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Appartement commun...
09h27...
Soit je suis en plein rêve, soit la sonnerie de mon téléphone ne fait retentir depuis plus de trente minutes maintenant. J'ouvre péniblement les yeux en râlant légèrement, je cherche mon téléphone des mains sans avoir à trop me mouvoir et je finis par le trouver au bout de cinq minutes de recherche.
Je décroche sans même regarder le nom qui s'affiche à l'écran.
- Quoi?
...: pourquoi ta voix est aussi éraillée? Tu dormais encore à cette heure?
Je râle encore plus lorsque je reconnais la voix de ma mère, comme si c'était la première chose que j'avais envie d'entendre au réveil.
- Qu'est-ce que tu veux maman?
Ma mère: j'ai besoin que tu fasses une commission pour moi.
- Comme d'habitude, tu as des femmes de ménage pourquoi est-ce que tu trouves nécessaire de me déplacer moi?
Ma mère: je n'ai pas de femmes de ménage, je n'en ai pas encore recruté et je me retrouve à tout faire toute seule, le ménage, la vaisselle. Tu crois que mes doigts sont faits pour des tâches aussi indignes de moi?
- Et tu veux que je vienne jouer à la femme à tout faire pour toi c'est ça?
Ma mère: je sais pertinemment que tu n'accepteras pas. Je veux juste que tu fasses des courses pour moi, je n'ai pas le temps de le faire j'ai encore quelques corvées à faire ici.
- C'est d'accord, mais ne t'y habitues pas c'est juste que cette fois-ci j'ai envie de te voir à l'œuvre ça doit être drôle.
Ma mère: muchas gracias querida, je t'envoie la liste par messages.
Je raccroche après ça et je me redresse dans mon lit. Un sourire s'esquisse sur mon visage lorsque j'imagine la grande Ambre Cares, réputée pour ses soirées chics et luxueuses, en train de récurer le sol de la cuisine.
Je quitte mon lit et je vais directement prendre un bain. J'ai beau essayer d'oublier ma rencontre avec Evrad hier mais je n'y arrive pas, ça me perturbe.
Je termine de prendre mon bain et je vais m'habiller, je sors ensuite de la chambre et je vais rejoindre les autres dans la cuisine.
- Bonjour...
Je vais prendre une bouteille de jus de goyave dans le frigo et je m'apprête à ressortir aussitôt de la cuisine.
- Au-revoir.
Youssef: eh...cinq secondes! Où est-ce que tu vas comme ça?
Je m'arrête directement et je me tourne pour leur faire face.
- Ma mère veut que je fasse des courses pour elle, monsieur l'agent. D'autres questions?
Il roule des yeux et me fait signe que je peux m'en aller. Je quitte l'appartement sans perdre de temps tout en ramassant la clé de voiture de l'un d'eux.
En effet, la voiture en question se trouvait garée devant l'immeuble, je m'y installe sans toutefois démarrer et je prends le temps de détailler la liste que ma mère m'a envoyée. Et elle n'était pas des moins coûteuses, j'espère juste qu'elle me remboursera l'intégralité de l'argent que j'irais dépenser là-bas et ajouté à ça, les frais de déplacement.
Je mets mon jus dans le porte-gobelet et mon téléphone dans la poche de mon pull. Je démarre et je roule au moins pendant quinze minutes, destination le supermarché le plus proche.
Je n'ai aucune envie de mettre long ici, alors je vais faire tout pour me dépêcher et m'en aller. Ainsi, j'arpentais les rayons à la recherche des articles présents sur la liste.
J'étais très concentrée dans ce que je faisais, lorsque je sens une pression sur mon épaule gauche. Je me retourne violemment, sourcils froncés pour faire face au propriétaire de cette main ou plutôt...à la propriétaire de cette main.
Une blonde, plutôt bien parée et assez élancée. Je fais un pas en arrière tout en l'interrogeant du regard.
