𝓝°3.1-𝓛𝓾𝓬𝓲𝓯𝓮𝓻, 𝓵𝓪𝓲𝓼𝓼𝓮 𝓶𝓸𝓲 𝓻𝓲𝓮𝓷 𝓺𝓾'𝓾𝓷𝓮 𝓯𝓸𝓲𝓼[M x OC]

~~~ 8611 mots

ᴘʀᴇᴍɪᴇ̀ʀᴇ ᴘᴀʀᴛɪᴇ

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𝒜𝓋ℯ𝒸 𝓈ℯ𝓈 𝓋ℯ̂𝓉ℯ𝓂ℯ𝓃𝓉𝓈 ℴ𝒹ℴ𝓎𝒶𝓃𝓉𝓈 ℯ𝓉 𝓃𝒶𝒸𝓇ℯ́𝓈,
ℳℯ̂𝓂ℯ 𝓆𝓊𝒶𝓃𝒹 ℯ𝓁𝓁ℯ 𝓂𝒶𝓇𝒸𝒽ℯ, ℴ𝓃 𝒸𝓇ℴ𝒾𝓇𝒶𝒾𝓉 𝓆𝓊'ℯ𝓁𝓁ℯ 𝒹𝒶𝓃𝓈ℯ,
𝒞ℴ𝓂𝓂ℯ 𝒸ℯ𝓈 𝓁ℴ𝓃𝓰𝓈 𝓈ℯ𝓇𝓅ℯ𝓃𝓉𝓈 𝓆𝓊ℯ 𝓁ℯ𝓈 𝒿ℴ𝓃𝓰𝓁ℯ𝓊𝓇𝓈 𝓈𝒶𝒸𝓇ℯ́𝓈
𝒜𝓊 𝒷ℴ𝓊𝓉 𝒹ℯ 𝓁ℯ𝓊𝓇𝓈 𝒷𝒶̂𝓉ℴ𝓃𝓈 𝒶𝓰𝒾𝓉ℯ𝓃𝓉 ℯ𝓃 𝒸𝒶𝒹ℯ𝓃𝒸ℯ.

𝒳𝒳𝒱 - 𝒞𝒽𝒶𝓇𝓁ℯ𝓈 ℬ𝒶𝓊𝒹ℯ𝓁𝒶𝒾𝓇ℯ

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— Bon, on décale au bar du village ? fit Moran en se tournant vers Albert.

Autour d'eux, William dormait allongé sur le canapé tandis que Louis et Fred avaient rejoint leurs chambres respectives.

Albert avait profité d'un rendez-vous non loin de Durham pour rendre visite à ses petits frères sur le chemin du retour. Mais fidèles à eux-même, aussi bien ses cadets que le plus jeune agent du Prince du crime, ils avaient rapidement fini par piquer du nez, avant même que la grande horloge du salon n'indique la vingt-deuxième heure de la journée.

Comme à l'accoutumée, Albert et Sébastien étaient donc les seuls encore éveillés.

Les deux agents du Mi6 étaient, selon l'expression, comme chien et chat. La rivalité engendrée par leur rôle d'aînés les faisait se chamailler pour la moindre petite chose, et si c'était souvent Albert qui s'arrangeait pour le taquiner en premier, l'ancien colonel ne faisait absolument rien pour couper court à ses enfantillages en démarrant au quart de tour à la moindre provocation.

— Y a plus rien à boire, ici, continua Moran. Louis doit faire les courses demain.

— Et bien soit, soupira Albert.

Il se leva de son siège avant de poursuivre.

— Cela me donnera l'occasion de visiter le village…

À travers ses fenêtres, la taverne où le brun emmena le châtain semblait particulièrement animée ; malgré la nuit et le vent léger de l'été qui aurait normalement donné envie de flâner dehors plutôt qu'être entassé à l’intérieur.

— C'est plus grand que ça en a l'air, s'étonna Albert en pénétrant à l’intérieur.

 Le bar est construit en longueur, c'est ce qui trompe, expliqua Moran.

À peine le brun avait-il refermé la porte derrière lui qu'une voix l'interpella :

— Sébastien !

Une grosse dame qui se trouvait derrière le barre le salua d'un geste de la main.

 Tu viens bien tard, aujourd'hui ! s'exclama-t-elle de plus belle.

Son corset légèrement trop petit pour elle faisait rebondir généreusement sa poitrine, et sa jeunesse fanée grisait légèrement la pointe des deux nattes qui encadraient son visage. Malgré tout, la femme avait une voix agréable, un brin aiguë peut-être, mais son ton bienveillant et chaleureux était communicatif.

 Salut, la vieille, lâcha machinalement Moran.

 P'tit saligaud, ragea la femme en essayant d'assener une tape sur la tête du grand brun.

Séparé par le bar, ce dernier n'eut qu'à reculer d'un pas pour éviter la claque.

 Tu perds rien pour attendre... maugréa son assaillante en secouant sa tête de désapprobation.

Moran lâcha un rire moqueur.

 Je vois que tu as déjà fait ami-ami avec la patronne, intervint soudain Albert. Peu importe l'endroit où tu te trouves, on peut voir quelles sont tes priorités... continua le châtain d'un ton espiègle.

C'est à ce moment que la grosse dame le remarqua.

 Tiens, vous êtes plutôt bien fagoté pour être l'ami de ce grand dadais, dit-elle en terminant par un bref geste de la tête en direction du colonel.

D'un mouvement élégant, Albert retira son chapeau tout en s'abaissant légèrement.

 Compte Moriarty, déclara-t-il. Enchanté de faire votre connaissance.

À peine avait-il prononcé son identité que les conversations se stoppèrent brusquement. Les clients se retournèrent vers lui pour le dévisager de leurs yeux, éberlués pour certain, inquiets, méfiants et intrigués pour d’autres.

 C'pas vrai... souffla la patronne. Mon.. Monseigneur, continua-t-elle en effectuant une révérence maladroite.

 Je vous en prie, pas de formalité, intervint précipitamment Albert. Faites comme si je n'étais pas là.

Devant le regard toujours hésitant de la femme, Moran ajouta :

 T'inquiète pas, la vieille, dit-il en se dirigeant vers un des tabourets accolés au bar. À part son goût en matière d'alcool et son côté un poil prétentieux, il n'a rien d'un grand noble.

Albert lâcha un rire moqueur face à la remarque du grand brun.

 Je te sentirais presque mauvaise langue, mon cher Sébastien, fit-il en s'asseyant à côté de lui. Est-ce ta dernière défaite qui te rend si aigri ?

Ce dernier le foudroya du regard.

Le comte faisait référence au séjour que Moran avait passé à Londres en temps qu'agent du Mi6. Ne pouvant rentrer à Durham dans la journée, il avait séjourné à la résidence des Moriarty. C'est alors que, comme à l'accoutumée, les deux anciens soldats s'étaient livrés le défi de celui qui boirait le plus. Mais exténué par sa mission, le brun avait rapidement piqué du nez et, même si plusieurs semaines étaient passées, il avait encore bien du mal à digérer sa défaite.

Petit à petit, les discussions reprirent et l'ambiance animée qui hantait le bar de Durham refit surface.

 Bon, qu'est-ce que je vous sers, du coup ?

