[58]
Hôpital...
22h48...
Youssef: allez, hada lève-toi de là, ce n'est pas bon si les passants te voient installée à même le sol là tâchée de sang, s'il-te-plaît.
Livio: allez Jamila on retourne à l'intérieur tu vas attraper froid.
Qu'est-ce qu'ils n'ont pas compris dans « laissez-moi seule »? Je fais la sourde oreille et je continue de fixer les voitures passer. J'étais là sans vraiment être là, j'entendais chacun des bruits qui résonnaient autour de moi, mais j'étais loin. Ce sont deux mains se posant sur mes épaules qui me ramènent brusquement à la réalité.
Celles de Livio et de Youssef. J'avais envie de leur crier de me lâcher et de me débattre mais les mots semblaient s'être coincés dans ma gorge. Je me laisse donc faire et ils réussissent aisément à le faire me lever et ils m'amènent avec eux à l'intérieur de l'hôpital.
J'ai peur de l'avouer mais je n'ai aucune envie d'y retourner. J'ai peur qu'on ne m'annonce une nouvelle, qui, je le sais, ne me ravira pas. On emprunte l'ascenseur et le trajet se fait en silence.
Là, j'avais l'occasion d'observer mon reflet dans l'un des murs de celui-ci et ma propre image m'a fait inconsciemment sourire. Ma robe blanche complètement immaculée de sang, du sang de Evrad. Et mon visage inexpressif, enfin si...il exprimait quelque chose.
Une émotion que je ne lui connaissais pas jusqu'ici. Alors est-ce que c'est ça qu'on appelle de la tristesse? Jusqu'ici, elle ne s'était jamais manifestée aussi fortement chez moi, raison pour laquelle me voir dans cet état me laisse un temps soit peu perplexe.
Les portes de l'ascenseur finissent pas s'ouvrir et les garçons se sont tournés vers moi simultanément pour me faire comprendre qu'il fallait que je passe devant eux. Je m'exécute non sans trainer le pas. Je ne me rappelle même plus où j'ai bien pu laisser mes chaussures, je ne me souviens même pas du moment où je les ai retirées.
On arrive dans ce couloir, le couloir où la tristesse régnait en maîtresse. Tía Léana installée d'un côté se lamentant entre les bras de Edan. Wassim, Alessio et Isaac sirotant leurs boissons chaudes en discutant de je-ne-sais-quoi. Daliyah et Lila d'un autre côté qui se consolaient toutes les deux.
Et puis moi, moi qui suis tenue là entre Livio et Youssef, attendant que quelqu'un m'éclaircisse sur son état actuel.
Layla: vous l'avez enfin retrouvée, Jamila tu vas bien?
Je ne réponds rien et me contente de la fixer. Quand elle me regarde, elle a l'impression que tout va bien?
Layla: malheureusement, les choses ne se sont pas améliorées...je...suis vraiment navrée Jamila...
Elle a à peine le temps de terminer sa phrase que je sens directement deux gros bras m'encercler. Ceux de Youssef. Je ne crois pas encore avoir compris le sens de ce qu'elle vient de me dire. Du coup, je me détache de l'emprise de Youssef et je pose mon regard sur elle.
- Qu'est-ce que tu entends par les choses ne se sont pas améliorées? Il est dans le coma? Il est...mort?
Elle hésite quelques secondes avant de hocher la tête positivement.
Layla: oui...
Là, je réalise enfin ce qui est en train de se passer...si tout à l'heure j'entendais tout ce qui se passait autour de moi, maintenant ce n'est plus le cas. J'ai l'impression que tout autour de moi défile au ralenti, même toutes les paroles qui me sont adressées résonnent au ralenti dans ma tête.
Je suis tenue debout là sans trop savoir comment réagir. Est-ce que je dois de nouveau m'éloigner d'eux et m'en aller d'ici afin de me rendre à un endroit où je pourrais digérer la nouvelle toute seule? Ou est-ce que je dois forcer la porte des soins intensifs et aller vérifier par moi-même la véracité des faits?
Ou alors...
Peut-être que je dois faire appel à mes sentiments dans ce cas et...
Pleurer.