Elle: excusez-moi si je vous ai fait peur, mais j'ai besoin de votre aide s'il-vous-plaît.
Je regarde à gauche puis à droite et je repose enfin mon regard sur elle.
- J'ai l'air d'une employée?
Elle: non, mais vous êtes une cliente comme moi et j'avais besoin de votre avis sur le choix d'un cadeau.
Elle avait un léger accent que j'ai pu identifier comme l'accent polonais.
- Et moi je n'ai pas envie de vous apporter mon aide, bonne journée.
Je la dépasse dans l'optique de continuer paisiblement mes courses, sauf que j'entends ses talons aiguille derrière moi. Je me tourne vers elle et me rend compte qu'elle suivait mes pas.
Du sang sur le sol du supermarché, c'est chic comme titre de film ça!
- Si je vous apporte mon aide, vous me foutrez enfin la paix?
Elle: ça dépend.
J'ai voulu lui demander de quoi est-ce que ça dépendait mais j'ai préféré en finir une bonne fois pour toute pour qu'elle me foute la paix.
Elle: alors entre ce chocolat et celui-ci, lequel pensez-vous être le plus susceptible à plaire à mon mari?
Je pose mon regard sur elle en arquant un sourcil. C'est son mari ou le mien? Je pointe n'importe quel chocolat du doigt et je me retourne pour me diriger vers la caisse. Tant pis pour le reste des courses, je n'ai plus envie de rester ici.
Néanmoins, j'entends toujours ses talons aiguille claquer contre le carreau. Elle est toujours derrière moi.
Elle: merci beaucoup. Je suis sûre que ce chocolat lui plaira énormément, d'ailleurs je ne sais pas pourquoi mais vous avez sensiblement les mêmes traits de visage que lui.
Ce n'est plus à prouver.
Je crois qu'elle est réellement folle cette femme. Une fois en caisse je paie rapidement mes achats, les fait emballer et me dirige vers la porte de sortie.
J'avais beau hâter le pas, mais je sentais toujours ses pas derrière moi, si jamais elle me suit jusqu'à ma voiture, je ferais tout pour l'enfermer dans la malle de ma voiture et l'emmener avec moi. Puisqu'elle veut me suivre, je vais l'aider à le faire.
Elle: vous voulez rencontrer mon mari? Je suis sûre qu'il sera ravi de faire votre connaissance.
Je continue d'ignorer ses paroles et je me dirige vers l'emplacement de ma voiture.
Elle: pas la peine finalement, il se dirige vers nous. Regardez!
Par pur réflexe je tourne la tête vers la direction qu'elle m'incitait à regarder et sans même que je n'ai besoin de l'ordonner à mes jambes, j'ai stoppé ma marche toute seule.
Je vois.
En fait, je viens de me faire berner d'une façon tellement stupide. Je tiens toujours mes sacs de course aussi fermement, je pourrais bien me mettre à courir comme la dernière fois que je l'ai vu mais...
Je ne le ferais pas.
Pendant deux ans, j'ai fui. Tué des gens parce que je pensais que ma tête était mise à prix, alors que non. Tout ça, ce n'était qu'un jeu pour lui. Un jeu où nous étions les pions et lui le seul et unique joueur.
Je me tourne pour lui faire complètement face et je ne manque pas de le regarder dans les yeux. Il ne mérite même pas que je baisse les yeux pour lui.
Leonardo: tu en as mis du temps dis donc Mirha!
Mirha: elle est plus difficile que ce que tu m'avais décris.
- Estime-toi heureuse qu'on soit sortie de cet endroit toutes les deux, j'aurais bien pu te tuer et cacher ton corps dans les toilettes.
Mirha: et qu'est-ce qui t'en as empêché?
- Tu veux qu'on essaye?
Leonardo: doucement les filles, on est dans un lieu public voyons! Mirha va dans la voiture, j'aimerais m'entretenir seul à seul avec Zafiro.