— Deux Whisky, fit Moran avant de se tourner vers le châtain. Je te déconseille le vin, c'est de la vrai piquette, chuchota-t-il pour ne pas être surpris par la patronne.

Albert haussa un sourcil.

 Je te suis, dans ce cas, dit-il. Va pour un Whisky.

Cela faisait désormais plusieurs minutes que les deux jeunes hommes étaient attablés. Leurs yeux échangeaient des regards à la fois complices grâce à leur amitié ; et en même temps provocateurs à cause de leur rivalité. Tous deux s'amusaient à orienter leur conversation sur des banalités qui en réalité rendait leur discussion parfaitement futile voir même insensée, alors que leur cerveau n'était en vérité concentré qu'à une seule chose : remarquer le moindre trouble qu'aurait pu engendrer l'alcool chez leur interlocuteur.

Mais soudain, une musique rompit leur duel muet ; le son envoûtant d'un luth surplombé par les cordes stridentes d'un violon qui semblait artisanal.

Moran haussa un sourcil.

— C'est qui, celle-là ? demanda-t-il à la patrone.

Devant eux, une jeune femme se mit à danser entre les instruments. La silhouette menue, ses cheveux brun bouclés virevoltaient autour de son corps sur le même rythme que ses mouvements alanguis.

 Une p'tiote qui se produit dans les théâtres des villes, apparement, expliqua la grosse dame. Y’en a pas par ici, et comme elle m'a aidé à rentrer les marchandises tout à l'heure, j'l'ai autorisé à se produire ici, ce soir.

Le brun hocha la tête.

Se superposa au ballet hypnotique de la jeune femme, sa voix délicate qui sublima le chant des musiciens. Sa danse se fit de plus en plus langoureuse et les paroles onctueuses qui sortaient de ses lèvres généreuses parfumèrent son aura d'une touche de mysticisme. La brune aux allures presque impudentes avait captivé tous les clients du bar. Même Moran et Albert ne pouvaient détourner leurs regards. L'ambiance grivoise de la taverne s'était teinté du rouge vermeille qui paraît la robe de l’enchanteresse.

Lorsque les musiciens arrêtèrent de jouer et que le les mouvements de la danseuses s'évanouirent, il fallut plusieurs minutes aux clients pour reprendre leurs esprits. Après un instant de silence, des applaudissements commencèrent à retentir, suivis rapidement par un brouhaha de sifflements admiratifs et d'exclamations de joie.

En se mouvant parmi les tables pour rejoindre le bar, la jeune femme essuya les compliments de son publics. Parmi ses nouveaux admirateurs, il lui fallut parfois éviter de justesse quelques mains baladeuses, mais ses réflexes souples lui permirent de glisser jusqu'à l'autre bout de la taverne sans encombre.

Un long sifflement se fit alors.

— Mazette, s'exclama la patronne, pleine d'admiration. Tu m'avais pas dit que tu dansais comme ça, ma cocotte !

Albert, assit non loin de la jeune femme, l'observait discrètement, intrigué. Sa réaction face aux compliments de la veille dame était étonnant. Les joues rougies, le regard baissé, elle semblait gênée ; comme si cette danseuse qui devait déjà avoir séduit bon nombre de petits théâtres n'était pas habituée à tant d’éloges.

 Je vous remercie encore de m'avoir accueillie, souffla-elle d'une toute petit voix.

Son timbre timoré changeait considérablement du ton assuré qu'elle avait usé en chantant.

Se sentant épiée, la jeune femme fit glisser ses pupilles sombres en direction des deux agents du Mi6.

— Vous êtes le seigneur de la ville ? Je suis enchantée de vous rencontrer.

Elle plongea dans une révérence impeccable et ce détail intrigua d'avantage le comte.

 Moi de même, fit-il alors en s'inclinant à son tour par politesse.

 Eh, Esmeralda, tu nous en ref'rais pas une ?

La jeune femme sursauta en écoutant le prénom du personnage d'un des romans français les plus connus. Comprenant qu'il était censé la désigner, elle se dépêcha de rejoindre la scène et les musiciens se remirent à jouer. De nouveaux, les notes de la luth et du violon firent vibrer entre leurs trémolos, les mouvements voluptueux de la demoiselle.

 En voilà une qui ne tardera pas à atterrir dans ton lit, rigola Albert en portant son vers à ses lèvres.

 Dis pas ça comme si je me tapais tout le monde ! s'offusqua Moran.

Le châtain haussa un sourcil.

 Ça veut dire quoi, ça ?! grogna Sébastien devant la réaction de son ami.

Il se redressa et se gratta l'arrière de la tête avant de continuer :

 Je préfère éviter quand c'est trop près de la maison, dit-il en soupirant.

Albert rigola.

 Il existe donc encore un soupçon de bon sens en vous, colonel, railla-t-il.

Moran plissa les yeux.

 Pourquoi t'es pas aussi vicieux quand y a les autres ? Je suis vraiment le seul à voir à quel point t'es mesquin.

Sa remarque ne fit qu'accentuer les rires goguenards du châtain.

Les deux amis trinquèrent encore quelques verres puis lorsqu'une connaissance de Moran vint lui proposer une partie de cartes, Albert en profita pour tirer sa révérence. Demain, il devait rentrer tôt à Londres car des rendez-vous importants l’attendaient.

 Ça veut dire que j'ai gagné, ce soir ?

Un sourire satisfait étira les lèvres de l'ancien caporal. Mais l'air condescendant qu'affichait Albert lui fit perdre rapidement son aura de vainqueur.

— Je dirais plutôt match nul, mon chère Moran, déclara le châtain. Car comme tu peux le voir, je me porte encore très bien. Si je pars, c'est seulement parce que dans ce monde il y a des gens qui travaillent…

Le brun fit claquer sa langue de désapprobation face à la remarque du comte.

— Bonne soirée, continua Albert en lui adressant un signe de la main.

 C'est ça, ouais, bougonna le brun. À charge de revanche !

— Évidemment…

L'ainé de la famille Moriarty ponctua son affirmation d'un sourire malicieux, puis il tourna les talons.

Dehors, l'air était encore chaud malgré l'heure tardive. Désormais dans la vingt-cinquième heure de cette interminable journée, le soleil avait fini par entièrement disparaître pour faire briller à sa place un croissant de lune aux reflets  écrus.

Le comte pris une profonde inspiration avant de se mettre en route. 

La résidence qu'ils avaient acheté n'était qu'à quelques minutes seulement du bar où Moran et lui avaient passé la soirée. Tant mieux, cela lui permettrait de se coucher rapidement. 

Mais à peine avait-il fait quelques pas que le châtain sentit une ombre derrière lui. Au départ, l'ancien soldat décida d'agir comme s'il n'avait rien remarqué, préférant attendre de voir ce que lui voulait cette personne, tenant cependant fermement son arme dans sa main droite. Cependant voyant que son assaillant ne se manifestait pas, Albert s'impatienta. Il tourna alors dans une impasse déserte, s'arrêta et sans se retourner, fit :

— Allez-vous vous décider à m'aborder ?

Il tourna ensuite sa tête pour dévisager du coin de l'œil la silhouette menue sortir de l'ombre.

En remarquant la danseuse qui s'était produite dans la taverne quelques minutes plus tôt, il plissa les yeux.