Je reste ainsi à réfléchir pendant cinq bonnes minutes, me répétant intérieurement toutes ces possibilités qui s'offrent à moi présentement. Et finalement mon choix est vite fait.
Je préfère vivre dans le déni.
- Tu mens. Ils sont où les médecins qui étaient chargés de s'occuper de lui, je veux avoir accès à cette chambre et je veux vérifier par moi-même.
J'esquive habilement les mains de Livio et je dépasse Layla afin de me diriger d'un pas déterminé vers la porte battante du bloc opératoire. C'est impossible qu'il soit mort. Ils veulent juste me mettre à l'épreuve. Tout ça, c'est un prank. Il y a des caméras cachées quelque part.
J'ai à peine la main posée sur la porte qu'on m'attrape fermement que je sens mes pieds décoller du sol. J'ai beau me débattre et crier qu'on me lâche mais en ce moment je n'ai pas la force nécessaire pour réussir à me sortir de là.
Mes faits et gestes restent incontrôlés et je ne pense même plus être consciente de ce que j'hurle ou de ce que je fais. Tout ce que je sais, c'est que encore une fois, une personne est morte en essayant de me sauver la vie. Et cette fois-ci pas n'importe laquelle, cette fois-ci, il s'agit d'une personne à qui je semblais déjà m'être attachée.
[•••]
Une semaine plus tard...
Villa des Cares...
09h18...
Soline: mademoiselle Cares, votre mère souhaite vous voir au petit déjeuner ce matin. Elle s'inquiète beaucoup pour vous, vous savez?
Elle parlait de l'autre côté de la porte de ma chambre mais j'étais loin de prêter une oreille attentive à ce qu'elle me disait. De toute façon, ce sont des bobards. Tout message qui vient de ma mère est une idiotie.
Elle s'inquiète pour moi. Et puis quoi encore? Elle a juste peur qu'on apprenne que sa fille est mal en point et qu'elle refuse de sortir de sa chambre depuis une semaine maintenant.
Soline: mademoiselle Cares?
Je ne réponds toujours pas et je continue d'admirer mon reflet sur la lame de mon couteau de poche. J'ai une mine horrible.
Je l'entends soupirer de l'autre côté de la porte et bientôt j'entends ses talons aiguille claquer contre le marbre. C'est comme ça depuis une semaine maintenant, elle me supplie de venir manger mais elle finit toujours par se résigner.
J'évite tout le monde en ce moment et je préfère avaler un petit quelque chose une fois la nuit tombée et lorsque je suis sûre qu'il n'y a plus aucune âme qui vive dans la villa.
Je ne sais même pas comment ils ont fait pour me convaincre de revenir vivre ici. Soi-disant pour garder un oeil sur moi. De toute façon qu'est-ce que je peux bien faire? Bien qu'il est vrai qu'il n'y a plus personne pour garder constamment un oeil sur moi maintenant.
Rien qu'à cette pensée, et prise d'une soudaine montée de haine, je plante mon couteau dans ma table et je quitte directement le siège dans lequel j'étais installée.
Je me mets à faire les cent pas dans ma chambre, réfléchissant à un moyen de soulager cette douleur qui subsiste au fond de moi. Je n'aime pas ressentir ça, mais je ne trouve aucun moyen de m'en débarrasser et ça m'énerve.
Peut-être faire du sport m'aidera à oublier! Je me dirige d'un pas déterminé vers mon dressing afin de me changer sauf que la sonnerie de mon téléphone me stoppe dans mon élan.
Je râle d'agacement et je vais le ramasser sur la table de mon bureau. Le nom qui s'affiche à l'écran me fait rouler des yeux. Je ne compte pas du tout décrocher. Je n'ai pas envie qu'il essaie de me convaincre avec des arguments qui ne me serviront à rien.
Je vais me changer et je reviens dans ma chambre, une serviette accrochée à mon épaule. Je compte bien laisser mon téléphone ici pour ne pas être perturbée par qui que ce soit. Je me dirige vers la porte, mais j'ai à peine le temps d'y arriver qu'elle s'ouvre laissant apparaître à son seuil Livio.
Comment il a fait pour l'ouvrir alors qu'elle était fermée à clés?