J'ai eu un léger frisson lorsque je l'ai entendu prononcer mon prénom. Ça faisait drôlement longtemps. Mirha nous laisse tous les deux et je ne détourne pas le regard du visage de Leonardo.
Leonardo: tu es toujours aussi adorable à ce que je vois.
- Qu'est-ce que tu veux? Écoute, si tu veux me tuer, me torturer ou je ne sais pas quoi, tu peux y aller, je suis en face de toi maintenant, ne te gêne surtout pas.
Leonardo: où est-ce que tu vas chercher des idées aussi absurdes voyons? Tu es ma soeur, contrairement à toi je sais ce que le mot "famille" engage.
- Si tu savais vraiment ce que ce mot signifiait, jamais tu n'aurais mis tout le Mexique à mes trousses, pourtant tu savais qu'il y avait des chances que je meurs.
Leonardo: ne dis pas des bêtises pareilles, tu es bel et bien là devant moi, vivante ça veut dire qu'ils ont tous échoué. En les mettant à tes trousses j'ai donné des instructions fermes « ramenez-moi Zafiro vivante et sans aucune égratignures » s'ils ont tenté de faillir à mes ordres, c'est qu'ils ont cherché la mort qui s'en est suivie c'est très simple.
Si jusqu'ici j'en doutais, maintenant j'en suis très sûre. Son niveau de puissance a atteint des sommets inimaginables, rares sont les fois où ses plans échouent, où ses prédictions ne se réalisent pas, où ses paroles ne deviennent pas des actes.
Je fais quelques pas en arrière sans le quitter des yeux, avant de me retourner et m'en aller sans rien dire de plus.
Leonardo: tu te trompes d'ennemi Zafiro, à mon avis tu devrais poser les bonnes questions à notre mère.
Je fais mine de n'avoir rien entendu et je continue mon chemin.
[•••]
Maison des Cares...
13h19...
Ma mère: ah enfin te voilà mi amor, passe-moi ces sacs, j'espère que tu as pris les marques de produits que je t'ai indiqués! J'ai bien pris le soin de les préciser sur ma liste.
Je ne réponds pas et je scrute la maison du regard. Directement, les flashs du soir où je suis revenue promptement au Mexique me reviennent à l'esprit. Ce même soir où j'ai regardé ma mère avec haine sans jamais pouvoir lui demander des comptes.
Ma mère: tu viens? J'espère que tu restes pour le dîné parce que je vais te faire une de mes spécialités : des enchiladas. Tu vas voir, tu vas adorer.
Je la suis dans la cuisine tout en continuant la contemplation de la maison. Des portraits de moi quand j'étais plus jeune.
Rien n'a changé ici, même la décoration est restée la même.
Je vais me tenir à l'encadrement de la porte de la cuisine, tandis que ma mère se trouve derrière la paillasse en train de défaire les sacs.
Ma mère: viens t'installer querida, tu me regarderas faire tout en me racontant des anecdotes, si tu n'en as pas, moi j'en ai plein on ne va pas s'ennuyer!
- Depuis quand?
Elle arrête de faire ce qu'elle faisait et pose son regard interrogateur sur moi.
Ma mère: de quoi tu parles?
- Depuis quand est-ce que tu cuisines pour moi? Depuis quand est-ce qu'on passe du temps ensemble toi et moi? Depuis quand est-ce que tu prends la peine de me raconter des anecdotes?
Elle ne dit rien et se contente de me fixer, je fais quelques pas en avant jusqu'à me retrouver en face d'elle, de l'autre côté de la paillasse.
- Tu n'as jamais rien fait de tout ça pour moi maman, tu ne m'as jamais traitée comme une mère normale est censée traiter sa fille. Tu ne m'as jamais témoigné de l'amour maman. Dis, pourquoi est-ce que tu ne nous aimes pas?