 Que puis-je pour vous ? demanda-t-il en se retournant entièrement vers la jeune femme.

Le regard fuyant, la brune resta silencieuse.

Le comte haussa un sourcil devant son mutisme plus qu’intriguant.

Puis au bout de plusieurs secondes la danseuse finit par relever le visage pour ancrer son regard sombre dans les opales émeraudes du châtain.

— Comte Moriarty, commença-t-elle. Est-ce vous, le consultant du crime dont tout le monde parle ici ?

En écoutant le titre de William, Albert plissa les yeux. Le Prince du crime se trouvait de nouveau sollicité.


— Il utilise sa fortune pour prêter aux plus pauvres et à des taux extrêmement bas, expliqua Albert.

— Ainsi, il leur fait croire qu'ils pourront aisément le rembourser... continua Louis d'un air songeur.

 Oui, reprit l'ainé des Moriarty, mais comme tu t'en doutes, Bradford-Clark s'arrange pour qu'une telle chose n'arrive pas.

— Et ça lui apporte quoi ? s'enquit Moran.

 À gagner de la main d'œuvre gratuitement, expliqua William en faisant tomber lourdement un dossier sur la table.

Devant les regards intrigués de ses compagnons, il continua :

— Lorsqu'il prête de l'argent à une famille, il leur fait signer un contrat. Si elle ne le rembourse pas dans les temps imparti, seront pris en compensation les enfants, les femmes et parfois même la famille au complet pour être traités comme des esclaves dans ses propriétés.

— La plupart des enfants sont revendus tandis que les femmes jouent les servantes quand elles ne sont pas prostituées, intervint Albert. Les hommes, quant à eux, sont envoyés sur les terres du barons pour cultiver ou sont gardés comme palefreniers, etc... Du moins, c'est ce qu'elle m'a dit.

— Je comprends mieux pourquoi tu nous a subitement demandé de nous renseigner... répondit Fred.

William attrapa la première feuille du dossier qu'il avait posé sur la table. Dessus était griffonné la tête de l'homme qu'on leur avait demandé d'asséner, ainsi que quelques informations à son sujet.

— Le baron Bradford-Clark... soupira-t-il. Tu lui as déjà parlé ?

Albert, assit en face de lui, hocha négativement la tête.

 Et Esmeralda, c'est qui, pour lui ? demanda Moran.

La danseuse de hier soir n'ayant pas mentionné son identité, l'ainé des Moriarty avait décidé de l'appeler par le surnom dont l'avait affublés les clients du bar. Automatiquement, les autres membres du Prince du crime avaient fait de même.

 Elle m'a dit être une ancienne esclave qui se serait enfuit, expliqua le châtain.

 Hm…

William était pensif.

 Durant mes recherches, je suis tombé sur ces vieux journaux qui remonte à une dizaine d'années, intervint Fred en tendant les feuillets jaunit au mathématicien.

Ce dernier les lu rapidement avant de résumer en quelques mots ce qu'ils en retournaient.

 Dimitri Bradford-Clark, dit-il, il se serait marié à une femme de basse condition ; Marianne Hall, la « Cendrillon des temps moderne », en somme…

William se tourna vers Fred.

 Lorsque tu étais chez eux, as-tu pu voir à quoi ressemblait madame Bradford-Clark ?

— Non, déclina le petit brun. Je n'ai infiltré que leur maison à Londres et ils n'étaient pas là. Ceci-dit, j'ai surpris quelques conversations entre les gens de maison.

— Les esclaves, tu veux dire, le coupa Moran avec sarcasme.

Fred acquiesça d'un bref signe de tête avant de poursuivre :

 Tous déteste le baron, sans aucun doute. Par contre, ce n'est pas du tout le cas de sa femme. Alors que la plupart semblent haïr Bradford et le décrivent comme un homme autoritaire et violent ; le "personnel" s'accorde à dire que que la baronne est une personne profondément douce et gentille. Certain la plaigne même de s'être mariée au baron.

— Pour ma part, intervint Albert, je me suis également renseigné sur leur réputation parmi les nobles. Le baron est principalement connu dans le domaine de l'agriculture. Il exporterait énormément à l'étranger. Sa femme, quant à elle, serait extrêmement discrète ; et en dehors des réceptions et des sorties "obligatoires" qui incombent à sa position, elle ne sortirait jamais de chez elle. Peu de dames avec qui j'ai discuté lui ont d'ailleurs vraiment adressé la parole, malgré les relations professionnelles que nouent leurs maris.

— Une existence profondément mystérieuse, en somme... lâcha William.

Sa main droite saisit la pointe de son menton, le blond était en profonde réflexion.

 Quelque chose te tracasse, grand frère ? demanda Louis.

— Albert, je pense que ton Esmeralda nous a menti sur son identité, répondit le mathématicien.

 C'est aussi mon avis, rétorqua le châtain.

 Explique, as-tu remarqué quelque chose en particulier ?

Le directeur du Mi6 acquiesça.

 C'est peut-être un peu tiré par les cheveux, mais lorsqu'elle m'a salué à la taverne, sa révérence était parfaite. Son maintien aussi était particulièrement droit, comme le serait n'importe quelle dame de bonne famille.

— Ne pourrait-ce pas être dû au fait que c'est une danseuse ? demanda Louis.

Moran grogna pour contredire le jeune blond.

 Je suis d'accord avec Albert, lâcha-t-il en se redressant. Y’avait quelque-chose qui clochait avec cette nana, hier. Des danseuses, j'en ai vu, vous pouvez me croire. Se produire dans les bar ou dans les rues, c'est leur gagne pain. Alors à peine ont-elle fini leur spectacle, qu'elles profitent de l'euphorie pour se remplir les poches et minauder à droite à gauche en essayant de tirer la bourse des hommes, expliqua le brun. Mais elle, elle s'est contentée de remercier gentiment quand on lui faisait un compliment, sans se préoccuper de l'argent que les clients lui tendaient. Elle paraissait même gênée de recevoir autant d’éloges.

— C'est aussi ce qui m'a intrigué, renchérit le châtain. Elle n'avait pas l'air dans son élément, malgré son dont indéniable pour la danse et le chant…

— Cela confirme ce que je pensais, dans ce cas, fit William.

Il lâcha son menton et releva la tête vers son frère aîné pour ancrer ses rubis dans ses émeraudes.

 Albert, la femme qui t'a adressé la parole, cette fameuse Esmeralda, n'est autre que la femme du baron Bradford-Clark ; Mariane Hall, de son nom de jeune fille.

Les membres du Prince du crime écarquillèrent les yeux de surprise. Seul Albert avait conservé un visage neutre. Bien que cette idée lui avait paru farfelue, elle lui avait également traversé l’esprit.

— Si c'est bien elle, à quoi lui a servi cette mascarade ? s'enquit le colonel, les sourcils froncés.

 C'est également la question que je me pose, Moran, répondit William.

Il avait reprit sa posture réfléchie.

 Deux possibilités : un déguisement lui permettait d'échapper à son mari. Dans ce cas, on pourrait supposer que sa volonté de l'assassiner est réelle.

— Ou ? intervint Albert qui attendait la deuxième proposition qui faisait autant hésiter son petit frère sur le profiling de la fausse bohémienne.