De toute façon, j'ai quand même affaire à un professionnel des intrusions par effraction. Derrière lui se tenait Tiago, les mains fourrées dans ses poches.
Tout à l'heure il m'a sûrement appelé pour me prévenir qu'ils vont forcer la serrure de ma porte. Si ça ce n'est pas mignon!
Je me précipite pour faire quelques pas en arrière afin de m'enfermer dans mon dressing...tout compte fait, si je m'y enferme, ils parviendront toujours à forcer la serrure alors je m'immobilise sur place et j'attends qu'ils viennent m'attraper pour m'emmener je-ne-sais-où avec eux.
Livio: je trouve que cette plaisanterie a assez durée. Je n'ai pas fait le déplacement jusqu'ici pour te voir te morfondre sur ton sort.
Tiago: suis-nous sans faire d'histoires et ne nous oblige pas à employer la manière forte.
Je roule des yeux trouvant ses menaces plus que ridicules et je me dirige vers la sortie. Je les dépasse et je descends dans la salle de séjour. À ma grande surprise, tout le monde s'y trouvait.
Ils ont organisé une réunion pour discuter de mon cas c'est ça? Quand je parle de tout le monde, je parle bien de toute l'équipe de Evrad, sauf Edan et Layla.
Je vais m'installer dans le premier siège vide qui apparaît sous mes yeux et je croise les bras, signe que je ne suis pas très ouverte à la conversation.
Youssef: c'est plus grave que ce que je croyais. Tu as au moins vu ta tête dans un miroir?
Je le fusille du regard mais je ne réponds rien.
Tiago: je ne connaissais pas tant ce Evrad mais il me semble que tout le monde ici tenait à lui d'une manière ou d'une autre. Mais maintenant la vie doit suivre son cours, les activités doivent reprendre...
- Et comme ça un de ces soirs on se fera agresser et comme d'habitude il y aura une balle qui me sera destinée mais quelqu'un va s'interposer. Qui sera le prochain cette fois? Isaac? Alessio? Wassim? Livio? Youssef?
Isaac: on fera en sorte qu'un truc pareil ne se produise plus tu verras.
- Comment tu peux le savoir? J'ai le don de m'attirer des ennemis à toute heure et à tout moment, qui sait? Peut-être actuellement on est dans le viseur d'un narcotrafiquant à qui j'avais volé de la came qui sait?
Livio: depuis quand tu as des pensées aussi pessimistes Jamila? Léo n'aurait pas aimer t'entendre parler de la sorte.
- Pourquoi est-ce que vous aimez ramener le nom de Léo à chaque fois que la situation se veut sérieuse? Il n'est plus là, maintenant on est obligé de régler nos problèmes pars nous-mêmes.
Youssef: je crois qu'un bon séjour au Mexique te fera le plus grand des biens. Tu commences à délirer ma jolie.
- Oui je crois que tu as raison, j'en ai marre de vivre cachée et de vivre en cavale, je crois qu'il est temps pour moi de me rendre au cartel une bonne fois pour toute et que tout ça cesse.
Tiago: mais tu es malade! Tu ne peux pas faire ça Jamila, après tous tes efforts pour tous nous protéger, tu ne peux pas te rendre aussi facilement.
- Je ne veux plus que quelqu'un meure en voulant sauver ma vie est-ce que tu le comprends ça?
Alessio: on pourra...
- Rien de tout ce que tu diras ne pourra me convaincre.
Livio: puisque c'est ce que tu désires, on va se plier à tes exigences et on viendra tous avec toi au Mexique.
Youssef: y compris tes parents.
Tiago: pardon? Je crois que maintenant c'est vous qui délirez.
Il est vrai que moi aussi j'étais quelque peu surprise par le fait qu'ils acceptent aussi facilement. En temps normal, ils auraient remué ciel et terre pour me convaincre de rester ici. Et moi non plus, une idée aussi stupide n'aurait jamais germée dans mon esprit après tous les efforts que j'ai fournies durant ces deux années de cavale.
Mais bon, je l'ai dit et je suis bien déterminée à le faire. Je compte bien retourner au Mexique et affronter mes démons du passé, je crois qu'il est temps.
A suivre...
Cartel.
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