Ma mère: Jamila...je t'interdis de penser une chose pareille. Bien-sûr que je vous aime, vous êtes mes enfants, ma chair. Il fut un moment où vous faisiez partie de moi, comment ne pas vous aimer?
- Je ne sais pas à toi de me le dire. Maman, tout ce qui t'intéresse c'est toi, ta petite personne, ton paraître, la vision que les gens ont de toi. Je dirais même que tu as honte de nous.
Ma mère: bien-sûr que non!
- Alors pourquoi tu te comportes comme ça? Tu ne dis pas que si tu avais su te comporter comme une vraie mère, les choses auraient été différentes? Si tu avais su assumer tes responsabilités on en serait pas là.
Ma mère: de quoi tu parles?
- Si tu n'avais pas abandonné Leonardo, sa vie aurait été différente. Si tu lui avais apporté l'amour d'une mère, il n'aurait pas eu autant de haine envers toi et tout le monde entier. Maman, il avait juste besoin d'amour, nous avions tous les trois besoin d'amour et tu as été incapable de nous le donner.
Elle ne dit rien et je ne pouvais qu'apercevoir ses larmes se glisser en silence sur ses joues rougis par la peine.
De toute ma vie, c'est la première fois que je vois ma mère pleurer. Elle a toujours été quelqu'un de souriante quoiqu'il arrive, et là, je sens que j'ai réussi à la toucher, à ouvrir des plaies du passé, et ce n'est pas pour me déplaire.
J'ai besoin de connaitre sa version des faits.
Je fais le tour de la paillasse et je vais la rejoindre. Je l'incite à s'installer dans une chaise haute et je fais de même. Je sors un mouchoir de ma poche et je le lui donne. Elle sèche doucement ses larmes, bien que celles-ci ne cessaient pas de couler.
Ma mère: je reconnais...que je n'ai pas été une bonne mère et tu ne sais pas à quel point je m'en mords les doigts chaque nuit quand je repense à ce que vous êtes tous devenu. Quelle mère souhaiterait que ses trois enfants soient des gangsters haut placé? Que sa fille tue l'un de ses fils?
- Leonardo n'est pas mort.
Elle s'apprêtait à sécher l'une de ses larmes, mais elle se stoppe dans son élan. Elle pose son regard sur moi et comme si les larmes qu'elle avait déjà versées n'étaient pas suffisantes, il a fallu que toute une rivière dévale de ses yeux.
Ma mère: vraiment? Léo...mon bébé n'est pas mort?
- Non maman, mais je doute qu'il sera tout aussi heureux que toi lorsqu'il te reverra. Le temps n'a pas atténué la haine qu'il te porte et je doute qu'il y ait une solution à ça, à part s'il te tué. Peut-être c'est de cette façon qu'il aura la conscience tranquille.
Ma mère: j'ai tellement honte de ce que j'ai fais...le laisser entre les mains de son incapable de père, je n'aurais pas dû mais à ce moment je n'avais pas le choix. Si je l'emmenais avec moi, on allait mourir tous les deux de misère.
- Je veux tout savoir, dans quelles circonstances tu l'as eu, pourquoi est-ce que tu as quitté son père? Pourquoi est-ce que tu as décidé de l'abandonner?
Elle sèche ses joues et renifle doucement avant de se mettre à triturer ses doigts.
Ma mère: ma fille, s'il y a bien une mission que je m'étais donnée et à laquelle je n'ai pas failli, c'est celle de te donner une vie digne de toi, à l'abri du besoin. Parce que je n'aurais jamais supporté de te voir crever dans la misère comme ça a été le cas pour moi, j'ai goûté aux fruits amers de la misère et laisse-moi te dire qu'en plus d'être amers, ils sont toxiques. Alors j'ai dû faire des choix pour me sortir de là et je ne sais pas s'ils ont été les meilleurs que j'ai eu à prendre de ma vie...
A suivre...
Cartel.
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