— Ou bien est-ce le scénario qu'elle a essayé de nous faire croire, continua le blond. La grande question va donc être celle là : Esmeralda est-elle avec ou contre le Prince du crime ?

Sous l'égide de l'orchestre à corde, les talons et chaussures à lacets foulaient le parquet en chêne. Entre ces danses endiablées, le bal battait son plein et le vin était régulièrement renouvelé dans les verres en cristal.

Grand frère, je crois me souvenir que tu es l'invité d'honneur de la cérémonie d'ouverture pour la vente de charité, n'est-ce pas ?

Le châtain acquiesça d'un signe de tête.

 Bien, reprit William, Fred a pu s'arranger pour qu'une invitation soit envoyée aux Bradford-Clark. Ce genre de mondanité est souvent laissé aux femmes, donc je pense que la baronne viendra seule.

Albert jeta un oeil autour de lui. Rapidement il aperçut Marianne Bradford-Clark. Assise dans un coin de la salle, non loin de l'orchestre, elle était seule. Avec sa robe en satin ivoire, elle donnait même l'impression d'être invisible, comme une statue qui se fondrait parfaitement dans le décors.

Sébastien grogna en se redressant.

 C'est bien beau, tout ça, fit-il, mais comment il va l'aborder ? Un comte encore célibataire et pas trop vieux, ça va attirer les nanas, ça…

 Moran a raison, intervint Bond.

Louis acquiesça à son tour.

 Et si ton profiling est exact, grand frère, dit-il en se tournant vers le mathématicien, cette Marianne ne sera pas du genre à se jeter dans toute cette foule.

 Il ne faut pas non plus que les gens s'aperçoivent de leurs discussion, continua James. Sinon ça risque de remonter aux oreilles du baron…

 Exact... soupira William en prenant son menton dans sa main. C'est pourquoi je participerai également à ce bal.

Il avait longuement réfléchit, et la meilleure option possible pour laisser à son grand frère l'opportunité de mener à bien sa mission était celle-ci.

Devant les regards ahuris de ses compagnons, le blond expliqua.

 Je ne viens presque jamais dans les réceptions publiques ; et c'est précisément ça qui va jouer en notre faveur.

 Ah ouais, je vois, intervint Sébastien. Toutes les bonnes femmes vont en profiter pour te sauter au cou…

William acquiesça d'un signe de tête.

 Mais t'es sûr que tu vas tenir le coup ? s'inquiéta le colonel. Honnêtement  c'est pas une mission enviable que tu te confis, là…

 Moran a raison, s'exclama Louis, tu es sur de pouvoir gérer toutes ces femmes ?!

Devant l'inquiétude tintée d'ironie de ses compagnons, le cadet des Moriarty lâcha un petit rire.

 Je m'occupe au quotidien d'une cinquantaine d'étudiants ne comprenant rien à la mathématique, railla-t-il. Alors je pense pouvoir gérer ces femmes pour quelques heures...

Fidèle au plan qu'orchestrait régulièrement son petit frère, cette cérémonie se déroulait exactement comme William l'avait prédit. En apercevant le cadet des Moriarty, toutes les femmes s'étaient précipitées autour de lui. Et si l'une d'elle échappait à son attention, le blond s'arrangeait toujours pour happé sa contemplation.

Tu as bien du courage, mon pauvre William, soupira mentalement Albert. Je te plains, mais sache que je ne laisserai pas ton sacrifice être inutile…

Sur cette pensée, le châtain fendit la foule pour se diriger vers sa cible. Cette dernière semblait si concentrée sur le chant des violons qu'elle ne remarqua pas le comte qui se trouvait derrière elle.

 La musique est fort agréable, ce soir, fit Albert en s'inclinant légèrement.

Lorsque Marianne tourna la tête vers son interlocuteur, ses yeux s'écarquillèrent. Mais sa stupéfaction fut bien vite effacée par un sourire fataliste ; comme si, elle même, n'avait jamais cru que sa mascarade puisse tenir.

 Me voilà démasquée, monsieur, lâcha-t-elle en rigolant.

Albert eut un rictus amusé devant sa réaction. Il s'était attendu à ce que la jeune femme nie le masque qu'elle avait vêtu quelques jours plus tôt et fasse comme s'ils ne se connaissaient pas. Mais comme l'avait deviné William, il semblerait qu'elle s'attendait à ce qu'il l'aborde bien vite sous son véritable nom.

Elle se leva avant de poser son verre sur l'un des plateaux que portait un domestique.

 Vous avez raison, la musique est magnifique, ce soir, dit-elle avant de détourner son regard de l'orchestre pour ancrer ses yeux dans les pupilles vertes du châtain. Mais cette mélodie manque de chant et d'un brin d'extravagance dans sa danse... Vous ne trouvez pas ?

Comprenant là une allusion à son rôle d'Esmeralda, l'ancien soldat rigola.

 Qu'attendez-vous pour égayer cette soirée, dans ce cas ?

 Albert.

William avait plongé ses yeux rubis dans le regard de son frère.

 C'est en général le genre de mission que je confis à Moran, cependant, je crains que de nous tous, tu ne sois le seul qui l’intéresse...

Le châtain arqua un sourcil.

 Si l'on veut savoir de quel côté se trouve cette Esmeralda, il va falloir que tu la séduises…

Marianne rougit en écoutant la proposition du châtain.

 Allons discuter dehors, fit-elle en se dirigeant vers le balcon.

L'été offrait des nuits étonnement fraiches, mais agréables lorsque vous deviez passer votre soirée dans une salle étouffante.

 Vous devez sûrement vous demander pourquoi je vous ai menti…

Albert ne répondit rien. Il se contenta de poser une de ses mains sur la rambarde de pierres qui bordait l'immense terrasse du château de Hampton Court.

 Si je ne suis pas venu sous ma véritable identité, c'était tout d'abord par sécurité, expliqua la femme. En vue des révélations que je vous ai faites, vous comprendrez aisément que je n'avais aucune envie que mon mari apprenne que je vous avais parlé alors que nous ne nous connaissons aucunement…

Albert la dévisagea du coin de l'œil. Ses yeux étaient rivés sur la pleine lune qui leur faisait face. Sous les rayons écrus, la peau diaphane de la baronne aurait presque paru scintillante.

 J'ai alors profité d'un de ses voyages d'affaire non loin de Durham pour lui faire croire que je souhaitais revoir ce village qui m'avait tant plu, reprit-elle. Nous y étions déjà venus une fois pour rendre visite au baron Dublin.

Elle se stoppa quelques instants avant de reprendre.

 C'est d'ailleurs lors de ses funérailles que j'ai entendu parler de vous, ou plutôt de votre frère, par le biais de quelques paysans... C'est vous qui l'avez assassiné, n'est-ce pas ?

Albert tourna légèrement sa tête vers la femme pour la dévisager.

 Assassiné ? Enfin, le baron est mort d'une crise cardiaque me semble-t-il…

Marianne lâcha un léger rire.

 Évidement…

L'homme et la femme retournèrent à leur contemplation muette de la nature. Seule la musique lointaine des violons animée le silence.

 Est-ce la seule raison à votre déguisement ? fini par demander Albert.

