aucune amie, personne. Isolée comme lorsque je me réfugiais dans mon coin à la bibliothèque pour étudier, juste moi et lui.





𝟐 mois et demi que je porte la 𝓿𝓲𝓮.

Je me souviens du moment où j'ai commencé à avoir des doutes, me poser des questions. Un matin, alors qu'il partait au travail, les nausées ont repris de plus belle alors que je me préparais des omelettes et mon café matinal.

Je ne supportais plus l'odeur délicieuse du café et me surpris à vouloir boire du chocolat chaud, chose que j'ai toujours détesté. C'est drôle mais ce n'étaient pas les nausées en elles-mêmes, ni le vertige, qui m'avaient mis la puce à l'oreille, mais cette envie bizarre de chocolat chaud.

Être malade ne me dérangeait pas, je me rendais moi-même malade en enchaînant les cigarettes à longueur de journée, là n'était pas le problème, je me tuais à petit feu. Je m'étais résignée à accepter ma décente aux enfers, à anticiper ce qui allait se produire. Il y aurait bien un jour où je ferais une plus grande connerie, où il irait un peu plus fort.

Ce matin, je m'étais précipitée vers le magasin le plus proche pour m'acheter ce foutu chocolat en poudre, mais aussi un bâtonnet, tout autre que ceux de nicotine pour lesquels j'ai une accoutumance ; celui qui ferait taire mes doutes ou me les confirmerait.

Et me voilà, une semaine ou deux plus tard, enfin réveillée sur ma situation, sur ce que je vivais, étalée à même le sol, nue et étouffant un énième sanglot. Il m'avait fallu voir deux barrettes apparaître sur un bâtonnet pour me rendre compte de ce que j'avais vécu jusque là. Deux traits pour me secouer.

Et me voilà, à terre, lui criant que je ne pouvais plus continuer, que je ne voulais pas offrir un foyer empli de violence, que j'allais prendre la porte. Lui hurlant je que ne subirais plus en silence, que je ne porterais pas plainte mais que je m'en irais.





Oui c'est ça, dégage ! s'élève sa voix accompagnée du cliquetis d'une canette ouverte à travers la chambre à présent calme Je n'aurai plus à me coltiner ta sale gueule ! me hurle-t-il alors que j'entends les ressorts de notre lit grincer, accompagnés de ma respiration hachée.


Notre lit ? Enfin, ce lit que j'ai été forcée, par mes sentiments, de partager avec celui qui, au nom de la loi et ainsi qu'aux yeux de nos proches, est mon mari. Ce lit sur lequel je me suis faite abuser tant de fois en silence. Ces draps qui ont caressé de nombreuses fois ma peau bleutée par endroits, et violette par d'autres. Ces cousins qui ont étouffé les pleurs qui trahissaient mes douleurs.


Tu ne ressembles plus à rien de toute façon ! me crie-t-il alors qu'il rigole bruyamment de ses propos. Même ton p'tit cul ne me donne plus envie, ma secrétaire est beaucoup plus bonne et docile !



Sa secrétaire ? Enfin, cette femme avec qui j'ai été forcée de partager l'homme qui m'avait, fut un temps, rendue heureuse. Cette femme qui s'amuse à me rabaisser dès qu'elle en a l'occasion, je le lui laisse, elle pouvait l'avoir tout entier. Je le lui cède avec la bague en diamant en prime, sur laquelle elle louchait depuis longtemps.


Eh ! aboie-t-il alors que j'entends des pas se rapprocher de moi. Ne t'avise pas à prendre ce que j'ai payé pour fringuer ton corps de salope, me crache-t-il en s'accroupissant vers moi, toujours affalée, nue, sur le sol.


Ce corps ? Enfin, cet objet composé de chair dont il a usé à sa guise, avec mon consentement, aveuglée par son amour illusoire. Aveuglée par ses belles paroles, par les conseils de ma mère et la fierté brillante dans les yeux de mon père.
Ce corps qui lui servait de défouloir quand ses procès n'allaient pas, quand des cas beaucoup trop difficiles l'empêchaient de dormir. C'était de ce corps qu'il taisait son stress et calmait sa colère.


Ton joli petit minois va quand même me manquer, me murmure-t-il alors que sa main caresse mon visage, humide par les larmes, descendant le long de mon corps. Mais ta grande gueule m'est monté à la tête, dommage, fait-il en élevant sa voix, alors que sa main vient brusquement appuyer sur ma cuisse bleutée, m'envoyant en pleine face, son haleine alcoolisée.


L'alcool ? Cette boisson qui s'est immiscée dans notre couple, pour venir prendre de la place au fil des jours. Ce liquide qui n'a fait qu'accroître sa violence, sa brutalité, au fil des jours. Je pouvais rien qu'a sa démarche deviner combien de verre il s'est enchainé, rien qu'à son haleine, savoir combien allaient s'enchainer.


Casse-toi avant que je n'en finisse avec toi, grogne-t-il en se relevant, alors qu'il vidait sa canette sur moi, de haut. Tu es devenue qu'un tas d'os et pleurnicharde. Je t'ai beaucoup trop dressée au point que tu deviennes une chienne apeurée, beugle cet homme, me surplombant de sa hauteur. Et tu sais que moi, j'aime les tigresses, chérie, rigole-t-il en remettant son jogging sur son corps nu. Tu ne m'amuses plus, j'en ai marre de toi.


En avoir marre ? Ce sentiment d'épuisement que je ressens depuis plus d'un an ; il est enfin arrivé à le ressentir, pour mon plus grand bonheur. Je vais pouvoir y aller sans avoir à m'inquiéter. C'est beaucoup plus facile que je ne l'aurais cru. Je vais pouvoir le quitter et demander le divorce bientôt.


En attendant, je dois retourner chez moi, chez mes parents. J'ai bien besoin des bras de ma mère, pour me réconforter.












HEAVEN PAIN

Corrigé par MICDRHOPE

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