Marianne éleva ses pupilles améthystes vers lui.

 Non, la deuxième est tout simplement le fait que je ne vous connaissais pas, avoua-t-elle. En plus de n'avoir aucune certitude sur la véracité des rumeurs que j'avais pu entendre, je ne savais pas non plus si vous accepteriez de m'aider. Peut-être étiez vous tout aussi mauvais que mon mari…

— Hm... lâcha le comte. Et maintenant, que pensez-vous ?

La jeune femme fronça les sourcils d’incompréhension.

L'homme lui jeta un regard en coin avant de poursuivre.

 Suis-je comme votre mari ?

Un sourire chaleureux éclaira subitement le visage de la baronne.

 Heureusement je-

— Comte Moriarty, ah, vous êtes là ! s'exclama un majordome.

Albert et Marianne se retournèrent vers lui.

 Je suis sincèrement désolé de vous interrompre, reprit-il en effectuant une révérence, mais Madame Braxman m'envoie vous dire que c'est l'heure de votre discours.

— Bien, fit le comte. J’arrive.

Il se tourna ensuite vers la baronne avant de poursuivre :

 Nous continuerons cette conversation plus tard.

 J'en serais enchantée, répondit la jeune femme en hochant élégamment la tête.

Albert regarda d'un œil perplexe la cathédrale devant lui. Entre les blocs de pierres grises qui composaient l'édifice était disposées ici et là des statues aux allures terrifiantes. Aussi étrange que cela puisse paraître, leur présence devait rassurer les croyants. Ces mêmes personnes qui venaient prier chaque dimanche matin afin d'éviter que leurs âmes ne brûlent aux côtés de Satan après leur trépas.

L'ainé des Moriarty lâcha un rire sans joie.

Rien ne sert de prier, pensa-t-il, l'enfer est vide, tous les démons sont ici…

Avant de pénétrer à l'intérieur, il ôta son chapeau.

Apres son discours lors de la cérémonie, il avait essayé de reparler à Madame Bradford-Clark. Malheureusement, le plan de William était arrivé à ses limites, et malgré toute la bonne volonté qu'avait mis le blond à séduire les dames de la cours, le discours du châtain l'avait replacé au centre de l'attention. Dans ses conditions, il n'avait pu aborder la baronne et à ce jour, leur conversation n'était toujours pas terminée. On pouvait d'ailleurs se demander si elle avait vraiment eu le temps de commencer.

Nous n'avons pas le choix, fit William. Si nous voulons être certain qu’elle est belle et bien avec et non contre nous, il va falloir que tu la revois, grand frère.

Le châtain acquiesça d'un signe de tête avant de porter sa tasse de thé à ses lèvres.

 Effectivement, dit-il, mais as-tu une idée de comment ?

 Il ne faudrait pas que son enflure de mari le sache, intervint Moran.

 J'ai demandé à Fred de la surveiller pour voir ses habitudes, expliqua William.

Au même moment, le petit brun sortit une feuille où était noté l'emploi du temps de la jeune femme.

 Elle est réglée comme une horloge, expliqua Porlock.

Le mathématicien étudia le document que lui avait fournit le benjamin du Prince du crime.

 Hm... fit-il, effectivement. En dehors des sortie exceptionnelles comme un bal, ses habitudes ne laissent pas place à la spontanéité…

— En sommes, une vie bien chiante et bien rangée de petite bourgeoise... résuma Moran.

 Non, le contredit William, c'est autre chose. Les femmes de son rang sortent parfois faire quelques courses, ou bien boire un thé entre amis. Cependant, si l'on se refaire aux informations qu'a obtenu Albert auprès des dames de la haute et à l'emploi du temps noté par Fred, la vie de cette femme est presque robotique. Cantonnée aux apparitions publiques obligatoires ; puis une fois les portes du château de Bradford-Clark fermés, rien d’autre...

Albert n'était pas un homme de foi, et si aujourd'hui il foulait les dalles de la maison de dieu, c'était dans l'unique but de réussir sa mission.

Chaque jeudi matin, elle se rend à l'église, informa William.

Les bancs de la cathédrale étaient presque vides. À part le dimanche, le lieu n'attirait pas grand monde. Les gens étaient bien trop pressés par le temps pour remercier celui qui leur avait offert la vie.

Mais cette solitude arrangeait bien le comte. Assit au troisième rang, il n'eut ainsi aucun mal à discerner une femme à la silhouette menue et au boucles brune relevées en un chignon impeccable. Sa tête était coiffée d'un chapeau revêtu de la même soie bordeaux que sa robe. Habillée comme cela, elle paraissait bien plus présente que lors de la réception.

Discrètement, le comte se glissa au rang juste derrière elle.

 Bonjour, chuchota-t-il.

La jeune femme sursauta. Elle jeta un oeil discret derrière elle.

Elle écarquilla les yeux.

 Com... Comte Moriarty ?! murmura-t-elle autant que le lui permit sa stupéfaction.

 Nous n'avions pas fini notre petite discussion…

 Co... Comment avez-vous su que je serais ici ?

— Vous allez à l'église tous les jeudis matin, il était donc évident que vous y seriez encore aujourd’hui.

La jeune femme le dévisagea, ébahie et craintive à la fois.

 Vous m'avez fait suivre ? demanda-t-elle.

Le châtain acquiesça d'un signe de tête.

— Et je ne me suis rendu compte de rien, c'en est presque effrayant…

Albert lâcha un rire discret. Fred avait véritablement un don en matière de déguisement et en filature.

 Cependant, je crains que ce lieu ne soit pas approprié pour une discussion, continua-t-il.

 Vous m'ôtez les mots de la bouche, renchérit la baronne en se ressaisissant. La prière est mon seul exutoire, j'aurais aimé que vous ne m'interrompiez pas.

Après sa prière, elle a l'habitude de déjeuner dans un petit restaurant non loin de la cathédrale…

— Pardonnez-moi, répondit l'homme. Je propose que nous nous retrouvions pour déjeuner, dans ce cas, continua-t-il, au King Cross', n'est-ce pas ?

En reconnaissant l'endroit où elle mangeait chaque jeudi midi, la baronne en resta de nouveau sans voix.

 À plus tard, Madame.

Apres s'être levé puis incliné poliment, Albert sortie de la cathédrale.

     Lorsque sonnèrent les douze coups de midi, Marianne se dirigea d'un pas hésitant au King Cross'. Certes, c'était elle qui avait demandé de l'aide au comte, mais de voir avec quelle facilité il avait pu avoir accès aux données la concernant, cela lui faisait froid dans le dos. Elle avait la désagréable impression de se retrouver prisonnière dans le creux de sa main ; cette même sensation qui l'aliénait à Dimitri. Un frisson d'effroi la parcourut. Son seul espoir, désormais, c'était de prier pour qu'elle ne se soit pas trompée et que le comte ne partage pas les même idées écœurantes que son mari.

En entrant dans le restaurant, elle retrouva le châtain assit à une table près du mur, un journal à la main.

— Re-bonjour, monsieur, fit-elle se glissant sur la chaise en face de lui.

Il ne fallut pas plus d'un coup d'oeil à l'homme pour déceler l'anxiété qui perlait dans les yeux violets de la jeune femme.

Parfais, se dit-il, le plan de William fonctionne à merveille.

Essaie de te montrer impressionnant lors de votre entretiens, lui demanda son frère.

 Pourquoi ? s'étonna Albert en haussant un sourcil.

Un sourire presque supérieur naquit sur les lèvres du blond. Ce sourire pernicieux qui indiquait à ses camarades que le genre humain n'avait absolument aucun secret pour lui et que, encore une fois, sa cible du jour agirait comme il l'avait prévu.

 La véritable nature se révèle quand l'Homme est acculé, mon cher Albert... se contenta-t-il d’expliquer.

— Un restaurant plutôt calme et peu assaillit en pleine semaine... analysa le châtain. C'est pour ça que vous l'avez choisi, n'est-ce pas ? continua-t-il en fermant son journal.

Marianne était toujours mal à l'aise. Elle avait l'impression que la situation lui échappait et plus les minutes passaient, plus elle craignait d'avoir fait le mauvais choix.

 Oui... souffla-t-elle timidement.

Elle s'appliqua à concentrer son regard sur le menu que lui avait donné un serveur.

En remarquant l'angoisse qui l'étreignait, le châtain soupira.

J'y suis peut-être allé un peu fort…

Alors que ses camarades et lui même s'étaient attendus à se retrouver face à une femme de caractère, celle-ci semblait étonnement docile.

Lorsque William avait souhaité en savoir plus sur le passé de cette Marianne Hall, il s'était heurté à un mur. Aucun document ne parlait d'elle, si ce n'étaient quelques articles de journaux lors de son mariage qui la disait native de Saint Alban. Mais les recherches menées là-bas n'avaient rien donné, sauf un vieille acte de naissance où les noms de ses parents étaient illisibles. Ce mystère faisait que pour une des toute première fois, le Prince du crime avançait dans l'inconnu sans pouvoir prévoir avec conviction ce qui l’attendait.

Il préféra attendre que tous les deux aient commandé avant de reprendre leur conversation. Fidèle à lui même, le châtain choisit un verre de vin pour accompagner sa viande.

 Mettez nous plutôt une bouteille de Bourgogne, s'il vous plaît, intervint soudain Marianne.

Albert haussa un sourcil en écoutant la jeune femme changer son verre pour une bouteille entière.

En apercevant la mine intriguée de son interlocuteur, la brune se détendit un peu.

 Il semblerait que nous ayons au moins un point commun, dit-elle en souriant. Je l'avais déjà remarqué lors du bal.

Le comte rigola.

 Moi qui souhaitais cacher mon amour pour la boisson, me voilà découvert, ria-t-il.

Devant sa désinvolture, Marianne se détendit d’avantage.

Tous deux attendirent que le serveur soient parti, puis Albert reprit la parole :

 Tout d'abord, excusez-moi d'utiliser des manières aussi rustres pour vous aborder, dit-il en faisant allusion au matin même lorsqu'il lui avait appris sans ménagement qu'il savait déjà tout de ses habitudes. Mais ni vous, ni moi ne souhaitions que votre mari soit au courant de notre entrevue. Je me suis donc permis de prendre les devants afin de savoir où et quand je pourrais vous aborder sans que cela n'élève le moindre petit soupçon.

— Je vous remercie de cette attention, répondit la jeune femme, cependant toujours méfiante. Où nous étions-nous arrêtés, déjà ?

Albert but une gorgée de vin avant de répondre.

— À des mondanités, dit-il, c'est pour ça que je vous propose de sauter ces pertes de temps pour nous concentrer directement sur ce qui nous intéresse. Madame Bradford-Clark, je vais allez droit au but : je me méfie de vous.

La jeune femme en face de lui n'eut aucun mouvement de surprise.

Avant de répondre, elle porta délicatement sa fourchette à sa bouche, prit le temps de mâcher son met, et après avoir avalé, déclara :

 Je m'y attendais, avoua-t-elle en ancrant son regard dans celui du châtain, et je le comprends parfaitement. Comment puis-je vous convaincre de ma bonne foi ?

— Continuez votre vie comme-ci de rien n'était, rétorqua Albert, un fin sourire calculateur aux lèvres.

La jeune femme le dévisagea, attendant qu'il éclaire son incompréhension.

 Si ce que vous m'avez dit est vrai, alors il vaudrait mieux ne pas attirer l'attention de votre mari, reprit le comte. Dans le doute, ce sera donc moi qui m'adapterai à votre emploi du temps. C'est pour quoi je vous dis dors et déjà à demain ; nous nous reverrons à l'orphelinat de Wembley.

— L'orphelinat de Wembley ? Mais vous ne vous occupez pas déjà de celui de Croydon ?

— Effectivement. Mais si je peux en aider deux, pourquoi m'en priver ?

Il se leva au même moment.

— Sur ce, je sais que ce n'est pas convenable, mais je suis oblige de vous abandonner en plein repas. Un rendez-vous très important m'attend avec les Lords. Madame, fit-il en mettant son chapeau.

Puis il partit.

— Comte Moriarty, vous revoilà déjà ?! s'étonna la bonne sœur qui dirigeait l'orphelinat de Wembley.

Albert rigola.

 Oui, j'ai pu me libérer du temps aujourd'hui. Je suis désolé d'être encore dans vos pattes…

— Oh non, monsieur, vous ne nous gênez pas, au contraire, s'exclama la bonne sœur en effectuant une petite révérence. C'est un honneur de vous recevoir.

— Les enfants !

Le châtain reconnut immédiatement la voix de Marianne. Il aperçut alors la jeune femme sur le pas de la porte de l’orphelinat.

 Madame, intervint la bonne sœur en se retournant vers elle, je vous présente le comte Albert James Moriarty, notre deuxième bienfaiteur.

Afin d'éviter au maximum les rumeurs inutiles, tous les deux rentrèrent dans le jeu de l'inconnu et se saluèrent comme si ils ne s'étaient jamais vus.

 Enchanté, fit alors Albert en baisant délicatement la main de la femme.

 Moi de même, répondit cette dernière dans une révérence.

 Eh bien, comment puis-je vous aider aujourd'hui, ma sœur ? continua le châtain.

 Je vous en prie, vous nous avez déjà bien assez aidé hier, s'écria la directrice.

 Mais non, j'insiste !

— Et bien... la femme de foi sembla hésiter.

Quel travail peu ingrat pouvait-elle confier à ce donateur de prestige ?

— C'est l'heure de la chorale avec madame la baronne. Peut-être pourriez-vous l'assister ?

 Une chorale ? s'étonna le comte.

Il suivit alors les enfants et Marianne dans la petite église délabrée de l'orphelinat. Cette idée était venu de la jeune femme, mais en voyant les gens heureux après leurs représentations lors des hospices avec parfois une petite rémunération, les enfants avaient rapidement adopté cette chorale.

 Savez-vous jouer du piano, monsieur le comte ? demanda la brune en se retournant vers Albert.

 Et bien, j'ai quelques notions…

— Parfais, reprit la femme, dans ce cas, pourriez-vous les mettre à contribution ? Nous allons échauffer nos voix en chantant la gamme. Pour cela, nous aurions besoin que vous nous donniez la première note à chaque montée de notes.

Moriarty acquiesça d'un signe de tête avant de se placer devant l'instrument en bois. Il n'était pas d'une grande qualité, mais il sonnait encore juste malgré sa vieillesse, et c'était le plus important.

Albert assista ainsi à la répétition. Il fut alors surpris de reconnaître l'espace d'un instant, non Marianne, mais Esmeralda. En chantant avec les enfants, toute la timidité et la discrétion qui caractérisait la femme de Bradford-Clark disparaissaient au profit d'un tempérament plus assuré.

En écoutant les chants religieux, Albert laissa son esprit vagabonder. Tout ça lui rappelait la très vieille période où il s'occupait de l'orphelinat près de chez lui. Une époque où il était bien loin d'imaginer à quel point les deux frères blonds au savoir mystérieux arrivaient tout droit de Whitechapel pour bouleverser sa vie.

 Monsieur ? 

Albert sursauta en sentant la main de Marianne sur ses épaules.

 La chorale est terminée, expliqua-t-elle. Tout va bien

— Oui, désolé, s'écria le comte. J'étais simplement perdu dans mes pensées.

Il se leva du petit tabouret où il s'était assit, et tous deux sortir de la chapelle.

 Où avez-vous appris à chanter ainsi ? demanda l'homme.

C'était une question qui lui trottait dans la tête depuis longtemps. Et le passé si énigmatique de la jeune femme ne faisait que renforcer son envie de connaître la réponse.

 J'ai grandi dans un couvent, expliqua Marianne. Je faisais parti des chœurs, là-bas.

Soudain, tout s'éclaira pour Albert. Que la brune ait vécu dans un tel lieu était déjà une possibilité envisagée par William, mais dans avoir la confirmation expliquait beaucoup de chose.

En grandissant là-bas, cela explique que nous ayons retrouvé peu de documents la concernant, pensa-t-il. Je comprends également ses si bonnes manières malgré ses origines. Cependant, il reste encore une zone d'ombre...

 Et la danse ? Je doute que ce soit les sœurs qui vous aient appris ce genre de pas, ironisa-t-il.

Mais le regard de la baronne s'assombrit. Elle se dirigea vers la porte de l'église :

 Sortons, dit-elle en souriant.

Albert fronça les sourcils mais la suivit tout de même. Il était clair qu'elle avait volontairement évité sa question.

Dehors, les enfants s'étaient empressés de rejoindre la cours où ils chahutaient gaiement.

 Vous avez encore fait un travail remarquable, madame, s'exclama la directrice en les rejoignant. Vous aussi, Monsieur le comte.

— Oh, vous savez, moi, je n'ai pas fait grand chose, rigola le châtain.

     Durant les jours qui suivirent, l'aîné des Moriarty s'affaira à faire coordonner son emploi du temps avec les habitudes extrêmement codifiées de Marianne. Mais si la baronne avait déjà peu de rendez-vous à l'extérieur, il fallut, qu'en plus, certains soit complètement interdits à l'homme ; comme, par exemple le club de littérature auquel elle participait une fois par semaine, exclusivement féminin.

Agacés de ne pas voir les choses avancer, les agents du Prince du crime décidèrent de prendre les devants. Ainsi, un après-midi où Marianne sortait de son club, elle fut surprise de reconnaître la voiture d'Albert stationnée juste devant le café.

 Montez, lui dit-il lorsque Louis ouvrit la portière.

Pour plus de sécurité, tous s'étaient mis d'accord pour que le blond serve de cochet au châtain lors de cette mission, délaissant ainsi ses tâches habituelles à Jack.

Marianne dévisagea le comte.

 Excusez-moi, mais Dimitri m'attend, déclina-t-elle. Je ne peux-

— Montez, la coupa l'homme, ne vous inquiétez par pour votre mari, insista-t-il.

La brune hésita encore quelques instants avant de finir par accepter sa proposition.

Une fois assise en face du comte, elle réitéra tout de même ses craintes :

 Monsieur, si je suis en retard Dimitri va-

— Il ne le saura pas.

Marianne haussa les sourcils. Intriguée, elle attendit les explications de l’homme.

 Je me suis arrangé pour que son rendez-vous avec les députés prenne du retard, fit-il.

Albert tourna son regard vers la fenêtre et entrouvrit légèrement le lourd rideau de cuir pour jeter un œil à l’extérieur.

 Voilà qui devrait nous laisser une bonne heure et demie de répit, continua-t-il en la regardant à nouveau.

Devant son sourire satisfait, Marianne ne savait pas si elle devait être soulagée de gagner quelque minutes de liberté, ou bien inquiète que cet espoir soit utopique.

 Où allons nous ? demanda-t-elle, un brin craintive.

 Au parc de Loughton, répondit Albert. Il est à l'opposé de nos habitations, et sa faible superficie ne le rend pas très attractif. Je pense que nous y serons tranquilles.

Commença alors un voyage en silence.

Marianne était soucieuse ; tout du moins, c'était ce qu'elle laissait paraître.

Mais l'était-elle réellement ?

Le comte n'arrivait toujours pas à définir si tout cela n'était qu'une mascarade ou bien son véritable caractère. Il faut dire que sous ses traits d'Esmeralda, cette brune chétive avait parut bien sûre d'elle. Mais une fois la magie de la musique envolée, alors qu'elle aurait dû conserver son caractère presque effronté en recevant tous les compliments des clients du bar, elle était presque devenue maladroite. Si tout ça n'était que chimère ; alors son jeu d'acteur dépassait de loin celui d'Irène Adler.

 Nous sommes arrivés, monsieur, indiqua Louis en arrêtant la voiture.

Il ouvrit ensuite la porte et, galamment, tendit sa main pour aider Marianne à descendre.

La jeune femme jeta un oeil à son environnement. Il était bel et bien désert.

 Cette solitude serait presque inquiétante, murmura-t-elle.

Albert rigola.

 Allons, pas d'inquiétude, madame, dit-il en tendant son poing. Si j'avais décidé de vous tuer, j'aurai choisit un lieu plus macabre et une heure plus sombre.

Sa plaisanterie eut l'effet escompté. Marianne lâcha un petit rire et ses épaules semblèrent un peu moins tendues.

Tous deux firent d'abord quelques pas en silence, profitant du chant mélodieux des oiseaux qui accompagnait la brise légère faisant danser les copalmes.

La baronne prit une profonde inspiration. Au rythme de leur promenade, elle s'abandonnait à la nature environnante. Les arbres verts, les buissons fleuris et le petit lac aux reflets bleutés et sur lequel naviguaient tranquillement un cygne et quelques canards. Tout était enchanteur.

 Cet endroit est magnifique, ne put-elle retenir.

Albert la regarda du coin de l'œil. Ce sourire simple qui habillait ses lèvres devant ce paysage dépourvu de toutes fioritures, était-il sincère ? Tout soufflait au châtain que cette pureté était la véritable Marianne Bradford-Clark.

 Vous aimez les parcs et êtes capables de vous émerveiller d'un village aussi simple au celui de Durham, répondit Albert. Pourtant, vous ne sortez que rarement. Pourquoi ?

Le visage de la jeune femme s’assombrit.

 Dimitri le refuse, elle se stoppa quelques secondes avant de continuer, il craint que l'on découvre ses macabres affaires.

Albert fronça les sourcils, intrigué.

 Comment ? Sa figure publique est pourtant irréprochable…

— Sûrement a-t-il peur qu'en me créant des amis, certaines choses viennent à m'échapper dans les conversations, expliqua la femme avant de tourner son regard vers le comte, comme je le fais aujourd’hui.

Elle rigola.

 Enfin, vous et moi ne sommes pas amis, mais vous avez compris où je voulais en venir…

Un sourire triste retroussa ses lèvres. Il n'avait rien à voir avec celui qui avait éclairé son visage lorsque la brune s'émerveillait du parc. Celui-là était morne et grisonnait sa peau opaline. Il faisait parti de ces sourires de façade que les gens malheureux affichaient pour cacher leur souffrance.

 Et vous ? s'exclama soudain la jeune femme en resserrant son étreinte sur le poing de l'homme.

 Moi ? s'étonna Albert.

 Oui, vous. Parlez moi un peu de vous, réitéra Marianne.

Le châtain arqua un sourcil.

 Ce n'est pas moi qui commandite un meurtre, dit-il en lâchant un petit rire.

— S'il vous plaît, Albert, brisons cette atmosphère codifiée rien que pour cet après-midi, et discutons comme deux amis, insista la brune. Cela me paraîtra plus naturel de me confier à vous…

La moue chagrinée, presque enfantine, de la baronne amusa l’homme.

 Entendu... soupira-t-il en rigolant.

     Mais une fois la cage dorée des civilités ouverte, celle-ci ne put se refermer. Le ton familier qui liait habituellement deux amis ne quitta plus les deux jeunes gens, contribuant ainsi à les rapprocher.

Par l'intermédiaire de Mycroft Holmes, Albert avait pu faire décaler la réunion des députés auquel participait Dimitri Bradford plus tard et de manière permanente. Ainsi, ces nouvelles horaires offraient le temps au comte et à la baronne de goûter tranquillement après le club de littérature, et de finir leur après midi par une promenade au bord du lac de Loughton.

 Albert ! s'exclama Marianne en s'asseyant en face de lui.

 Madame, un serveur vint mettre en pause l'euphorie de la jeune femme. Comme d'habitude, je présume ?

La brune sourit en acquiesçant d'un signe de tête.

 Bien, madame, je vous sert tout de suite…

Le majordome s'inclina puis attrapa une théière d'eau chaude et un sachet de thé au pétales de roses.

 Merci, répondit la baronne lorsque le serveur déposa le tout devant-elle.

Albert attendit que ce dernier s'éloigne avant de demander à son interlocutrice ce qui la rendait si joyeuse.

 Marianne, que vous arrive-t-il ?

— Ah, oui ! s'écria-t-elle de plus belle. J'ai réussi à prendre la parole durant le club de littérature !

Le châtain arqua un sourcil mais la laissa continuer.

 J'ai parlé du livre que vous m'aviez conseillé, dit-elle. Moi qui me suis toujours contentée d'écouter en silence, voilà que j'ai pris la parole ! Vous rendez-vous compte ?

Albert eut un rictus amusé.

Désormais, il en était convaincu, ce bout de femme au caractère timide et à la mine beaucoup trop joyeuse quand elle arrivait à faire des choses qui paraissaient normal, était la véritable Marianne Hall.

 Et les femmes autour de vous, vous ont elle fait une quelconque réflexion ?

— Non ! s'exclama une nouvelle fois la baronne, le visage radieux. Elles m'ont écouté puis ont donné leur avis à leur tour. Certaines l'avaient déjà lu, d'autre ont prévu de le faire…

— Vous m'en voyez ravi, alors, répondit le châtain en portant sa tasse à ses lèvres.

 Et vous ? demanda Marianne. Comment s'est passé ce rendez-vous avec les Lords ? Sont-ils toujours aussi imbus d'eux-même ? plaisanta-t-elle.

Albert rigola.

 Je crains que certaines chose ne changent jamais, dit-il dans un soupire de désolation.

C'est au rythme de ces entre-vues bénies par le voile de Freyja que les deux jeunes nobles tissèrent ensemble le file rouge du destin.

Et si leurs mains s'étaient déjà rapprochées lors de leurs promenades, ce fut rapidement au tour de leurs lèvres puis de leurs corps de s'unir dans une danse langoureuse qui laissait symboliquement penser aux pas luxurieux d’Esmeralda.

Mais si Albert s'était bien gardé de dévoiler ces détails aux membres du Prince du crime, il savait que cacher quelque chose à William était impossible.

 Dis moi, grand frère... lui dit-il un soir. Je ne savais pas que la pivoine était ton nouveau parfum.

Le blond affichait un sourire moqueur. C'était la mine déconfite de son aîné qui l'amusait beaucoup.

Albert soupira en souriant.

 Je n'aurai pas gardé ce secret bien longtemps, dit-il dans un petit rire.

William rit à son tour.

 Je comprends mieux pourquoi tu étais si sûr de toi en nous affirmant qu'Esmeralda était avec nous…

— Tu penses que les autres m'ont aussi démasqué ?

— Hm…

William réfléchit.

 Difficile à dire... Louis est ton cochet, Fred s'occupait de sa filature, Bond a gardé son instinct féminin et, contrairement à son qu'on pourrait le penser, Moran peut développer un certain sens de l'observation quand il s'agit de ce genre de choses... expliqua-t-il. Je conclurais donc que oui, mais à part notre ancien colonel, aucun n'osera t'en faire la remarque, continua le blond en rigolant.

À l'évocation de cette hypothèse qui lui semblait n'être que le reflet de la pure vérité, Albert rougit légèrement. Il ne savait pas s'il préférait que ses camarades continuent à se douter dans l'ombre de quelques chose, ou bien que Sébastien face éclater son adultère au grand jour mais avec une possibilité pour le châtain d'en parler de vive voix.

— Dans tous les cas, reprit William, je pense qu'il est grand temps que le Prince du crime rencontre Marianne Bradford-Clark au grand complet, dit-il en se levant de son fauteuil pour aller chercher une cigarette dans le tiroir du buffet.

Son grand frère acquiesça d'un signe de tête. Désormais convaincu de la sincérité de la jeune femme, ils pourraient passer à l’action.

 Tu n'auras qu'à lui dire ce soir, continua William.

Albert le dévisagea.

 Inutile de nier, s'empressa de rajouter le blond avec un sourire moqueur. Fred m'a rapporté que le baron avait vu son emploi du temps brusquement bouleversé ce soir, et qu'il devait se rendre d'urgence à Sunderland. Il ne rentrera pas avant demain…

Ses plans ainsi découvert, le châtain rigola.

 Décidément, je ne peux rien te cacher... déclara-il.

À suivre...

~~~

Hello ♡

Voici la première partie de ce two-shot. Le suite devrait arriver dans la semaine, le temps que ma formidable correctrice andreajustwrite la corrige.

Pour les plus intéressés, j'ai posté dans mon OC book une fiche personnage concernant Marianne. N'hésitez pas y faire un tour 🤗

J'espère que ce premier chapitre vous aura plus,

Je vous dis à bientôt,

Prenez soin de vous 💕

Crunch~

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